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Chapitre 3. Analyse des services de la gestion de la demande

3.2 Le Smart Grid

3.2.1 Définition

Les mutations énergétiques subies par le système électrique actuel ont poussé les décideurs à privilégier une modernisation plutôt qu’un renforcement massif et coûteux des réseaux. Il s’agit donc d’introduire de l’intelligence dans le système électrique afin de permettre à l’ensemble des acteurs (producteurs, gestionnaires, fournisseurs et consommateurs) d’interagir avec une grande flexibilité pour maintenir une fourniture

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d’électricité efficace, durable, économique et sécurisée. C’est le concept du « smart grid ». La substance des architectures des « smart grids » sera marquée par des nouvelles technologies de gestion des réseaux (comptage communicant, stockage de l’électricité, modèles de marché, charges contrôlables, etc.) ainsi que des systèmes d’information et de communication qui permettront aux réseaux, tout particulièrement de distribution, de s’adapter aux nouveaux enjeux énergétiques. Les réseaux seront ainsi pilotés de manière

plus flexible et active pour une meilleure gestion des contraintes liées à l’intégration

massive de production décentralisée et l’apparition des nouveaux usages de l’électricité tels que le véhicule électrique. Ces contraintes feront évoluer le système actuel vers un système où l’ajustement de la production-consommation se fera davantage par la demande, faisant

ainsi du consommateur un véritable acteur dans la maitrise de la demande [21], [72].

3.2.2 Les verrous technologiques

La convergence entre les réseaux électriques et les technologies de l’information et des télécommunications est primordiale pour donner plus de flexibilité aux réseaux de distribution. Les réseaux équipés d’un comptage communicant et d’une architecture de communication adaptée, seront ainsi plus communicants et il sera possible de connaitre les profils de consommation plus finement ainsi que la capacité d’accueil du réseau. L’association de ces systèmes de communication et d’information à des équipements de contrôle-commande permettra de faciliter l’intégration des EnR, du véhicule électrique et de favoriser le pilotage par les gestionnaires de réseau. Cependant, l’infrastructure de comptage avancé comporte évidemment ses défis. Des problèmes pourraient découler de l’utilisation de systèmes fermés et exclusifs qui pourraient être incompatibles avec les normes et protocoles de communication courants et avec d’autres technologies [73]. En outre, d’autres systèmes de surveillance, de régulation, de détection des défaillances ainsi que des moyens de protection devront s’ajouter pour faciliter le processus de gestion du réseau. Leur intégration provoquera un éventuel flux de données confrontant les gestionnaires à un véritable défi de traitement d’informations. La mise au point de nouvelles applications logicielles dédiées à la production d’information concrète est donc nécessaire [73], [74]. Les données collectées peuvent correspondre à :

- la production d’EnR ;

- l’état de charge des postes sources, répartitions et de distribution ;

- la présence et le besoin des VE/VHR ;

- la consommation des clients raccordés aux réseaux de distribution ;

- les offres du GRT (Production/Effacement) ;

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Elles permettront ainsi l’exécution de certaines opérations telles que :

- un délestage large ou fin ;

- une incitation tarifaire pour mieux consommer ;

- une interversion de la recharge des VE/VHR avec d’autres charges pilotables ou déplaçables ;

- une optimisation de l’utilisation d’EnR ;

- une régulation de la capacité de recharge des bornes sur les voiries ou les parkings, etc.

Enfin, et contrairement aux réseaux classiques, la technologie d’information accrue que nécessite le réseau intelligent peut, le rendre plus vulnérable aux cyber-attaques et, de ce fait, menacer de façon très réelle sa stabilité [73].

3.2.3 Les verrous comportementaux

La transition vers les réseaux intelligents est en grande partie corrélée à l’évolution comportementale des clients. Les consommateurs (résidentiels, tertiaires et industriels) ne seront plus passifs et deviendront des acteurs à part entière du système électrique.

Cependant, l’évolution espérée et attendue de leurs rôles sur la maîtrise active et efficace des consommations ne sera ni homogène, ni immédiate mais se fera de manière progressive. Ils devront être informés et consultés afin de les sensibiliser sur l’impact de leurs choix sur l’environnement [72]. De plus, afin de mobiliser le potentiel de ce gisement « effacement diffus », une analyse détaillée de leurs motivations au regard de la maîtrise de la demande et la proposition de mécanismes incitatifs seront nécessaires pour favoriser leur changement comportementale [74].

3.2.4 Les Smart Grids en France et dans le Monde

La thématique des « smart grids » a été identifiée par de nombreux pays comme une priorité importante dans leurs axes de recherche. Aux Etats-Unis, la sureté du système électrique, l’augmentation de la consommation et la difficulté croissante à construire de nouvelles lignes de transport sont à l’origine des travaux concernant les réseaux intelligents. Leur développement a été stimulé par les 4,5 milliards de dollars alloués à la modernisation des réseaux par l’American Recovery and Reinvestement Act (ARRA) de l’administration Obama. Cette somme permet d’assurer le cofinancement de quelques 130 projets d’un montant total de près de 10 Milliards de dollars [75].

En Asie, la Corée, le Japon et la Chine envisagent des développements de réseaux intelligents, dans leur acceptation large, à l’échelon national. L’Australie, l’Inde et

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l’Indonésie semblent plutôt s’orienter vers l’amélioration de l’efficacité des réseaux existants au travers des programmes de taille plus limitée [76].

En Europe les initiatives se sont centrées principalement sur l’intégration des sources des EnR dans le mix de production, tout en s’attachant à accroître l’implication des utilisateurs finaux, au travers la gestion de la demande et le déploiement d’infrastructure de comptage communicant. En 2005, une plateforme technologique des « smart grids » a été mise en place sous l’égide de la Commission Européenne, regroupant les principaux acteurs (électricien, régulateurs, constructeurs de matériels, fournisseur de solutions informatiques, universitaire …). L’objectif était de faire émerger une vision commune et de mettre en place un agenda stratégique de recherche permettant d’articuler les programmes de recherche européens. Ci-dessous quelques projets significatifs :

- FENIX (Européen) [77] a comme objectif de préparer et faciliter l'intégration des EnR dans les réseaux de distribution et contribuer à rendre le système électrique européen plus sûr, plus efficace (technologiquement et économiquement) et plus écologique.

- ADDRESS (Européen) [78] propose de fournir un cadre commercial et technique détaillé pour le développement d'une «demande active».

- Cell Controler (Danemark) [79] coordonne l’ensemble des actifs du système électrique danois (production décentralisée, production centralisée et les charges) afin d’optimiser la gestion de son réseau.

- EDISON (Danemark) [80] développe une infrastructure intelligente, nécessaire à l’adoption à grande échelle de VE fonctionnant grâce à des EnR. L’Etat danois prévoit que, dans quelques années, un dixième de la flotte de véhicules danois sera électrique ou hybride grâce à l’introduction commerciale et aux plans d'investissements.

En France, le smart grid fait partie d’un des thèmes du grand emprunt 2010, visant notamment à satisfaire les engagements de la grenelle 2 à travers le développement des réseaux intelligents et son impact sur le grand public. L’ambition étant également de créer une filière française compétitive dans la thématique des smart grids. Les VE/VHR et l’infrastructure de charge associée font l’objet de plusieurs programmes de recherche visant notamment à étudier le comportement des usagers, les services associables aux infrastructures de recharge et l’interaction des VE/VHR sur les réseaux. Le Tableau 3.1 dresse un état des lieux non exhaustif des projets français intégrant les thématiques liées à la gestion de la demande et l’insertion des VE/VHR.

109 | P a g e Tableau 3.1 : Projets Smart Grids en France.

Projet de recherche

Acteurs Principaux Objectifs

KLEBER [81] EDF, Electricité de Strasbourg, Toyota.

Démontrer l’intérêt du véhicule hybride rechargeable, étudier les comportements et les pratiques des utilisateurs, valider l’adéquation entre l’autonomie, les trajets effectués et les modes de recharge.

Démonstrateur : déploiement de 150 points de recharge et 80 VHR à Strasbourg.

SAVE [81] EDF, Renault, Schneider Electric,

EPAMSA, Total.

Valider les choix techniques (infrastructures, véhicules électriques, systèmes d’information), confirmer le bilan CO2 du véhicule électrique et expérimenter des modèles

d’affaires pour des clients particuliers et professionnels : 100 VE ont été mis à disposition ainsi que l’infrastructure de charge associée (Yvelines). VERT [81] Renault, EDF,

Schneider Electric.

Tester dans un milieu insulaire, des VE associés à des infrastructures de charge alimentées par des générateurs photovoltaïques non connectés au réseau (Ile de la Réunion).

Smart Grid Vendée [82]

ERDF, RTE, Alstom, Cofly INEO, etc.

Le projet vise à tester via un démonstrateur, les nouveaux concepts d’optimisation du fonctionnement des réseaux de distribution. Les solutions proposées et déployées doivent permettre une meilleure insertion des EnR, une politique efficace de la maitrise de la demande ainsi qu’une qualité de fourniture d’électricité excellente. Un modèle d’affaires a été aussi proposé. GreenLys [83] ERDF, GDF Suez, GEG,

Schneider Electric, INPG, etc.

A l’aide d’un démonstrateur à échelle réelle déployé dans les villes de Grenoble et Lyon, les solutions suivantes ont été testées :

-L’auto-cicatrisation des réseaux de distribution à l’aide des systèmes automatisés intelligents.

-Le potentiel d’accueil des réseaux électriques des EnR et des VE/VHR.

-La contribution à la maîtrise d’énergie et à la réduction de la facture des consommateurs par le développement de télé services.

SOGRID [84] ERDF, ADEME, Nexans, Landis Gyr,

G2ELAB, etc.

Développer un système global de communication permettant aux différents équipements du réseau HTA/BTA (protections, compteurs, sources de productions, etc.) de communiquer entre eux.

PREMIO [85] RTE, EDF, ERDF, Orange, 17 PME, etc.

Assurer l’autonomie énergétique et estimer l’impact d’une architecture de gestion dynamique de la charge à l’échelle communale. Démonstrateur localisé sur une commune - Environ 21000 kW de puissance effaçable (Région PACA).

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