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L’intestin organe cible et modèle d’étude de la toxicité des TCTs B

DON 3-ADON

III. DISCUSSION GENERALE

1. L’intestin organe cible et modèle d’étude de la toxicité des TCTs B

La muqueuse intestinale représente la plus grande surface d’échange entre l’organisme et le milieu extérieur. A ce titre, elle peut être exposée dans des proportions importantes aux contaminants véhiculés par les aliments. Les mycotoxines constituent une classe de contaminants naturels très présents dans les aliments. On estime chaque année que 25% de la production agricole mondiale est contaminée (CAST, 2003).

Trois fonctions physiologiques essentielles de l’intestin sont particulièrement sensibles à la présence de contaminants dans les aliments (Turner, 2009; Rescigno, 2011). D’abord, la muqueuse intestinale représente une barrière physique entre le milieu intérieur et le contenu parfois hostile de la lumière intestinale. La muqueuse intestinale est également responsable de la digestion et de l’absorption des nutriments, ce qui suppose de la sélectivité dans la mise en œuvre de sa fonction de barrière. Et enfin, du fait de sa situation à l’interface entre le milieu interne et le contenu de la lumière intestinale, la muqueuse intestinale joue un rôle de métronome de la réponse immune de l’organisme face aux différents stimuli provenant des antigènes alimentaires et microbiens. Chacune de ces fonctions essentielles de l’intestin peut être ciblée par les TCTs B.

La fonction de barrière repose d’une part sur la continuité et le caractère cohésif de l’épithélium intestinal, et d’autre part sur la présence d’une double couche de mucus garantissant une séparation physique entre la flore intestinale et l’épithélium (Turner, 2009; Johansson et al., 2011). Une abrasion survenant dans la phase mécanique de la digestion ou encore divers stimuli provenant de l’action de toxiques, de processus inflammatoires ou du stress oxydatif peuvent aboutir à une rupture de continuité de l’épithélium intestinal (Iizuka et Konno, 2011). Chez les mammifères adultes, l’épithélium intestinal est le tissu qui présente le pouvoir de régénération le plus important, le renouvellement complet de cet épithélium pouvant être accompli en 4 à 5 jours (Heath, 1996). Ce haut pouvoir de régénération garantit l’effectivité de la

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fonction de barrière. Le DON exerce une activité cytotoxique qui peut perturber l’homéostasie du renouvellement de l’épithélium intestinal. Cette activité a été démontrée en utilisant différents modèles in vitro d’épithélium intestinal (Pinton et al., 2009; Diesing et al., 2011a; Vandenbroucke et al., 2011). L’activité inhibitrice du NIV également a été démontrée dans un modèle murin de réparation de l’épithélium intestinal (Bianco et al., 2012). A forte dose, le DON a été associé à la désintégration de la protéine de jonction serrée zonula occludens-1 et à une réduction du niveau d’expression d’autres protéines de jonction serrées, notamment claudine 3 et claudine 4 (Pinton et al., 2010; Diesing et al., 2011b). Les protéines de jonction serrée jouent un rôle déterminant dans le maintien d’une étanchéité ou d’une sélectivité du passage des substances par la voie para-cellulaire (Tsukita et al., 2001).

A la phase mécanique et enzymatique de la digestion fait suite une phase d’absorption des nutriments qui peut être la cible des effets des TCTs B. Il a pu être montré que le DON inhibait le transport intestinal du glucose avec une efficacité au moins aussi bonne que celle d’un inhibiteur pharmacologique, la phloridzine (Awad et al., 2007). Le transport d’autres produits de la digestion, comme le palmitate et les mono- carboxylates, pourrait également être réduit en présence du DON aux concentrations usuellement rencontrées dans les aliments (Dietrich et al., 2012).

La muqueuse intestinale module la réponse immunitaire de l’organisme face aux massives stimulations provenant aussi bien des antigènes alimentaires que de la flore microbienne du tube digestif. A cet effet, elle doit intégrer une multitude de signaux internes et externes pour coordonner la mise en œuvre adaptée et proportionnée d’une réponse immunitaire innée et/ou d’une réponse adaptative (Maldonado-Contreras et McCormick, 2011). Cette homéostasie est le résultat d’un dialogue entre les différentes lignées de cellules de l’intestin intervenant dans la réponse immune, et dont les chimiokines et les cytokines sont les médiateurs. L’exposition de la muqueuse intestinale au DON est associée à une dysrégulation de la réponse inflammatoire, et de plus en plus de travaux proposent l’hypothèse que cette mycotoxine à défaut d’être un

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élément déterminant de l’étiologie multifactorielle de certaines maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, pourrait en constituer un facteur aggravant (Maresca et Fantini, 2010; Moon, 2012; Cano et al., 2013)

En utilisant un modèle Caco-2 dérivé de cellules d’adénocarcinome du colon humain, nous avons mené une étude comparative et une analyse des interactions toxicodynamiques des effets inhibiteurs du DON et du NIV et de leurs dérivés acétylés sur le renouvellement de l’épithélium intestinal. Le modèle Caco-2 a été largement utilisé dans les études de métabolisme, de transport et de toxicité des xénobiotiques (Artursson et al., 2001; Boveri et al., 2004). Cependant un certain nombre d’insuffisances rapportées pour ce modèle in vitro limitent les possibilités d’extrapolation des résultats aux réalités in vivo. En effet, l’origine tumorale de cette lignée lui conférerait un phénotype différent des cellules primaires de l’épithélium intestinal humain (Press et Di Grandi, 2008; Sun et al., 2008). Caco-2 présenterait ainsi une inversion de son profil d’activités estérase se traduisant par des spécificités de métabolisation plus proches des hépatocytes que des entérocytes (Imai et al., 2005; Ohura et al., 2007). Les dérivés acétylés du DON et du NIV sont des substrats de carboxylestérases dont la toxicité est modulée par la présence et la position des radicaux acétyl (Wu et al., 2010; Wu et al., 2013). En conséquence, le modèle d’entérocyte Caco-2 pourrait paradoxalement mieux prédire la toxicité systémique des TCTs B, notamment ceux présentant des radicaux acétyl, et ne pas être adapté à la réalité de leur toxicité intestinale. Nous avons pour cette raison réévalué la cytotoxicité intestinale individuelle et combinée des TCTs B en utilisant le modèle porcin d’épithélium intestinal IPEC-1. Contrairement à la lignée Caco-2, IPEC-1 est une lignée entérocytaire non transformée qui a gardé toutes ses caractéristiques originelles d’épithélium intestinal, et qui du fait, permettrait une meilleure extrapolation in vitro-in vivo des résultats (Brosnahan et Brown, 2012; De Vos et al., 2012). La lignée IPEC-1 a été utilisée dans plusieurs études relatives aux effets des contaminants alimentaires ou aux interactions entre la flore du tube digestif et la

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muqueuse intestinale (Bouhet et al., 2004; Bouhet et al., 2006; Loiseau et al., 2007; Koh et al., 2008; Parthasarathy et Mansfield, 2009; Lucioli et al., 2013).

Pour caractériser l’activité pro-inflammatoire des TCTs B sur la muqueuse intestinale, nous avons utilisé un modèle tissulaire ex-vivo d’explants de jéjunum de porc développé au sein de notre équipe (Kolf-Clauw et al., 2009). Pour une étude d’immunotoxicité, ce modèle présente l’avantage de conserver l’architecture tissulaire nécessaire à la mise en œuvre du dialogue entre les différentes lignées cellulaires intervenant dans la réponse immune. Ce modèle a déjà été utilisé pour une analyse transcriptomique de l’activité pro-inflammatoire intestinale du DON, avec des résultats corroborés par une approche protéomique (ELISA) (Cano et al., 2013). Les explants présentent également l’avantage de permettre de tester le grand nombre de conditions expérimentales inhérent aux études dose-réponse des TCTs B individuellement et en mélange. Ce modèle peut ainsi représenter une alternative intéressante aux études in vivo dans un contexte de réduction du nombre d’animaux enrôlés dans les expérimentations pour des considérations éthiques. Partant de six animaux, nous avons ainsi pu tester une trentaine de conditions expérimentales, alors qu’à puissance statistique égale, une étude in vivo aurait nécessité environ 200 animaux. La limite principale de cette approche ex-vivo reste la faiblesse de la variabilité biologique qu’elle permettrait d’appréhender.

Pour cette dernière partie de notre travail de thèse, le choix du modèle animal porcin nous a été dicté par le fait que par rapport à l’évaluation toxicologique des mycotoxines, cet animal peut être considéré comme une espèce modèle à double finalité pour la recherche agricole et la recherche biomédicale (Almond, 1996; Ireland et al., 2008). Sa grande proximité de régime alimentaire et de physiologie digestive avec l’homme en fait un modèle de choix pour l’étude des effets des contaminants alimentaires sur la santé intestinale (Nejdfors et al., 2000; Meurens et al., 2012). Par ailleurs, cette espèce partage de fortes homologies de séquences génomiques avec

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l’homme, ce qui facilite l’utilisation, au besoin, d’outils génomiques dérivés des banques de données humaines plus richement fournies.

2. Du renouvellement de l’épithélium intestinal comme marqueur de la toxicité

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