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CHAPITRE I : Inégalités sociales de santé : État des lieux

5. Le constat des inégalités sociales de santé en Algérie

5.1. Les données des enquêtes algériennes sur la mortalité

lacunes de l’information sur la mortalité, d’où la présence de nombreuses carences relatives à la qualité de l’information, plus précisément sur les différences de la mortalité et selon les régions ainsi selon certaines caractéristiques socio-économiques et démographiques : profession, état matrimonial, nature de décès, lieu de décès, cause de décès et la domiciliation. Autrement dit, ces données font défaut dans le contexte algérien, ce qui ne permet aucune évaluation de la mortalité différentielle selon les paramètres cités plus haute.

5.1. Les données des enquêtes algériennes sur la mortalité

À propos des inégalités sociales en Algérie d’un point de vue démographique, les données existantes sont datées (1969 – 1970) et c’est pauvre comme données en l’absence de toute méthodologie rigoureuse adaptée à la société dominé par l’informel qui déconstruit totalement les catégories professionnelles retenue par l’ONS. Face à l’insuffisance des recensements et de l’état civil en matière d’enregistrement et d’information sur la mortalité, nous nous sommes orientés vers l’exploitation des enquêtes algériennes traitant le phénomène de mortalité. Ces enquêtes ont consacré un volet spécial dans le questionnaire dont les questions permettront de mesurer le niveau de mortalité et d’autre part d’analyser les disparités en matière de mortalité.

En premier lieu, il faut préciser que l’absence de rapports méthodologiques des enquêtes faites toujours défaut dans la présentation de toutes les enquêtes fait en Algérie. Autrement dit, les rapports méthodologiques existent, mais ils ne sont pas mis à la disposition des chercheurs, ce qui entrave une étude critique. De ce fait nous nous sommes limités à présenter seulement les enquêtes dont les rapports méthodologiques existants.

Les enquêtes sont dans l’ordre suivant enquête nationale sur la population (E.N.S.P, 1969-1970), enquête main d’œuvre et démographique (M.O.D, entre 1982 et 1983), enquête nationale sur la morbidité et la mortalité (M.M.I, 1989) enquête

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nationale sur la fécondité (E.N.A.F, 1986), enquête algérienne sur la santé de la mère et de l’enfant (E.A.S.M.E, 1992), enquête sur objectif de la Mi — décennie (M.D.G 1995), enquête objectif sur la fin-décennie (E.D.G, 2000), enquête sur la mortalité maternelle (E.M.M, 1999) et en fin enquête algérienne sur la santé de famille (E.N.S.F, 2002).

5.1.1. L’enquête nationale sur la population (ENSP 1969-70)

Comme on peut le constater, en particulier en termes de données statistiques. Ces dernières sont rares et, bien souvent, datées. Nous nous en sommes tout particulièrement aperçue lorsqu’il s’est agi de contextualiser notre recherche

Tableau 2. Taux brut de mortalité et profession du chef du ménage

Profession Taux de mortalité (‰)

Sans profession 19,2

Profession libérale, cadre, technicien 11,9

Employés de bureau 8,0

Vendeurs 12,5

Agriculteurs 18,3

Travailleurs des transports et services 12,0

Artisans — ouvriers 13,5

Ensemble 16,3

Source : ENSP, 1969-70, p59

Pour une période couvrant les années 1969-70 l’enquête ENSP indique une différence de taux de mortalité général entre la catégorie « sans profession » (19,2 %) et la catégorie « employée du bureau » (8,0 %). Le taux de mortalité chez les sans-emploi est le double chez les employés du bureau. Entre ces deux groupes le taux de mortalité général suit globalement la hiérarchie des catégories professionnelles soit par ordre décroissant : sans profession (19,2), agriculteurs (18,3), artisans-ouvriers (13,5), travailleurs des transports et servies (12,0), profession libérale, cadre et techniciens (11,9) et enfin les employés du bureau (8,0).

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Tableau 3. Taux brut de mortalité et branche d’activité économique du chef de ménage

Branche d’activité Taux brut de mortalité

Sans branche d’activité 19,2

industries 11,0 Bâtiment T.P 16,6 Agriculture 18,3 Commerce — Banque 12,2 Transport — Services 11,5 Ensemble 16,3 Source : ENSP, 1969-70, p60

Les résultats présentés par l’enquête ENSP fournissent également certains éléments sur la mortalité des chômeurs et des inactifs au cours des années soixante-dix, la mortalité des chômeurs a été deux fois plus élevée que celle des hommes ayant un emploi.

La prise en compte du niveau d’instruction confirme les tendances observées selon les catégories socioprofessionnelles (tableau N° 3). Les résultats mettent clairement en évidence la progression des taux de mortalité des personnes qui possèdent un diplôme d’études supérieures aux personnes sans diplôme.

Tableau 4. Taux brut de mortalité et le niveau d’instruction du chef de ménage Niveau d’instruction Taux brut de Mortalité (‰)

Aucune instruction 17,4

Élémentaire 14,0

Secondaire — Supérieur 8,1

Ensemble 16,3

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Concernant la mortalité infantile, les disparités apparaissent nettement selon le niveau d’instruction, la profession, la branche d’activité économique, la qualification et le statut du chef de ménage comme le montre les tableaux suivants.

Mortalité infantile et caractéristiques socio-économiques du chef de ménage

L’enquête démographique algérienne à trois passages permet de présenter les liaisons éventuelles entre la mortalité infantile et les caractéristiques socio-économiques du chef de ménage.

La mortalité infantile va être présentée selon cinq grandes caractéristiques socio-économiques du chef du ménage :

- Le niveau d’instruction

- La branche d’activité économique - La profession

- Le statut - la qualification

Mortalité infantile et niveau d’instruction du chef de ménage

Dans ce qui suit nous présentons pour l’ensemble de l’Algérie du Nord, les taux de mortalité infantile selon l’instruction du chef de ménage.

Tableau 5. Mortalité infantile et le niveau d’instruction du chef de ménage

Niveau d’instruction Taux de mortalité infantile (‰)

Illettré 148

Élémentaire 131

Secondaire et supérieur 75

ensemble 142

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Les écarts extrêmes de mortalité des enfants de moins d’un an sont énormes selon l’instruction du chef de ménage (souvent le père des enfants) : de 148 ‰ chez les sujets illettrés, le taux passe des « élémentaires » (131‰) est relativement proche de celui des illettrés. En définitive, l’instruction du chef de ménage ne joue vraiment un rôle important que dans les degrés les plus élevés.

Mortalité infantile et branche d’activité économique du chef de ménage

Pour l’ensemble de l’Algérie du Nord, la mortalité infantile suit apparemment l’ordre croissant suivant : industries, transport-services, commerces-banques, bâtiment-travaux publics et agriculture (tableau 5), mais le calcul des divers X2 montre qu’en réalité pour la mortalité infantile les branches d’activité ne peuvent se classer qu’en deux grands groupes : le premier a mortalité relativement basse comprend : l’industrie, les transports-services et les commerces-banques, la seconde a mortalité très supérieure : le bâtiment — T.P et l’agriculture. En effet, aucun des écarts entre les trois branches du premier groupe, pas plus que les écarts entre bâtiment et agriculture n’est significatif. En revanche, tous les écarts entre l’une des branches du premier et l’un du second le sont très nettement (Dominique Tabutin 1976).

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Tableau 6. Taux de mortalité infantile selon la branche d’activité économique du chef de ménage, selon la strate ou la région d’habitat sexe réuni (pour 1000).

B.A.E du

Chef de ménage secteur Région ensemble

Urbain Rural Algérois Oran constant Industries Transports, services Commerces, banques Bâtiment et T.P Agriculture total 93 100 111 149 169 118 136 139 134 158 157 152 93 106 122 148 163 136 152 127 132 172 171 155 144 118 11 152 144 136 110 114 121 154 158 141 Source: ENSP, 1969-70

Si l’on compare les taux urbains et ruraux par branche d’activité économique, il n’est que deux secteurs ou la mortalité infantile urbaine est significativement inférieure à la mortalité rurale : l’industrie, les transports et services. Ces deux secteurs avec celui du commerce-banques sont les trois branches à mortalité relativement basse en ville (de 93 à 111‰). Le bâtiment et l’agriculture se situent au-dessus de la moyenne urbaine (149 ‰ et 169 ‰ pour 118 ‰ de moyenne).

Mortalité infantile et profession du chef ménage

Pour l’ensemble de l’Algérie du Nord (tableau 6), les professions se classent en trois groupes pour leur mortalité infantile ; par ordre croissant des taux, ce sont d’abord les employés de bureau, vendeurs et travailleurs des transports et services, puis les artisans et ouvriers et enfin bien au-delà moyenne nationale, les agriculteurs reste un groupe professionnel, dont le classement au niveau national restent difficile. En effet,

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l’écart entre ce groupe et celui des travailleurs des transports et services, comme avec celui des artisans — ouvriers, n’est pas significatif.

Tableau 7. Taux de mortalité infantile selon la profession du chef du ménage et selon le secteur d’habitat sexes réunis (pour 1000)

Profession Milieu urbain Milieu rural ensemble

Profession libérale, cadre, technicien 93 165 125

Employés de bureau, vendeurs 97 122 106

agriculteurs 177 157 160

Travailleurs des transports et services

107 119 112

Artisans, ouvriers 112 160 134

Total 122 150 142

Source : ENSP, 1969-70

Comme pour les branches d’activités économiques, l’examen des données par grand secteur d’habitat montre une moindre dispersion de la mortalité infantile en milieu rural qu’en milieu urbain. Mais, contrairement à la branche d’activité économique, la profession semble être, en secteur rural, un facteur de différenciation pour la mortalité infantile. Deux grands groupes s’y distinguent en effet : les employés de bureau, vendeurs et travailleurs des transports et services (leur mortalité est relativement basse : 120 ‰)

Conclusion

Les différents points examinés nous permettent de tirer plusieurs constats. Tout d’abord, il apparaît que l’exploration des inégalités sociales principalement de celle face à la santé, est restée depuis longtemps marginale et discrète dans la sociologie

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française. Ce n’est pas le cas des pays anglo-saxons tels que le Royaume-Uni où une véritable tradition de recherche s’est mise en place à partir des années 80. Ensuite les études menées dans le champ des inégalités sociales de santé sont de nature épidémiologique. L’approche statistique est la plus prépondérante ce qui rend l’approche qualitative rare dans cette thématique.

Enfin, si les approches qualitatives sont rares, lorsqu’elles existent, elles tendent à se focaliser sur une thématique « santé-précarité » ou encore « exclusion », qui, nous l’avons vu, implique des partis pris différents de ceux des études portant sur l’inégalité.

Ces recherches explorent la santé des plus démunis, ce qui permet difficilement de rendre compte du gradient de santé caractérisant les inégalités sociales de santé et concerne l’ensemble de la structure sociale. Ces différents constats ne s’appliquent pas uniquement sur l’étude des inégalités sociales, mais aussi dans le champ des inégalités face à la maladie cancéreuse, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant.

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CHAPITRE II : Sociologie du