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1. La maladie d’Alzheimer

1.7 Les biomarqueurs

Les biomarqueurs les plus utilisés sont des marqueurs des dépôts d’amyloïde beta et de la protéine tau.

1.7.1 Imagerie médicale

Il est possible de détecter les plaques amyloïdes et les ENF dans le cerveau in vivo grâce à l'utilisation de traceurs marqués avec des composés radioactifs à demi-vie courte combinés à une imagerie par tomographie TEP (tomographie par émission de positrons)(Ichise et al., 2008; Klunk et al., 2004; Shoghi-Jadid et al., 2002). Trois composés sont les plus

couramment utilisés. L’un d’eux, le composé B de Pittsburg (PIB), un composé radiomarqué au carbone 11, marque préférentiellement les plaques amyloïdes mais se fixe aussi sur les ENF (Klunk et al., 2004). Les 2 autres sont des composés marqués au fluor 18 (Ichise et al., 2008; Shoghi-Jadid et al., 2002). Ces molécules peuvent se lier de manière non spécifique sur les fibrilles de tau (Harada et al., 2013). Les dépôts amyloïdes beta sont significativement augmentés dans le cerveau des individus atteints de la MA, mais pas dans le cerveau de personnes atteintes de troubles cognitifs légers (Rodrigue et al., 2009). Néanmoins, avec le vieillissement, il existe une grande variabilité dans les dépôts d'amyloïde beta : des individus cognitivement normaux peuvent avoir des niveaux élevés ou faibles d'amyloïde beta (Jack et al., 2008). En conséquence le marquage des dépôts amyloïdes in vivo ne peut pas être utilisé seul comme outil de diagnostic.

Les fibrilles de tau peuvent être détectés in vivo chez l’homme dans les enchevêtrements de neurofibrilles et les plaques neuritiques grâce à des traceurs (Leuzy et al., 2019; Okamura et al., 2018). Etant donné que la progression spatio-temporelle de tau dans le cerveau est

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corrélée avec la progression de la maladie, cette approche est très intéressante. Néanmoins, les premières générations de traceurs de tau pouvaient se fixer sur d’autres structures/molécules telles que les plaques amyloïdes, la mélanine, la lipofuscine, la mono- amine oxydase (Leuzy et al., 2019; Okamura et al., 2018). Les deuxièmes générations de marqueurs semblent très prometteurs car ils ne se fixent pas sur la mono-amine oxidase mais leur spécificité complète reste encore à être évaluée (Leuzy et al., 2019).

Le métabolisme du glucose cérébral ainsi que la consommation d’oxygène sont réduits dans le cerveau des personnes présentant des troubles cognitifs légers ou la maladie d’Alzheimer (Ishii et al., 1996; Lajoie et al., 2017; Ma et al., 2018). Il est assez facile de détecter par tomographie à émission de positrons (TEP) la consommation de glucose ou la consommation d’oxygène dans le cerveau humain. Il est ainsi possible de tracer le glucose en utilisant le 18- Fluoro-Deoxyglucose (18FDG-TEP)(Ma et al., 2018), ou l’oxygène en utilisant l’oxygène 15

radioactif (15O-PET)(Ishii et al., 1996). L’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique

peut aussi être utilisée pour détecter la consommation d’oxygène du cerveau ou signal BOLD (Blood Oxygen Level Dependent) (Lajoie et al., 2017; Logothetis, 2002; Ogawa et al., 1990a; Ogawa et al., 1990b). Cette méthode est basée sur le principe selon lequel la désoxyhémoglobine, grâce à son ion ferreux (Fe2+) localisé au centre du noyau hémique,

possède des propriétés paramagnétiques différentes quand elle fixe l’oxygène (Logothetis, 2002). Globalement, le suivi du métabolisme du glucose et de l’oxygène présente l’avantage d’avoir une bonne sensibilité pour le dépistage des troubles cognitifs légers et/ou de la MA (Ishii et al., 1996; Lajoie et al., 2017; Ma et al., 2018).

Pour finir, il est maintenant possible de détecter les niveaux de neuromélanine directement dans le locus coeruleus par imagerie par résonance magnétique (Betts et al., 2019b; Liu et al., 2019). Tout comme pour l’oxygène, la neuromélanine possède des propriétés paramagnétiques exploitables en imagerie. Néanmoins, même si une étude très récente montre que la détection de la neuromélanine permet de discriminer les individus normaux des patients Alzheimer (Betts et al., 2019a), il reste encore un certain nombre de limitations. Par exemple, la neuromélanine peut fixer des ions tels que le cuivre et le fer qui eux aussi possèdent des propriétés paramagnétiques pouvant induire des biais de détection (Enochs et al., 1989; Enochs et al., 1997; Trujillo et al., 2017). Également, les variabilités

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interindividuelles importantes de la neuromélanine, les confirmations histologiques post mortem peu nombreuses, et les divergences entre les études sur le profil d’accumulation de la neuromélanine avec l’âge font que des études supplémentaires doivent être réalisées (Betts et al., 2019b).

1.7.2 Les marqueurs biochimiques

Les deux marqueurs biochimiques les plus étudiés dans les troubles cognitifs légers et la maladie d’Alzheimer sont le peptide amyloïde beta et la protéine tau. Ils peuvent être détectés principalement dans le liquide céphalo rachidien (LCR) ou dans le sang/plasma. D’autres fluides corporels tels que la salive et l’urine sont aussi à l’étude pour le développement de biomarqueurs.

1.7.2.1 Dans le liquide céphalo rachidien

Un grand nombre d’études ont exploré les quantités de tau et d’amyloïde beta dans le contexte de la maladie d’Alzheimer (Fagan et al., 2007; Ritchie et al., 2017). Avec le développement de la maladie d’Alzheimer, la quantité du peptide amyloïde beta de 42 acides aminés (A42) dans le liquide céphalo rachidien diminue et celle de tau total (Fagan et al., 2007; Galasko et al., 1998; Motter et al., 1995; Sunderland et al., 2003) et tau phosphorylée en position thréonine 181 augmentent (Thomann et al., 2009). Les études montrent que c’est le ratio tau/amyloïde beta 42 qui est le meilleur prédicteur de la maladie d’Alzheimer (Galasko et al., 1998; Ganguli et al., 2004; Janelidze et al., 2018; Ward et al., 2012). Cependant cet outil n’est utilisé qu’en recherche clinique. Le ratio tau/A42 ne permet pas non plus de diagnostiquer les troubles cognitifs légers (Ritchie et al., 2017). Quelques études longitudinales prometteuses montrent en revanche que le ratio phospho-tau 181/A42 pourrait être un bon prédicteur du déclenchement de la MA chez les personnes présentant des troubles cognitifs légers, mais les cohortes sont de petites tailles (140 individus présentant des troubles cognitifs légers et 293 individus sains) (Hansson et al., 2006; Koivunen et al., 2008; Monge-Argiles et al., 2011; Parnetti et al., 2012; Ritchie et al., 2017; Visser et al., 2009).

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Chez les individus sains, la quantité de tau dans le LCR augmente avec l’âge alors que pour le peptide amyloïde beta 42, il n’y a pas de corrélation entre la quantité de A42 et le vieillissement (Sjogren et al., 2001).

D’autres marqueurs pourraient aussi être tracés dans le LCR pour suivre le développement de la MA. Une étude longitudinale récente réalisée sur une cohorte de 821 personnes suivies pendant 1 à 6 ans (durée moyenne de 3ans) montre que 5 marqueurs de l’inflammation (Intercellular Adhesion Molecule 1, Vascular Cell Adhesion Molecule 1, Chitinase 3 Like Protein 1 (YKL40), interleukine 15, Fms Related Tyrosine Kinase1) pourraient être de bons prédicteurs du développement de la maladie d’Alzheimer et également de bons marqueurs des troubles cognitifs légers (Janelidze et al., 2018). Cependant cette étude ne révèle rien sur la spécificité de ces marqueurs de l’inflammation pour la MA.

1.7.2.2 Dans le sang

La protéine tau et le peptide A sont aussi sécrétés dans le sang en très faible quantité(Lue et al., 2017). Il fut très longtemps difficile de détecter de manière fiable ces 2 marqueurs dans le sang en raison de limitations technologiques. Des progrès technologiques récents ont néanmoins permis de détecter de très faibles quantités de tau et de A dans le sang (Randall et al., 2013). Ces études révèlent que le niveau de la protéine tau plasmatique augmente de manière significative dans le plasma des patients atteints de la MA (Olsson et al., 2016; Pase et al., 2019; Zetterberg et al., 2013). Également, il est possible de détecter la protéine tau phosphorylée en position thréonine 181 mais les études sont contradictoires et de petite taille (Mielke et al., 2018; Park et al., 2019; Tatebe et al., 2017). En ce qui concerne les quantités de A aussi les études sont contradictoires : certaines études montrent que le niveau de Adans le sang diminue (Janelidze et al., 2016; Park et al., 2019) alors que d’autres montrent qu’il ne change pas (Olsson et al., 2016).

D’autres marqueurs tels que ApoJ ou les sphingolipides sont aussi à l’étude pour le diagnostic ou le développement de la MA mais des études complémentaires sont requises (O'Bryant et al., 2017). Également, les marqueurs épigénétiques circulants représentent une piste

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intéressante pour le suivi de la MA mais il semblerait qu’il y a de grandes disparités entre les études (Fransquet et al., 2019; Kumar et al., 2016; Wu et al., 2016).

1.7.2.3 Autres fluides

Il est intéressant de noter que certaines équipes de recherche s’intéressent à la détection de tau et de A42 dans la salive (Gleerup et al., 2019) et les urines (Takata et al., 2008) mais ces études sont très peu nombreuses, concernent de petites cohortes et nécessitent par conséquent d’être répliquées.

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