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6. LES FACTEURS EXPLICATIFS DU DÉVELOPPEMENT DE L’ÉPARGNE

6.1 L ES MOTIVATIONS POUR ÉPARGNER

Pour les systèmes sans épargne préalable, l’encours d’épargne libre ou volontaire reste très faible. Le cas du Crédit Rural de Guinée est assez exemplaire pour illustrer ce phénomène. Les membres du système appartiennent à deux catégories : les associés (producteurs ruraux, petits commerçants, artisans,,...), les usagers (fonctionnaires, commerçants, institutions,...). Seuls les associés peuvent avoir accès au crédit et sont encouragés à ouvrir des comptes d’épargne volontaire. Les usagers, et notamment les fonctionnaires, ne peuvent qu’épargner.

Il en résulte que la majorité des épargnants volontaires du Crédit Rural de Guinée (plus de 90% en nombre et en encours) correspond aux personnes qui ne peuvent avoir accès à un crédit et que les emprunteurs utilisent de manière très limitée le service d’épargne à vue.

L’accès au crédit n’étant pas lié à l’épargne, les emprunteurs n’ont pas de raison pour s’engager au sein d’un SFD pour épargner.

Pour les CVECA du pays Dogon, l’étude d’impact23, réalisée en 1997, montrait que le nombre de compte de dépôt était de deux à huit fois inférieur au nombre de prêts accordés avec des encours d’épargne moyenne par membre assez faible, moins de 10000 FCFA.

Cette situation s’explique en partie par le fait que le réseau bénéficie, en plus de ses ressources, de lignes de crédit externes pour financer les crédits. Le faible niveau d’épargne est sans doute lié à la faiblesse des revenus mais aussi à la préférence des ménages Dogon pour l’épargne en bétail (indicateur de statut social et utilisé pour la production agricole). Compte tenu de ces deux éléments (accès à des lignes de crédit et préférence pour l’épargne en bétail), il apparaît que les membres du système qui ont accès à une source de financement externe ne sont pas encouragés à développer l’épargne monétaire.

Le coté contraignant de l’engagement des membres à épargner que ce soit dans les réseaux avec épargne préalable pour obtenir un crédit ou dans les réseaux avec crédit préalable au travers de produits d’épargne développés sous forme de contrat comme dans le réseau MISELI (la femme membre s’engage à épargner un montant défini pendant le durée de son crédit) est apprécié car cela permet :

• de se constituer un petit capital pour réaliser un investissement ou pour avoir une épargne de précaution ;

• de soustraire une partie de ses revenus aux sollicitations de la famille ;

• de ne pas utiliser dans la consommation l’intégralité de ses revenus.

Le secteur informel/autonome

De nombreuses formes d’épargne ont été observées au niveau de ce secteur. Les mécanismes proposés sont pour certains ancrés dans le passé et la tradition. Ils sont plus ou moins élaborés et répondent à des besoins très variés qui peuvent être liés à des pratiques traditionnelles (épargne en bétail), à des mécanismes de dépendance ou de contrainte (prêt usuraire ou crédit fournisseur) ou parce que le système bancaire ou les SFD ne les couvrent pas (crédit). Le volume financier collecté, au travers de ces dispositifs et redistribué sous forme de tour de tontine ou de prêt est certainement très important, mais il est impossible, à l’heure actuelle, d’avoir une idée de ce qu’il représente réellement.

L’épargne informelle peut être en nature ou monétaire. Elle peut prendre la forme d’une entraide (construction d’une maison), l’achat d’animaux, de pagnes, ou de réserve

23 K. Ouattara, G. Thi-Dieu-Phuong Nguyen, C. Gonzalez-Vega, D.H. Graham, 1997.

alimentaire. Pour celle monétaire, elle peut être individuelle (thésaurisation), via une tierce personne (banquier ambulant, garde monnaie) ou collective (tontines,...).

Comme dans le cas des systèmes financiers décentralisés, l’accès aux crédits est également une motivation qui va pousser les individus à épargner. La création ou le développement des activités économiques passent le plus souvent par l’accès à des moyens de financement. Comme les SFD et les banques, les systèmes autonomes apportent une réponse qui couvre une partie de ces besoins. Cependant, le recours à ces formes de services financiers et plus particulièrement d’épargne est lié à :

la “ tradition ”

Dans cette catégorie, on peut citer :

• l’épargne en bétail qui est une pratique très répandue notamment dans les pays sahéliens car le fait de posséder des animaux s’inscrit dans une tradition qui donne à l’individu une reconnaissance sociale très forte et parce que c’est un placement très rémunérateur même s’il comporte plus de risque.

• l’épargne sous forme de vaisselle que l’on rencontre en Guinée et qui est le fait des femmes...

le maintien des liens sociaux

La participation à une tontine revêt des motivations d’ordre différent. Toutes les entreprises financières sont basées sur la confiance entre les membres, entre le prêteur, et les emprunteurs. Pour la réaliser, des règles de fonctionnement sont élaborées et normalement respectées par les personnes concernées.

Les tontines sont basées sur des solidarités culturelles, régionales, de genre, professionnelles,.... Elles donnent, outre le fait d’offrir des services financiers, un moyen d’appartenir à un groupe. Finalement, les associations financières mêlent très intimement les fonctions sociales, culturelles et économiques.

Ces pratiques permettent aussi en zone urbaine de reconstituer certains tissus sociaux.

C’est le cas dans les tontines regroupant des ressortissants d’un même village.

la proximité et le service

La finance informelle offre des services très adaptés (facilité d’accès) et de proximité (service à domicile ou sur les marchés). La flexibilité des modalités de fonctionnement est aussi un élément essentiel qui peut guider le choix des individus.

L’épargne assurance

Dans les discussions avec les bénéficiaires des systèmes autonomes et intermédiaires, la question de l’épargne comme assurance est rarement apparue. Néanmoins, il semble que dans l’univers risqué auquel est confrontée la population, l’épargne est une solution pour résoudre certains problèmes notamment de santé.

L’épargne en nature semble remplir ce rôle. C’est un moyen adapté qui permet de réagir rapidement face à une difficulté. L’épargne monétaire a aussi cette fonction. Cependant, comme pour une grande partie des adhérents des SFD, la motivation pour épargner est de pouvoir bénéficier d’un crédit, il apparaît que l’utilisation de l’épargne se fera toujours en dernier recours. Plusieurs fois, des membres (WAGES,...) rencontrés lors de la mission, nous ont indiqué qu’ils ne toucheraient à leur épargne qu’après avoir épuisé toutes les autres possibilités. A contrario, des femmes du système PASSEF ont précisé que les dépôts, qu’elles constituaient petit à petit, étaient une sorte d’assurance pour résoudre les éventuels problèmes familiaux (santé des enfants,...). Cette différence, entre les membres des deux réseaux, semble être liée au niveau de revenu des personnes rencontrées. En effet, les femmes de WAGES paraissent être dans une situation économique plus favorable que celles de PASSEF.

Même si cette question de l’épargne comme assurance doit toucher toute la population, il est apparu, au cours des entretiens lors de la mission, que cette préoccupation était uniquement exprimée par les femmes. Cette situation est sans doute à relier au rôle essentiel qu’elles prennent dans l’éducation des enfants.

L’épargne comme assurance est une solution qui peut apporter une réponse satisfaisante à un certain nombre de besoins. Néanmoins, dans une économie de survie, d’autres préoccupations toutes aussi importantes passent avant cette idée de précaution. C’est sans doute une des raisons pour laquelle l’épargne contrainte est appréciée surtout par les femmes.

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