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Pour donner suite à cette description des particularités de la gestion de projet et de la définition d’un projet, il importe de définir l’influence que ces éléments peuvent avoir sur la structure organisationnelle. Il convient de préciser qu’une structure organisationnelle ordonne les tâches et les rapports d’autorité entre les

employés et les cadres en vue de réaliser les objectifs de l’organisation. Une structure matricielle de projet fait référence à une structure intégrant les fonctions administratives et la gestion de projet. La désignation « structure fonctionnelle » intègre des employés ayant des habiletés similaires ou qui utilisent les mêmes ressources et qui travaillent à l’intérieur d’une même fonction. La gestion de projet intègre des employés attitrés à au moins une équipe dans le but de réaliser un projet dans l’organisation. Cette structure matricielle peut être qualifiée de faible, équilibrée ou forte (solide) dépendamment des modifications qu’impose la gestion de projet (Larson et Gobeli, 1989; Clark et Wheelwright, 1992; PMI, 2017). Selon le PMI (2017), dans le cadre d’une organisation à structure matricielle faible de projet, les chefs de projet2 peuvent être considérés comme des coordonnateurs de ressources. Ils offrent, entre autres, un soutien aux autres membres de l’équipe, cordonnent les ressources allouées au projet et dépendent de leur supérieur hiérarchique qui, lui, est responsable des résultats du projet. De surcroît, les membres des équipes projet (MEP) travaillent généralement à temps partiel sur les projets. À titre comparatif, pour les organisations à structure matricielle équilibrée, les caractéristiques de la structure dite fonctionnelle persistent, mais la GP devient davantage présente dans les tâches des employés. En plus, le rôle du chef de projet devient plus formel et il partage la responsabilité du budget avec un cadre d’une unité administrative commanditaire. Par le fait même, les compétences de projet s’intègrent progressivement à son corpus. Pour ce qui est des membres de l’équipe, tout comme

le chef de projet, ils sont attitrés au projet à temps partiel. Pour ce qui est de la structure orientée projets, les groupes de travail sont menés vers les projets au lieu des fonctions administratives. Le chef de projet et les MEP sont attitrés à des projets à temps plein. De ce fait, l’autorité du chef de projet est formelle. Globalement, plus la structure matricielle se développe en lien avec la gestion de projet, plus les ressources matérielles, humaines et financières sont allouées à l’équipe projet ainsi qu’aux chefs.

Puisque cette recherche s’intéresse à la structure matricielle faible de projet, ce contexte organisationnel est spécifiquement analysé. Dans le cadre de la gestion de projet (GP) au sein d’une organisation à structure matricielle faible, nonobstant les outils techniques suggérés par les manuels tels que le PMBOK3, PRINCE 24, APM PRAM5, les chefs de projet peuvent utiliser différentes méthodes de travail pour

soutenir leur rôle de coordination des ressources. Ils peuvent employer, entre autres, le RACI6 et le comité de pilotage. Le RACI est un outil de gestion qui sert à déterminer les rôles des personnes pendant la prise de décision. Pour chacun des livrables, les équipes de projet ont ainsi la responsabilité de désigner les personnes qui doivent être consultées et informées pendant la prise de décision. De plus, les équipes identifient les personnes qui sont responsables et celles qui doivent donner

3 Guide de corpus des connaissances en management de projet (Project Management Body of Knowledge).

4 PRojects IN Controlled Environments.

5 Association for Project Management (APM), Project Risk Analysis and Management (PRAM). 6 Responsables, Approbateurs, Consultés ou Informés.

leur approbation. Au regard du comité de pilotage, il peut être constitué de cadres concernés par le projet afin d’accélérer la prise de décision exigeant une approbation durant la réalisation du projet considérant qu’ils sont responsables des résultats des projets. Par ailleurs, dans le cadre de leur rôle de coordination des ressources, il est suggéré que les chefs de projet prennent le temps, en début de projet, de clarifier les rôles et les responsabilités des membres de l’équipe, planifier et organiser leurs tâches, concevoir un plan de communication interne et prévoir une façon de développer les compétences des MEP (Gottlieb, 2007; PMI, 2017). En effet, comme mentionné précédemment, les MEP qui sont recrutés dans les unités administratives maîtrisent les compétences liées à leur métier, mais pas nécessairement celles requises pour la GP (Gottlieb, 2007).

Cette structure matricielle faible de projet présente des avantages et des inconvénients. Un des avantages est l’utilisation optimale des ressources humaines puisque les employés poursuivent la réalisation de leurs tâches quotidiennes, en plus de participer à un projet (Sy et Côté, 2004). De plus, les EP peuvent intégrer plus rapidement le contenu du projet en lien avec les objectifs organisationnels, car ils travaillent également dans les unités administratives. Autre avantage, la communication à l’intérieur du projet et dans les différentes unités fonctionnelles est facilitée par les membres des équipes qui ont la double responsabilité (Turner et al., 1999). Enfin, lorsque les projets se terminent, l’organisation préserve les acquis et les compétences développées par les membres des équipes puisqu’ils poursuivent leur travail auprès de leur gestionnaire de métier (Dinsmore, 1990). Selon Nesheim

(2011), cette évolution de la structure fonctionnelle vers la matricielle suggère une solution durable en matière de gestion du changement, car la gestion de projet est officialisée. Au regard des projets qui se réalisent uniquement avec des membres en provenance d’une seule unité administrative, ces employés ont l’avantage de déjà travailler ensemble, de connaître la ligne hiérarchique ainsi que les canaux de communication et l’environnement de travail (Burke et Barron, 2007).

Toutefois, la structure matricielle faible présente aussi des inconvénients. Un des obstacles majeurs est que les objectifs des projets et ceux des unités administratives peuvent diverger et un esprit de compétition malsain peut s’installer entre les chefs de projet et les cadres (Larson et Gobeli, 1989; Engwall et Källqvist, 2001). Ce désalignement entre les objectifs des projets et des unités fonctionnelles peut également avoir comme conséquence un manque de synchronisation et de coordination à l’égard de la gestion des ressources dans les projets. Selon Hobday (2000), la coordination par le chef de projet d’une équipe multidisciplinaire formée d’employés en provenance de différents services, exige beaucoup de temps et d’énergie, de ce fait, il devient difficile pour ces équipes d’être proactives. L’auteur ajoute également que les relations peuvent être problématiques entre le gestionnaire de métier, le chef de projet et le client étant donné que le supérieur hiérarchique est responsable des communications entre ces différents intervenants. Les confusions qui en découlent peuvent être notamment d’ordres technique et temporel. Il est même possible que certains conflits déjà existants dans l’organisation entre certaines unités fonctionnelles et ceux-ci puissent être transposés dans les projets, et nuire à leur bon

déroulement. Ces conflits peuvent également surgir au moment de la réquisition de ressources humaines dans les unités, amenant des gestionnaires à se sentir lésés (Gottlieb, 2007). Par ailleurs, considérant que les employés possèdent un statut permanent au sein de l’organisation, il peut être également approprié d’intégrer la réflexion à l’égard des événements passés entre eux puisque cela aura une certaine influence sur leurs comportements présents et futurs. En effet, selon Legohérel et al. (2013), les comportements des employés sont évolutifs puisque ces derniers vivent des situations positives et négatives. Toutefois, la littérature scientifique n’a pas statué de l’impact de l’évolution des comportements des employés qui occupent une double fonction. Du reste, considérant la préservation des caractéristiques de l’ancienne structure fonctionnelle et de ses modes de fonctionnement, les MEP doivent respecter les procédures administratives établies. Ce point est important dans le présent cas, car au sein des organisations publiques les procédures sont omniprésentes, du fait qu’il s’agit d’application des lois dans un État de droit. Pour Too et Weaver (2013), la haute direction et l’exécutif des organisations doivent établir une cohérence au sein de leurs objectifs stratégiques, leurs directives, et le soutien qu’ils peuvent apporter aux équipes de projet. Les auteurs ajoutent que l’absence de ces éléments peuvent contribuer à l’échec des projets sans que les équipes en aient le contrôle. Williams et al. (2010) ajoutent que dans le contexte public, la prise de décision peut être guidée par des choix rationnels et à d’autre moments, par des choix davantage politiques. Ils mentionnent également que malgré la présence de cadre de gouvernance dans certaines organisations publiques pour encadrer les démarches en matière de GP, ils doivent être appliqués avec souplesse

pour adapter les directives managériales au contexte novateur des projets. Les employés qui ont une double responsabilité peuvent éprouver des difficultés à saisir adéquatement leur rôle et leurs responsabilités lorsqu’ils sont intégrés à une EP (Sy et al., 2005). Ils peuvent ressentir de la confusion au moment de recueillir de l’information auprès de leur cadre de 1er niveau lors d’une prise décision parce qu’au

quotidien, ils n’ont pas ce pouvoir ni cette responsabilité. Conséquemment, ces cadres de 1er niveau doivent constamment se reporter aux cadres intermédiaires et de direction de leur unité fonctionnelle ainsi, des délais supplémentaires peuvent, en plus, alourdir la procédure relative à la prise de décision des MEP (Davis et Lawrence, 1978). Sans oublier que les employés peuvent se sentir moins en confiance avec les membres des autres unités fonctionnelles parce qu’ils n’ont pas l’habitude de travailler avec eux. En matière de GRH, ces procédures peuvent également faire référence à la description de tâches des employés. Celle-ci doit être le reflet des tâches accomplies en tout temps. En contexte projet, les membres des équipes doivent respecter le plus possible leur description de tâches. Dans cette optique, la situation peut engendrer des délais supplémentaires dans les projets (Hobday, 2000) et un coût excessif des frais généraux (Turner et al., 1999). On peut noter aussi que dans le cadre d’une organisation à structure matricielle faible de projet, les employés ne possèdent pas nécessairement toutes les compétences nécessaires pour fonctionner au maximum et assumer adéquatement leur double responsabilité (Gottlieb, 2007). Étant donné que les employés peuvent travailler sur plusieurs projets à la fois, ces derniers peuvent ressentir un désengagement progressif et un manque de motivation. C’est la raison pour laquelle, selon Hobday (2000), les règles d’engagement de

l’employé et de son supérieur immédiat doivent être le plus possible établies. Un dernier élément a questionné peut être l’influence de la culture organisationnelle présente dans la gestion des activité routinières. Cette dimension est jugée importante puisque selon Bertrand (2011), la culture organisationnelle intègre trois dimensions : une fondamentale avec les valeurs (incluant les perceptions des rôles, des relations de pouvoir, les rêves…), une intermédiaire avec les stratégies culturelles (incluant les idéologies) et une démonstrative avec les faits culturels (incluant les rites, les discours…). Or, une organisation publique à structure matricielle faible intègre une omniprésence de la hiérarchie, du pouvoir décisionnel des personnes élus, des procédures écrites… ceux-ci peuvent potentiellement avoir une influence sur la gestion de projet qui exige une certaine souplesse pour l’innovation.

Dans l’ensemble, la structure matricielle propose des avantages lors du démarrage des projets puisque les employés attitrés connaissent le contexte organisationnel, les modes de fonctionnement et les autres employés. Toutefois, la structure matricielle peut être source de conflits par rapport aux objectifs organisationnels et nuire à la gestion des projets. Sur le plan humain, cette structure peut aussi engendrer de la confusion chez les employés quant aux rôles et responsabilités qu’ils doivent assumer dans leur unité fonctionnelle et à temps partiel dans des projets.

Par ailleurs, selon Gottlieb (2007), les employés qui occupent une double fonction doivent développer des compétences pour fonctionner efficacement; il

apparaît donc pertinent à cette étape de définir ce qu’est une compétence ainsi que les compétences de projet et ce, dans la perspective d’une proposition d’un cadre systémique contributif à leur amélioration dans le contexte public.