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CHAPITRE I : INTRODUCTION

II. L’ANGIOGENÈSE

5. Les cellules endothéliales une cible de choix

Nous avons vu que la vascularisation tumorale joue un rôle crucial dans la progression tumorale de par son rôle de pourvoyeur de nutriments et d’oxygène qui permet le développement tumoral et la dissémination des tumeurs dans d’autres sites. La Figure I.20 schématise ces différentes étapes d’évolution tumorale de la croissance tumorale.

Figure I.20 : Rôle prépondérant de l’angiogenèse dans la croissance tumorale et la dissémination métastatique. [http://www.medscape.org/ viewarticle/551140 ; Carmeliet et Jain, 2000 ; Bergers et Benjamin, 2003].

Il existe deux stratégies thérapeutiques dirigées contre la vascularisation tumorale: une approche anti-vasculaire et une approche anti-angiogénique (Figure I.21). L’approche anti-vasculaire consiste en la destruction des vaisseaux déjà formés, l’approche anti-angiogénique a pour but d’inhiber la croissance des nouveaux vaisseaux.

Ces deux stratégies thérapeutiques offrent de nombreux avantages en comparaison des thérapies cytotoxiques conventionnelles dirigées contre les cellules tumorales. En effet, ces thérapies ne sont pas restreintes à un tissu tumoral en particulier car la croissance de toutes les tumeurs solides dépend de l’angiogenèse et de leur réseau vasculaire. De plus, la vascularisation tumorale étant accessible par voie systémique, certains anti-angiogéniques n’ont pas la nécessité de franchir les barrières endothéliales [Eichhorn et al., 2004]. Enfin, Les cellules endothéliales seraient moins soumises aux mutations et seraient donc moins susceptibles de développer une résistance au traitement [Kerbel, 1991].

Figure I.21 : L’approche anti-angiogénique et l’approche antivasculaire [Soria, 2012].

Les agents anti-angiogéniques inhibent de manière préférentielle la néo- vascularisation et démontrent une activité plus importante à la périphérie des tumeurs et sur les petites masses tumorales. Ils presentent en général une action cytostatique et favorisent ainsi la stabilisation de la maladie en stoppant la croissance de la tumeur. Les agents antivasculaires induisent des dommages dans la vascularisation déjà établie, une inhibition du flux sanguin tumoral, ainsi qu’une importante nécrose en particulier au cœur de la tumeur [McKeage et Baguley, 2010]. Ils ont donc un effet cytotoxique et induisent une régression rapide de la tumeur. Ces différences d’action sont illustrées Figure I.22.

Figure I.22 : Différences entre les agents antivasculaires et les agents anti-angiogéniques [McKeage et Baguley, 2010].

5.1 Les molécules antivasculaires en développement

Parmi les agents antivasculaires, deux composés sont les plus avancés dans leur développement clinique : un flavonoïde le DMXAA (Dimethyloxoxanthene Acetic

Acid) et des agents tubulo-affins, tels la combrétastatine A4 phosphate (CA4P). Des

exemples de composés en cours de développement clinique sont présentés Tableau I.8.

Famille Nom (code) Caractéristiques phase

clinique Applications Flavonoïdes Vadimezan ASA404 DMXAA DMXAA analogue tricyclique de la FAA

III Cancer du poumon à non petites cellules Agents tubulo- affins Fosbretabuli ne tromethamin e Zybrestat Combrétastatine A4 phosphate II/III

Cancer anaplasique de la thyroïde, cancer du poumon à non petites cellules Ombrabuline AVE8062 AC7700 Analogue de la combrétastatine A4 III Sarcome ABT-751 Sulfonamide antimitotique se lie sur le site colchicine de la tubuline

II

Leucémie aigüe lymphoblastique pédiatrique, neuroblastomes, cancer du poumon à non petites cellules, du sein, du côlon-rectum, des cellules rénales et de la prostate métastatique réfractaire aux hormones

Soblidotine TZT-1027

Dérivé de la

dolastatine-10 II

Sarcome, cancer du poumon à non petites cellules Lexibuline CYT997 Petite molécule inhibitrice de la tubuline

II Myelome multiple, glioblastome Dolastatine

10

B720389K56 0

Pentapeptide II

Sarcome, cancer des reins, du pancréas, du foie, des conduits biliaires, de la vessie, de la prostate réfractaire aux hormones, lymphome, leucémie lymphocytaire chronique Verubuline

hydrochloride (Azixa) MPC-6827

Dérivé de la

quinazoline II Mélanome, glioblastome Combrétastat ine A1 diphosphate OXi4503 Prodrogue diphosphate de la combrétastatine A1

I Tumeurs solides, leucémie myelogénique aigue Plinabuline

NPI-2358

Dérivé de la

diketopiperazine I

Tumeurs solides avancées, lymphomes Crolibuline EPC2407 Inhibiteur de la polymérisation de la tubuline I Cancers avancés

Tableau I.8 : Agents antivasculaires en développement clinique [McKeage et Baguley, 2010 ; http://www.cancer.gov/drugdictionary; http://clinicaltrials.gov/].

Le mode d’action de la combrétastatine a été étudié par Tozer et est illustré Figure I.23 [Tozer et al., 2005]. Les molécules de type poison du fuseau induisent une modification de la morphologie des cellules endothéliales. Des réactions en

chaîne vont alors se produire : les cellules ayant perdu leur forme, une augmentation de la perméabilité vasculaire favorisant la fuite des protéines va être observée. Cette fuite de protéines va augmenter la pression du liquide interstitiel provoquant une vasoconstriction. Cette vasoconstriction favorisant la stase des hématies, la viscosité sanguine va alors augmenter provoquant la réduction du flux sanguin.

Figure I.23 : Mode d’action de la combrétastatine [Tozer et al., 2005]

Le mode d’action des flavonoïdes et du DMXAA n’est pas encore bien élucidé, une revue de leurs différents effets est présentée dans le chapitre III de ce manuscrit.

5.2 Les molécules anti-angiogéniques en développement

Chez l’adulte, la vascularisation est en général quiescente, avec seulement 0,1 % de cellules endothéliales en division. Ainsi, cibler les cellules endothéliales tumorales permet une approche spécifique dans le cancer [Carmeliet, 2000]. L’angiogenèse requiert la liaison de molécules de signalisation telles que le VEGF à son récepteur présent à la surface des cellules endothéliales. Lorsque le VEGF et d’autres facteurs de croissance endothéliaux se lient à leur récepteur, des signaux de signalisation cellulaire sont initiés et favorisent la croissance et la survie de nouveaux vaisseaux sanguins.

Les inhibiteurs de l’angiogenèse interfèrent à différentes étapes dans ce processus. Par exemple le bevacizumab (Avastin®) est un anticorps monoclonal qui reconnaît spécifiquement et se lie au VEGF [Shih et Lindley, 2006]. Lorsque le VEGF est lié au bevacizumab, il n’est plus capable de se lier et d’activer son récepteur le VEGFR. D’autres inhibiteurs de l’angiogenèse comme le sorafenib et le sunitinib, se

lient à leur récepteur sur la surface des cellules endothéliales ou à d’autres protéines de la cascade de signalisation cellulaire, et bloquent leur activité [Gotink et Verheul, 2010]. Le Tableau I.9 présente les cibles angiogéniques pour lesquelles des essais cliniques sont actuellement en cours. Certaines de ces molécules comme le bevacizumab, le sunitinib et le sorafenib sont déjà utilisées en clinique et ont déjà été citées dans le paragraphe thérapie ciblée. Les études cliniques en cours sur ces molécules ont pour but d’évaluer d’autres applications ou de valider des associations avec d’autres thérapies anticancéreuses.

Cibles

Angiogéniques Inhibiteur Type de molécules Phase Tumeur ou cellules traitées VEGF-A Bevacizumab

(Avastin) Anticorps II/III

Gliome, cancer du côlon, poumon et du sein VEGFR tyrosine kinase Sorafenib (BAY 54-9085, Nexavar) petite molécule inhibitrice I/II

Carcinome des cellules rénales, cancer du poumon et du sein

Tivozanib (AV-951)

petite molécule

inhibitrice I

Carcinome des cellules rénales, cancer du sein métastatique, cancer colorectal avancé Cediranib (AZD2171 Recentin) petite molécule

inhibitrice II Gioblastome multiforme Axitinib (AG-013736, Inlyta) petite molécule inhibitrice I/II Cancer du poumon, du pancréas, gastrique avancé et cancer du sein métastatique

VEGFR et PDGFR tyrosine kinase Sunitinib (SU11248, Sutent) petite molécule inhibitrice II

Carcinome des cellules rénales, cancer du poumon et du sein Kinases cycline- dépendante Seliciclib (CYC202, R-roscovitine) petite molécule inhibitrice I/II

Cellules endothéliales, cancer du sein, cancer du poumon à non petites cellules, cancer nasopharyngé

Tableau I.9 : Anti-angiogénique en développement préclinique et clinique [Linkous et Yazlovitskaya, 2012; http://www.cancer.gov/drugdictionary; http://clinicaltrials.gov]

Mis à part les petites molécules inhibitrices et les anticorps ciblant le VEGF, d’autres molécules présentes sur les cellules endothéliales et nécessaires à l’angiogenèse telles que les intégrines peuvent également être ciblées dans un but thérapeutique. Les essais cliniques sur ces molécules sont présentés ci-après.