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Les caractéristiques des stratégies de l’entreprise familiale

Dans le document «Etude du comportement stratégique de (Page 59-63)

Section 2. Les interactions famille – entreprise : atouts et handicaps

D. Autres formes familiales

2.4.3. Les caractéristiques des stratégies de l’entreprise familiale

exemple, une entreprise familiale peut se lancer dans certains investissements que d’autres entreprises refuseraient d’aborder du fait de leur degré de risque dissuasif, ou bien du fait qu’il ne généreraient de résultats qu’après une durée de temps très longue. Ainsi, cette orientation à long terme est un atout stratégique pour les entreprises familiales dans la mesure où cette patience caractéristique leur permet de tirer profit des cycles économiques défavorables : dans les périodes difficiles, lorsque certaines entreprises s’affaiblissent, les entreprises familiales résistent et en profitent même pour acheter d’autres entreprises à bas prix. Ce qui leur permet alors, d’effectuer des opérations de diversification très rapidement ou bien d’augmenter leur part de marché.

Dans cette optique de long terme, les familles ont tendance à poursuivre des investissements stratégiques pendant les périodes de récession alors que les autres entreprises les réduisent ou les suppriment à ce moment là, mais avec le temps de tels investissements peuvent se traduire par une création de valeur substantielle qui va récompenser la patience initiale.

La spécificité des entreprises familiales en matière de stratégie est telle qu’elle défie même certains dogmes ou sagesses en la matière. Dans le cas de la diversification par exemple, contrairement à la sagesse suivant laquelle les entreprises qui opèrent des diversifications s’efforcent à élargir, renforcer leur position dans un marché ou dans une branche industrielle, les entreprises familiales, au contraire, peuvent effectuer des diversifications en investissant dans des secteurs industriels sans aucun rapport avec leur activité de base. Cette stratégie permet à l’entreprise familiale d’atténuer son risque puisqu’elle l’oriente vers des industries aux caractéristiques économiques différentes et aux potentialités meilleures.

Les entreprises familiales adoptent également des stratégies d’intégration verticale, alors même que la théorie économique stipule qu’il faudrait mieux externaliser, c’est-à-dire, « faire-faire » plutôt que de faire-faire soi-même, afin d’éviter d’engendrer par exemple la bureaucratie et les tensions internes. Cette particularité, eu égard à sa contradiction frontale avec les perceptes économiques, est rendue possible et même efficace grâce à la vision à long terme de ce type d’entreprise. Car l’horizon temporel relativement long, leur permet de minimiser les problèmes inhérents à la stratégie d’intégration verticale, en mettant en œuvre une meilleure coordination et tirant ainsi profit de la stratégie adoptée.

Les entreprises familiales sont également singulières en matière de stratégie par le fait qu’elles se positionnent sur des niches inhabituelles en investissant dans des activités que les autres n’apprécient pas telles que les industries dites sales (la gestion des déchets) ou bien les activités à haut risque. Sur le long terme, les entreprises familiales peuvent y développer des ressources et compétences très spécifiques (en matière de processus, de produits, d’outils et de savoir-faire), tout un capital d’expérience à transmettre aux générations suivantes, et à « créer une véritable mémoire institutionnelle» (Carlock et Ward; in Kenyon-Rouvinez et Ward, 2004, p 43).

Dans leur stratégie à long terme, les entreprises familiales accordent une attention particulière à leur propre histoire qu’elles utilisent pour y puiser des leçons. Ayant gardé en mémoire leurs expériences passées dans les périodes les plus difficiles qu’elles ont pu dépasser, elles utilisent les leçons tirées pour affronter les nouvelles périodes de crise. Ce savoir est à la fois transmis à l’intérieur de l’organisation ainsi qu’aux générations suivantes ce qui permet alors à de telles entreprises d’adopter des stratégies non conventionnelles.

2.4.3.2. La stratégie de croissance

Le fondateur de l’entreprise familiale est réputé trop réservé, voire réticent, «la longévité du Président Directeur Général peut conduire à des paradigmes stratégiques rigides» (Carlock et Ward; in Kenyon-Rouvinez et Ward, 2004, p 40). Et cela inhibe les perspectives de croissance. Contrairement à cela, la succession peut donner lieu à un plus grand dynamisme stratégique « les successions remettent en question les paradigmes établis, gèrent plus habilement la performance de l’entreprise et se montrent plus offensifs dans la recherche de nouveaux projets générateurs de croissance» (Carlock et Ward, in Kenyon-Rouvinez et Ward, 2004, p 41).

Ainsi, par exemple au moment de la maturité de l’entreprise la croissance peut ralentir et lorsque les nouveaux successeurs s’attèlent à la croissance ils peuvent multiplier les segments d’activité (c’est-à-dire la diversification). Cela va se traduire par de véritables partenariats entre frères et sœurs, et par là même, donner à chacun d’eux une certaine autorité et une responsabilité propres.

2.4.3.3. Les stratégies relatives au capital

L’utilisation du capital devient une question centrale de stratégie lorsque l’entreprise est à un âge avancé et a opéré plusieurs diversifications. Pour une utilisation judicieuse du capital, chaque segment d’activité doit être passé au peigne fin en l’évaluant en fonction du potentiel stratégique qu’il présente. Ainsi, l’entreprise étant à un âge avancé, certains de ses segments peuvent être parvenus à leur stade de maturité voire à la fin de leur croissance, il faudrait alors réorienter du capital de tels segments vers d’autres plus frais et présentant un potentiel plus important à long terme.

A un stade avancé de la vie de l’entreprise familiale, celle-ci peut se transformer quasiment en holding et cela accentue l’orientation stratégique axée sur l’allocation du capital, et le premier souci de l’entreprise devient alors la performance financière, c’est-à-dire, un segment d’activité peut être sacrifié pour un autre même si cela n’est pas aussi simple dans le cas des entreprises familiales, puisqu’il peut s’agir d’une activité chère à la famille (en raison de liens historiques ou personnels). «Ce changement de perspective, associé à la concentration du contrôle, transforme souvent les grands groupes familiaux en protecteurs efficaces du capital (stewards of capital) » (Carlock et Ward, in Kenyon-Rouvinez et Ward, 2004, p 42).

2.4.3.4. L’alignement de la planification stratégique et de l’actionnariat

Les entreprises familiales présentent certaines spécificités en matière de planification stratégique. En effet, la planification stratégique est pratiquée à la base de la même manière dans les entreprises familiales que dans les entreprises non familiales en ce qu’elle comprend divers défis à relever. Les managers doivent travailler en étroite collaboration avec le conseil d’administration en vue de développer la vision, la mission et les objectifs de l’entreprise en utilisant diverses techniques recommandées en la matière en vue de développer une vue stratégique rigoureuse de l’entreprise et de son environnement.

Cependant, en plus des contraintes inhérentes à cette pratique, les entreprises familiales doivent faire face à une contrainte supplémentaire, celle de la nécessité d’aligner les stratégies de l’entreprise et les objectifs de l’actionnariat familial. Ainsi, l’élaboration d’une planification stratégique pour une entreprise familiale, sera un travail qui devra nécessairement prendre en

compte la vision et les valeurs de l’actionnariat familial, ainsi que les attentes des actionnaires en matière de retour sur investissement et de distribution de dividendes, «chaque entreprise familiale développe sa propre proposition de valeur actionnariale (Shareholder value proposition), qui inclut à la fois les caractéristiques de l’investissement souhaité et les objectifs de l’entreprise» (Carlock et Ward, in Kenyon-Rouvinez et Ward, 2004, pp 44-45). Il y aurait donc, à la fois des niveaux de risque, de rentabilité, de liquidité et de croissance comme objectifs qu’il faudrait définir clairement, et ceci n’est pas quelque chose de facile mais surtout pas figé et chaque entreprise a sa marge de flexibilité en la matière et particulièrement pour les entreprises familiales qui disposent d’une marge de flexibilité plus importante et qui constitue un véritable atout.

La planification stratégique au niveau de l’actionnariat doit être tout aussi dynamique que celle des évolutions stratégiques de l’entreprise de telle sorte qu’il pourrait apporter son soutien à l’entreprise si cela s’avère nécessaire et cela peut se produire à tout moment. Ce dynamisme nécessaire à la planification répond également au caractère de l’actionnariat qui peut être instable dans le temps, car à tout moment il peut y avoir des groupes d’actionnaires familiaux qui voudraient se retirer.

Quand la famille grandit, il y a en plus la nécessité de communiquer les objectifs et directives concernant la position de valeur actionnariale, la succession et la gouvernance, qui expriment l’actionnariat familial.

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