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A - La lente mise en place de l’étiquetage nutritionnel

1 -L’adoption du nouveau logo

En France, le principe d’un logo nutritionnel sur les emballages alimentaires destiné à mieux informer le consommateur est apparu dans le PNNS 2011-2015, (action 3.1). Dès 2013, le PNNS préconisait, sur la base d’études publiées, la mise en œuvre d’un logo nutritionnel simplifié, placé en face avant des emballages alimentaires. Il recommandait que ce logo soit un score à cinq classes traduites par cinq couleurs, du vert au rouge, appelé 5-C, devenu ultérieurement Nutri-Score. Cette proposition allait dans le même sens que celles des associations de consommateurs comme l’UFC-Que choisir qui avaient, de longue date, souhaité un étiquetage nutritionnel synthétique simplifié, placé en face avant.

L’article 14 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 dispose que la déclaration nutritionnelle obligatoire figurant sur l’emballage des produits alimentaires

« peut être accompagnée d’une présentation ou d’une expression complémentaire au moyen de graphiques ou de symboles, dans les conditions prévues à̀ l’article 35 » du règlement européen 1169/2011, dit règlement INCO. L’article 35 de ce règlement prévoit que « [...] Les États membres peuvent recommander aux exploitants du secteur alimentaire d’utiliser une ou plusieurs formes d’expression ou de présentation complémentaires de la déclaration nutritionnelle dont ils estiment qu’elles satisfont le mieux aux exigences fixées au paragraphe 1, points a) à g) [...] ». L’élaboration du logo recommandé par les pouvoirs publics a été marquée par des difficultés et par l’opposition d’une partie des industries agroalimentaires et des distributeurs. L’association nationale des industries alimentaires (ANIA) avait écrit à la Commission européenne en juillet 2013 puis, de même que la fédération italienne de

151 Ofcom, HFSS (high fat salt or sugar) advertising restrictions Final Review, 26 juillet 2010.

l’agroalimentaire et de diverses fédérations nationales ou européennes de producteurs, déposé plainte auprès d’elle le 20 février 2014 contre le système coloriel « Traffic lights » (feux tricolores) mis en place en Grande-Bretagne.

À la suite d’une concertation lancée par la ministre des affaires sociales et de la santé avec les parties prenantes, un accord s’est dégagé en 2016 pour retenir le principe d’une évaluation préalable. Cette idée faisait suite à une proposition formulée en juin 2015 dans le cadre de travaux antérieurs du Fonds Français pour l’alimentation et la santé. Cette évaluation, pour un budget total de 2,3 M€, a été financée par des subventions publiques (1,1 M €) et par le Fonds français pour l’alimentation qui a apporté 1,2 M€ venant de 70 entreprises de la production et de la distribution. La combinaison des divers effets explorés systématiquement a fait apparaître une nette supériorité pour Nutri-Score, qui est devenu le système de référence, sur une base volontaire.

Le choix par les pouvoirs publics, par l’arrêté du 31 octobre 2017, du Nutri-Score comme le seul système d’étiquetage nutritionnel recommandé par l’État s’est rapidement heurté à l’opposition d’une partie des industriels. À ce jour, on ne dispose pas encore d’évaluations relatives à la mise en œuvre du logo : la liste des entreprises qui se sont engagées à le mettre en œuvre fait principalement apparaître, parmi les groupes importants, Fleury Michon, Bonduelle, Danone produits frais France et Casino152. 180 marques et entreprises se sont engagées en faveur du Nutri-Score au 20 septembre 2019. Le Nutri-Score a néanmoins été accueilli favorablement par les consommateurs, qui disposent ainsi d’un moyen simple et compréhensible d’information sur la qualité nutritionnelle des aliments. Le 31 décembre 2018, le Nutri-Score a été élu meilleure innovation de l’année pour la Belgique par le journal De Standaard.

Face aux résistances rencontrées, certains parlementaires ont tenté d’introduire une obligation d’affichage dans les publicités : en mai 2018, lors de l’examen du projet de loi agriculture et alimentation, des députés de différents partis ont cherché à interdire ou limiter les messages publicitaires en faveur des « produits alimentaires et boissons trop riches en sucre, sel ou matières grasses et ayant pour cible les enfants de moins de 16 ans » sur « tout support de communication radiophonique, audiovisuel et électronique » et de rendre obligatoire la mention du Nutri-Score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires. Cet amendement n’a pas été voté153.

Selon un sondage mené par Santé publique France sur des échantillons allant de 1 000 à 2 000 personnes, en mai 2019, 81 % des Français avaient déjà vu ou entendu parler du Nutri-Score contre 58 % en avril 2018, avant une campagne de promotion. Près d'un quart (23,6 %) des sondés de mai 2019 assurent que le Nutri-Score les a incités à choisir un produit mieux noté qu'un autre, contre moins de 14 % en avril 2018. Dans le PNNS 4 lancé le 20 septembre 2019, la Ministre de la santé a souligné l’importance du Nutri-Score pour atteindre les objectifs fixés par ce plan.

152 Santé Publique France, NUTRI-SCORE, dossier pédagogique, février 2018.

153 Les principaux dirigeants des chaînes de télévision avaient pour leur part adressé, le 10 mai, une lettre au gouvernement et à plusieurs députés, pour s’opposer fermement aux « restrictions relatives à la publicité alimentaire dans les médias », estimant que cette « simple mention nutritionnelle » risquerait de faire fuir leurs annonceurs.

2 - L’enjeu de l’obligation de l’étiquetage nutritionnel

Les démarches entreprises pour rendre obligatoire l’affichage nutritionnel ont échoué, notamment en raison d’un possible incompatibilité avec le règlement européen INCO.

Lors de son discours de politique générale, le 12 juin 2019, le Premier ministre s'est félicité de la mise en place du Nutri-Score et a déclaré : « Nous la défendrons auprès de la Commission européenne et de nos partenaires afin de rendre le Nutri-Score obligatoire ». Si cette proposition était retenue, l’affichage du Nutri-Score sur tous les produits alimentaires serait un gage de qualité nutritionnelle, et pourrait, à terme, constituer un élément de montée en gamme des produits de l’industrie agro-alimentaire française, dans un marché européen de plus en plus sensible à la qualité de l’alimentation. Rendre le Nutri-Score obligatoire permettrait un encadrement normatif plus efficace pour améliorer la composition nutritionnelle des aliments avec l’instauration de plafonds de sel, de sucre et de graisses saturées et de mettre en place une politique de régulation des produits distribués par les distributeurs automatiques. La lutte contre l’obésité s’en trouverait renforcée.

D’un point de vue juridique, l’une des options ouvertes pour aller dans le sens indiqué par le Premier ministre serait de faire de l’apposition du Nutri-Score une obligation légale, en vertu de la protection du consommateur et de son droit à l’information. Dans cette perspective, le Nutri-Score ne serait pas considéré comme une « forme d’expression et de présentation complémentaire » visée par l’article 35 du règlement 1169/2011 INCO, en ce qu’il est une appréciation nutritionnelle globale de la denrée et constitue en fait une allégation nutritionnelle visée par le règlement 1924/2006.

Si la France voulait imposer le Nutri-Score sur ses produits alimentaires, elle pourrait mettre à l’étude la possibilité de le faire dans le cadre du régime des allégations nutritionnelles qui doivent être notifiées à la Commission et aux autres États membres au titre de l’article 23 du règlement 1924/2006.

L’information nutritionnelle pour les boissons alcoolisées

La question de la mention de la liste des ingrédients contenus dans les boissons alcoolisées et de leur valeur énergétique remonte à la première législation européenne sur l’étiquetage général adoptée en 1972154, qui prévoyait qu’en ce qui concerne les boissons titrant plus de 1,2 % d’alcool en volume, « le Conseil, sur proposition de la Commission, détermine, avant le 22 décembre 1982, les règles d’étiquetage des ingrédients ». Depuis, malgré plusieurs rapports et propositions, aucune règle n’a été introduite concernant l’étiquetage général des ingrédients des boissons alcoolisées, celles-ci restant à ce jour exemptées des obligations liées au règlement INCO155. Seules s’appliquent les dispositions relatives à certaines substances ou certains produits provoquant des allergies ou intolérances, l’obligation d’afficher le titre alcoométrique, et des dispositions portant sur des normes techniques.

154 Directive 79/112/CEE du Conseil relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard.

155 Règlement nº 1169/2011 relatif à l’obligation de déclaration nutritionnelle.

En 2017, la Commission a rendu au Parlement et au Conseil un rapport faisant le point sur la question et présentant les positions des parties prenantes156 : dans ce document, elle rappelle que 53 pays, dont les États membres de l’UE, ont adhéré au plan d’action européen visant à réduire l’usage nocif de l’alcool 2012-2020 de l’Organisation mondiale de la santé, qui indique : « il convient de mentionner sur l’étiquette les ingrédients revêtant une importance sanitaire, comme la teneur en calories et, de manière générale, d’étiqueter les boissons alcoolisées de la même manière que les autres denrées alimentaires, de manière à garantir aux consommateurs un accès à des informations complètes sur le contenu et la composition du produit, à des fins de protection de leur santé et de leurs intérêts »157. Elle concluait que « dans la mesure où la déclaration nutritionnelle est devenue obligatoire pour la grande majorité des denrées alimentaires préemballées à compter du 13 décembre 2016, la situation particulière des boissons alcoolisées est désormais encore plus frappante » et relevait que « le Parlement européen, mais aussi l’Organisation mondiale de la santé et les organisations de défense des consommateurs et de santé publique, demandent désormais de nouvelles règles pour l’étiquetage des boissons alcoolisées, notamment en ce qui concerne la mention de la valeur énergétique sur l’étiquette ».

Pour autant, la Commission s’est limitée à proposer, dans un premier temps, de favoriser le renforcement des initiatives volontaires actuelles visant à fournir la liste des ingrédients et la déclaration nutritionnelle, invitant le secteur à répondre aux attentes des consommateurs et à présenter, dans l’année suivant l’adoption du rapport, une proposition d’autoréglementation couvrant l’ensemble du secteur des boissons alcoolisées.

Actuellement, la question de l’information du consommateur sur les boissons alcoolisées fait l’objet de négociations internationales à deux niveaux : européen, pour le vin, dans le cadre de la révision de la politique agricole commune (PAC), et mondial, pour l’ensemble des alcools, l’étiquetage de tous types de boissons alcooliques étant abordé dans le cadre des travaux sur le « codex alimentarius »158. Dans les deux cas, l’information du consommateur porte sur deux sujets : les aspects nutritionnels d’une part, les ingrédients d’autre part. Pour ces derniers, les producteurs plaident pour une information dématérialisée tandis que la DGS, à juste titre, estime qu’elle devrait être présente sur les étiquettes, notamment, pour les vins, pour les ingrédients qui ne varient pas selon les années ou les cépages. Pour l’information nutritionnelle, il est indispensable que soient présentes sur les étiquettes la valeur énergétique (exprimée par unité de 100 ml ou par unité d’alcool), et, au minimum, la quantité de glucides. C’est la position actuellement défendue par la DGS dans les arbitrages interministériels : elle doit être portée par la France dans le cadre des négociations internationales.

156 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant la mention obligatoire de la liste des ingrédients et de la déclaration nutritionnelle sur l’étiquetage des boissons alcoolisées, COM (2017) 58 final/2, 7.7.2017.

157 OMS Europe, Plan d’action européen visant à réduire l’usage nocif de l’alcool 2012-2020.

158 Créé en 1962, et placé sous la tutelle de l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et de l’Organisation mondiale pour la Santé (OMS), le Codex Alimentarius recueille les lignes directrices et les codes d'usages relatifs à l’alimentation.

B - La généralisation des outils numériques, une perspective prometteuse

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