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Traduction de la Bible et herméneutique de la reconstruction

J EAN -C LAUDE L OBA -M KOLE *

2. L’herméneutique de la reconstruction

L’herméneutique de la reconstruction en Afrique est principalement associée au kenyan Jesse N. K. Mugambi, au sud-africain Villa-Vicencio et au congolais Kä Mana. Selon certains spécia-listes, elle représente un nouveau courant de pensée né en 1990 sous le patronage de la Confé-rence des Églises pour Toute l’Afrique (CETA). L’herméneutique de la reconstruction prétend of-frir une pensée alternative permettant de mobiliser des ressources pour reconstruire l’Afrique de « l’après-guerre froide » – un sujet qui n’a peut-être pas été traité de manière adéquate par les premiers paradigmes tels que celui de l’inculturation ou de la libération. Il semble cependant plus constructif de considérer l’inculturation, la libération et la reconstruction comme des tenta-tives spécifiques permettant de formuler une théologie contextuelle en Afrique. Ces paradigmes, pris individuellement ou ensemble, constituent une tâche inachevée dans la mesure où aucun d’entre eux ne peut prétendre offrir à lui seul une approche exhaustive et définitive de la réalité africaine. En outre, tous les trois visent le même but ultime, à savoir l’amélioration de la vie spi-rituelle et sociale en Afrique. Il n’est donc pas surprenant de trouver de nombreux recoupe-ments dans leurs programmes et leurs expressions. Il est intéressant de noter que l’école de théologie de Kinshasa s’est confrontée à ces trois paradigmes, même si certains spécialistes as-socient Kinshasa avec la seule inculturation. La première partie de ce chapitre tentera de mon-trer comment l’école de théologie de Kinshasa articule ces trois paradigmes. La deuxième et la troisième parties exploreront respectivement la manière dont Charles Villa-Vicencio et Jesse N.

K. Mugambi ont développé la théologie de la reconstruction.

* Jean Claude Loba-Mkole (OP, STD, PhD) est conseiller mondial pour la traduction auprès de l’Alliance biblique universelle (Nairobi, Kenya) et chargé de recherche à l’Université libre de l’État (Bloemfontein, Afrique du Sud). Ses domaines de recherche couvrent l’exégèse du Nouveau Testament, l’étude de la traduction biblique (théories fonctionnalistes) et la critique canonique biblique. Ses outils herméneutiques préférés comprennent des paradigmes historico-critique, littéraires et culturels.

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2.1 L’herméneutique de la reconstruction à l’école de théologie de Kinshasa L’école de théologie de Kinshasa désigne un courant de pensée qui s’est développé parmi des universitaires de nationalité congolaise ou autre, à travers l’enseignement, la recherche ou l’engagement pastoral proposés au sein des Facultés catholiques de Kinshasa, depuis leur fonda-tion en 1957. L’accent y a été mis sur la théologie contextuelle, avec une place particulière don-née à l’inculturation. L’école a puisé ce concept dans les ouvrages de quelques pionniers tels La philosophie bantoue de Placide Tempels (1948) et l’ouvrage collectif intitulé Des prêtres noirs s’interrogent (1956). Le terme « inculturation » désigne généralement le processus d’incarnation de l’Évangile dans une culture ainsi que l’évangélisation de la culture ou encore le dialogue con-structif qui s’instaure entre les cultures bibliques, traditionnelles et contemporaines. La Philoso-phie bantoue et Des prêtres noirs

s’interrogent sont des ouvrages qui plaident pour une évangélisation de l’Afrique qui s’attache à mettre en avant ses valeurs culturelles posi-tives et à ne rejeter que ses valeurs négatives, plutôt qu’à dévaloriser la culture africaine dans son ensemble.

Pour l’école de théologie de Kinshasa, le débat qui a eu lieu en 1960 entre Tharcisse Tshibangu (1960 :333-46) et Alfred Vanneste (1960 : 346-52), sur la question de la possibilité d’une théologie africaine, a marqué le point de départ plus académique de la théologie de l’inculturation en Afrique. En 1961, la Conférence épis-copale de la République Démocra-tique du Congo a adopté et présenté l’inculturation comme une option-clé de la pastorale de l’Église. Cette op-tion envisageait que les églises lo-cales puissent devenir autonomes au niveau des effectifs, de la théologie, de la liturgie et des finances. Une telle option a, sans surprise, permis de libérer tous les secteurs vitaux de la dépendance à l’égard des puissances extérieures. Dès lors, et à juste titre, l’école de théologie de Kinshasa a été présentée comme une théologie de

l’inculturation et de la promotion-libération (Ngindu-Mushete 1989 :107 ; Bujo & Ilunga-Muya 2003/6:67). Plus récemment, un paradigme d’inculturation-libération est en cours d’élaboration avec de nouvelles intuitions reprises de l’exégèse biblique : en particulier de l’herméneutique biblique d’inculturation ou de l’exégèse et des médiations interculturelles (Matand 1998 :143-67 ; Cilumba 2001 ; Loba-Mkole 2005). Bien qu’il caractérise l’école théologique de Kinshasa, l’intérêt porté à la question de l’inculturation et de la promotion-libération dépasse le cadre de cette école, comme en témoignent les travaux d’autres théologiens africains (Bujo & Ilunga-Muya 2003/6).

L’herméneutique de la reconstruction, qui a fait son apparition au sein de l’école de théologie de Kinshasa avec le philosophe, théologien et prêtre catholique N. Tshiamalenga (1981 :71-80), a été relayée par une institution de l’Église catholique panafricaine, le Symposium des Confé-rences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM, 1985) et a trouvé un ardent défenseur en la personne du théologien luthérien Kä Mana (1993 ; 1994 ; 2000). Empruntant ce concept à

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K. O. Apel and J. Habermas, Tshiamalenga définit la reconstruction comme une synthèse critique de diverses situations mises en mots, et d’un ensemble significatif de textes philosophiques à partir de collections préexistantes. Cela implique une déconstruction du sens reçu et sa truction avec un sens enrichi. Tshiamalenga présente quatre moments ou étapes de la recons-truction, applicables à la philosophie africaine : (1) la sélection thématique, (2) la restitution fidèle et critique, (3) la reconstruction historique et/ou systématique, et (4) la production philo-sophique créatrice. La restitution fidèle et critique se réfère à une restitution authentique et ra-tionnellement justifiée des traditions collectées. La reconstruction historique et/ou systéma-tique nécessite de trouver un ensemble fédérateur, grâce à un choix judicieux d’un ou plusieurs concepts opérationnels. On parle de production

phi-losophique créatrice lorsqu’un philosophe africain est capable de répondre aux grandes questions de l’humanité et de son destin en accord avec les sources africaines et universelles. Beaucoup de philosophes ont, dans le passé, pratiqué une reconstruction sys-témique similaire des philosophies ou des traditions.

Cela vaut pour Platon avec la notion d’idées, Aristote avec la matière et la forme, Descartes avec les preuves, Kant avec le sujet transcendantal, Marx et Engels avec la lutte des classes, Tempels avec la force vitale, et Nyerere avec l’Ujamaa. Tshiamalenga lui-même a inventé la philosophie de la « bisoïté » qui est un néologisme forgé à partir du lingala biso, qui signi-fie « nous ». Celle-ci met en relief le primat absolu du

« nous » sur le « je-tu ». À l’échelle mondiale, la « bi-soïté » est systématiquement fondée sur la philoso-phie du langage (Apel et Habermas), mais elle a ce-pendant une forte résonnance dans la philosophie africaine de la solidarité ou dans celle de l’Ujamaa de Nyerere. Pour Tshiamalenga, ce processus de recons-truction sémio-pragmatique peut aussi bien être étendu à la théologie africaine. Cela demande juste que cette dernière intègre dans sa recherche les quatre étapes essentielles, i.e. la sélection thématique, la restitution fidèle et critique, la reconstruction his-torique et/ou systématique, et la production philoso-phique créatrice.

Le système philosophique de la « bisoïté » de Tshiamalenga valorise l’éthique africaine tradi-tionnelle, à savoir celle du groupe ethnique Luba (peuple d’Afrique Centrale établi principale-ment en République Démocratique du Congo). Cette éthique est définie en termes d’« éthique au regard de Dieu » et d’« éthique au regard de la société ». L’éthique au regard de Dieu sonde le cœur : ce qui offense Dieu c’est l’intention mauvaise plus que la matérialité des actions mau-vaises. Les gens sont, cependant, davantage préoccupés par l’éthique au regard de la société.

Cette éthique se résume à quatre grands crimes édictés par les ancêtres : tuer ou blesser quelqu’un, s’emparer des biens ou de la femme d’autrui, manger autrui dans un acte de sorcelle-rie, et, pour une femme, commettre l’adultère (1974 :184).

En 1985, le SCEAM a invité les chrétiens à s'engager dans la reconstruction du continent : L’évangélisation sera possible et crédible dans la mesure où elle sera en accord avec

l’aspiration légitime des Africains à prendre leur destin en main, et disposée à rechercher des solutions aux problèmes de ce continent et de sa reconstruction (SCEAM 1985 : # 77).

Kä Mana (1993:45) reproche à la théologie de l’inculturation-libération d’être inadéquate pour l’Afrique post-coloniale, et il adopte le modèle de la reconstruction tel qu’il est proposé par la CETA. Il ne fait référence ni à Tshiamalenga ni au SCEAM. Il reconnaît à Jose B. Chipenda et André Karamaga la paternité de la théologie de la reconstruction, avant que la CETA ne l’adopte

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en 1990. Pour Kä Mana, ce paradigme arrivait à point nommé car l’Afrique, après l’échec de 30 années d’indépendance, avait besoin de reconstruire des économies durables, des politiques humaines, des sociétés créatives et des cultures capables de s’engager dans l’histoire.

Kä Mana (1993 :117-8; 1994 :216-22) définit les quatre tâches éthiques et pratiques qui in-combent à la théologie de la reconstruction : l’exigence d’incarnation (être immergé dans la vie des sociétés africaines), l’exigence de remise en question (contester tout ce qui aliène la dignité humaine), l’exigence de libération (libérer l’imaginaire pour surmonter les maladies psycholo-giques, l’incapacité politique, les pesanteurs culturelles, et l’angoisse économique), et l’exigence de novation (planter les semences du Royaume de Dieu dans tous les secteurs, politiques, éco-nomiques, sociaux, spirituels et moraux dont le continent a besoin pour construire son avenir).

Plus intéressant encore, Kä Mana (1993 :197) reconnaît que la libération, l’inculturation et la reconstruction sont trois pôles indissociables d’une même expérience de vie. Bien qu’ils traver-sent des épreuves douloureuses, les Africains rêvent de cette « vie en abondance » promise par Jésus de Nazareth. Le projet de reconstruction de l’Afrique trouve son fondement biblique le plus solide en Jn 10,10 (Kä Mana 1994 :101). Jésus de Nazareth et la christologie sont au cœur de la théologie de la reconstruction. Jésus est présenté non seulement comme le fondateur de la foi chrétienne, mais aussi comme celui qui incarne en sa personne la logique radicale de l’amour. À cause de Jésus, l’éthique de la reconstruction implique un combat pour l’amour et par amour.

Cela demande d’entrer dans une logique du don et du partage, en rendant à l’autre son visage humain, en mettant en œuvre des solidarités concrètes fondées sur la dignité de la personne, et en permettant l’avènement d’un monde nouveau dans lequel tous ne font plus qu’un dans l’amour (1993 :191–3).

Même si Kä Mana n’a pas recours aux intuitions de Tshiamalenga, il finit par faire ce que ce dernier a recommandé pour la théologie africaine, à savoir, déconstruire et reconstruire. Comme l’écrit Valentin Dedji (2003 :141) :

[Kä Mana] n’est pas seulement prompt à déconstruire la plupart des théories théologiques, idéologiques et sociales qui ont jusqu’ici été au cœur des débats intellectuels en Afrique, il suggère également des modèles alternatifs de pensée créatrice et d’action reconstructrice. Il illustre ainsi le principe selon lequel il faut déconstruire pour reconstruire.

2.2 Villa-Vicencio et la théologie de la reconstruction

Charles Villa-Vicencio a publié, en 1992, un ouvrage intitulé A Theology of Reconstruction : Nation-Building and Human Rights (Une théologie de la reconstruction. Édification de la nation et Droits de l’homme). Ce livre étudie les implications du passage d’une théologie de la libération à une théologie de la reconstruction. Il examine le rôle que la théologie de la reconstruction peut jouer dans ces différents domaines : l’édification de la nation, le poids des générations passées, l’État de droit et ses valeurs, les droits de l’homme, la politique, l’économie et la liberté de cons-cience. Pour Villa-Vicencio, la justice économique et l’autonomisation spirituelle des pauvres sont des questions qui restent pertinentes dans la période de reconstruction en Afrique du Sud, en Europe de l’Est, en Amérique Latine et ailleurs. Outre la problématique propre à chaque con-texte, il faut tenir compte des quatre bouleversements majeurs qui se sont produits dans le monde :

L’échec des structures économiques et politiques de l’Europe de l’Est, l’effondrement de l’utopie socialiste dans les pays du Tiers Monde, l’échec du capitalisme occidental à ré-pondre aux besoins des plus pauvres, l’émergence d’une prise de conscience que même dans les pires conditions, les pauvres peuvent se lever pour exiger leurs droits (Villa-Vicencio 1999 :163).

C’est dans ce contexte que l’autonomisation des pauvres devient un concept clé du pro-gramme de reconstruction de Villa-Vicencio. Il demande aux théologiens de se préoccuper des droits de l’homme, de promouvoir la démocratie en termes de « reconnaissance de la différence et de droit à la dissidence » ; il leur demande de s’impliquer dans « les questions qui touchent à

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la constitutionalité, à la l’État de droit, aux droits de l’homme et au droit à des élections libres afin de résoudre les problèmes économiques des pauvres » (Villa-Vicencio 1999 :168).

Villa-Vicencio (1999 :164-7) fait huit observations, auxquelles il attribue une portée théologique, pour que l’Église prenne en compte le développement sous l’angle d’une économie alternative ou d’une économie juste, en faveur des pauvres. Pour cela il invite l’Église à :

1. Développer un discours théologique sur le bien-être de la création de Dieu, qui im-plique le respect de la dignité humaine, de la solidarité et de l’environnement naturel : ni la nature ni l’homme ne doivent être soumis à une quelconque forme d’exploitation.

2. S’engager à faire un budget équilibré, et qui plus est, un budget qui favorise les pauvres, afin de concrétiser les idéaux théologiques de l’économie alternative.

3. Travailler avec les économistes, les activistes politiques et les pauvres qui sont exploi-tés, afin de remédier aux situations qui profitent aux riches et appauvrissent les pauvres (transnationales, monopoles, développement de technologies qui permettent d’économiser la main d’œuvre, etc.).

4. Demander à nouveau que le souci des pauvres soit au cœur de tous les secteurs de l’économie.

5. Soutenir des modèles spécifiques de croissance économique et de redistribution au bé-néfice des pauvres et des défavorisés ; encourager les initiatives des petites entre-prises, le commerce informel et les coopératives agricoles, en les protégeant des grandes compagnies qui menacent de les engloutir.

6. S’attaquer sérieusement aux questions de pollution environnementale provoquée par l’économie industrielle (Mugambi & Vähäkangas 2001 ; RAT 2004).

7. Discerner les implications pratiques d’un travail théologique qui soutienne la lutte pour un système économique juste en cohérence avec la Bible. Le Dieu de la Bible prend le parti des pauvres et des indigents (Lv 25 ; Exode, Amos ; Mt 25,31-46 ; Lc 1,46-56 ; etc.).

8. Prendre en compte la légitime objection des économistes : « La théologie ne produit pas de grain ni ne construit de maisons ! » Le rôle de la théologie est néanmoins de mettre en avant les traditions bibliques libératrices dans la lutte pour un système économique juste.

Dans la théologie de la reconstruction de Villa-Vicencio l’ubuntu et la liberté sont considérées comme des valeurs éthiques. L’Ubuntu (humanité) est une catégorie clé des traditions africaines dans lesquelles elle est comprise comme un tout organique – un tout réalisé dans et par les autres. Selon Villa-Vicencio, cette notion est énoncée dans le proverbe Xhosa : umuntu ngumuntu ngabantu (une personne est une personne à travers les autres personnes). Il affirme que l’ubuntu « implique la réalisation du fait que, pour le meilleur et pour le pire, nous sommes fa-çonnés par une foule d’autres personnes avec lesquelles nous partageons nos vies ». L’ubuntu est un ensemble de relations profondes qui sont chères à la culture traditionnelle africaine, à savoir la parenté par le sang, par le mariage, ou encore par association (Villa-Vicencio 1999 :169 ; Mugambi & Smit 2004 :83–111). La liberté est une valeur humaine fondamentale qui ne s’acquiert pas en un jour, ni une fois pour toutes. Il s’agit plutôt d’un processus inachevé (Villa-Vicencio 1999 :171). Nelson Mandela (1994 :616–7), l’icône sud-africaine du combat pour la liberté, reconnaît que sa libération de prison n’était que le premier pas d’un chemin plus long et plus difficile encore.

2.3 Mugambi et l’herméneutique de la reconstruction

Après son article publié en 1991, Jesse N. K. Mugambi a continué d’élaborer de façon remar-quable, à partir de 1995 et dans les années qui ont suivi (2003), son concept de la reconstruc-tion. Ce nouveau paradigme a été proposé pour la théologie chrétienne africaine et a été

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vé lors de la rencontre du Comité Général de la CETA (1991) qui s’était réuni à Nairobi au début de 1990. Pour Mugambi (1995 :2), ce concept permet une approche multidisciplinaire dans la mesure où il peut présenter un intérêt pour les sociologues, les économistes et les politologues.

Mieux, il estime que la reconstruction devrait intéresser les théologiens africains de toutes ten-dances doctrinales, car la tâche de la reconstruction sociale ne peut se limiter à un cadre confes-sionnel particulier. Selon lui, le concept de libération « a été étroitement associé aux théologiens protestants anglophones, après avoir été popularisé auparavant par

les théologiens latino-américains et afro-américains ». L’inculturation

« a été associée à certains théologiens africains catholiques, après avoir été popularisée par les missionnaires et chercheurs catholiques, notamment Aylward Shorter » (Mugambi 1995 :2). La théologie de la reconstruction de Mugambi, ou plus précisément la théologie chré-tienne de la reconstruction sociale, cible différents niveaux : les ni-veaux personnel, culturel, ecclésiastique, politique, économique, es-thétique, moral, et théologique (Mugambi 1995 :15-7 ; 2003 :36-60).

Sur le plan méthodologique, la théologie de la reconstruction de Mugambi utilise quatre modes d’approche – descriptif, normatif, prospectif et postulatif (Mugambi 2003 :218).

Pour Mugambi (1995 :xv), le « nouvel ordre mondial » exigera une nouvelle compréhension de l’Église, ou un nouvel œcuménisme, ainsi qu’une nouvelle théologie qui « devra être reconstructrice plutôt que destructrice… qui devra s’inscrire sur le mode de l’inclusion plutôt que sur celui de la concurrence… ». Mugambi (1995 :13) reconnaît que la notion de construction et de reconstruction s’inspire de l’ingénierie et des sciences sociales. Il essaie néanmoins de l’articuler en tant que paradigme théologique. Néhémie, dans le livre qui porte son nom, et Jésus en Mt 5-7, sont considérés comme des figures exemplaires dans les « textes de la théologie de la reconstruction ».

Selon Mugambi (2003 :74), la tâche, ou l’éthique de la reconstruction, nécessite la collaboration de tous les membres de la communauté.

Qu’ils soient professionnels ou sans qualification, les membres de la communauté sont tous invités à mettre spontanément leurs connais-sances ou leurs compétences là où le processus de reconstruction le requiert, pour le bien commun de toute la communauté. En d’autres termes, chacun est responsable de contribuer à édifier en Afrique de meilleures communautés ecclésiales et civiles. Si on a pu lui reprocher son manque d’originalité, Mugambi a le mérite de mettre l’accent sur la nécessité de donner des fondations solides à un nouvel œcumé-nisme qui devra donner la priorité à la coopération et à la cordialité sur le vieil antagonisme qui a régné entre les Églises chrétiennes afri-caines (Dedji 2003 :87).

Certains biblistes ont commencé à adopter le paradigme de la re-construction et à l’utiliser comme un outil herméneutique. Manus offre une relecture reconstructrice de Mc 11,15-19 qui relate l’épisode de la purification du Temple. Son modèle de lecture recons-tructrice commence par établir le contexte socio-historique du récit, puis il analyse le texte de Marc ainsi que la relecture du texte qu’en ont faite Jean et les Synoptiques. Il présente quelques interprétations fondées sur des analyses antérieures. Il conclut que Jésus nous met au défi de commencer d’abord et avant tout par nous reconstruire nous-mêmes ; pour aller ensuite au cœur de la société au sens large afin d’y être « le sel de la terre et la lumière du monde ». Cette conclusion est fondée sur la compréhension de Mc 11,11-19 qui, en définitive,

Certains biblistes ont commencé à adopter le paradigme de la re-construction et à l’utiliser comme un outil herméneutique. Manus offre une relecture reconstructrice de Mc 11,15-19 qui relate l’épisode de la purification du Temple. Son modèle de lecture recons-tructrice commence par établir le contexte socio-historique du récit, puis il analyse le texte de Marc ainsi que la relecture du texte qu’en ont faite Jean et les Synoptiques. Il présente quelques interprétations fondées sur des analyses antérieures. Il conclut que Jésus nous met au défi de commencer d’abord et avant tout par nous reconstruire nous-mêmes ; pour aller ensuite au cœur de la société au sens large afin d’y être « le sel de la terre et la lumière du monde ». Cette conclusion est fondée sur la compréhension de Mc 11,11-19 qui, en définitive,