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Partie A : Questions de recherche, construction théorique et

1.3 Les évolutions dans l’enseignement des mathématiques au collège

L’enseignement des mathématiques apparaît très tôt dans le système éducatif français, en 1802, à côté de l’enseignement du latin, comme fondamental dans les lycées (Gueudet et al., 2017). Depuis plus de deux cents ans, divers changements se sont enchaînés, concernant les contenus et sur la manière d’enseigner cette discipline à tous les niveaux : collèges, lycées et universités. Nous nous intéressons en particulier aux changements réalisés au niveau du collège, puisque notre recherche a eu lieu au cours d’une période de changement à ce niveau : la réforme du collège en 2016.

Plusieurs changements ont précédé cette réforme. Nous en citons brièvement trois parmi les plus récents et significatifs : la réforme des mathématiques modernes, la contreréforme qui l’a suivie, et le socle commun (Alves et al., 2013). Les deux premiers mettent en évidence le passage d’un enseignement très formel à un enseignement basé sur la résolution de problèmes (Alves et al., 2013). Mais c’est surtout le troisième qui nous intéresse, car il est la base du programme de 2016. Celui-ci a mis en place deux grands changements par rapport à l’apprentissage des mathématiques : l’apprentissage par les démarches d’investigation (DI) et le socle commun de compétences. En ce qui concerne la démarche d’investigation (DI), elle vise à rendre les élèves plus actifs, responsables et autonomes dans leur processus d’apprentissage en réalisant des tâches plus ouvertes (Hammould, 2012). Cette démarche est proposée pour les disciplines scientifiques (sciences et mathématiques). En ce qui concerne le socle commun de compétences, il promeut l’aptitude, les attitudes et connaissances des élèves pour faire face à des besoins identifiés (Bodin, 2008). Ces changements visent le développement d’un enseignement qui s’adapte à chaque élève pour développer des mathématiques vivantes au collège (Gueudet et al., 2017).

Ces nouvelles perspectives sont sans doute en relation avec les résultats de l’évaluation PISA (Gueudet et al., 2017). Bodin (2008) précise que ce sont les réussites très moyennes des

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étudiants français dans cette évaluation qui ont entraîné des changements de programme scolaire en France. Par ailleurs, Gueudet et al. (2017) mettent en évidence le rôle de la recherche en didactique sur certaines réformes de l’enseignement des mathématiques. Pour avoir un point de vue plus global sur la nature des réformes à engager, a été créé en 2013 le Conseil Supérieur des Programmes (CSP). Ce conseil est formé par des inspecteurs, des universitaires, des éducateurs et des enseignants. C’est ce conseil qui a été en charge de la réforme des programmes de 2006, pour la scolarité obligatoire (de la maternelle à la fin du collège) et dans toutes les disciplines. Pour ce qui concerne les mathématiques, le conseil a rencontré la Commission Française pour l’Enseignement des Mathématiques (CFEM), ainsi que des enseignants de terrain, avant de décider des changements à mettre en œuvre. Basé sur ces principes du socle commun, en 2016, un nouveau programme curriculaire a été mis en place proposant de profonds changements. Nous allons exploiter ces changements par rapport à deux de leurs aspects : les aspects généraux et les aspects propres à la discipline de mathématiques. Pour le premier aspect, nous présentons les changements au niveau de la structure et des relations entre les disciplines. Pour le deuxième, nous présentons l’introduction d’un nouveau sujet « algorithmique et programmation » et les outils numériques pour l’enseignement des mathématiques.

Pour les aspects généraux :

• Auparavant, le programme était présenté par discipline : mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre, technologie, etc. Et il était divisé en deux sections. Dans la première section, il y avait une introduction commune et des thèmes convergents entre les disciplines qui appartenaient à un même groupe (par exemple, un groupe était formé par mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre, et technologie). Dans la deuxième section, il y avait un préambule pour chaque discipline qui présentait des contenus, des contributions pour le socle commun, des objectifs, les connaissances et des capacités devant être travaillées pour chacune des années du collège. Dans le cas des mathématiques cette section présentait ces aspects en quatre parties : l’organisation et la gestion de données, les fonctions ; les nombres et le calcul ; la géométrie ; et les grandeurs et les mesures. • Le document de la réforme de 2016 présente une autre structure. D’abord, toutes les

disciplines sont présentées dans un document unique, celui-ci étant partagé en trois cycles : cycle 2, cycle 3 et cycle 4 (nous ne parlons pas ici du cycle 1, correspondant à l’école maternelle, qui avait été modifié un an auparavant). Cette nouvelle structure

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suppose un travail continu au sein de chaque cycle de trois ans et non plus annuellement. De ce fait, une nouvelle structure est constituée : le cycle 2 (âge 6 à 8 ans) est composé par le cours préparatoire, le cours élémentaire 1 et le cours élémentaire 2 ; le cycle 3 (âge de 9 à 11 ans) intègre le cours moyen 1, le cours moyen 2 et la sixième (et donc il fait le pont entre l’école primaire et le collège) ; et le cycle 4 (âge de 12 à 14 ans) intègre les trois dernières années du collège : la cinquième, la quatrième et la troisième. Chaque unité contient trois sections : les spécificités du cycle, les contributions pour le socle commun et les propositions curriculaires pour chaque discipline. Le travail en cycle vise à ouvrir une marge de manœuvre pour que l’enseignement puisse s’adapter aux besoins des étudiants, en laissant plus de flexibilité au curriculum (Gueudet et al., 2017). Ce changement exige une coordination entre les enseignants de chaque cycle, en particulier, entre les enseignants du collège et de l’école primaire pour le cycle 3. De ce fait, ce changement vise également à établir une continuité entre l’enseignement de l’école primaire au collège.

Dans cette réforme, l’articulation entre disciplines est organisée dans des dispositifs spécifiques, les Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI). Ces dispositifs concernent toutes les disciplines, chacune les intégrant dans son programme propre sous l’étiquette « croisements entre enseignements ». Par exemple, en mathématiques, six EPI sont présents pour travailler l’interdisciplinarité dans le cycle 4 : (1) Corps, santé, bien-être et sécurité ; (2) Culture et création artistique ; (3) Transition écologique et développement durable ; (4) Information, communication, citoyenneté ; (5) Langues et cultures de l’Antiquité ; et (6) Sciences, technologie et société. Ce travail va exiger une coordination entre les enseignants des disciplines concernées. Il est ainsi prévu un créneau pour la mise en œuvre des classes co-animées par les enseignants des différentes disciplines. Ce changement vise une meilleure articulation des différents enseignements.

Au niveau du changement des contenus, en mathématiques, un nouveau thème a été intégré : l’algorithmique et la programmation. Ce contenu avait déjà été intégré au niveau du lycée, dans une approche aussi bien technique que théorique : apprendre certains algorithmes, apprendre le langage de certains programmes et la notion d’affectation de variable (BO HS n° 30 du 23 juillet 2009, p. 9). Les recherches en didactique (Gueudet et al., 2017) ont mis en évidence les liens forts entre la « pensée mathématique » et la « pensée algorithmique ». L’algorithmique comme « outil » des mathématiques donne de nouvelles méthodes pour

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résoudre des problèmes7. L’algorithmique comme « objet » mobilise les raisonnements de preuves en mathématiques afin de montrer leurs efficacités et leurs niveaux d’optimisation (Modeste, Gravier & Ouvrier-Buffet, 2010). Au collège, l’intégration de ce thème vise une introduction des langages de programmation et de la notion d’algorithmique comme base d’un approfondissement qui aura lieu ultérieurement au lycée. Ce contenu est aussi une occasion d’interdisciplinarité entre technologie et mathématiques.

Les outils numériques interviennent dans le programme de mathématiques au-delà du thème algorithmique et programmation. Gueudet et al. (2017) signalent le travail proposé avec une calculatrice depuis le cycle 3 pour l’enseignement des nombres et du calcul. Ils notent aussi la présence de logiciels de mathématiques dans le thème espace et géométrie, par exemple comme un logiciel pour travailler le déplacement, ou pour le travail avec la géométrie dynamique. D’ailleurs, sur le site du ministère français de l’éducation (http://eduscol.education.fr/), on trouve des ressources pour l’accompagnement de la mise en œuvre du programme dans lesquels d’autres ressources numériques sont présentées. Dans la section d’algorithmique et de programmation du cycle 4, par exemple, plusieurs situations utilisant le logiciel Scratch (Annexe 1 – Glossaire, https://scratch.mit.edu/) sont proposées. Il apparaît ainsi que la réforme du collège propose de profonds changements dans l’enseignement en général et, en particulier, dans l’enseignement des mathématiques. Ainsi, ces changements peuvent impacter l’organisation de l’activité collective des enseignants (Amigues, 2009). Les résultats de plusieurs recherches mettent en évidence l’importance du travail collectif des enseignants (Amigues, 2009 ; Grangeat, 2008 ; Gueudet & Trouche, 2008 ; Robutti & al, 2016 ; Sabra, 2011). Nous évoquons dans la section suivante la dimension collective du travail des enseignants.

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