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CHAPITRE II QUELS CHOIX POSSIBLES POUR FAVORISER UNE

2. L’enjeu est de mobiliser tous les instruments pour la croissance

Les vraies questions sont donc plutôt celles de l’efficacité et de l’équité des mesures prises pour soutenir la consommation (à quelles couches sociales profitent-elles en priorité ?) et de l’efficacité des mesures de soutien de l’offre, c’est-à-dire des investissements d’avenir dans l’appareil productif. Déjà, dans son avis sur « La conjoncture au second semestre 2002 » (janvier 2003, rapporteur : M. Pierre Duharcourt), notre assemblée avait souligné l’intérêt, pour la politique économique et sociale, de « concilier les objectifs à moyen terme et à plus court terme » et de conjuguer efficacement « politique de l’offre » et

« politique de la demande » ». Elle a réitéré cette préconisation dans son dernier

75 Voir notamment « le retour du keynésianisme ? », CDC Ixis, Flash n° 2003-231, 19 septembre 2003.

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avis portant sur la conjoncture au premier semestre 2003 (juillet 2003, rapporteur : M. Alain Deleu, op. cit.) en invitant les pouvoirs publics à

« conduire une politique de soutien de l’activité combinant le conjoncturel et le structurel ». Elle constatait ainsi qu’« en période de faible croissance, comme c’est incontestablement le cas actuellement, la politique économique doit donner la priorité au soutien de l’activité. Il ne saurait pour autant être question de compromettre l’avenir. La politique conjoncturelle et la politique de long terme doivent être articulées pour se renforcer sans se contredire ». A cet égard, le soutien au secteur des nouvelles technologies sous la forme de contrats publics de recherche et d’équipement dans l’aéronautique, l’espace, les télécommunications, l’accroissement des dépenses d’enseignement supérieur seraient des mesures de nature à réconcilier ces deux horizons76. Une telle politique de relance pourrait même être financée par un déficit budgétaire sans exercer un effet négatif sur les anticipations des ménages dés lors qu’elle entraînerait aussi une augmentation de la croissance et donc des recettes fiscales à moyen terme.

Les pays de l’Union européenne se sont dotés à Lisbonne, en mars 2000, d’un objectif stratégique ambitieux à l’échéance de 2010 : « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ».

Un taux de croissance moyen de 3 % était, dans ce cadre, considéré comme une

« perspective réaliste ». Notre assemblée a recensé, dans son avis déjà cité intitulé « Nouvelles politiques conjoncturelles et dialogue macroéconomique en Europe et en France» (rapporteur : M. Dominique Taddei), cinq orientations pour notre pays pouvant s’inscrire dans cette stratégie globale : un développement durable et équitable ; un plein emploi de qualité ; l’éradication de la pauvreté et une répartition équilibrée des fruits de la croissance ; un financement équilibré de l’ensemble de la protection sociale ; des financements publics maîtrisés et compatibles avec les engagements européens et internationaux de la France et de ses partenaires. C’est en fonction de cette vision à long terme que devrait donc être définie la politique conjoncturelle.

B - PEUT-ON SINSPIRER DE CERTAINES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES ?

Il ne saurait être question de transposer purement et simplement dans notre pays des expériences étrangères considérées comme des réussites dans tel ou tel domaine : il est, en effet, nécessaire de tenir compte des spécificités nationales et de préserver notre identité propre. Toutefois, il peut être utile de s’inspirer de tels succès - même lorsqu’ils relèvent de pays aussi éloignés du nôtre que les pays anglo-saxons par leur contexte économique et social - pour améliorer, autant que faire se peut, l’efficacité des politiques menées par les pouvoirs publics.

76 De telles mesures sont notamment préconisées par M. Patrick Artus dans la publication déjà citée.

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On a déjà eu l’occasion de souligner la réactivité des responsables américains face aux chocs affectant l’économie : la banque centrale (Fed) comme l’Etat fédéral n’ont pas hésité à utiliser toutes les armes à leur disposition pour surmonter l’éclatement de la « bulle » technologique et financière, les conséquences des évènements du 11 septembre 2001 et traverser au mieux une période de turbulences géopolitiques intenses. Des baisses graduelles de taux d’intérêt ont ainsi accompagné des plans successifs de relance budgétaire qui se traduisent par un déficit des comptes publics allant vers 7 % du PIB ; une coopération symétrique entre la Fed et le gouvernement central avait fonctionné durant la présidence Clinton, avec le succès que l’on sait au plan macroéconomique.

Cette combinaison optimale des instruments de la politique économique est d’autant plus remarquable qu’elle est le fruit d’un certain pragmatisme : les convictions libérales du Président Bush, naturellement plutôt porté vers les politiques dites « de l’offre » (qui se sont notamment traduites par un programme massif de baisse d’impôt, en particulier sur les dividendes), ne sont pas incompatibles avec un creusement, au moins temporaire, du déficit budgétaire et une progression importante des dépenses publiques77 ; dans un contexte de croissance ralentie par un choc de demande, c’est même la condition du redressement et l’on constate que les autorités se font alors un devoir, dans l’intérêt bien compris des Etats-Unis, de tout mettre en œuvre dans ce sens (y compris en se satisfaisant de la baisse du dollar).

Il est vrai que la situation initiale de l’endettement public offrait peut-être davantage de marges de manœuvre et que le statut d’économie dominante des Etats-Unis comporte de substantiels avantages. Toutefois, cette réactivité dans la gestion de la conjoncture incite à la réflexion quand on considère la paralysie européenne.

D’autres expériences sont instructives. Ainsi, dans le domaine de l’innovation, si déterminant pour la croissance à long terme, la politique publique peut-elle se combiner efficacement avec les initiatives privées. Aux Etats-Unis encore, l’industrie joue un rôle majeur puisqu’elle finance environ les deux-tiers de la recherche-développement et en réalise 70 % du total contre 55 % en France. Parallèlement, le gouvernement créé les bases scientifiques et technologiques nécessaires à l’innovation et consacre 40 % de son propre budget de recherche au financement des efforts conduits par l’industrie, sur la base des priorités qu’il définit, contre moins de 20 % en France et en Allemagne.

Les politiques menées dans la dernière période ont certes exacerbé la crise fiscale des Etats fédérés et réduit les capacités des universités à contribuer à la formation du capital humain. Mais on est loin, en vérité, d’un modèle libéral

« pur » qui écarterait tout rôle pour la puissance publique.

77 Même si une grande part de celles-ci est de nature militaire, en lien avec l’intervention en Irak.

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C - INTÉGRER LA PRÉOCCUPATION DU « DÉVELOPPEMENT DURABLE » ET DE LAIDE AU DÉVELOPPEMENT, MÊME EN PÉRIODE DE CROISSANCE MOLLE

La période de croissance ralentie, voire de stagnation, que traverse l’économie française peut inciter les pouvoirs publics à concentrer leurs moyens sur certaines actions prioritaires, au détriment de préoccupations à l’horizon plus éloigné, qui peuvent alors apparaître comme secondaires. Tel est certainement le cas du développement durable et de l’action en faveur du développement dans le monde qui demeure d’actualité. Ces deux domaines, séparés dans un souci de clarté, sont du reste étroitement imbriqués dans la mesure où l’impératif d’une lutte coordonnée et constante contre la pauvreté est sans doute la condition d’un développement durable conjuguant efficacité écologique, performance économique et progrès social. Elle ne peut se concevoir sans une solidarité mondiale agissante.