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La loi du 6 août 2013 a fragilisé le régime des recherches sur

Partie III – Les questions posées par les évolutions

3.2. La recherche sur l’embryon

3.2.3.2. La loi du 6 août 2013 a fragilisé le régime des recherches sur

La loi du 6 août 2013 a sciemment abandonné le régime applicable à la recherche sur  l’embryon dans le cadre de l’AMP au motif que de telles recherches devaient être  regardées comme « purement observationnelles » et qu’elles relevaient à ce titre du  régime de droit commun des recherches biomédicales.  

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Le  Conseil d’État,  en  formation consultative,  a  tiré les  conséquences de cette  évolution en estimant que, faute de base législative en ce sens, le gouvernement ne  pouvait  – par  voie  réglementaire –  encadrer  les  recherches  médicales 

« interventionnelles » sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur  l’embryon in vitro avant son transfert à des fins de gestation. Suivant cet avis, le  décret n° 2015‐155 du 11 février 2015 s’est borné à encadrer les recherches non‐

interventionnelles446, en adaptant aux spécificités de ce type de recherches le cadre  général des recherches impliquant la personne humaine447.  

Pour pallier ce vide, involontaire448 mais qui avait pour effet d’interdire la recherche  interventionnelle en AMP, le gouvernement a proposé un amendement449 à la loi  n° 2016‐41  du  26  janvier  2016  de  modernisation  de  notre  système  de santé,  introduisant un V au sein de l’article L. 2151‐5 du code de la santé publique, aux  termes duquel : « Sans préjudice du titre IV du présent livre Ier, des recherches  biomédicales  menées dans le  cadre  de  l'assistance médicale  à la procréation  peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur  l'embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation, si chaque  membre du couple y consent. Ces recherches sont conduites dans les conditions fixées  au titre II du livre Ier de la première partie ». Ces recherches sont donc soumises au  régime des recherches impliquant la personne humaine et, à ce titre, requièrent l’avis  favorable d’un comité de protection des personnes et l’autorisation de l’Agence  nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ci‐après, ANSM). 

Cet article, contesté devant le Conseil constitutionnel dans le cadre de son contrôle a  priori, n’a fait l’objet d’aucune censure, ni d’aucune réserve : par sa décision n° 2015‐

727 DC du 21 janvier 2016, il a en effet jugé « que les dispositions contestées  prévoient de soumettre à essais cliniques des techniques en cours de développement  et destinées à améliorer l'efficacité des méthodes de procréation médicalement  assistée ou à prévenir ou soigner des pathologies chez l'embryon ; que ces essais  cliniques, qui sont menés au bénéfice de l'embryon lui‐même ou de la recherche en  matière de procréation médicalement assistée, ne conduisent pas à exposer l'embryon 

446 V. le second alinéa de l’art. R. 1125‐14 du CSP : « Seules les recherches mentionnées aux  articles R. 1121‐2 et R. 1121‐3 peuvent être menées sur les gamètes destinés à constituer un  embryon ou sur l'embryon in vitro avant son transfert à des fins de gestation. » 

447 V. art R. 1125‐14 et s. CSP : ajustement des règles du consentement, règles particulières pour 

l’examen de la demande par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de  santé, transmission pour avis à l’Agence de la biomédecine, composition du CPP ajustée avec  l’appui d’un praticien autorisé à pratiquer des AMP et d’un pédiatre. 

448 Le rapport sénatorial sur cet article explique ainsi : « La ministre de la santé a indiqué en  séance publique que l’objet de cet amendement était « d’introduire, à la demande du Conseil  d’État, une base légale afin que les recherches en assistance médicale à la procréation puissent  être poursuivies avec les garanties de la recherche biomédicale ». Ces recherches, qui ne sont  actuellement pas autorisées, ont donné lieu à des contentieux. » 

449 http://www.assemblee‐nationale.fr/14/amendements/2673/AN/2509.asp  

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à un risque sans proportion avec le bénéfice attendu ; que la réalisation de ces essais  cliniques est subordonnée, d'une part, au consentement de chaque membre du couple  et, d'autre part, au respect des garanties qui s'attachent aux recherches biomédicales  prévues au titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique ;  qu'ainsi  ces  essais  sont,  en  particulier,  soumis  à  la  délivrance  préalable  d'une  autorisation par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de  santé et menés dans le respect du principe de la primauté de l'intérêt de la personne  qui se prête à une recherche, et du principe de l'évaluation de la balance entre les  risques et les bénéfices ; que, par suite, le paragraphe III de l'article 155 ne méconnaît  pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ; ». 

Fort de ce nouvel ancrage législatif, le décret n° 2016‐273 du 4 mars 2016 a pu  ensuite élargir aux recherches interventionnelles le cadre défini par le décret du  11 février 2015, en supprimant la réserve prévue au second alinéa de l’article R. 1125‐

14 du code de la santé publique.  

3.2.4. Un cadre juridique à préserver 

Le Conseil d’État recommande de ne pas revenir sur l’économie générale du cadre  juridique applicable aux recherches sur l’embryon. 

Les cadres juridiques respectivement applicables à la recherche sur l’embryon non  transférable et dans le cadre d’une AMP ont connu de nombreuses évolutions au  cours des dernières décennies. Les interventions récentes du législateur, en 2013 et  2016, ont désormais permis de faire émerger deux régimes juridiques cohérents, qui  offrent une sécurité juridique aux chercheurs et professionnels de santé tout en  assurant,  par  les  strictes  conditions  qu’ils  fixent,  une  protection  adéquate  de  l’embryon et des cellules souches embryonnaires. 

En  outre,  les  évolutions  scientifiques  n’apparaissent  pas  telles  qu’elles  nécessiteraient de réinterroger la pertinence de ce cadre très récent. En particulier,  la recherche impliquant des cellules iPS (ie. des cellules obtenues en reprogrammant  des cellules somatiques différenciées en état de pluripotence) ne saurait encore se  substituer  à  celle  conduite  sur  les  cellules  souches  embryonnaires.  Ainsi  que  l’expliquait le Conseil d’orientation de l’ABM dans un rapport consacré aux cellules  iPS450, d’une part, les cellules souches embryonnaires humaines restent le Gold  standard451  permettant  d’évaluer  l’efficacité  des  iPS.  D’autre  part,  malgré  le  perfectionnement  des  techniques,  les  cellules  iPS  n’apparaissent  pas  encore  totalement  fiables  (en  raison  de  leur  instabilité  génétique,  des  marqueurs  épigénétiques liés au processus de reprogrammation et du fait qu’elles n’expriment  pas nécessairement des phénotypes de cellules matures).

450 Conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, Les cellules souches pluripotentes  induites (iPS) : état des lieux, perspectives et enjeux éthiques, février 2016. 

451 P. 13 de l’avis de son conseil d’orientation, op. cit. 

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Dans ces conditions, le Conseil d’État recommande de ne pas modifier l’état du droit  en la matière. Il souligne à cet égard que le souci de rendre la recherche française  visible et attractive, qui a présidé au passage à un régime d’autorisations encadrées  pour la recherche sur l’embryon non transférable, justifie également de préserver la  stabilité du cadre existant – ce d’autant plus que les recherches sur l’embryon  surnuméraire sont conduites au long cours par un nombre d’équipes limité. 

Par ailleurs, à rebours de certaines prises de position récentes452, le Conseil d’État  estime que le fait que la réglementation actuelle n’implique pas les mêmes autorités  selon le type de recherches effectué (uniquement l’ABM pour la recherche sur les  embryons surnuméraires, l’ANSM – qui doit également solliciter l’avis de l’ABM –   pour  la recherche dans  le cadre de l’AMP) est cohérent compte tenu de leur  différence fondamentale :  la  recherche  sur  l’embryon  surnuméraire  ne  conduit  jamais à sa réimplantation tandis que la recherche dans le cadre de l’AMP, dès lors  qu’elle vise son transfert à des fins de gestation, apparaît légitimement devoir  s’inscrire dans le cadre applicable aux recherches impliquant la personne humaine. 

En revanche, le Conseil d’État estime qu’une réflexion pourrait être amorcée pour  distinguer les recherches conduites sur l’embryon surnuméraire de celles conduites  sur les lignées de cellules souches embryonnaires humaines déjà existantes. En  effet, les recherches sur l’embryon impliquent nécessairement sa destruction. Les  lignées  de  cellules  souches  embryonnaires existantes  résultent  de  dérivations  successives et sont d’ailleurs souvent communes à de nombreux laboratoires dans le  monde afin de faciliter la comparabilité des résultats. Pour ces lignées, d’une part, la  destruction  de  l’embryon a  déjà  eu  lieu  et,  d’autre  part,  les cellules souches  embryonnaires  « ne  disposent  pas  des  propriétés  organisatrices  qui  leur  permettraient de reproduire un nouvel organisme viable »453. Dans ces conditions, la  piste  d’un  régime  distinct,  et  assoupli,  pour  les  lignées  de  cellules  souches  embryonnaires humaines, déjà privilégiée par plusieurs pays européens, gagnerait à  être explorée : il pourrait  minima être envisagé  de ne  plus subordonner les  recherches correspondantes à la condition qu’elles ne puissent être menées sans  recourir à de telles cellules. 

452 Par ex., le comité d’éthique de l’Inserm dans sa note intitulée L’État de la recherche sur  l’embryon humain et propositions de juin 2015. 

453 Rapport de l’Agence française de la biomédecine de janvier 2018. 

Page 184  3.2.5. Des précisions à apporter 

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