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1.5 Les tumeurs du système nerveux central

1.5.2 Les anomalies moléculaires des glioblastomes

L’étiologie des GB est complexe et comprend presque toujours des mutations causant la perte ou la surexpression de plusieurs gènes importants. Sur cette base, les GB peuvent être séparés en deux grands groupes. Dans le premier groupe, les GB primaires surviennent généralement chez des patients âgés de plus de 50 ans et ces tumeurs se caractérisent souvent par plusieurs mécanismes génétiques. Pour notre part, nous décrirons les anomalies les plus communes, notamment les phénomènes d’amplifications et de mutations du gène codant pour EGFR et la perte d’expression de la protéine PTEN. Dans le second groupe, les GB secondaires, moins fréquents, surviennent chez des patients généralement plus jeunes. Les GB secondaires sont surtout caractérisés par des mutations inactivant la voie apoptotique de p53 (Wen et Kesari, 2008).

1.5.2.1 L’amplification du gène EGFR

En 1985, l’amplification du gène codant pour le récepteur à tyrosine kinase (RTK) EGFR fut l’une des premières anomalies génétiques découvertes et associées à la pathogenèse des GB (Libermann et al., 1985). L’amplification du récepteur EGFR survient presque qu’exclusivement dans les GB primaires dans une proportion atteignant près de 40 à 50% des cas (Wen et Kesari, 2008). Le fait que les GB possèdent souvent au moins un des ligands capables d’activer le récepteur − EGF, TGF-α, l’amphiréguline, l’héparine liée

à EGF et l’épiréguline − suggère que dans certains cas la croissance tumorale doit être régulée par des stimulations autocrines ou paracrines de la voie de signalisation induite par EGFR (Wechsler-Reya et Scott, 2001). Une étude plus approfondie de la séquence d’amplification d’EGFR révèle que l’activation du récepteur est parfois totalement indépendante de la liaison du ligand. En effet, la séquence des gènes démontre des mutations ou des réarrangements qui génèrent une protéine mutante pour laquelle une portion du domaine extracellulaire est absente. Ces protéines EGFR mutantes ne peuvent alors recevoir leurs ligands, mais elles sont dotées en revanche d’une activité tyrosine kinase constitutive (Wechsler-Reya et Scott, 2001). Récemment, il fut démontré que certaines mutations peuvent se produire dans le domaine extracellulaire afin de produire un mutant constitutivement actif (Zwick et al., 2002). Donc, en résumé, la signalisation induite par EGFR dans les GB peut se faire selon un schéma dépendant du ligand ou non.

L’activation d’EGFR dans une grande proportion de GB suggère donc un rôle important de ce récepteur dans le développement des astrocytes. Cette hypothèse est d’ailleurs appuyée par des études chez des souris déficientes pour l’expression d’EGFR qui présentent plusieurs anomalies, notamment une dégénération importante des neurones du cortex frontal, du bulbe olfactif et du thalamus (Kornblum et al., 1998). D’autres études in vitro démontrent que l’activation d’EGFR régule la prolifération des astrocytes en culture (Kornblum et al., 1999). Donc dans un premier temps, l’amplification du récepteur EGFR peut contribuer à la progression tumorale des GB en induisant la prolifération des astrocytes. En plus de son rôle dans la prolifération, EGFR induit également la migration à la fois des astrocytes normaux et des astrocytes tumoraux (Wechsler-Reya et Scott, 2001). Finalement, EGFR contribue aussi à la malignité des GB.

1.5.2.2 La perte d’expression de PTEN : effet sur la survie, l’angiogenèse et l’hémostase La découverte de l’importance du gène suppresseur de tumeur PTEN contribua à améliorer considérablement l’état de nos connaissances sur l’étiologie des GB. Ce gène code pour une protéine de 55 kDa partageant des séquences d’homologie avec les protéines à activité tyrosine phosphatase. Toutefois, contrairement à ses homologues, PTEN possède une double fonction en tant que phosphatase. PTEN peut déphosphoryler des substrats protéiques aussi bien que des substrats lipidiques; cependant son activité phosphatase est beaucoup plus efficace avec des substrats de nature lipidique. L’activité de phosphatase protéique de PTEN est médiée par la voie de signalisation des MAPK p42/p44 ou p38, alors que l’activité de phosphatase lipidique est médiée par la voie de la PI3-kinase/AKT. Ainsi en situation physiologique normale, la réaction la plus importante de cette phosphatase est de convertir le phosphatidylinositol (3,4,5)-triphosphosphate (PIP3), un second messager qui, une fois produit, active les voies de survie médiées par AKT, en phosphatidylinositol (4,5)-biphosphate (PIP2). Dans ce schéma, la réduction du niveau de PIP3 cellulaire par PTEN réduit donc l’activation de AKT et contribue à rendre les cellules plus sensibles à l’apoptose. En ce sens, PTEN est un acteur important impliqué dans le développement normal en régulant la prolifération des astrocytes. Dans la tumorigenèse et particulièrement dans les GB, la perte d’expression de PTEN est fréquente et a plusieurs effets importants, notamment sur la résistance des cellules cancéreuses à l’apoptose (Koul, 2008).

PTEN semble également jouer un rôle important dans le phénotype angiogénique des GB. En effet, les GB représentent les tumeurs humaines les mieux vascularisées. Il fut constaté que la perte d’expression de PTEN constitue un élément important permettant le développement du réseau vasculaire de ces tumeurs. La modification génétique des cellules cancéreuses de GB démontre que la reconstitution de l’expression et de l’activité de PTEN produit une diminution de l’activation d’AKT, une augmentation de l’expression de l’inhibiteur de l’angiogenèse TSP-1, le tout résultant en une activité et une vascularisation

tumorale fortement réduite (Wen et al., 2001). De plus, l’inactivation de PTEN produit une augmentation d’expression de VEGF dans les cellules de GB, in vitro, suggérant ainsi que l’absence de PTEN contribue activement à l’établissement du phénotype angiogénique en favorisant l’expression de facteurs pro-angiogéniques et en réduisant l’expression de facteurs anti-angiogéniques comme TSP-1 (Gomez-Manzano, 2003). En présence de PTEN, VEGF est normalement réprimée par l’activité de phosphatase lipidique de PTEN (Gomez-Manzano, 2003).

Finalement, le dépôt de fibrine extravasculaire dans l’environnement tumoral immédiat est un phénomène fréquemment observé dans les GB (Bardos et al., 1996). Plusieurs études indiquent également que l’expression de TF est corrélée avec le grade histologique des GB (Hamada et al., 1996; Guan et al., 2002). Les mécanismes moléculaires régulant l’expression de TF sont relativement peu connus. Il fut toutefois démontré récemment que la perte d’expression de PTEN, combinée aux conditions hypoxiques prévalentes au sein de la masse tumorale, pouvait contribuer à augmenter l’expression de TF en conditions in vitro (Rong et al., 2005). Contrairement à VEGF, PTEN contrôle négativement l’expression de TF via son activité de phosphatase protéique (Rong et al., 2005). De plus, l’expression de TF dans les GB influence également le phénotype angiogénique, car l’expression de TF corrèle avec la densité du réseau vasculaire tel qu’observé dans différentes coupes histologiques de tumeurs cliniques (Guan et al., 2002).

1.5.2.3 La dérégulation de p53 et résistance à l’apoptose

La progression tumorale nécessite à un moment ou un autre la dérégulation des mécanismes apoptotique des cellules cancéreuses. Dans les GB, comme dans plusieurs autres types de tumeurs, ceci s’accomplit par une dérégulation importante de plusieurs gènes importants régulant l’activité de p53. Dans un premier temps, près de 25% des GB présentent des mutations ou des délétions du gène codant pour la protéine p53 elle-même. D’autres anomalies surviennent dans 5 à 12% des cas, causant une amplification de

l’expression de la protéine MDM2, responsable de l’inactivation et la dégradation de p53. Finalement, dans 30 à 40% des cas une mutation empêche l’inhibiteur de MDM2, ARF, d’être transcrit, ce qui favorise la dégradation de p53 par MDM2. Globalement, près de 75% des GB présentent une habilité réduite à induire la voie apoptotique régulée par p53 (Wechsler-Reya et Scott, 2001).