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PARTIE I : La finance islamique : Définition et Principes de fonctionnement

4. Les instruments de la finance islamique

4.2. Les contrats de marge ou de participation indirecte

Ce type de contrats, qui ne repose plus sur le principe de partage des pertes et des profits, est aujourd’hui le plus couramment utilisé au sein des banques islamiques et en particulier pour les crédits faits aux consommateurs de tous les jours mais également pour les besoins de financement à court et moyen terme (Di Mauro & Al., 2013). Les contrats présentés ci-dessous sous-tendent l’achat de biens et de services. La banque exerce ici une fonction commerciale dans le sens où elle participe directement à ces ventes et achats de biens, desquels elle retire une marge ou des frais pour dégager un profit. Selon la spécificité de ces contrats, les instruments diffèrent dans leur fonctionnement. Nous nous intéresserons de plus près à 4 instruments de ce type à savoir les contrats Murabaha, Ijara, Salam et enfin Istisn’a.

4.2.1. Le Murabaha

Le contrat de Murabaha qui signifie « vente » en arabe est le type de contrat le plus fréquemment utilisé en finance islamique et ce surtout pour le financement de l’activité de ses institutions financières(Nedal Alchaar & Sandra, 2009).

L’AAOIFI définit ce contrat comme « […] la vente d’un bien au prix d’achat avec une marge définie et acceptée par les parties. Cette marge de profit peut être un pourcentage du prix de vente ou un montant fixe15 ». Ainsi, si l’on considère cette définition, le Murabaha n’est rien d’autre qu’un contrat de vente entre deux personnes. Il se différencie uniquement du contrat de vente conventionnel par le fait que le vendeur divulgue ici à l’acheteur le prix auquel il a acheté ce bien, et par le fait que les deux parties s’accordent sur une marge à ajouter sur ce prix d’achat (Usmani, 2002).

Le contrat de Murabaha nécessite l’intervention d’un intermédiaire (une banque par exemple) et représente actuellement le mode de financement le plus répandu dans les transactions islamiques. On parle dans ce cas-ci d’un Murabaha tripartite (Saadouni & Genc, 2015). Ce type de Murabaha a lieu lorsque le vendeur du bien n’est pas disposé à proposer des conditions particulières de paiement à l’acheteur, dès lors l’opération se structure comme suit (Nedal Alchaar & Sandra, 2009) :

1) L’acheteur vient vers la banque en lui faisant savoir qu’il désire acheter un bien ; 2) La banque achète ce bien au prix spot ;

3) La banque demande au vendeur de livrer ce bien à l’acheteur ; 4) La banque paye ensuite le vendeur ;

5) La banque vend le bien à l’acheteur contre un paiement différé ;

6) L’acheteur paie à la banque le prix du bien + la marge préalablement fixée.

15Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions (AAOIFI), op.cit., p.221.

Comme dit précédemment, ce type d’instrument est le plus utilisé par les institutions financières islamiques comme moyen de financement. Malgré cela, le Murabaha possède de nombreux détracteurs qui remettent en question le bien-fondé de cette fameuse marge.

Celle-ci est en effet souvent considérée comme étant un intérêt déguisé. Dès lors, cet instrument n’est pour certains pas un produit Sharia Compliant (Saadouni & Genc, 2015).

Malgré cela, le Murabaha reste l’instrument de financement de référence pour pallier à l’interdiction du prêt avec intérêts.

4.2.2. L’Ijara

L’Ijara, dans son appellation la plus simple est la vente de l’usufruit d’un bien (Al-Zuhayli, 2001). Le contrat Ijara est un contrat qui porte sur le transfert de l’utilisation d’un bien pendant une période donnée et moyennant un prix de location convenu au préalable. Le locataire possède donc le droit d’utiliser le bien comme il est stipulé dans le contrat préalablement arrangé. Il est tenu responsable des dommages qui pourraient être causés à ce bien uniquement s’il est prouvé que cette dégradation est due à sa négligence. Ce type de contrat peut s’appliquer soit à des biens (maison, voiture, etc) soit au travail d’un artisan d’un médecin, etc. (Ayub, 2007). Il existe différentes formes dérivées du contrat Ijara (Ijara-wal-iqtina), notamment celle dans laquelle ce contrat de leasing s’accompagne d’une option d’achat du bien ou du service en question à la fin de la période qui a été précisée dans le contrat. Dans ce cas précis, les parties prenantes s’engagent dans deux contrats différents : le premier est un contrat de location qui précise les termes du leasing de l’actif et le second est un contrat « Bai » qui règle les termes de la vente de l’actif à la fin du contrat de leasing (Daly

& Frikha, 2014). Ce type de contrat fait intervenir trois parties lors de sa réalisation. Tout d’abord, l’apporteur du bien ; ensuite la banque qui en acquière la propriété pour ensuite le louer à un client et ainsi devenir bailleur de ce bien, et enfin le client de la banque, qui loue le bien contre un loyer pour à terme, acquérir ce bien une fois le contrat de location achevé (Guéranger, 2009).

4.2.3. Les contrats Salam

Comme nous l’avons vu lors de l’énonciation des grands principes de la finance islamique, un contrat ne peut se voir validé que si un actif tangible est adossé à celui-ci. En d’autres termes, cet actif doit être existant (doit déjà avoir été créé), et doit être la propriété de celui qui le vend, lequel doit nécessairement l’avoir en sa possession physique pour valider le contrat. Il existe deux catégories de contrat qui font figure d’exception à cette règle au sein de la loi des contrats islamiques, l’une d’elles étant le contrat Salam (Usmani, 2002).

Dans le contrat Salam, le vendeur vend un bien à un acheteur au prix spot mais la livraison de celui-ci se fait dans le futur. Ce type de contrat, qui a été validé par le Prophète lui-même, trouve sa justification économique dans le fait qu’il permettait aux agriculteurs de financer leur exploitation avant d’en délivrer le fruit. Il est à noter que le contrat Salam met en jeu un certains nombres d’éléments de Gharar, puisqu’on vend un bien à un prix spot, sans que la valeur de celui-ci au moment de sa livraison ne soit connue. Pour minimiser cette incertitude, de nombreuses conditions (établies selon la marchandise, la livraison, etc.) préalables à ce type de contrats ont dues être mises en place pour rendre celui-ci licite (El-Gamal, 2010).

Le fonctionnement de ce type de contrats se décline comme suit : le financier (en général une banque) commande une certaine quantité de marchandise à l’entreprise. Après cela, la banque verse les fonds avant la livraison de la marchandise. Une fois la marchandise reçue, la banque la vend sur le marché pour dégager un profit (Guéranger, 2009). A noter que la banque se protège du risque en demandant une garantie au vendeur de la marchandise (ce dernier peut s’engager par exemple à acheter sur le marché la marchandise manquante à la date de livraison).

4.2.4. L’Istisn’a

Le contrat Istisn’a est le second type de contrat pour lequel un bien peut faire l’objet d’une transaction sans que celui-ci ne soit préalablement existant (Usmani, 2002). Le contrat est donc très proche du contrat Salam à quelques différences près (Al-Zuhayli, 2001) :

- Le paiement intégral de la marchandise à livrer n’est ici pas obligatoire. Ce paiement peut s’effectuer en plusieurs fois, c’est par exemple le cas pour des projets dont le développement s’effectue étape par étape.

- La date précise de la livraison du bien ne doit pas nécessairement être spécifiée au préalable et l’objet du contrat peut être annulé avant son développement ;

- Contrairement à celui du Salam, l’objet de l’Istisn’a ne doit pas nécessairement être fongible16 puisque ce type de contrat engage souvent de gros travaux tels que deux liés à la construction de bâtiments ou de routes.

- L’Istisn’a peut être rompu de manière unilatérale avant le début du projet ou de la fabrication du bien en question.

Les principaux types de contrats existant en finance islamique ont été cités mais il est important de noter que beaucoup d’autres variantes de ceux-ci existent. Le nombre important de contrats existant montre que la finance islamique propose aujourd’hui un panel très étendu de produits et de services à ses adeptes et prouve ainsi qu’elle constitue une réelle alternative à la finance conventionnelle.

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