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Organisation des établissements de santé sur l’île de La Réunion.

Il existe sur l’île :

- 3 établissements publics dont un CHU,

- 17 établissements privés à but commercial en charge de 80% des soins SSR, 35% de la psy, 26% de l’obstétrique, 34% de la chirurgie, 10% de la médecine.

- 1 établissement privé à but non lucratif,

- 2 établissements HAD qui prennent en charge 1200 patients par an, et assurent 35% des soins palliatifs.

Il y a moins de structures SSR qu’en métropole, notamment en raison d’un âge moyen moins avancé, et de la plus grande implication des familles dans les prises en charge de leurs proches, malades.

Le taux de couverture pour la psychiatrie est très faible sur l’île, il n’y a pas assez de lits, le financement ne suivant pas la forte augmentation de la demande. Le secteur privé est le seul à réaliser des séances d’électro-convulsivo thérapies (ECT), mais à perte (250 euros à chaque acte).

La faible démographie médicale spécialisée en ville, qui s’explique en partie par l’absence de coefficient géographique sur les actes CCAM de spécialité, le niveau très faible de dépassement d’honoraires (proche des 1%), la quasi-absence de certaines spécialités en ville (comme la radiologie par exemple). Les établissements de santé assurent donc le rôle d’offreur principal de soins en dehors de la médecine générale. A l’inverse, le recours à l’intérim médical est quasi-nul sur l’île en raison de l’attractivité des carrières hospitalières (avantages salariaux et fiscaux notamment).

La tendance est davantage à la coopération entre établissements et secteurs plutôt qu’à la compétition constante. Les directions se rencontrent régulièrement et se parlent facilement.

Si les indicateurs sont sur le papier excellents : IPDMS à 0,83, endettement très faible, déficit peu élevé (20 M euros sur le CHU, 1M sur le reste des établissements), la crainte est que les marges d’efficience soient désormais faibles compte tenu de l’important effort de réorganisation du parc hospitalier (dans le top 3 national sur la chirurgie ambulatoire), et que la baisse des tarifs finisse par emporter des conséquences importantes à court et moyen terme. 25% des établissements privés à but commercial sont en déficit chronique.

La proximité de Mayotte, l’isolement géographique, les nombreuses évacuations sanitaires, les hospitalisations prolongées pour raisons sociales, une précarité élevée ont des conséquences majeures sur l’offre de soins.

128 Un contexte fortement marqué par la précarité

La précarité est une des premières causes de difficulté dans les soins, cela englobe l’accès, l’observance, le reste à charge, l’éducation... c’est en fait une situation à très haut risque de perte de chance pour les patients.

La Réunion a l’indice de Gini le plus élevé de France (0,53 avant redistribution, 0,39 après contre 0,29 en métropole, 0,41 en Martinique, 0,42 en Guadeloupe et en Guyane) sans même compter Mayotte.

La Réunion compte 36,9% de bénéficiaires de la CMU-C. Avec près de 27 % en moyenne sur l’année 2014, le taux de chômage réunionnais est presque trois fois plus élevé que celui de la métropole ; pour les jeunes, il atteint des niveaux vertigineux, avec plus de 50 % de chômage pour les moins de 25 ans. Le taux d’emploi est corrélativement bien plus faible à La Réunion que dans l’hexagone, avec une différence de près de 20 points (46 % contre 64 %).

Conséquence de cette forte précarité, près de la moitié de la population réunionnaise (42%) vit sous le seuil de pauvreté. On observe également une dépendance certaine aux prestations sociales, qui représentent en moyenne 20 % des revenus des ménages réunionnais. Il existe des difficultés importantes de solvabilité, en marge de l’AME.

Les financements prévus pour les personnes en situation de précarité sont insuffisants, et introduisent des critères d’exclusion injustifiés.

La MIG précarité ne couvre pas l’ensemble du champ sanitaire.

Le financement de la précarité par la MIG est réservé au seul secteur MCO, même si son extension est prévue au secteur SSR. En pratique, le CHU reçoit 9 M/an pour la précarité. Il y a 7 PASS pour 2800 patients et une dotation d’1 M /an.

Un secteur pour lequel l’impact de la précarité est important est l’HAD. La forte précarité entraine un fort besoin d’accompagnement social. C’est le cas par exemple pour les séances de dialyse et de chimiothérapie. Ces deux types d’activités présentent des surcoûts dans le territoire en doublant par exemple les effectifs d’assistance sociale par rapport à ce qui est constaté en métropole, et le financement n’est pas fléché sur les soins, mais sert aussi à subventionner le paiement des loyers, les factures d’électricité ou encore les colis alimentaires. De plus, certains malades sont tellement isolés et pauvres qu’il est indispensable, pour faciliter une sortie de MCO ou de SSR, de recourir à l’HAD. Or, cela est rendu difficile par les tensions sur le financement.

Les dispositifs de financement complémentaire sont insuffisants

Le financement des établissements de santé s’appuie en métropole sur des sources AMC à titre de complément, via le paiement de prestations hôtelières. Du fait du taux de CMU-C, d’ACS, d’ALD et de chômage, la couverture sociale des patients est assurée sur le plus strict minimum, ne permettant la couverture d’aucune prestation annexe. De ce fait les établissements réunionnais MCO ont les taux les plus bas de recettes annexes de France, entre 0.7% et 1.8% alors qu’ils sont de 10% en moyenne

129 en 2012 (rapport de l’IGAS). L’ARS a déterminé un droit d’accès au SHO (droit de facturation chambre seule) faible, de l’ordre de 30 euros par nuitée.

Il est à noter que ce constat s’explique aussi par la faiblesse des tarifs des prestations annexes proposés par les mutuelles : pour la même prestation, ces tarifs sont largement inférieurs à ceux de métropole.

La Réunion est la région qui a un des taux les plus élevés d’actes réalisés en ambulatoire, ce qui, paradoxalement, pénalise les établissements de santé qui ne peuvent prélever de prestations annexes sur ces soins.

Des difficultés récurrentes sont observées avec certaines mutuelles, il faut en moyenne 380 jours pour recouvrer un titre contre 80 jours en Métropole.

La fréquence des EVASAN entre la Réunion et la métropole et entre Mayotte et la Réunion pèse en termes financiers.

Les EVASAN sont en forte augmentation, elles sont passées de 600 à plus de 1000 par an sur quelques années, dont 60% des usagers sont affiliés à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. Au total, pour les établissements de La Réunion, les EVASAN représentent une perte de 6,7 millions d’euros sur l’année 2015 auxquels il faut ajouter 1 million pour le seul secteur SSR. Il faut ajouter les pertes sur le remboursement du ticket modérateur, et 5 millions de créances irrécouvrables depuis 2008.

La caisse de Mayotte prend en charge les seuls frais de transport (7M/an).

Le CHU dispose d’un financement pour le millier d’EVASAN entre la Réunion et la métropole (30%

traitement des tumeurs, 15% des malformations congénitales et anomalies chromosomiques, 78 % de ces transferts sont dus à des traitements, et 10 % à des suivis de greffe). Le secteur privé, lui, se trouve dans le cadre conventionnel des relations avec les caisses, et ne bénéficie pas de financement pour les patients de Mayotte qui viennent pour des traitements liés au cancer ou à l’insuffisance rénale à la Réunion.

Les conventions actuelles pour les non affiliés n’offrent donc aucune garantie de solvabilité pour les séjours liés aux décisions d’évacuation entre Mayotte et la Réunion. La présence d’une assistante sociale au Centre Hospitalier de Mayotte pour l’ensemble de ces évacuations a permis d’apporter des améliorations.

Les prises en charge de patients Mahorais (assurés et non assurés) perturbent de manière importante les coûts des établissements, avec des DMS les plus fortes. De très gros différentiels sont observés : quand les établissements réunionnais ont une productivité de la DMS à +6%, les patients Mahorais sont à -52%. La DMS d’un patient de Mayotte hospitalisé à La Réunion peut atteindre 1 an en pédiatrie contre 30 jours en métropole (parents absents).

Des solutions sont donc à trouver pour garantir la solvabilité des séjours des patients qui sont dirigés vers La Réunion: lorsqu’ils ont une difficulté d’accès à l’AME et lorsqu’ils ne bénéficient pas d’un hébergement à la Réunion, ce qui est notamment le cas pour certains Mahorais.

130 Par ailleurs, une demande porte sur la création d’un visa santé, car aujourd’hui des patients étrangers pouvant payer pour des soins, venant notamment de Madagascar, doivent se replier sur l’île Maurice.

Des problématiques de financement particulières liées au particularisme géographique Des effets d’économie d’échelle rendus très difficiles

Certaines petites structures, ou petits services ne peuvent actuellement être à l’équilibre faute de masse suffisante. Si au niveau national l’efficience territoriale aurait supposé un regroupement, cela n’est pas possible dans un contexte d’insularité. De manière générale, il n’est quasiment jamais fait état dans le financement d’un seuil de rentabilité, alors même que cette donnée pourrait être très éclairante en termes de gestion. C’est cependant prévu dans le cas des hôpitaux « isolés ».

Une demande particulière porte sur l’extension du dispositif Hôpital de proximité aux unités hospitalières de gros centres hospitaliers, lorsque ces unités sont délocalisées (ex : unité de proximité du CHU dans le cirque de Cilaos).

Une économie de l’innovation complexe à financer

A la Réunion comme dans tout territoire insulaire éloigné, l’innovation est nécessaire mais la question des économies d’échelle se pose ici cruellement.

En plus du coût de la qualification et de la formation des acteurs, le seuil de pratique va définir une barrière à l’installation pour le recours à des systèmes innovants, surtout quand ceux-ci sont liés à un environnement coûteux. Le manque de volume pèsera alors immédiatement et mécaniquement sur l’établissement en menaçant son équilibre.

Enfin, même si les investissements très importants de ce type font l’objet d’une concertation entre acheteurs, la maintenance du matériel constituera également une source de surcoûts non négligeable, rendant les périodes d’indisponibilités encore plus problématiques.

Particularités pour les CHU liées à l’insularité

Certaines activités n’existent pas sur l’île, comme la chirurgie cardiaque pédiatrique. Les EVASAN occasionnent des surcoûts croissants et non compensés.

S’il existe une université désormais, c’est pour l’instant majoritairement les PH qui assurent la formation des jeunes, sans compensation du temps passé par une dotation provenant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La formation continue des médecins coute vite cher, un DU s’accompagne de frais de transport très élevés en direction de la métropole, et de temps d’absence plus longs. La formation des équipes étrangères dans le cadre de la coopération a également un cout élevé.

Un Coefficient géographique qui n’offre pas suffisamment d’effets de compensation

131 La particularité de la Réunion en matière de T2A est l’application d’un coefficient géographique à 1.31. Les divers coefficients ont été introduits pour compenser les surcouts Domiens, on les retrouve dans les charges (40% sur les salaires PH et 50 % sur le personnel administratif dans la public) et donc dans les recettes, mais de manière très diversifiée, 22% pour la biologie, 22 % pour les actes cliniques, 7.9% à 7.7% sur les actes dentaires et 0% sur la chirurgie.

Le coefficient géographique actuel ne permettrait pas de véritable compensation, permettant une égalité de traitement avec la Métropole. Les besoins estimés localement seraient plus proches des 50% que des 31% actuels. Il convient de conduire des études objectivant le niveau de surcout à compenser.

Par exemple, 55% des professionnels de santé ne sont pas réunionnais, il existe un fort turn-over (35% de nouveaux professionnels en 2015 en libéral) qui engendre des surcoûts (frais de doublure de 900 000 euros par an dans le privé).

Ou encore, le surcoût du matériel et du transport atteint des niveaux élevés, jusque 500% pour les gaz médicaux selon les déclarations des professionnels entendus sur place. Le prix de revient du m2 fini non équipé serait de 50% plus élevé qu’en métropole.

Dans le secteur privé commercial, une analyse très récente des rémunérations confirme que le différentiel n’est pas suffisamment compensé par le coefficient géographique, puisqu’il est de 37%

au-dessus de la convention collective. Un défaut de compensation des surcouts des libéraux sur les actes techniques avait bien été reconnu lors de la CCAM dentaire, il est à ce jour tout à fait incompréhensible que cela ne soit pas le cas pour le reste de la CCAM.

Le mode de calcul n’a pas évolué et mérite d’être adapté. Ce coefficient a été initialement estimé sur la base d’un calcul de surcoût par les établissements, dans le cadre de la T2A, mais il aurait tout à fait pu être calculé hors passage en T2A. Le passage en T2A HAD a repris ce même coefficient et ce de manière nationale, alors même que la pyramide des coûts est différente entre médecine humaine et médecine technique. Sa construction, son périmètre mériterait une définition, permettant une réévaluation, à l’aube de la T2A SSR.

Ainsi il y a à Mayotte deux centres de dialyse et faute de détermination d’un coefficient propre, c’est celui de la Réunion qui est utilisé, alors que le CH Mayotte annonce des surcouts bien plus importants que ceux des CH de la Réunion.

Financer la réponse aux besoins de soins

Les promoteurs en santé ont la volonté de répondre au mieux aux besoins de santé, tout en conciliant les impératifs de qualité, de sécurité et d’équilibre financier. Mais plus encore qu’en Métropole, l’équation est compliquée à gérer dans les territoires ultra marins et en particulier à Mayotte.

Les priorités sont totalement bousculées, à tel point que le modèle « métropolitain » est trop éloigné des problèmes propres à l’île. On peut s’en rendre compte en se rappelant qu’en 2004 une épidémie de béribéri infantile touchait Mayotte. Nul n’a oublié l’épidémie de Chikungunya en 2005, qui a lourdement affecté la population et déséquilibré le système de santé régional, avec une expansion

132 régionale puis internationale.

La Réunion est en deçà des réponses attendues, par manque de structures et de professionnels, avec un sous recours qui d’ailleurs est sous-estimé face à l’épidémie de maladies chroniques métaboliques.

Le cas de Mayotte pèse sur le système de santé réunionnais. La question de la périnatalité qui a été stigmatisée n’est que la face visible d’un système qui est fortement déséquilibré. La Réunion reste un haut lieu de recours pour Mayotte. Attention à ce que cet état de fait ne perturbe et ne déséquilibre plus grandement le système de santé de la Réunion. La question d’une régulation des financements à une échelle régionale plutôt que nationale a été évoquée, mais elle n’apparaît pas comme une solution car elle aurait également pour conséquence de mettre davantage sous tension les promoteurs de santé.

Le rayonnement sanitaire de la Réunion connaît une évolution défavorable. Alors que less voisins de la zone Océan Indien venaient se faire soigner dans l’île, le tropisme se focalise maintenant sur l’île Maurice. Cette évolution s’explique notamment par la difficulté d’accès au territoire. La création d’un visa sanitaire limité à la durée des soins permettrait de débloquer la situation, et permettre de redevenir attractifs.

Le PRS a demandé un rééquilibrage entre territoires pour répondre aux besoins de santé. Le mécanisme du tarif dégressif a été appliqué sur ces segments d’activité. Or ce mécanisme est largement décrié dans la zone Océan Indien car il n’a pas compte du PRS. Cet état de fait a pu même être perçu par certains promoteurs comme une désincitation à répondre aux besoins de santé du PRS.