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Les chemins de Santander vers la Castille

Chapitre 1. Données géopolitiques et organisation du territoire

B- Les chemins de Santander vers la Castille

Burgos était plus facile d'accès depuis Santander. C'était un axe d'une importance différente qui, en 1453, avait déjà fait l'objet d'un premier accord entre les deux villes sur l'amélioration de son tracé et sur les péages qui y étaient encaissés, preuve de son dynamisme et des liens commerciaux intenses qui unissaient les Santandérins et les Burgalais dès le XVe siècle.59

Figure 8. Col de l'Escudo et vue sur la vallée de Toranzo au fond60

Du port de Santander, on pouvait rejoindre Burgos par deux chemins différents : celui qui remontait le Besaya par la vallée d'Iguña pour arriver ainsi à Reinosa, l'autre qui consistait à

59 Eloy GARCÍA DE QUEVEDO, Ordenanzas del Consulado de Burgos de 1538, precedidas de un bosquejo

histórico, Burgos, 1905, p. 39‑40, cité par Manuel BASAS FERNÁNDEZ, El Consulado de Burgos en el siglo XVI, Facsímil., Burgos, Excelentísima Diputación Provincial de Burgos, 1994, p. 201. D'autres accords identiques

seront conclus en 1524 et en 1564, ce qui démontre l'importance que Santander accordait aux connexions terrestres avec la Caput contratationis burgalaise.

remonter le Pas pour franchir le col de l'Escudo à 1011 mètres d'altitude61. Il est vrai que les

chemins qui ralliaient Burgos à Santander ont donné lieu à diverses approximations, car les sources sont peu précises. En effet, les nombreuses références aux multiples réparations du pont de Arce pour franchir le Pas, afin de rejoindre la vallée de Buelna et de l'Iguña, ont pu laisser penser que cet axe routier était plus facile à emprunter pour rallier la Castille depuis Santander62.

Pourtant, comme l'avait souligné Henri Lapeyre, et comme nous l'avons déjà vu pour San Vicente de la Barquera, l'arrivée à Reinosa supposait plus une orientation vers Palencia et Valladolid que vers Burgos63. Ainsi, en se basant sur cette conclusion de Henri Lapeyre et en

rappelant l'importance de Corconte comme ville étape entre Santander et Burgos dans le transport de la laine,64 María José Echevarría Alonso pense que l'utilisation du chemin par le

col de l'Escudo a été plus soutenue, car il présentait l'avantage d'être le plus rapide pour relier les deux villes.65 Ramón Lanza García partage également cette analyse sur le chemin de la vallée

de Toranzo, en rappelant la présence d'un dépôt de laines situé à Corconte, et précise que le chemin de la vallée de Buelna était plus utilisé pour le transport de céréales.66 L'acheminement

de blé vers Santander par Reinosa, évoqué par Ramón Lanza, est sans doute un des facteurs qui a contribué à entretenir ce chemin, car il conduisait vers Palencia et la Tierra de Campos, la zone céréalière la plus proche du littoral cantabrique.

À l'aide d'un document de 1555, que nous avons consulté aux archives municipales de Santander, nous pouvons confirmer que le principal chemin pour le transport commercial entre Santander et Burgos était bel et bien ce chemin qui passait par la vallée de Toranzo et le col de l'Escudo, car dans une lettre adressée à l'Université des marchands de la ville de l'Arlanzón, le port cantabrique indique que les marchandises empruntaient un chemin qui les conduisait de Santander à "Cilleruelo", aujourd'hui Cilleruelo de Bezana, village situé à quelques kilomètres

61 Archivo Municipal de Santander (désormais AMS), leg. A-3, n°62-3. Nous sommes confortés dans cette idée

par un document de 1555, dans lequel Santander mentionne plusieurs routes qui partent de la villa et non une seule voie "[…] desde la dicha villa e puerto de Santander salen y ay caminos e puentes muy derechos convenibles y

seguros por los quales se pueden guyar todas las mercaderias en carros y en mulos e vestias para todos estos reynos de España y de todos los dichos reynos para el dicho puerto […]"

62 Jean-Pierre MOLÉNAT, "Chemins et ponts...", art. cit., p. 131.

63 Henri LAPEYRE, El comercio exterior de Castilla a través de las aduanas de Felipe II, Valladolid, Universidad

de Valladolid, 1981, p. 88.

64 Manuel BASAS FERNÁNDEZ, "Burgos en el comercio lanero del siglo XVI", Moneda y crédito, n° 77,

Fundación Santander Central Hispano, Madrid, 1961, p. 56.

65 José ECHEVERRÍA ALONSO, La actividad comercial..., op. cit., p. 27.

66 Ramón LANZA GARCÍA, Miseria, cambio y progreso en el Antiguo Régimen: Cantabria, siglos XVI-XVIII,

Santander, Universidad de Cantabria, Ayuntamiento de Torrelavega, 2010, p. 203. L'auteur précise que le dépôt de laines servait à entreposer la laine à destination de Santander, dans l'attente que les chars puissent franchir le fleuve Pas.

du col de l'Escudo, sur la rive orientale de la retenue de l'Ebre.67 Un témoignage du responsable

des douanes, Agustín de Zárate, en 1560, confirme également que c'est par Cilleruelo que transitaient les marchandises qui arrivaient au port de Santander.68 De plus, à cette même

époque, le conseil municipal santandérin avait demandé aux muletiers de la vallée de Zamanzas, de la Vieille Castille, d'Ordejón et de Cabezón de venir chercher les marchandises. Or, tous ces lieux sont situés sur l'axe Santander-col de l'Escudo-Burgos démontrant au passage l'effectivité de cette voie.69

Le port de Santander jouissait donc d'une double voie de connexion pour rejoindre Burgos. Mais ces deux chemins étaient de nature différente car, contrairement aux routes des autres ports voisins, ils permettaient l'utilisation de chars, malgré un état général précaire des routes70.

C'est là un des arguments de poids que Santander rappelait aux marchands burgalais : contrairement aux routes dont elle disposait, les chemins de Laredo et Bilbao n’étaient praticables que par des bêtes de charge, affirmaient alors les échevins de Santander.71 C'était là

un véritable atout que Santander avait sur ses homologues, car le transport en charrettes avait de multiples avantages, que le conseil municipal se faisait fort de rappeler aux marchands de l'Université : pouvoir transporter des marchandises volumineuses impossibles à charger sur des mules, ne pas être obligé de les reconditionner (descabezar) pour le transport et faire des économies, puisque le transport en charrettes est moins cher qu'en bête de charge.72 Or, comme

le souligne précisément Santander, il se trouve que la zone de Campoo (Reinosa) et ses alentours, qui jouxtaient les chemins vers Burgos, était le lieu où se situait la plus grande concentration de charrettes :

67 AMS, leg. A-3, n°62-2.

68 AGS, Consejo y Juntas de Hacienda, leg. 37, doc. 155. Le décimateur général du roi, Agustín de Zárate, ordonne

que les marchandises débarquées à Santander en 1560 doivent être contrôlées à mi-parcours par les gardes douaniers de Cilleruelo. Par conséquent, le chemin emprunté ne pouvait être autre que celui passant par la vallée de Toranzo.

69 AMS, leg. A-3, n°62-1.

70 José ORTEGA VALCÁRCEL, La transformación de un espacio rural. Las Montañas de Burgos, Valladolid,

Universidad de Valladolid, 1974, p. 135‑136, cité par Tomás MARTÍNEZ VARA, Santander, de villa a ciudad

(un siglo de esplendor y crisis), Santander, Excelentísimo Ayuntamiento de Santander, 1983, p. 42 : "La circulación de carros debió mantenerse sin interrupción a pesar del mal estado de los caminos, de las dificultades de los puertos y pasos difíciles según se deducen de las distintas noticias más o menos dispersas."

71 AMS, leg.A-3, n°62-2. Sachant d'une part que la ville fait appel à des muletiers sur la route qui passe par le col

de l'Escudo et que la route par la vallée de l'Iguña coïncidait avec un ancien tracé romain, il est probable que cette dernière ait été plus adaptée au transport en charrette, contrairement à la route qui longeait le Pas, sans doute de construction plus récente et plus étroite, donc probablement réservée aux mules.

72 Ibid. Comme nous l'étudierons plus loin, la possibilité de transporter des grands volumes n'a pas permis à

"[…] toda la carreteria de Canpo y las montañas comarcanas que es la mas y mejor de España confina con el camyno de Santander a Burgos y no con el de Laredo y Bylbao"73

La municipalité de Santander n'exagérait en rien, lorsqu'elle affirmait être un des seuls ports de la région à être accessible en charrettes, car le témoignage du décimateur Zárate confirme cette particularité lorsqu'il parlait du transport des marchandises depuis Santander vers la Castille :

"se lleva en carros de que alli ay abundançia a Burgos"74

L'arrière-pays et la morphologie des routes offraient donc à Santander la possibilité de proposer un transport meilleur marché que le reste des autres villes portuaires voisines, grâce à la présence abondante de charrettes. Mais, il ne faut pas conclure que cette particularité a donné un avantage à Santander par rapport aux autres ports cantabriques, car, comme nous le verrons, l'activité commerciale s'y est réduite à l'exportation de laine et à l'importation de pastel, produits volumineux et plus facilement transportables en charrettes plutôt qu'à dos de mules. C'est en tout cas la possibilité d'utiliser des chars pour transporter la laine qui fut la raison fondamentale pour laquelle l'Université des marchands de Burgos signa un accord avec Santander au XVe

siècle sur la réfection des routes qui les reliaient.

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