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Les dispositifs de développement des Soft Skills

Chapitre 1- CADRE METHODOLOGIQUE

1.3 Les dispositifs de développement des Soft Skills

Afin de piloter leur politique de développement RH, nous avons vu que de nombreuses entreprises ont fait le choix d’un outil informatique (type SIRH), permettant aux services Ressources Humaines de faire le lien avec le plan de formation et/ou le dispositif de gestion des carrières.

Ce type d’outil constitue un gain de temps considérable dans la gestion RH au quotidien, que ce soit pour le reporting, la construction de tableaux de bord, de matrices de suivi ou encore de plan prévisionnel. Certains systèmes d’information vont même jusqu’à proposer des solutions de formation en fonction de l’écart constaté entre le niveau de compétence réel du Manager et celui attendu par l’entreprise.

Nous notons également que les entreprises qui ont fait le choix de ne pas stocker ces données dans un SIRH sont pour la plupart d’entre elles davantage tournées

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vers une logique de développement (versus une logique de contrôle) et déconnectent ainsi l’évaluation des Softs Skills de l’évaluation de la performance. Bien que ces outils soient utiles, voire nécessaires pour la gestion des compétences dans les entreprises, il est cependant important, selon nous, qu’ils ne deviennent pas la seule source d’information pour décider de la politique de développement managériale. En effet, ils ne peuvent en aucun cas se substituer à l’observation sur le terrain et aux regards croisés, qui nous apparaissent comme essentiels pour déterminer les besoins en développement de compétences d’un Manager.

Les entreprises semblent l’avoir bien compris et quasiment la totalité d’entre elles nous précisent que, dans ce domaine, beaucoup d’actions de développement restent individualisées et « sur-mesure ».

Par ailleurs, la majorité des entreprises que nous avons rencontrées apportent un accompagnement au développement des compétences « soft », mais elles utilisent surtout le recours à des formations en management « clés en main ». Ces formations peuvent être adaptées en fonction du contexte de l’entreprise. En effet, nous avons pu constater que certaines entreprises ont besoin de mettre en place une culture managériale et donc d’homogénéiser les pratiques par des formations « normalisantes ».

Il convient d’être prudent pour ne pas standardiser systématiquement les actions de développement. En effet, certaines actions peuvent ne pas être adaptées aux besoins particuliers du Manager et/ou de l’entreprise. Ce qui nous amène aussi à la question du risque d’une certaine standardisation des formations managériales, des attentes envers les Managers, et de fait d’une certaine normalisation des compétences managériales, sans tenir compte de la singularité de chacun des Managers.

 

De plus, la question de l'absence des Managers dans la mise en place des dispositifs de développement se pose également. En effet, notre étude empirique montre que ces derniers ne participent pas à l'élaboration des dispositifs liés au développement des Soft Skills, à quelques rares exceptions près. Dans de nombreux cas, ils n'ont pas d'autre choix que de se conformer à la norme prescrite par l'entreprise en suivant

des formations au management standardisées ou encore des « parcours de

formation » ou autres « Ecoles du Management », comme on l’a vu faire dans de nombreuses entreprises.

Dans son article « Le management intermédiaire en transformation », Christian Mahieu51 critique ces modes d'apprentissage, qu'il qualifie de « scolaires » et « stéréotypés ». En effet, depuis les 20 dernières années, de nombreux auteurs se sont attachés à démontrer que ces modèles d'apprentissage étaient parfaitement inadaptés et freinaient la capacité d'innovation et la créativité stratégique des entreprises, source de croissance interne (Margerison, 1993 ; Vicere et Fulmer, 1996 ; Thomson et al., 1998).

      

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Les Managers avec lesquels nous avons pu échanger sur notre sujet de façon informelle, ont un discours très critique sur les modèles d'apprentissage proposés en entreprise. L'un d'entre eux nous confiait récemment : « ...au début, quand j'ai pris mes fonctions suite à ma promotion interne, ils m'ont envoyée en formation au management et puis après, plus rien....j'avais des questions, je devais faire face à des situations difficiles, et je devais les gérer toute seule....finalement, j'ai tout appris sur le terrain, en faisant face à des situations chaque jour différentes. »

Ce témoignage permet de comprendre les limites des modèles d'apprentissage actuels. Si les Managers étaient plus fréquemment impliqués dans la mise en place de dispositifs de développement, ils demanderaient certainement davantage d'accompagnement sur le terrain sous forme de mentoring, ou encore de groupes d'échanges de pratiques.

En effet, les Managers semblent attendre à la fois un soutien et une écoute ponctuels, mais aussi de l'accompagnement dans le temps. Si l'on regarde les pratiques actuelles en la matière, nous constatons que ce type de dispositif est loin d'être présent dans toutes les entreprises.

Ainsi, au regard de tous ces éléments, il apparait que les entreprises attachent une importance réelle aux compétences « soft », et qu’elles ont tendance à adopter une logique de rationalisation de celles-ci, en mettant en place des dispositifs importants de traitement, d’évaluation, et de développement des Soft Skills.  

Mais à l’éclairage de la littérature, cette formalisation peut sembler vaine, du moins au regard des éléments suivants : les référentiels de compétences que nous avons pu collecter nous montrent la difficulté à définir les compétences « soft » autrement que par leurs manifestations, leurs constituants. Chercher à les définir est déjà les appauvrir, les restreindre dans une dimension objectivable, qui ne peut pas prendre en compte la globalité de la singularité de l’évalué.  

De plus, parmi les entreprises qui ont formalisé un dispositif d’évaluation des Soft Skills, aucune n’a élaboré ses outils sur la base d’une observation en situation de travail, et ne peut donc appréhender les compétences de ses Managers en situation et en interaction. D’où un regard qui ne peut qu’être restreint tant sur la fonction du Manager que sur ses compétences « soft ».

Les critères « soft » que nous avons en notre possession, sont assez similaires d’une entreprise à l’autre, et ne sont donc peut-être pas toujours identifiés et définis selon le contexte propre de l’organisation, et son environnement. Risquons-nous une standardisation des profils managériaux, une perte d’innovation due à une certaine conformité des Managers, mais surtout la négation de la singularité de chacun d’entre eux ?

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2°- Le degré de formalisation du dispositif d’évaluation des Soft Skills : une contingence au contexte, à la culture et à la stratégie de l’entreprise