Fieure I.IO; Latences pré-intégrationnelle et post-intégrationneile
1.4. Latence du virus HIV-1
L’entrée du HIV-1 dans la cellule hôte n’est pas systématiquement accompagnée de la
production de virions néo-synthétisés, plusieurs éléments devant être réunis. Ce phénomène, appelé
infection latente, est probablement critique pour la pathogenèse du SIDA puisqu’il permet au virus
d’échapper à la réponse immune de l’hôte. Deux formes de latence ont pu être observées: la latence
pré-intégrationnelle et la latence post-intégrationnelle (Fig.I.lO).
1.4.1. Latence pré-intégratioimelle
La latence pré-intégrationnelle survient lorsque le virus HTV-l infecte des lymphocytes T
CD4'’' au repos [58, 108, 143]. Dans ce cas, en raison d’une transcription inverse incomplète et/ou
d’une intégration inefficace, l’ADN viral ne s’intégre pas et est retenu dans le cytoplasme où il persiste
quelques jours sous la forme d’un ADNc linéaire. La latence pré-intégrationnelle est levée si, par la
suite, la cellule infectée est activée avant que l’ADNc labile ne soit dégradé. A ce moment, les
phénomènes d’intégration et de production virale pourront se produire. A un instant donné, la latence
pré-intégrationnelle est quantitativement dominante sur la latence post-intégrationnelle [117] mais en
raison de sa demi-vie très courte (T ADNc persiste 1 à 6 jours dans le cytoplasme), sa contribution à la
persistance virale est minoritaire [143, 144].
1.4.2. Latence post-intégrationnelle
La latence post-intégratiormelle, quant à elle, survient lorsqu’un lymphocyte T CD4^ activé est
infecté. Généralement, un lymphocyte T CD4^ activé infecté produit des virions et meurt après
quelques jours en raison des effets cytopathiques liés à l’infection. Dans certains cas, le lymphocyte T
CD4'^ activé survit suffisamment longtemps pour retourner à l’état de cellule mémoire [117, 118]. On
peut aussi imaginer que le lymphocyte T CD4'^ est infecté précisément lors de sa progression vers le
stade de lymphocyte mémoire [145] Ces cellules seraient permissives aux premières étapes du cycle
cellulaire (jusqu’à l’intégration) mais ne permettraient pas l’expression virale en raison de
l’établissement de différents mécanismes de répression, principalement au niveau transcriptionnel
(voir section 1.5) [58, 146-148]. De plus, l’expression du HIV-1 est notamment dépendante de facteurs
cellulaires inductibles absents dans les cellules au repos. D en résulte un virus stablement intégré mais
qui est, par l’existence d’un blocage transcriptionnel (au niveau de l’initiation et/ou de l’élongation),
I-Introduction
traitement des lymphocytes T CD4'^ mémoires au repos par des mitogènes [122, 124, 125], des
cytokines [119, 149] ou encore des esters de phorbol, tels que la prostratine [150, 151]. L’existence
d’un réservoir stable chez des patients traités par la HAART durant l’infection primaire [15, 124] met
en évidence que les cellules infectées de manière latente sont générées très tôt durant l’infection. Ces
réservoirs contiennent l’ensemble des séquences virales rencontrées à haute fréquence durant
l’infection et correspondent donc en quelque sorte à des archives. Ils renferment donc également des
virus résistants à la HAART sélectionnés précédemment par un traitement non optimal [152, 153].
Chez une personne infectée par HIV-1, 5 lymphocytes T CD4* au repos sur 1 million dans les
ganglions lymphatiques comportent un virus intégré et compétent en termes de réplication [117]. Cette
fréquence n’est pas statistiquement différente entre le sang et les ganglions lymphatiques. Il a donc été
établi que le nombre de cellules infectées de manière latente est assez réduit (environ 1,4.10^
lymphocytes T CD4^ au repos par individu) [117, 126]. Cependant, ces réservoirs font preuve d’une
extraordinaire stabilité, leur demi-vie étant estimée à 44 mois [123, 126]. Le fait qu’une intensification
du traitement HAART provoque, chez certains patients, une diminution de la demi-vie des réservoirs
infectés de manière latente suggère qu’une réplication virale persistante permet la création de
nouveaux réservoirs [154, 155]. Cependant, si la réplication résiduelle augmentait effectivement le
nombre de cellules réservoirs, des virus résistants seraient détectés dans ces réservoirs. Or, des
analyses génétiques menées sur les virus de ces réservoirs n’ont mis en évidence que de faibles
évolutions de résistance aux drogues [124, 156]. De plus, des évaluations du taux auquel de nouveaux
variants viraux infectent des cellules de manière latente et constituent des réservoirs ont mis en
évidence la faible contribution de la réplication résiduelle virale dans la création de nouveaux
réservoirs cellulaires [157]. Ces résultats suggèrent que la réplication virale résiduelle ne contribue pas
de façon majeure à la stabilité des réservoirs cellulaires infectées de manière latente par HIV-1. Dès
lors, une simple intensification du traitement HAART n’influencerait pas, sur le long terme, le taux de
diminution des réservoirs cellulaires [113]. L’extrême stabilité des cellules infectées de manière
latente semble donc être inhérente à leur nature de cellules mémoires, dont la population est maintenue
grâce à un procédé de division homéostatique, indépendant d’une stimulation antigénique, assurant la
persistance des caractéristiques antigéniques au cours du temps [108, 145, 158]. HIV-1 tire
simplement avantage d’une caractéristique fondamentale du système immunitaire, la mémoire
immunologique. Sur base de leur fréquence et de leur demi-vie, il a été estimé que l’éradication des
lymphocytes T CD4^ infectés de manière latente nécessiterait plus de 60 ans de traitement HAART
continu [121, 123, 126].
1.4.3. Eradication du virus HIV-1
Le traitement HAART permet un contrôle de la répUcation virale et de la progression de la
maladie mais il ne permet cependant pas l’éradication du virus chez les individus infectés, et ce même
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au terme de plusieurs années de traitement continu. La principale cause de cet échec thérapeutique est
la persistance de réservoirs cellulaires du HTV-l, constitués majoritairement de lymphocytes T CD4^
mémoires au repos infectés de manière latente. Ces cellules non-productives échappent à la réponse
immunitaire et représentent le principal obstacle à l’éradication du virus HTV-l. En effet, elles
constituent une menace permanente d’augmentation de la virémie plasmatique si, en l’absence de
traitement HAART, elles sont activées par leurs antigènes ou par des cytokines devenant alors des
cellules infectées de manière productive [119, 120, 138-140]. Afin d’éviter la prise du traitement
HAART à vie, avec de nombreux effets secondaires et le risque d’émergence de virus résistants, des
stratégies visant à accélérer la destruction des réservoirs cellulaires sont nécessaires.
Une des approches envisagées afin de détruire les cellules réservoirs consiste à activer les
lymphocytes T CD4^ infectés de manière latente en présence de HAART (Thérapie d’Activation
Immune ou IAT) [159]. Cette stratégie entraînerait l’expression des provirus, la mort des cellules
productrices, et éviterait la propagation de l’infection. Les premiers essais in vitro ont montré qu’un traitement combiné d’lL-2, d’IL-6 et de TNFa (Tumor Necrosis Factor a) réactive l’expression virale
dans des lymphocytes T CD4^ infectés de manière latente provenant d’individus non traités ou traités
par la HAART [119]. In vivo, les études menées avec TIL-2 mettent en évidence que malgré des résultats encourageants au niveau de la réduction des réservoirs cellulaires, un rebond de la charge
virale est systématiquement observé suite à l’arrêt du traitement HAART, ce qui suggère que TIL-2 en
combinaison avec le traitement HAART n’est pas suffisant pour éliminer l’infection [160-162]. Une
combinaison d’IL-2 et de OKT3, un anticorps monoclonal spécifique du complexe CD3 des
lymphocytes T, a également été testée sur des patients sous traitement HAART et avec un taux de
virus indétectable [163]. Malgré une activation cellulaire importante et une augmentation du taux
d’ARNs du HTV-l dans les ganglions lymphatiques, la fréquence des cellules latentes est restée
inchangée. De plus, la toxicité engendrée par l’activation immune des lymphocytes T (syndrome
respiratoire, hypotension, méningite aseptique) ainsi que par le développement d’anticorps anti-OKT3,
a rendu cette stratégie inenvisageable [163-165].
Une autre cytokine, l’IL-7, induit l’expression virale dans des cellules infectées de manière
latente générées à partir du modèle murin SCID/hu [149, 166]. De plus, cette cytokine induit, ex vivo, l’expression virale à partir de cellules primaires provenant de patients avirémiques traités par la
FLAART [167, 168]. Cependant, cette cytokine est suspectée de participer à la prolifération et à la
survie des lymphocytes T CD4'^ mémoires infectés de manière latente par HTV-l [158, 169].
L’ensemble des lymphocytes T mémoires est composé de deux compartiments majeurs : les cellules
mémoires centrales (Tcm) et les cellules mémoires effectrices (Tem) [169]. En réponse à un antigène, les Tcm prolifèrent et se différencient en Tem- Les Tcm constituent le réservoir du HTV-l de longue durée principal chez les individus traités par la HAART [158]. Ces cellules sont caractérisées par un
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notamment grâce à une grande résistance à l’apoptose [169]. L’IL-7 améliore la survie de ces cellules,
notamment en induisant la phosphorylation de F0X03a (Forkhead Box 03a), ce qui empêche la
transcription des gènes pro-apoptotiques Bim et FasL, et également en induisant l’activation de STATSa (Signal Transducer and Activator of Transcription 5a) se traduisant par l’expression de
différentes molécules anti-apoptotiques (PIM-1 et PIM-2) [169]. De plus, l’IL-7 participe également à
la prolifération des lymphocytes T CD4^ lors de la déplétion de ces cellules. En effet, une étude menée
sur des patients présentant au taux de lymphocytes T CD4'’' faible, montre, que dans ces conditions, le
réservoir cellulaire principal est constitué de lymphocytes T CD4^ mémoires de transition (Ttm), forme intermédiaire entre les Tcm et les Tem [158]. Ces lymphocytes Tjm prolifèrent de manière homéostatique en réponse à l’IL-7, dont la concentration plasmatique augmente dans ces conditions
lymphopéniques [158]. Chez ces patients, le taux plasmatique d’IL-7 est inversement corrélé à vitesse
de disparition des réservoirs cellulaires. Ces résultats suggèrent l’implication de l’n.^-7 dans la
maintenance des réservoirs cellulaires infectés de manière latente [158], remettant en cause l’intérêt
des thérapies d’activation immune dans le but de diminuer les réservoirs cellulaires chez les patients
traités par la HAART.
Une autre solution envisagée pour détruire les cellules infectées de manière latente est de
cibler directement le provirus latent. La réactivation spécifique de l’expression du virus latent
entraînerait la mort des cellules nouvellement productives suite aux effets cytopathiques viraux ou
suite à la détection et destruction par le système immunitaire. Cette stratégie éviterait les désagréments
causés par les thérapies d’activation immune et, combinée au traitement HAART, permettrait de
réduire le nombre de cellules réservoirs tout en empêchant une propagation de l’infection par les virus
néo-synthétisés. La découverte de substances ayant ces capacités passe par une meilleure
compréhension des mécanismes moléculaires sous-jacents à la latence post-intégrationnelle.