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LE FAIT PERSONNEL ET LES PRE´SOMPTIONS DE RESPONSABILITE´

SECTION 3. L’UNITE´ DES FAUTES PE´NALE ET CIVILE

B. LE FAIT PERSONNEL ET LES PRE´SOMPTIONS DE RESPONSABILITE´

question d’un risque dont l’existence meˆme et le potentiel d’effets dommageables ne sont pas e´tablis scientifiquement’7.

B. LE FAIT PERSONNEL ET LES PRE´SOMPTIONS DE RESPONSABILITE´

85. La responsabilite´ de´lictuelle ou quasi-de´lictuelle est re´glemente´e aux arti-cles 1382 a` 1386 du Code civil.

Le principe qui re´git la responsabilite´ civile de´lictuelle est la faute. Il a e´te´ inscrit dans le Code civil de 1804, aux articles 1382 et 1383. La premie`re de ces dispositions e´nonce que ‘tout fait quelconque de l’homme, qui cause a` autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrive´, a` le re´parer’. Quant a` la seconde, elle ajoute que ‘chacun est responsable du dommage qu’il a cause´ non seulement par son fait, mais encore par sa ne´gligence ou par son imprudence’.

1. J.-L. FAGNART, ‘Introduction ge´ne´rale au droit de la responsabilite´’, ce Traite´, Partie pre´liminaire, Livre 1bis, vol. 2, 1999, pp. 37-38.

2. L’intervention de l’Etat dans l’indemnisation des victimes d’actes intentionnels de violence a e´te´ pre´vue par la loi-programme du 1eraouˆt 1985, laquelle a institue´ la Commission pour l’aide financie`re aux victimes d’actes intentionnels de violence. Voir A. EVRARDs.j., ‘La personne aˆge´e victime d’actes intentionnels de violence : la solidarite´ bricole´e ou l’indemnisation responsable ?’, note sous Commission pour l’aide financie`re aux victimes d’actes intentionnels de violence, 5 janv. 2007, J.L.M.B., 2011, pp. 869-878.

3. Rappelons aussi que certaines formes d’intervention publique permettent aussi une indemnisation des victimes dans l’hypothe`se ou` l’auteur est insolvable ou non identifie´.

4. J. ROGGE, ‘Assurance de la responsabilite´ civile et nouveaux risques’, in Liber Amicorum Jean-Luc Fagnart, Louvain-la-Neuve, Anthe´mis, 2008, p. 255.

5. M. FONTAINE, Droit des Assurances, 3ee´d., Bruxelles, Larcier, 2006, p. 53.

6. Cass. (1re ch.), 24 avril 2009, Bull. ass., 2010, p. 38, note J.-L. FAGNART, ‘La notion de sinistre intentionnel. L’harmonie retrouve´e’. Dans un pre´ce´dent arreˆt, la Cour de cassation avait conside´re´ que lorsqu’en application de l’article 71 du Code pe´nal, l’auteur d’un fait causant un sinitre, est acquitte´ parce qu’il se trouvait, au moment des faits, dans un e´tat grave de de´se´quilibre mental le rendant incapable du controle de ses actions, cela exclut que l’auteur ait cause´ le sinistre intentionnellement, au sens de l’article 8, al. 1erde la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurances terrestres (Cass. (2ech.), 12 fe´vr. 2008, Bull. ass., 2009, p. 16, note J.-L. FAGNART, ‘Volonte´ et de´se´quilibre mental’). Voir e´g. B. DUBUISSON, ‘La faute intentionnelle en droit des assurances. L’e´clairage du droit pe´nal’, in Liber Amicorum H.-D. Bosly, Bruxelles, La Charte, 2009, pp. 177-195.

7. G. SCHAMPS, ‘Le principe de pre´caution justifie-t-il une nouvelle responsabilite´ en droit civil belge ? D’autres alternatives existent ...’, in Le Code civil entre ius commune et droit prive´ europe´en, (e´tudes re´unies et pre´sente´es par A. WIJFFELS), Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 540. Sur l’articulation entre les re`gles de la responsabilite´ civile et le principe de pre´caution, voir e´g. Regards croise´s sur le principe de pre´caution, Limal, Anthe´mis, 2011.

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Par ces dispositions, le le´gislateur a oblige´ l’agent a` re´parer les dommages cause´s non seulement par son propre fait mais aussi par celui des personnes dont il doit re´pondre ou encore par les choses qu’il a sous sa garde.

86. Ainsi que l’a rappele´ la Cour de cassation1, il n’existe pas de principe ge´ne´ral de responsabilite´ du fait d’autrui, en dehors des pre´somptions de responsabilite´ que l’article 1384, aline´a 1er, du Code civil instaure de manie`re exhaustive dans les aline´as suivants.

Ces pre´somptions de responsabilite´ du fait d’autrui ne trouvent a` s’appliquer que lorsque la personne dont on re´pond a cause´ un dommage a` un tiers, et non a` elle-meˆme. Cette condition d’alte´rite´ suppose que seule la victime est admise a` invoquer ces pre´somptions dans le cadre de son recours dirige´ contre le civilement responsable2.

Les hypothe`ses de responsabilite´ du fait d’autrui visent les pe`re et me`re pour le dommage cause´ par leurs enfants mineurs (al. 2), les maıˆtres et commettants pour le dommage cause´ par leurs domestiques et pre´pose´s dans les fonctions dans lesquelles ils les ont employe´s (al. 3), les instituteurs et artisans pour le dommage cause´ par leurs e´le`ves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance (al. 4).

Une pre´somption de faute a e´te´ institue´e par le le´gislateur, laquelle est irre´fragable a` l’exception de la responsabilite´ des parents et des instituteurs3.

Les parents sont civilement responsables4et doivent re´pondre des actes objecti-vement illicites commis par leur enfant mineur, celui-ci fuˆt-il de´pourvu de discernement5. L’acte objectivement illicite est celui causant un dommage a` autrui qui a pour auteur le mineur et qui aurait e´te´ conside´re´ comme une faute s’il avait e´te´ accompli par une personne plus aˆge´e et dote´e de discernement6.

Un mineur d’aˆge qui commet une infraction be´ne´ficie d’une cause de non-imputabilite´ morale fonde´e sur l’aˆge. Sauf dessaisissement du tribunal de la jeunesse, il ne peut eˆtre condamne´ a` une peine. Il pourra faire l’objet d’une mesure de protection de la jeunesse si le tribunal de´cide qu’il a commis les faits qualifie´s infraction7. Il en va autrement au niveau de la responsabilite´ civile du mineur. Si celui-ci est doue´ de discernement, il sera lui aussi, condamne´ solidai-rement avec ses parents, a` re´parer le dommage qu’il a cause´. Comme B. DUBUISSON le fait remarquer, ‘la solution qui fait de´pendre l’immunite´ du mineur de la de´termination, souvent ale´atoire, de l’aˆge du discernement n’est gue`re satisfaisante ; ne serait-il pas plus simple et plus efficace de fixer le´galement l’aˆge en dec¸a` duquel le mineur ne peut eˆtre tenu pour personnellement responsable

1. Cass. (1rech.), 19 juin 1997, J.T., 1997, p. 582, sur conclusions conformes de l’Avocat ge´ne´ral PIRET. 2. B. DUBUISSON, V. CALLEWAERT, B. DECONINCKet G. GATHEM, La responsabilite´ civile. Chronique de

jurisprudence 1996-2007, vol. 1 : le fait ge´ne´rateur et le lien causal, o.c., p. 84 ; B. DECONINCK, ‘La pre´somption de responsabilite´ du fait d’autrui et la condition d’alte´rite´’, note sous Lie`ge (20ech.), 12 nov. 2009, R.G.A.R., 2010, no14642.

3. R.O. DALCQet G. SCHAMPS, ‘Examen de jurisprudence (1987 a` 1993). La responsabilite´ de´lictuelle et quasi-de´lictuelle’, R.C.J.B., 1995, pp. 610-636.

4. Le re´gime de la responsabilite´ civile des pe`re et me`re ne semble plus aujourd’hui adapte´ aux e´volutions socio-familiales qui ont marque´ les dernie`res de´cennies. D’une part, l’e´ducation de l’enfant est e´galement fac¸onne´e par d’autres influences marquantes (e´coles, clubs de sport, me´dias, ...). D’autre part, une surveillance de tous les instants est difficilement concevable. Voir a` ce sujet E. MONTEROet A. PUTZ, ‘La responsabilite´ civile des parents : une nouvelle jeunesse ?’, R.G.A.R., 2010, no14651. Les auteurs ont e´galement pre´sente´ l’e´volution jurisprudentielle en la matie`re, permettant aux parents de renverser la pre´somption de responsabilite´ qui pe`se sur eux en prouvant que le fait dommageable a pour origine une cause e´trange`re ; C. MELOTTE, ‘La responsabilite´ du fait des enfants’, in Responsabilite´s autour et alentours du mineur(sous la dir. de J. WILDEMEERSCH et J. LOLY), Limal, Anthe´mis, 2011, p. 149 ; voir e´g. Cass. (2ech.), 12 fe´vr. 2008, J.T., 2009, p. 613, note E. MONTEROet A. PUTZ, ‘La responsabilite´ parentale : du neuf avec du vieux ?’.

5. Cass. (1rech.), 28 oct. 1971, Pas., 1972, I, p. 200. 6. Cass. (1rech.), 11 de´c. 2009, R.G.A.R., 2010, no14617.

7. Art. 36, 4ode la loi du 8 avril 1965 relative a` la protection de la jeunesse, a` la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifie´ infraction et a` la re´paration du dommage cause´ par ce fait.

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des dommages qu’il a cause´s, sans exclure pour autant la responsabilite´ des parents?’1.

Par ailleurs, concernant l’article 1384, aline´a 3 du Code civil, il n’est pas requis, pour engager la responsabilite´ civile du commettant, que l’acte fautif du pre´pose´ soit un acte qu’en vertu de ses fonctions, il avait le devoir ou le pouvoir d’accomplir. Il suffit que l’acte fautif du pre´pose´ pre´sente un lien avec les fonctions2. Ce lien est, traditionnellement, appre´cie´ suivant deux crite`res cumu-latifs. D’une part, il doit avoir e´te´ accompli pendant la dure´e des fonctions ; d’autre part, il doit pre´senter, avec les fonctions, un lien, fuˆt-il indirect ou occasionnel3. Si ces deux conditions sont re´unies, la responsabilite´ du commettant peut eˆtre engage´e, meˆme si la faute du pre´pose´ pre´sente un caracte`re intentionnel4. La jurisprudence admet que la seule circonstance que l’acte illicite, fuˆt-ce une infraction, ait e´te´ commis intentionnellement et sans l’accord du commettant, ne permet pas de conclure que son auteur n’a pas agi dans le cadre des fonctions qu’il occupait5.

Le commettant ne peut eˆtre exone´re´ de sa responsabilite´ que s’il rapporte la preuve que le pre´pose´ a agi sans autorisation, a` des fins e´trange`res a` ses attributions et hors des fonctions auxquelles il e´tait employe´6. Ces trois conditions sont cumulatives.

Dans un arreˆt du 11 mars 1994, la Cour de cassation a affirme´ que la circonstance que la personne le´se´e savait ou devait savoir que le pre´pose´ abusait de sa fonction, ne suffit pas a` exclure la responsabilite´du commettant7.

87. Outre la responsabilite´ du fait d’autrui, l’article 1384 du Code civil pre´voit aussi la responsabilite´ du fait des choses que l’on a sous sa garde. En son aline´a 1er, cette disposition e´nonce : ‘On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est cause´ par le fait des personnes dont on doit re´pondre, ou des choses que l’on a sous sa garde’.

La Cour de cassation8 a rappele´ que cette pre´somption de responsabilite´ est inspire´e par le souci d’offrir une protection plus efficace a` ceux qui subissent un dommage par le fait de la chose qu’un tiers a sous sa garde. Ainsi, cette pre´somption n’existe qu’au seul profit des personnes qui subissent directement un dommage et ne saurait eˆtre invoque´e que par celles-ci.

En vertu de cette disposition le´gale, le gardien doit re´pondre des dommages cause´s par la chose affecte´e d’un vice, c’est-a`-dire pre´sentant une caracte´ristique

1. B. DUBUISSON, ‘La responsabilite´ aquilienne deux cents ans apre`s l’adoption du Code civil’, in Le Code civil entreius commune et droit prive´ europe´en, o.c., p. 479.

2. Ch. DALCQ, Responsabilite´s, traite´ the´orique et pratique, La responsabilite´ du fait des personnes agissant pour autrui, Livre 40, Bruxelles, Kluwer, 2009, p. 11.

3. Les termes ‘indirect’ et ‘occasionnel’ rec¸oivent une signification tre`s large (Th. VANSWEEVELT et B. WEYTS, Handboek buitencontractueel aansprakelijkheidsrecht, Antwerpen, Oxford, Intersentia, 2009, p. 416).

4. Ibid.

5. Voir not. Cass. (1re ch.), 26 oct. 1989, R.C.J.B., 1992, p. 216, note Ch. DALCQ, ‘Les limites de la responsabilite´ du commettant pour abus de fonctions de son pre´pose´’ ; Cass. (2ech.), 11 de´c. 2001, Pas., 2001, I, p. 2076 ; Bruxelles, 3 nov. 2005, R.G.A.R., 2007, no14284 ; Cass. (1rech.), 19 sept. 2008, N.J.W., 2009, p. 218, note G. JOCQUE, ‘Diefstal door aangestelden’.

6. Cass. (1rech.), 26 oct. 1989, R.C.J.B., 1992, p. 216, note Ch. DALCQ, ‘Les limites de la responsabilite´ du commettant pour abus de fonctions de son pre´pose´’.

7. Cass. (1rech.), 11 mars 1994, J.T., 1994, p. 611, note C., DALCQ, ‘L’incidence de la faute de la victime en matie`re d’abus de fonctions du pre´pose´ : des arreˆts qui se suivent et ne se ressemblent pas’. Par cet arreˆt, la Cour de cassation a ope´re´ un revirement de jurisprudence (Th. VANSWEEVELTet B. WEYTS, Handboek buitencontractueel aansprakelijkheidsrecht, o.c., p. 422).

8. Cass. (1re ch.), 4 fe´vr. 2011, Circulation, Responsabilite´ et Assurance, 2012, p. 11, note J. MUYLDERMANS, ‘Aansprakelijkheid van de bewaarder voor een gebrekkige zaak door een derde’.

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anormale ‘qui la rend, en certaines circonstances, susceptible de causer un dommage’1.

Le fondement de cette pre´somption de responsabilite´ du fait des choses est sujet a` controverses2. Certains sont d’avis que l’article 1384, aline´a 1er du Code civil repose sur une responsabilite´ sans faute3. D’autres soutiennent qu’il se fonderait sur une faute pre´sume´e du gardien qui a sous sa garde une chose affecte´e d’un vice4.

Cette pre´somption est irre´fragable. Le gardien ne peut s’exone´rer de sa responsabilite´ qu’en prouvant l’inexistence des conditions meˆmes de la responsa-bilite´ du fait des choses, a` savoir la garde, l’existence d’un vice et la relation causale entre le vice et le dommage5. Par exemple, il pourra e´tablir que ce n’est pas ce vice, mais une cause qui lui est e´trange`re (l’on songe au cas fortuit, a` la force majeure, au fait d’un tiers ou de la victime elle-meˆme)6, qui est la cause unique du dommage. A l’inverse, ni le caracte`re absolument inde´celable, ni l’ignorance invincible du vice ne suffisent a` renverser la pre´somption de responsabilite´ qui pe`se sur le gardien, pas plus que la preuve d’un comportement prudent et diligent7.

88. Sont e´galement de´signe´s responsables, sur la base de l’article 1385 du Code civil, le proprie´taire ou le gardien d’un animal pour le dommage occasionne´ par celui-ci, et, sur la base de l’article 1386 dudit Code, le proprie´taire d’un baˆtiment pour les dommages provoque´s par la ruine de celui-ci8.

La Cour de cassation9semble avoir tranche´ en faveur du caracte`re irre´fragable de ces deux pre´somptions de responsabilite´, n’admettant pas que la preuve soit rapporte´e de l’absence de faute dans le chef du gardien ou du proprie´taire. 89. B. DUBUISSONsouligne la vigueur de la faute en ces termes : ‘Les pre´somptions de responsabilite´ figurant aux articles 1384, 1385 et 1386 du Code civil restent elles aussi tre`s impre´gne´es de l’ide´e de faute, meˆme si certaines d’entre elles peuvent de´sormais eˆtre pre´sente´es comme des responsabilite´s objectives’10.

C. UN RE´GIME DE RE´PARATION SPE´CIFIQUE POUR LE FAIT