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Croskerry 138 a décrit les biais cognitifs et affectifs présents dans la démarche de raisonnement clinique.

Audetat139propose une démarche diagnostique pédagogique pour permettre la reconnaissance précoce des difficultés d’un étudiant dans sa démarche de raisonnement clinique. Cette démarche se

136 KASSIRER J (2010) Teaching clinical reasoning: case-based and coached ,Academic Medicine, vol 85,n°7,1118-1124

137 GROVE (2012) Understanding clinical reasoning: the next step in working out how it really works, Medical education ; 46: 440–446

138 CROSKERRY, (2002) Achieving Quality in Clinical Decision Making: Cognitive Strategies and Detection of Bias.

Acad Emerg Med, Nov., Vol. 9, n°. 11

139 AUDETAT (2011) Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique, Pédagogie Médicale; 12 (4):

223–229

- 44 - fait par similitude avec la démarche de raisonnement clinique. Elle est composée de cinq étapes : la suspicion d’une difficulté dans le raisonnement, le recueil des données sur les difficultés de l’apprenant, une impression diagnostique pédagogique, une recherche d’explications et de causes, une représentation globale de la situation pédagogique ou formalisation d’un diagnostic éducatif et la mise en place d’un plan d’intervention pédagogique.

Alors que dans le raisonnement clinique, la démarche est initiée en fonction de la plainte d’un patient, ici la démarche débute par la suspicion d’une erreur dans le raisonnement, sur la base de difficultés répétées plusieurs fois par l’apprenant et repérées par le clinicien dans des situations cliniques différentes et dans des contextes différents.

L’enseignant doit alors par le recueil d’informations concernant le discours, le comportement et les écrits de l’apprenant, repérer ses difficultés selon la classification décrite plus haut. Au niveau pédagogique le processus de raisonnement clinique est découpé en trois étapes principales et à chacune correspondent des difficultés potentielles.

Ainsi Audetat et Laurin140 ont décrit cinq types d’erreurs prototypiques les plus fréquentes dans la supervision clinique de l’apprentissage du RC par utilisation du modèle hypothético déductif des étudiants en médecine.

Ainsi à l’étape « génération d’hypothèse et récolte de données » sont fréquemment associées des difficultés (type 1) dans la perception des indices clés dans la génération précoce d’hypothèse et dans l’orientation de la récolte de données.

A la seconde étape considérée comme « le raffinement et le traitement des données » sont associées les difficultés potentielles de type 2 : problème de fermeture prématurée ; et de type 3 : difficulté de priorisation.

Dans la troisième étape décrite comme le diagnostic final et l’élaboration d’un plan d’intervention sont décrites des difficultés de type 4 : difficulté à élaborer un portrait global de la situation clinique et de type 5 : difficulté à élaborer un plan d’intervention.

Cependant ils notent que plusieurs facteurs influent sur le raisonnement clinique : des facteurs liées aux connaissances, des facteurs internes à l’apprenant, d’autres liées au contexte, d’autres encore liés à des facteurs interrelationnels.

Parmi les facteurs liées aux connaissances, Audetat et Laurin distinguent les connaissances insuffisantes, l’organisation déficiente des connaissances ou la difficulté à activer les connaissances

140 AUDETAT,LAURIN (2012) Clinical reasoning difficulties: a taxonomy for clinical teachers, Medical teacher, e1-e6,

- 45 - dans un processus d’analyse de la situation clinique ou encore la méconnaissance du processus de raisonnement clinique.

Parmi les facteurs internes à l’apprenant, ils ont repéré les problèmes d’attitude de l’apprenant, les biais cognitifs ou des facteurs liés à son inexpérience.

Parmi les facteurs liés au contexte, Audetat et Laurin évoquent les difficultés liées à la gestion de l’entrevue avec le patient, la difficulté à établir une relation de confiance, à établir une stratégie de communication efficace pour obtenir les bonnes informations.

Ils distinguent aussi la difficulté de la gestion de la dynamique relationnelle entre le patient et l’apprenant ainsi qu’entre le superviseur et l’apprenant.

Aux difficultés déjà repérés en formation médicale par Audetat et Laurin, Demeester141, en formation initiale sage-femme, a identifié d’autres causes de difficultés de RC : des causes d’origines cognitives, d’autres liées au stage telles que le sens donné au stage, le manque de pratique réflexive, et enfin, d’autres liées à l’évolution du métier telle que la perception du rôle professionnel, la perception du RC. Pour chacune de ces causes des facteurs intrinsèques (propres à l’étudiant) et extrinsèques (propres au dispositif de formation) sont retrouvés.

Audetat et Laurin proposent pour chacune des difficultés citées, des indices pour les repérer dans le cadre des supervisions ainsi que dans les notes au dossier ; des exemples de questions permettant de faire verbaliser le RC ; des hypothèses de compréhension de la difficulté ; des propositions de stratégies de remédiation adaptées.

Ainsi les erreurs de type 1142 ou problèmes liés à la génération précoce d’hypothèses diagnostiques se manifestent par un apprenant qui n’est pas en capacité de cibler son recueil de données, ce qui ne lui permet pas de générer rapidement des hypothèses diagnostiques à partir des indices recueillis.

L’anamnèse est réalisée sous forme d’un interrogatoire systématisé, appareil par appareil sans tenir compte de la situation clinique du patient, et ce comme le ferait un novice. La situation clinique est présentée de façon désordonnée et ne permet pas d’avoir une représentation de la situation, certains détails significatifs sont omis ou non exploités.

Plusieurs hypothèses explicatives de la difficulté à générer des hypothèses sont avancées, notamment la difficulté à traduire en concept médicaux les propos du patient, ou encore le besoin

141 DEMEESTER A, EYMARD C, VANPEE D (2012) Apprentissage du raisonnement clinique : difficultés identifiées en formation initiale sage-femme, Revue française de pédagogie, 181,43-54

142 AUDETAT (2011a) Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique I. Un cadre conceptuel pour identifier les problèmes de raisonnement clinique ; Pédagogie Médicale ; 12 (4): 223–229

- 46 - du fait de son inexpérience de suivre une trame de bilan pour se sécuriser et ne rien oublier, ce qui se traduit par un interrogatoire non orienté ni adapté au cas clinique du patient présent.

Les auteurs préconisent les stratégies de corrections suivantes. Lors de l’analyse réflexive à posteriori, il s’agit de faire expliciter par l’apprenant son processus de raisonnement clinique général, faire verbaliser et expliciter par le superviseur sa propre représentation du problème et le raisonnement suivi ainsi que la traduction sémantique faite des propos du patient et l’association d’hypothèses réalisées lors de cette traduction. Et lors de l’analyse de contenu de l’entretien de l’apprenant avec le patient, c’est lui permettre de repérer les éléments discriminants qu’il a occulté et qui lui auraient permis de poser de façon précoce des hypothèses.

Les erreurs de type 2143 ou problèmes liés à la « fermeture » précoce du raisonnement clinique lors de l’étape du traitement et du « raffinement » des hypothèses, se manifestent lorsque l’apprenant se concentre sur une seule hypothèse et oriente son recueil de données sur cette seule hypothèse négligeant ainsi les autres possibilités, il aboutit alors à une erreur diagnostic.

Cette fermeture prématurée s’explique par un défaut de recherche ou d’utilisation des indices qui lui auraient permis de mettre en avant d’autres hypothèses diagnostiques. Elle s’observe dans trois catégories de figures : la personnalité de l’apprenant (excès de confiance dans son jugement ou manque de rigueur), les circonstances cliniques (manque de temps, fatigue, difficultés avec certains thèmes), le déficit de connaissance et la non-intégration d’éléments pertinents lors de l’analyse.

Les objectifs des stratégies de corrections proposées sont de réfléchir aux raisons qui ont amené à privilégier une seule hypothèse, de stimuler la génération systématique d’hypothèses alternatives ; de développer la rigueur du raisonnement en se focalisant sur la justification des hypothèses, et d’encourager l’acquisition de connaissances.

Pour les erreurs de type 3144 ou problèmes liés à la difficulté de priorisation des informations à l’étape d’interprétation des données et de priorisation des informations, le clinicien n’arrive pas à interpréter les données, ni à identifier les éléments clés ni à hiérarchiser les différentes informations qui lui permettraient de poser un diagnostic le plus probable.

143 SANCHE (2012a) Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique III. Les difficultés de raisonnement clinique à l’étape du traitement et du raffinement des hypothèses: la fermeture prématurée, Pédagogie Médicale ; 13 (2): 103–108

144 LAURIN (2012a) Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique IV. Les difficultés de raisonnement clinique à l’étape du traitement et du raffinement des hypothèses: les difficultés de priorisation, Pédagogie Médicale ; 13 (2): 109–114

- 47 - Cette erreur se manifeste lorsque l’apprenant ne caractérise pas la plainte principale du malade, réalise un interrogatoire stéréotypé pour tous les patients et éprouve une difficulté à faire une synthèse de tous les éléments recueillis.

Elle peut s’expliquer par une absence de choix dans les indices à prioriser, une banalisation de certains critères importants ou une surestimation de certains.

Les stratégies de correction des difficultés de priorisation sont l’utilisation de l’explicitation pour identifier les raisons du non priorisation, et l’encouragement de l’étudiant à développer des connaissances en contrastant des éléments clés discriminants de certaines pathologies.

Pour les erreurs de type 4145 ou difficultés de raisonnement à l’étape de l’élaboration d’un portrait global de la situation clinique, le clinicien ne parvient pas à établir les liens entre les différentes données recueillies, ni à intégrer les données du contexte, ni à envisager les perspectives du patient pour construire un portrait global de la situation clinique et y ajuster le plan thérapeutique.

Cette erreur se manifeste par une non-adaptation du traitement aux spécificités du patient, par une description du tableau clinique ne permettant pas de voir le patient dans sa globalité. Le patient n’est pas « perçu ».

Elle peut s’expliquer par une incompréhension de l’importance des facteurs psychosociaux, par une mauvaise intégration d’une approche centrée sur le patient, par une difficulté de gestion de ses émotions, de son rôle professionnel et de l’incertitude en situation.

Les stratégies de remédiation proposées sont d’encourager l’apprenant à se centrer sur le patient et ses facteurs personnels, psychosociaux et environnementaux, de faire construire un schéma heuristique de la situation clinique du patient en vue d’une meilleure compréhension, et de proposer des stratégies de gestion d’entrevue et de techniques de communication.

Pour les erreurs de type 5146 ou difficultés de raisonnement clinique à l’étape de l’élaboration du plan d’intervention, après l’étape de formulation du diagnostic pour guider les choix à réaliser à chacune des composantes du plan d’intervention.

Cette erreur se traduit par un plan d’intervention, non présent, insatisfaisant ou non adapté au patient.

Elle peut s’expliquer par un déficit de connaissances, et une synthèse inadéquate des données du patient, sans tenir compte des données psycho-socio-environnementales du patient.

145 LAURIN (2012b) Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique V. Les difficultés de raisonnement clinique à l’étape de l’élaboration d’un portrait global de la situation clinique, Pédagogie Médicale ; 13 (3): 203–208

146 SANCHE (2012b) Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique VI. Les difficultés de raisonnement clinique à l’étape de l’élaboration du plan d’intervention, Pédagogie Médicale ; 13 (3): 209–214

- 48 - Pour remédier à ce dysfonctionnement, il est recommandé à l’apprenant de reprendre son raisonnement clinique en adaptant les guides de bonnes pratiques aux données particulières du patient. L’explicitation de la situation clinique est donc semble-t-il une technique de choix pour l’apprentissage du raisonnement clinique.

Belpaume147 a identifié des invariants dans la conduite de l’apprentissage du raisonnement clinique de l’étudiant en soins infirmiers: certains sont des freins, d’autres des ressources. Ces invariants sont proches de ceux repérés pour l’ARC médical.

En formation initiale MK, en supposant que le raisonnement MK est hypothético déductif, Guiet148 a trouvé des obstacles à l’apprentissage du raisonnement clinique, notamment lors de l’apprentissage du « raisonnement interprétatif des causes de la limitation d’un mouvement passif.

Les étudiants présentent des difficultés à intégrer un modèle plus large de raisonnement, celui d’un mouvement actif perturbé ». « Il semble que l’ordre dans lequel l’élève explore différents modèles de raisonnement importe ». Pour Guiet, « le choix d’un modèle de raisonnement par les étudiants est très significativement moins performant que leurs connaissances du moment issues du même cours. » Comment évaluer le raisonnement clinique ?