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Le processus d’évaluation des Soft Skills

Chapitre 1- CADRE METHODOLOGIQUE

1.2 Le processus d’évaluation des Soft Skills

Ces réflexions nous conduisent à un autre questionnement : comment est prise en compte la subjectivité, la singularité du Manager, lors de l’évaluation de ses compétences ? Comment évaluer objectivement, une dimension qui, par nature, ne peut l’être ?

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Dans le même temps, de nombreux auteurs ont souligné l'importance de l'évaluation des compétences comme moyen de reconnaître ces dernières. L'évaluation, lorsqu'elle est faite de façon pertinente, est donc un moyen de valoriser le Manager dans son rôle. Le choix des moyens et des dispositifs utilisés pour l'évaluation de ces compétences « soft » devient donc important.

Comme nous l'avons vu lors de notre enquête, les supérieurs hiérarchiques ont un rôle capital dans le dispositif d'évaluation des Soft Skills de leurs Managers. Ils participent à l'identification de celles-ci pour leur intégration dans les référentiels, mais aussi et surtout, ce sont eux qui ont pour mission d'évaluer les Managers, notamment lors des entretiens annuels.

Il est donc important que ces derniers bénéficient d'une formation à l'évaluation. Comme nous l'avons constaté au cours de notre étude sur le terrain, les évaluateurs ont systématiquement reçu une formation à l'entretien annuel. Mais qui dit formation à l'entretien annuel ne dit pas forcément formation à l'évaluation des compétences et particulièrement des compétences « soft ». Il y a donc une zone de flou autour de leur capacité à évaluer ces compétences, et surtout l’objectif que l’entreprise donne à cette évaluation (plutôt tournée vers le contrôle, vers la performance ou vers le développement) va impacter la façon d’évaluer.

Pourtant, nous avons pu constater que la majorité des entreprises font appel à l’évaluation en face à face par le supérieur hiérarchique, lors de l’entretien annuel. Notre experte psychologue témoigne : « L’évaluation par le supérieur hiérarchique renvoie à l’école, aux parents, autrement dit à des types de relations asymétriques, et donc à une forme de jugement. Certains vécus personnels douloureux peuvent alors refaire surface. Le rapport asymétrique n’est pas souhaitable car il peut renvoyer à une note, bonne ou mauvaise. Cela génère un phénomène d’injustice. » Par conséquent, peut-on considérer que l'entretien annuel en tant que mode d'évaluation constitue le meilleur outil d'évaluation de ces compétences ? Le supérieur hiérarchique doit-il être l'unique évaluateur ?

La revue de littérature sur ce sujet nous amène à penser le contraire. En effet, de nombreux auteurs ont évoqué le fait que l’évaluation par le supérieur hiérarchique relevait d’un management par le contrôle, qui sous-tend une relation « dominant- dominé » permettant à certains supérieurs hiérarchiques d'exercer leur pouvoir sur leurs subordonnés. L'évaluation se transforme donc en jugement subjectif, qui ne s'appuie sur aucune réalité objective observée sur le terrain.

 

Car c'est bien de l'observation sur le terrain dont il s'agit. En effet, comme nous l'avons vu dans notre première partie, la compétence n'est observable que dans l'action, donc en situation réelle. De plus, nous avons vu que certains auteurs comme A. Grimand alertent sur la tentation de résumer la compétence à ses manifestations évidentes, observables. C'est donc là toute la difficulté de son évaluation. Et à ce propos, nous pensons que rares sont les entreprises rencontrées à avoir compris la difficulté d’appréhender cette dimension complexe, et donc à évaluer ces compétences « soft », qui renvoient à cette part de singularité insaisissable du Manager. Certaines en ont vu les risques et les écueils à éviter.

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Par conséquent, ne serait-il pas plus enrichissant, tant pour le Manager (en tant qu’évalué) que pour ses évaluateurs, de réfléchir ensemble à des façons plus pertinentes d'évaluer ? Nous avons vu que chez Kookaï, le supérieur hiérarchique optait pour une observation du Manager sur le terrain, en situation réelle. Il l'accompagnait ensuite sur la durée en lui prodiguant conseils et écoute, comme un mentor. L’expérience de l’observation sur le terrain fait partie de la base même de l'évaluation pour permettre ensuite aux parties prenantes du dispositif d'évaluation de croiser leurs regards, afin d'assurer une évaluation la plus objective possible et la plus en adéquation avec le travail réel.

Au cours de nos entretiens, nous avons eu l'occasion de constater que certaines entreprises mettent en place des dispositifs d'évaluation plus innovants, en proposant aux Managers de s’auto évaluer, ce qui rend les échanges plus riches. D’autres proposent des guides de préparation à l’évaluation (au CNES, par exemple) où les Managers sont amenés à s’interroger sur leur pratiques managériales dans un but de développement et d’analyse, et où les résultats ne sont pas communiqués au supérieur hiérarchique ou à la DRH. Il semble que nous soyons ici en présence d'une véritable logique de développement, où le Manager peut se préparer à son évaluation sans risque d’être « jugé » et « noté ». Il peut indiquer ses points de difficultés en toute transparence, dans le but de progresser.

Un autre résultat issu de l’analyse de nos entretiens a retenu notre attention : seules deux entreprises évaluent leurs Managers de proximité sur des objectifs collectifs, d’équipe, de service. Ainsi, comment favoriser l’acquisition et le développement des compétences tournant autour du développement de la transversalité, du travail en réseau et de l’échange des bonnes pratiques alors que ce qui est valorisé et reconnu demeure le résultat individuel ?

La passerelle nous semble possible mais nécessite de revoir les dispositifs d’évaluation qui pourraient permettre de valoriser les interactions entre équipes, les mobilités inter-directions, les recherches de solutions partagées.