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Le droit international pénal comme réseau

Conclusion du Chapitre 1

Section 1. Le droit international pénal comme réseau

104. L’idée du modèle hétérarchique permet « de s’émanciper de la rigidité inhérente au modèle hiérarchique au profit de relations plus flexibles entre les systèmes juridiques, fondées sur la collaboration »241. En effet, puisque le système hiérarchique s’avère incapable de décrire les relations entre différents systèmes juridiques, il est nécessaire d’analyser le système juridique de la Cour, et plus globalement le droit international pénal, comme paradigme du pluralisme (§1). Toutefois, la théorie pluraliste se révèle insuffisante pour expliquer les multiples interactions de la Cour avec d’autres systèmes, à l’inverse de la théorie du réseau (§2).

§ 1. Le droit international pénal, paradigme du pluralisme juridique

105. La théorie du pluralisme juridique242 permet de rendre compte de la diversité des valeurs243, des normes244 ou des systèmes245 à une échelle globale. La théorie pluraliste classique facilite la reconnaissance d’une multiplicité d’ordres juridiques, en particulier en droit international246. Selon François Ost et Michel Van De Kerchove, le pluralisme se définit comme « l’idée d’une pluralité de systèmes plus ou moins ouverts les uns par rapport aux autres, où la fréquence des relations de coordination, voire de subordination totale ou partielle, fait que l’indépendance complète d’un système à l’égard d’un autre, et a fortiori son indifférence, constituent des cas relativement exceptionnels »247. Le pluralisme juridique s’avère pertinent pour décrypter la multitude d’ordres juridiques (du local à l’international) et la complexité des relations qu’ils entretiennent dans une société globalisée dans laquelle des États et des entités extraétatiques interagissent, se transformant alors en « global legal

241 LOBIER V., La protection équivalente des droits fondamentaux en Europe, Thèse de Doctorat, sous la direction de Romain Tinière, Université de Grenoble, 23 novembre 2016, p. 94.

242 BARRAUD B., Théories du droit et pluralisme juridique. Tome I. Les théories dogmatiques du droit et la fragilité du pluralisme juridique, Aix-Marseille, PUAM, 2016, 582 p. ; Boris BARRAUD, Théories du droit et pluralisme juridique. Tome II. La théorie syncrétique du droit et la possibilité du pluralisme juridique, Aix-Marseille, PUAM, 2016, 691 p.

243 FONTAINE L., « Le pluralisme comme théorie des normes », in Lauréline FONTAINE (dir.), Droit et pluralisme, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 125.

244 BERNHEIM E., « Le pluralisme normatif appliqué. Une étude de la mobilisation des normes par les acteurs sociaux dans le champ psychiatrique », Droit et Société, 2013, no 85, p. 672.

245 BERGE J.-S., L’application du droit national, international et européen, Paris, Dalloz, 2013, p. 8.

246 SOREL J.-M., « Le rôle du droit international dans le développement du pluralisme (et vice-versa) : une liaison moins naturelle qu’il n’y paraît », in Lauréline FONTAINE (dir.), op. cit., p. 81.

247 VAN DE KERCHOVE M., OST F., De la pyramide au réseau ? Pour une dialectique du droit, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 2002, p. 200.

pluralism »248. En droit international, cette notion de pluralisme juridique se confronte à celle de fragmentation du droit du fait de la prolifération des juridictions et organisations internationales en l’absence d’une entité centralisatrice249. La différence jurisprudentielle entre la Cour internationale de justice et le TPIY relative au contrôle global/effectif dans l’affaire Tadic est un exemple de la fragmentation du droit international pénal. Cette divergence s’explique néanmoins probablement par la dissemblance des acteurs du procès au sein des deux juridictions. Toutefois, les incohérences et l’absence d’harmonisation du droit international sont aujourd’hui acceptées250. Il semble préférable d’utiliser l’expression de pluralisme juridique au lieu de fragmentation, d’autant plus qu’elle permet de prendre en compte les relations verticales (ordres nationaux et internationaux) et horizontales (institutions internationales) lors de l’analyse de la justice pénale internationale.251

106. Selon certains auteurs, la différence linguistique entre fragmentation et pluralisme ne serait qu’un point de vue doctrinal. Les internationalistes et universalistes, en recherchant l’existence d’une autorité et de cohérence, préféreraient le vocable de fragmentation, alors qu’un défenseur des droits de l’homme utiliserait l’expression de pluralisme juridique252. Néanmoins, le concept de pluralisme juridique s’avère plus pertinent pour observer les interactions juridiques au sein de la justice pénale internationale. Au contraire de la notion de fragmentation, la théorie du pluralisme traduit la volonté de la communauté internationale d’assumer une fonction primordiale dans le cadre des relations internationales et du développement du droit international. La coexistence de plusieurs juridictions pénales internationales met en exergue différentes manières d’appliquer et d’interpréter le droit pénal et les règles processuelles. Par exemple, la participation des victimes au procès a considérablement évolué. De simples témoins devant les TPI, les victimes peuvent dorénavant participer à la procédure à la CPI, les Chambres cambodgiennes ou encore le Tribunal spécial

248 BERMAN P. S., Global Legal Pluralism : A Jurisprudence of Law Beyond Borders, Cambridge, CUP, 2012, 357 p.

249 CDI, Fragmentation du droit international : Difficultés découlant de la diversification et de l’expansion du droit international, Rapport du Groupe d’étude de la Commission du droit international, 13 avril 2006, A/CN.4/L.682.

250 KOSKENNIEMI M., « The Case for Comparative International Law », Finnish Yearbook of International Law, Vol. 20, no 1, 2009, p. 5-6 ; VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S., « Pluralisme. A new Framework for International Criminal Justice », in VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S. (dir.), Pluralism in International Criminal Law, Oxford, OUP, 2014, p. 11.

251 VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S., op. cit., p. 11-12.

252 STAHN C., VAN DEN HERIK L., « Fragmentation, Diversification and ‘3D’ Legal Pluralism : International Criminal Law as the Jack-in-the-Box ? », in Larissa VAN DEN HERIK, Carsten STAHN, The Diversification and Fragmentation of International Criminal Law, Leiden, Martinus Nijhoff, 2012, p. 25.

pour le Liban253. Cette modulation peut s’expliquer de plusieurs façons. D’un côté, les TPI ont été créés dans un souci sécuritaire analysé par le Conseil de sécurité254, alors que les juridictions plus récentes ont été principalement conçues dans un objectif de justice et de vérité. De plus, une métamorphose procédurale a également eu lieu par la prise en compte plus importante du modèle de Civil Law dans l’élaboration des règles processuelles de ces juridictions. On pourrait croire qu’une réelle fragmentation du droit international pénal existe puisque le droit applicable n’est pas le même. Toutefois, faire une distinction entre les différentes juridictions pénales internationales n’est pas nécessaire. Certaines juridictions s’inscrivent directement dans un système national préexistant comme les Chambres cambodgiennes, le Tribunal spécial pour le Liban ou le Tribunal pour le Timor oriental255. D’autres présentent un caractère uniquement international, mais avec un autre processus de formation. Les Tribunaux ont été conçus grâce à l’influence des États-Unis au sein du Conseil de sécurité256, alors que la Cour fut le résultat d’un long processus de négociations257. De plus, le droit international pénal a été amendé et perfectionné pour assurer la recherche de la vérité et une justice équitable respectant les droits de l’accusé et des victimes. Cette pluralité juridique permet de constater une certaine harmonisation avec la création de la Cour pénale internationale afin d’instaurer une justice internationale équilibrée. La divergence qui peut exister entre les juridictions pénales internationales et d’autres juridictions internationales ou régionales ne doit pas être considérée comme une fragmentation du droit international. En effet, « adjudication in the domains of general international law (the ICJ), human rights law

(the ECtHR and IACtHR), and ICL has different dynamics and purposes and is subject to diverging judicial culture and mandates »258. Le terme de fragmentation permet uniquement l’étude du droit international, puisqu’il ne comprend pas les relations verticales entre les juridictions pénales internationales et les ordres juridiques nationaux. C’est pourquoi la théorie du pluralisme juridique s’avère particulièrement adaptée pour identifier le système juridique de la Cour.

253 TACHOU SIPOWO A.-G., « Les aspects procéduraux de la participation des victimes à la répression des crimes internationaux », Les Cahiers du droit, Vol. 50, no 3-4, 2009, p. 691-734.

254 BASSIOUNI M. C., Introduction au droit pénal international, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 301.

255 JACKSON J. D., BRUNGER Y. M., « Fragmentation and Harmonization in the Development of Evidentiary Practices in International Criminal Tribunals », in VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S., Pluralism in International Criminal Law, Oxford, OUP, 2014, p. 160.

256 MORRIS V., SCHARF M. P., An Insider’s Guide to the International Criminal Tribunals for the Former Yugoslavia : A Documentary History and Analysis, Irvington-on-Hudson, Transnational Publishers, 1995, p. 177 ; CASSESE A., « The ICTY : a Living and Vital Reality », op. cit., p. 594.

257 BASSIOUNI M. C., « Negociating the Treaty of Rome on the Establishment of an International Criminal Court », Cornell Int’l L. J., Vol. 32, no 3, 1999, p. 464.

107. De manière symbolique259, le préambule du Statut de Rome rappelle l’importance de la mosaïque culturelle de la Société internationale, tout en faisant le vœu de lutter contre l’impunité. Le Statut de Rome accorde également la priorité au droit à un procès équitable. Ces trois valeurs présentent le pluralisme inhérent à la création de la Cour pénale internationale. Le droit international pénal trouve sa source dans différentes normes internationales, régionales et nationales. Certaines normes, présentes au sein du Statut de Rome, sont communes aux différents ordres juridiques comme le principe de légalité en droit pénal260. D’autres sont mises en œuvre de différentes manières par rapport aux systèmes nationaux comme la règle de la cross-examination261, ou l’incompétence juridictionnelle à l’égard des personnes de moins de 18 ans262. De plus, des divergences d’interprétation peuvent exister entre les chambres de la Cour263. Ce pluralisme interne peut se transformer négativement en fragmentation puisqu’il empêche de respecter le principe de sécurité juridique à travers une jurisprudence uniforme264. Finalement, la Cour évolue au sein d’une multitude d’ordres juridictionnels, tels que les systèmes nationaux, la Cour européenne des Droits de l’homme, la Cour internationale de justice ainsi que les juridictions pénales internationales. Or, selon l’article 21 du Statut de Rome, la Cour peut interpréter le Statut de

259 DAVID E., « Préambule », in FERNANDEZ J., PACREAU X., UBÉDA-SAILLARD M. (dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Commentaire article par article, Paris, Pedone, 2e éd., Tome I, 2019, p. 444-445.

260 Article 22 et 23 du Statut. Pour une analyse du principe de légalité devant la Cour, BROOMHALL B., « Article 22. Nullum crimen sine lege », et SCHABAS W. A., AMBOS K., « Article 23. Nulla poene sine lege », in TRIFFTERER O., AMBOS K., The Rome Statute of the International Criminal Court. A Commentary, Munich, Verlag C. H. BECK, Hart, Nomos, 2016, p. 949-970.

261 Article 67-1-e du Statut. SCHABAS W. A., McDERMOTT Y., « Article 67. Rights of the Accused », in TRIFFTERER O., AMBOS K., The Rome Statute of the International Criminal Court. A Commentary, Munich, Verlag C. H. BECK, Hart, Nomos, 2016, p. 1670 : « [A]lthough the defence has the right to examine witnesses on the same basis as the Prosecutor, there is no explicit provision for a full right to cross-examination, as it is understood in the Common Law ».

262 Article 26 du Statut. Cette incompétence diffère des systèmes nationaux où les mineurs de 18 ans peuvent être pénalement poursuivis devant les juridictions ordinaires ou une juridiction spécialisée pour mineur. Pour des raisons financières, processuelles et de respect des droits de l’homme, les rédacteurs du Statut ont préféré déclarer la Cour incompétente pour les mineurs de 18 ans. Voir TRIFFTERER O., Roger S. Clark R. S., « Article 26. Exclusion of jurisdiction over persons under eighteen », in TRIFFTERER O., AMBOS K., The Rome Statute of the International Criminal Court. A Commentary, Munich, Verlag C. H. BECK, Hart, Nomos, 2016, p. 1034.

263 Au sein de la Cour, des divergences existent sur le moment d’apprécier l’admissibilité des preuves (Chambre VII) ou encore la question de la préparation des témoins au procès (Chambre V(A)). Voir GUARIGLIA F., « The Rules of Procedure and Evidence for the International Criminal Court : A New Development in International Adjudication of Individual Criminal responsibility », in Antonio CASSESE (dir.), The Rome Statute of the International Criminal Court : A Commentary, Oxford, OUP, 2002, p. 1132. Voir également Titre 2 de la présente partie sur certaines divergences relatives aux règles concernant l’appréciation de la preuve.

264 Cette question eut également lieu au sein du TPIY concernant la responsabilité pénale lors de l’assistance à la commission d’un crime : VASILIEV S., « Consistency of Jurisprudence, Finality of Acquittals, and Ne Bis In Idem – Comments on the Sainovic et al. Appeal Judgement and the OTP Motion for Reconsideration of the Perisic Appeal Judgement », 2014, disponible sur SSRN :

Rome sur la base de ces sources juridiques extérieures. Le pluralisme souligne la complexité du système de la Cour et ses interactions avec d’autres systèmes de telle manière que « the

heterogeneity of ICL […] has become an overwhelming reality and conceptual challenge in this field »265.

108. Toutefois, cette théorie pluraliste ne permet pas de résoudre les conflits systémiques ou normatifs entre les différents ordres juridiques, ce qui peut alors conduire à un certain désordre juridique266. Pour faire face à cette critique, Mireille Delmas-Marty a élaboré la théorie du pluralisme ordonnée. L’auteur présente les systèmes de droit comme étant interdépendants, et non pas indépendants les uns des autres267. Dans un objectif de cohérence, il est proposé de parvenir à un équilibre entre un pluralisme de séparation et un pluralisme de fusion selon différents processus interactionnels268. L’auteur estime qu’il s’avère préférable de combiner les divers processus afin de réaliser véritablement un pluralisme ordonné269. Ainsi, il convient de constater en premier lieu un entrecroisement des normes et systèmes qui vient créer une dynamique pour concilier les systèmes. En deuxième lieu, l’harmonisation semble nécessaire pour rapprocher les systèmes par la notion de marge nationale d’appréciation. Finalement, l’hybridation permettrait un réel pluralisme ordonné ayant favorisé la conciliation entre les différents systèmes. La justice pénale internationale est issue de ces trois processus. Il a déjà été observé qu’une certaine conciliation existe entre les modèles de Common Law et de Civil Law au sein des juridictions pénales internationales facilitant l’entrecroisement des normes. La Cour a fait un pas supplémentaire en accordant une certaine marge d’appréciation aux juges, leur permettant de tendre vers une légère harmonisation dans certains domaines, comme la détermination de la peine270 ou la définition des standards d’appréciation des preuves271. Ces deux processus emploient la technique du « legal transplant »272. Les juges vont l’utiliser lorsque les Statuts ou Règlements ne prévoient pas de norme répondant à leur problème juridique. Ils analyseront donc d’autres systèmes

265 VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S., op. cit., p. 22.

266 LOBIER V., op. cit., p. 101-103.

267 DELMAS-MARTY M., Les forces imaginantes du droit (III). Le pluralisme ordonné, Paris, Seuil, 2006, 303 p.

268 DELMAS-MARTY M., « Le pluralisme ordonné et les interactions entre ensembles juridiques », D. 2006, p. 951.

269 DELMAS-MARTY M., Les forces imaginantes du droit (III), op. cit., p. 129.

270 HOLA B., « Consistency and Pluralism of International Sentencing : An Empirical Assessment of the ICTY and ICTR Pratic », in VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S., Pluralism in International Criminal Law, Oxford, OUP, 2014, p. 187-208.

271 Voir supra Partie 2, Titre 1.

272 STEER S., « Legal Transplants or Legal Patchworking ? The Creation of International Criminal Law as a Pluralistic Body of Law », in VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S., Pluralism in International Criminal Law, Oxford, OUP, 2014, p. 42-54.

juridiques afin de déterminer si une règle nationale préexistante peut être transposée en droit international pénal. La règle transposée pourra perdurer en droit international pénal si d’autres chambres ou juridictions l’appliquent. Elle pourra également être rejetée, car son application n’est pas apparue pertinente par la suite. Ces transplants juridiques visent une approche fonctionnelle, selon laquelle les juges devront justifier objectivement leur décision en vue de favoriser l’accord des acteurs du procès. Cette approche évite qu’un système national ne prévale sur les autres au sein des juridictions internationales273. Elle est expressément prévue par l’article 21 du Statut. Ainsi, la légitimité des règles transposées ne viendra pas d’une entité politique centralisée, mais de son utilisation répétée par les juridictions274, créant alors une grammaire commune du droit international pénal275. Qualifier le système probatoire de la Cour de système participatif permet de concevoir cette grammaire commune autour de la notion de procès équitable. Cette dernière ne provient pas d’un texte juridique, au contraire, elle est le fruit d’une longue pratique juridictionnelle alimentée par les juges et praticiens du droit au sein des juridictions internationales pénales276. Toutefois, l’existence d’une telle grammaire n’empêche pas les conflits normatifs et systémiques, comme pour la préparation des témoins ou les modes de responsabilité pénale.

109. La théorie du pluralisme ordonné permet donc de visualiser l’ancrage de la Cour dans cette logique pluraliste, et de constater que son système en est une application concrète. Ces multiples interactions peuvent être source d’inspiration pour l’évolution et l’amélioration du système de la Cour. Mais « if such tensions devolve into clashes of legal cultures, they become

counterproductive and obscure the vision of the optimal directions for its progressive development. The lesson that must have been learnt by now is that international criminal justice is no forum for rhetorical dominance of one legal culture over the other(s) and that the legal-cultural conversation should not degrade into a quarrel »277. Il semble évident que la Cour développe actuellement sa propre culture, et elle doit le faire dans une inspiration pluraliste afin d’éviter l’hégémonie d’une culture juridique en particulier. Malgré l’intérêt de cette théorie, elle connaît diverses critiques278. Elle ne permet pas véritablement de percevoir si le pluralisme analysé est un pluralisme ordonné ou un pluralisme de fusion. C’est ce que

273 Ibid, p. 53.

274 DANNER A. M., « When Courts Make Law : How the International Criminal Tribunals Recast the Laws of War », Vanderbilt Law Review, no 59, 2006, p. 1-66.

275 DELMAS-MARTY M., « The Contribution of Comparative Law to a Pluralist Conception of International Criminal Law », JICJ, Vol. 1, no 1, 2003, p. 13-25.

276 JACKSON J. D., BRUNGER Y. M., « Fragmentation and Harmonization », op. cit., p. 183.

277 VAN SLIEDREGT E., VASILIEV S., op. cit., p. 31-32.

démontre Jean-Marc Sorel en analysant les normes du procès équitable. Or, cette critique s’avère majeure lors de l’identification du système de la Cour. En effet, il a été démontré que le système processuel de la Cour peut être défini comme un système inédit. Dès lors, il ne semble pas possible de déterminer clairement si ce système résulte uniquement d’un pluralisme ordonné, par l’hybridation, ou si les rédacteurs du Statut ont souhaité réaliser un pluralisme de fusion. Par ailleurs, le pluralisme ordonné ne résout pas tous les conflits normatifs et systémiques. Il ne permet pas non plus d’observer l’ensemble des interactions qu’entretient la Cour avec de multiples acteurs internes et externes. La théorie du réseau semble alors être un outil intéressant pour dépasser ces critiques.

§ 2. La théorie du réseau appliquée au droit international pénal

110. Afin de pallier les critiques du pluralisme, la théorie du réseau, développée par François Ost et Michel Van De Kerchove, s’avère pertinente pour définir le système de la Cour. Ces auteurs utilisent cette théorie du réseau pour analyser les rapports de systèmes. Ainsi, le réseau constitue « une trame ou une structure composée d’éléments ou de points, souvent qualifiés de nœuds ou de sommets, reliés entre eux par des liens ou liaisons, assurant leur interconnexion ou leur interaction et dont les variations obéissent à certaines règles de fonctionnement »279. Une critique de ce modèle peut être effectuée sur le fait qu’il ne peut fonctionner que si des relations entre les systèmes ont été organisées selon des mécanismes précis et si les règles sont compatibles entre les différents systèmes. Or, ces mécanismes sont rares et guère efficaces280. Mais le modèle du réseau cherche à harmoniser les rapports entre les systèmes à travers la reconnaissance de points de contact entre ces derniers. Or, le droit international pénal participe à la création des nœuds régissant le réseau de la Cour avec le dialogue entre les juridictions internationales pénales ou encore la création doctrinale importante. De plus, bien que ces mécanismes soient rarement prévus, ils peuvent être construits et améliorés par les divers acteurs du droit international pénal281.

111. La théorie du réseau s’accompagne de deux transformations majeures liées à la globalisation : la régulation et la gouvernance282. La régulation s’entend de la production

279 VAN DE KERCHOVE M., OST F., op. cit., p. 24.

280 LOBIER V., op. cit., p. 111.

281 Le droit pénal transnational peut également constituer l’un des éléments du réseau représentant le droit