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Quels sont les avantages des fichiers positifs ? Grâce aux fichiers positifs, les établissements prêteurs dis-posent des informations perti-nentes pour une évaluation correcte du risque associé à Jean-Marie Bouroche

Directeur du Comité scientifique CRIF (Centrale Rischi Finanziari)

une demande de crédit. En effet, seule la connaissance du niveau d’endettement et des comportements de rembourse-ment permet de déterminer préventivement le risque d’un endettement excessif et donc le risque de non-remboursement.

On comprend facilement que l’absence de ces infor-mations réduit la capacité des établissements prêteurs à se comporter de manière com-plètement objective pour accorder ou refuser à leurs clients un financement ou

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pour déterminer les conditions les plus équitables.

La principale fonction d’un fichier positif est donc de fournir des informations complètes, pertinentes et objectives sur le demandeur, de telle sorte que la décision ne soit pas influencée pas des éléments subjectifs ou partiels, ce qui pourrait placer ultérieurement l’emprunteur et le prêteur dans une situation délicate.

Ces informations objectives, pertinentes et complètes concer-nent aussi bien les caractéris-tiques de tous les financements accordés à l’emprunteur que les informations (positives ou négatives) sur les rembourse-ments.

Fondamentalement, ce sys-tème est plus équilibré qu’un fichier négatif, car il consent :

– à un emprunteur ponctuel de démontrer objectivement sa qualité et sa capacité de rem-boursement : le fichier positif est une preuve de sa qualité et facilite son accès au crédit (dans la mesure où un financement supplémentaire ne le mettrait pas dans une position de suren-dettement potentiel) ;

– à un emprunteur qui a connu des “accidents de parcours”

de prouver qu’il a su modifier et assainir ses comportements ; – à un emprunteur qui pourrait être considéré à risque de manière injuste (suite à un accident de la vie, par exemple) qu’il n’est pas déjà surendetté et qu’il peut recevoir le finan-cement dont il a besoin pour repartir.

L’information pertinente et complète permet objectivement de distinguer entre les emprun-teurs à risque et les autres et donc permet un dévelop-pement sain et équitable du marché des financements aux particuliers. Cela permet aux établissements d’appliquer à juste raison des politiques res-trictives lorsqu’un emprunteur à risque est identifié, mais aussi de faciliter et d’accélérer l’accès au crédit de tous les autres.

En quoi sont-ils un outil de responsabilisation des prêteurs et des emprunteurs ?

Dans certains pays, les fichiers positifs sont appelés

“Référentiels Crédit”,car les infor-mations qu’ils contiennent constituent vraiment une réfé-rence objective pour l’emprun-teur et pour le prêl’emprun-teur. En l’absence d’une telle référence, les établissements pourraient adopter un comportement de prudence, voire de suspicion, vis-à-vis de demandeurs non connus, ce qui se traduirait par un refus contestable ou par l’utilisation de taux de finan-cement surdimensionnés par rapport au risque réel.

De plus, les familles les plus fragiles, qui ne peuvent présenter les garanties person-nelles ou financières, seraient certainement les plus défavori-sées. Inversement, les établis-sements exceptionnellement trop “laxistes” ne pourraient plus se prévaloir de leur igno-rance de la situation réelle de l’emprunteur.

Nous pouvons affirmer qu’un tel système de référence est incitatif à la création d’un rapport plus transparent et équilibré entre emprunteur et prêteur ; au moment de la demande, il est dissuasif par rapport aux déclarations erro-nées ou aux omissions volon-taires d’informations qui peuvent être objectivement contrôlées dans le référentiel ; par la suite, il incite l’emprunteur à se com-porter sérieusement, de façon à ne pas dégrader sa propre référence.

De plus, cela incite les établissements à assumer leurs propres décisions de manière plus consciente et objective, dans la mesure où la détermi-nation du risque est fondée sur des éléments pertinents et sûrs.

La facilité d’accès à de telles informations accroît également l’efficacité du processus de prise de décision, permet de l’accélérer et finalement amé-liore la qualité du service rendu aux emprunteurs.

Comment pallier les limites des dispositifs actuels de contrôle de l’endettement

excessif et notamment du “scoring” ? Actuellement, à proprement parler, il n’existe pas en France d’instrument de contrôle de l’endettement excessif des familles. Deux approches sont utilisées : la première est fon-dée sur le fichier négatif et la seconde sur les techniques de scoring.

Nous avons déjà vu que les fichiers négatifs ne donnent qu’une information partielle et non préventive sur l’endette-ment : ils ne répertorient que les incidents de paiement, qui surviennent lorsqu’il est déjà trop tard ; de plus, ils péna-lisent éventuellement les em-prunteurs ayant eu un accident de parcours mais ayant assaini leur comportement de rembour-sement : les prêteurs risquent donc d’être trop prudents, voire suspicieux de manière contestable.

Les fichiers positifs (qui sont aussi négatifs), comme nous l’avons vu, remédient à cet inconvénient : ils donnent une vision complète de l’en-dettement et ont ainsi un rôle préventif.

Le scoring est un modèle statistique prenant en compte tous les paramètres socio-démographiques de l’emprun-teur pour établir une note – un score – reflétant sa probabilité d’être un bon ou un mauvais payeur. Ces modèles supposent bien entendu que les informa-tions données par l’emprunteur (autres prêts en cours de rem-boursement, charges locatives, revenu, stabilité dans l’emploi, etc.) soient déclarées de façon sincère et sans omission, ce qui n’est pas toujours le cas lorsque le besoin en finance-ment est urgent (et donc le risque potentiel plus élevé).

Lorsqu’un fichier positif existe, les scoring viennent seulement en complément, pour aider le décideur à

consi-dérer des paramètres qui ne figurent pas dans le fichier positif, tels que le revenu de la famille et le taux d’endette-ment. Le revenu est aisément contrôlable grâce aux justifica-tifs fournis, par contre toutes les données sur l’endettement sont déjà référencées dans le fichier positif.

Il a été prouvé de façon scientifique que l’utilisation des données des fichiers posi-tifs améliore beaucoup la qua-lité de la prédiction du risque par rapport aux approches

basées sur de simples informa-tions socio-démographiques synthétisées par un “scoring”.

Quelles sont les limites du fichier positif lors

“d’accidents de la vie”

générant une situation de surendettement ? En ce qui concerne les

“accidents de la vie”, seules de bonnes assurances crédit peu-vent apporter une prépeu-vention satisfaisante. Est-ce une raison suffisante pour négliger la

pré-vention dans tous les autres cas ? En l’absence d’un système réellement préventif, il est facile de comprendre que, avec ou sans accident de la vie, il est pénalisant pour toutes les familles et pour le système bancaire de laisser s’instaurer un risque de surendettement, et ceci par laxisme du législa-teur ou pour économiser les coûts liés à la création et à l’uti-lisation d’un référentiel crédit.

De plus, un référentiel peut apporter aux emprunteurs deux sortes d’avantages.

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G. LARBI/DIATONIK

– en cas d’accident, les informations du référentiel constituent un support objectif et pertinent pour renégocier les prêts en cours ainsi que les conditions de remboursement ; – lorsqu’une famille a res-tauré sa situation financière et peut le prouver grâce au réfé-rentiel, l’existence et la mise à disposition d’informations objec-tives lui permettront plus facile-ment de négocier de nouveaux prêts.

Comment concilier fichier positif et respect de la protection de la vie privée ? Un référentiel crédit n’est pas un fichier de personnes suren-dettées : il s’agit d’une vision réductrice ne correspondant pas aux pratiques des pays les plus avancés. La grande majo-rité des personnes recensées dans un référentiel crédit (plus de 90 % selon l’expérience euro-péenne) ne présentent aucun incident.

Elles ne sont donc pas sur-endettées et, grâce au référen-tiel crédit, elles peuvent obtenir des financements plus rapide-ment et dans des conditions meilleures. Les informations de ces référentiels sont pertinentes pour juger du risque de suren-dettement présenté par un emprunteur. Elles sont com-plètes, objectives, accessibles et rectifiables si nécessaire.

Gérées par un système ins-titutionnel (par exemple le milieu professionnel comme en Italie), elles sont sécurisées, ont une finalité précise et ne sont consultables que pour l’évaluation du risque crédit d’un demandeur de finance-ment ou d’un emprunteur déjà acquis. Des règles de fonction-nement précises et respectées par tous les acteurs concernés définissent ces traitements au niveau du système financier, comme c’est le cas aujourd’hui pour le FICP en France.

La possibilité d’identifier et de contrôler l’identité des agents qui accèdent à

l’infor-mation et la mise en place de mesures de sécurité efficaces garantissent la protection de la vie privée des personnes qui, en plus, savent que les don-nées les concernant ne pour-ront être consultées que dans leur propre intérêt.

Il y aurait par contre un risque de régression, et en cela nous partageons la vision de la CNIL, si comme dans certains pays anglo-saxons, ces infor-mations étaient gérées dans un contexte commercial, avec des finalités marketing ne proté-geant ni les emprunteurs ni les prêteurs, et avec des possibi-lités d’utilisation intempestive, non conformes aux finalités d’évaluation du risque. Une telle utilisation marketing favoriserait de plus une concurrence sau-vage entre les établissements.

En ce qui concerne la Carte Vitale, nous ne pouvons nous prononcer car nous n’utilisons pas une telle approche (ni aucun autre pays, à notre connais-sance), mais il est sûr que les technologies peuvent évoluer.

Quel intérêt pour la France de mettre en place un tel fichier, alors même que son

efficacité pour limiter les situations de surendettement

reste encore à prouver dans les pays qui l’utilisent déjà ?

L’efficacité d’un référentiel crédit est facile à concevoir, comme nous l’avons déjà dit.

Pour affirmer que l’effica-cité est faible, sur quoi peut-on se fonder ? Il est en effet im-possible de mesurer un phéno-mène mal défini et sur lequel on ne dispose pas de données normalisées, complètes et objectives, et ceci encore plus si on se place au niveau euro-péen, avec des informations inexistantes dans certains cas ou des définitions différentes d’un pays à l’autre.

Par contre, un système de prévention ne peut qu’aider à contenir le surendettement. À titre d’exemple, nous pouvons

donner deux indications statis-tiques dans le contexte du sys-tème italien :

– 93,6 % des personnes recensées dans notre référen-tiel pourraient aisément être acceptées si elles faisaient une nouvelle demande de finance-ment, car elles ne présentent aucun risque ni aucun incident grave.

– Lorsqu’on compare deux groupes de financements du même type, pour le premier groupe le fichier positif a été consulté, tandis qu’il ne l’a pas été pour le second, le taux d’incidents graves est divisé par un facteur de deux ou trois selon les types de prêts.

Le coût de la mise en place d’un tel système n’est-il pas disproportionné par rapport

aux résultats escomptés ? Comme nous l’avons déjà dit, il est pénalisant pour tous les acteurs, et pour l’économie en général, de laisser s’ins-taurer un risque de surendet-tement des familles, et ceci par laxisme du législateur ou pour économiser un coût limité lié à la création et à l’utilisation d’un référentiel crédit. A-t-on mesuré le coût social du surendet-tement et son impact destruc-teur sur les familles et sur l’économie ? Est-il comparable ou inférieur au coût de mise en place d’un référentiel crédit ?

Selon nous, le problème ne se pose pas en termes de coût d’investissement, mais plutôt en termes sociaux et d’impact négatif d’un trop grand laisser-faire. On ne juge pas les coûts de la recherche médicale, par exemple, en se demandant si cela vaut la peine de sauver quelques malades atteints d’une maladie rare (4 % dans le cas du surendettement, si l’on reprend le libellé de la question).

De façon plus générale, pourquoi de nombreux pays, incités par la Banque mon-diale, se dotent-ils d’un réfé-rentiel crédit ? Pourquoi, dans

ces pays, le marché du crédit n’est-il pas plus réduit et les taux plus élevés, alors que les établissements financiers doi-vent supporter les coûts d’un référentiel ? Qui paie ces coûts supplémentaires ?

La réponse est claire : les bénéfices obtenus par un tel système compensent plus que largement les coûts engen-drés ; cela permet aux établis-sements de mieux attribuer les financements et en prenant une marge de sécurité plus faible et, par ailleurs, cela per-met aux emprunteurs d’obtenir plus facilement un finance-ment dans de meilleures conditions.

En d’autres termes, grâce au référentiel crédit, il est plus facile d’obtenir un financement pour ceux qui peuvent objecti-vement se le permettre sans prendre de risque de

surendet-tement, ce qui induit un béné-fice économique et social certain.

Le fichier positif ne risque-t-il pas de favoriser les pratiques

de concurrence déloyale (rachat de dettes par des établissements de crédit tiers) et de conduire à l’exclusion de populations moins favorisées ? En réalité, il serait souhai-table de favoriser les pratiques concurrentielles entre les éta-blissements.

Il est exact que l’échange d’informations entre les diffé-rents opérateurs du marché favorise la concurrence, puis-qu’elle atténue les avantages compétitifs de ceux qui ont le plus d’informations sur la clientèle. Inversement, lorsque tous les opérateurs disposent du même niveau de

connais-sance des emprunteurs, la compétition entre eux aug-mente et se reporte sur des éléments tels que la qualité du service, le taux d’intérêt, la transparence des contrats, etc.

et ceci au plus grand bénéfice des consommateurs.

Dans des pays tels que l’Italie, où les finalités d’utilisa-tion du référentiel crédit sont bien définies, acceptées et contractuelles, il est impossible matériellement d’utiliser le référentiel pour pratiquer une concurrence déloyale. La consul-tation de la base est limitée à l’évaluation d’une demande de financement qui doit être effective. Il est impossible d’extraire des listes de person-nes à prospecter pour effectuer des propositions de rachat.

Les familles les plus défa-vorisées auraient grand avan-tage à une concurrence plus

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effective et à une transparence du système, ce qui leur per-mettrait de prouver leur qualité réelle de remboursement, lorsque c’est le cas, à l’aide du référentiel. Inversement, les fichiers négatifs et les scoring mettent toujours en évidence les mêmes personnes et ne leur permettent pas de prouver objectivement leur qualité.

L’un des reproches fréquemment invoqués relatif au fichier positif

est son inaptitude à présumer des possibilités véritables de remboursement d’un ménage, de sa solvabilité

ou de sa réelle volonté de payer. Ces éléments ne peuvent vraisemblablement

s’apprécier que dans les relations entre la banque

et son client.

Qu’en pensez-vous ?

Le contact direct entre la banque et son client ne garantit pas l’exactitude ou la complé-tude des informations fournies par l’emprunteur. Le fichier positif apporte cette garantie, au moins en ce qui concerne l’endettement de la famille.

Quant à la capacité de pré-diction de ces informations, nous l’avons déjà prouvée dans la troisième question. La réponse à cette question est déjà considérée comme évi-dente dans la plupart des pays développés.

La Banque mondiale l’affir-me. Le Comité de Bâle lui-même, instance supérieure de régu-lation bancaire au niveau inter-national, considère que les banques, pour une gestion prudente du crédit, devraient prendre en compte toutes les informations disponibles sur leurs clients, et entre autres, celles provenant des Réfé-rentiels Crédit. ■

LES FICHIERS POSITIFS :

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