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6. LES FACTEURS EXPLICATIFS DU DÉVELOPPEMENT DE L’ÉPARGNE

6.2 L ES DÉTERMINANTS DE L ’ ÉPARGNE

L’épargne en nature semble remplir ce rôle. C’est un moyen adapté qui permet de réagir rapidement face à une difficulté. L’épargne monétaire a aussi cette fonction. Cependant, comme pour une grande partie des adhérents des SFD, la motivation pour épargner est de pouvoir bénéficier d’un crédit, il apparaît que l’utilisation de l’épargne se fera toujours en dernier recours. Plusieurs fois, des membres (WAGES,...) rencontrés lors de la mission, nous ont indiqué qu’ils ne toucheraient à leur épargne qu’après avoir épuisé toutes les autres possibilités. A contrario, des femmes du système PASSEF ont précisé que les dépôts, qu’elles constituaient petit à petit, étaient une sorte d’assurance pour résoudre les éventuels problèmes familiaux (santé des enfants,...). Cette différence, entre les membres des deux réseaux, semble être liée au niveau de revenu des personnes rencontrées. En effet, les femmes de WAGES paraissent être dans une situation économique plus favorable que celles de PASSEF.

Même si cette question de l’épargne comme assurance doit toucher toute la population, il est apparu, au cours des entretiens lors de la mission, que cette préoccupation était uniquement exprimée par les femmes. Cette situation est sans doute à relier au rôle essentiel qu’elles prennent dans l’éducation des enfants.

L’épargne comme assurance est une solution qui peut apporter une réponse satisfaisante à un certain nombre de besoins. Néanmoins, dans une économie de survie, d’autres préoccupations toutes aussi importantes passent avant cette idée de précaution. C’est sans doute une des raisons pour laquelle l’épargne contrainte est appréciée surtout par les femmes.

♦ dans les zones urbaines on trouve une proportion, relativement importante, de personnes appartenant à la classe moyenne de la population (salariés, fonctionnaires, entrepreneurs, commerçants moyens,...). Ces personnes ont des capacités d’épargne et malgré leur situation économique, elles n’ont pas forcement accès au système bancaire classique et ont recours par choix ou par nécessité aux SFD (FECECAM, FUCEC, RCPB, Nyésigiso,...) ;

♦ en zone urbaine, la proximité des caisses favorisera l’adhésion et encouragera les dépôts.

En dépit de cette distinction entre caisses rurales et urbaines, il est important de noter que comme les caisses d’épargne et de crédit sont le plus souvent gérées par des élus issus du milieu, il y a de moins en moins de transfert du monde rural en faveur des urbains25. Cette constatation se trouve amplifiée par le fait que les ressources collectées sont largement insuffisantes pour financer les crédits d’où une utilisation de plus en plus locale de l’épargne pour répondre aux besoins locaux de crédit.

A cet effet, le cas du RCPB est intéressant à mettre en évidence. Ce réseau a démarré ses activités en zone rurale (la Bougouriga) puis il s’est implanté à Ouagadougou avant de continuer son extension en milieu rural. La collecte d’épargne dans les villes est devenue importante et une partie des dépôts est recyclée en crédit dans les campagnes.

Il est possible que cette situation préfigure une tendance pour le futur des systèmes financiers décentralisés à vocation nationale. Dans d’autres domaines, des mécanismes de péréquation ont été observés entre rural et urbain.

• le rôle des fonctionnaires, des salariés et des gros commerçants

L’incitation à épargner pour cette catégorie de public va dépendre du type de service dont ils pourront bénéficier. En effet, dans le cas du Crédit Rural de Guinée et de la FECECAM, les fonctionnaires ne peuvent pas avoir accès au crédit (cette disposition est inscrite dans les statuts de ces structures). Ils ne peuvent bénéficier que des services d’épargne. Cette situation a sans doute tendance à limiter leur volonté d’épargner car comme il a été indiqué précédemment, le fait de ne pas avoir la possibilité d’emprunter n’incite pas ces personnes à épargner.

Au niveau de la FECECAM, les salariés se trouvent dans la même situation que les fonctionnaires. En Guinée, les “ gros commerçants ” qui ne peuvent pas être contrôlés par les instances des caisses d’épargne et de crédit n’ont pas la possibilité d’avoir un prêt.

Cette catégorie de membre représente pour l’exercice 1997, à la FECECAM 10% des titulaires d’un compte d’épargne. Au Crédit Rural de Guinée, ils représentent 6% du nombre total des membres.

Une catégorie de la clientèle peut jouer un rôle important sur le volume d’épargne collectée, il s’agit des personnes morales (groupements, institutionnels, ONG, projets,...). L’épargne est collective et à l’exception des groupements, ces structures utilisent exclusivement les services d’épargne et n’ont pas droit au crédit. Le cas des groupements est différent car ces entités sont généralement épargnantes et emprunteuses (groupements de producteurs, associations villageoises, groupes de caution solidaire,...).

• les particularités du public féminin

Les entretiens lors de la mission ont montré que d’une manière générale les femmes ont plutôt tendance à recycler dans leurs activités économiques leurs excédents de trésorerie et à continuer à être membres des tontines. L’épargne est très souvent vue comme un moyen d’accéder à un crédit. Les hommes sont moins enclins à utiliser leurs bénéfices dans une activité et sont moins souvent membres d’une tontine. Ils auront plus tendance à épargner en nature ou en numéraire.

Cette particularité des femmes se trouve renforcée par le fait qu’elles appartiennent le plus souvent aux catégories de la population les plus vulnérables et donc ayant moins de possibilité pour épargner.

Cependant, cette situation est parfois plus contrastée. Des monographies de caisses de la FECECAM ont montré que la population féminine présentait des différences significatives en termes de revenu. En effet, les CLCAM offrent des services à des femmes dans une situation difficile mais aussi à d’autres ayant des revenus beaucoup plus importants. Dans la caisse de Parakou au Bénin, 70% des femmes ont des crédits inférieurs à 50 000 FCFA, mais une minorité (25%) ont des crédits supérieurs à 300 000 FCFA. Dans celle de Savalou, le montant moyen des crédits attribués aux femmes est quatre fois supérieur à celui des hommes.

Une des associations de WAGES (Tomates ouaga), rencontrée lors de la mission, bien qu’elle ne soit pas forcement significative, reflète bien cette différenciation. Les membres de cette association, grâce à leurs fonds propres et aux crédits obtenus et aussi en raison de leur sens des affaires disposaient de suffisamment de moyens pour faire venir de Ouagadougou un camion de plusieurs dizaines de tonnes de tomates fraîches pour les vendre à Lomé.

Ces situations sont, sans doute, caractéristiques des grands réseaux mutualistes ou des systèmes urbains. On retrouvera beaucoup moins ces différences dans les systèmes de crédit solidaire ou dans les réseaux qui interviennent dans les quartiers défavorisés comme le PASSEF à Cotonou. Néanmoins, à la lumière de ces exemples, il s’avère que lorsque l’on abordera les stratégies pour développer l’épargne, il sera nécessaire d’avoir une approche ciblée en fonction des différents niveaux économiques. Il ne s’agirait pas de traiter le public féminin de manière globale sans prendre en compte ses différences.

• la diversité des zones d’intervention

Schématiquement, on peut décomposer la zone de l’étude en quatre sous ensembles :

♦ les zones urbaines ;

♦ les zones cotonnières ;

♦ les zones côtières ;

♦ les zones sahéliennes.

Ces zones ont des caractéristiques économiques très différentes qui vont influer sur les niveaux de richesse de la population, mais aussi sur le volume d’épargne. Le potentiel et les stratégies d’incitation à l’épargne devront s’adapter à ces caractéristiques. Il semble évident que le développement de l’épargne sera beaucoup plus difficile et aléatoire pour des réseaux comme MISELI, SYNORSEC, PASSEF ou CVECA du Pays Dogon que pour des systèmes comme Kafo Jiginew ou WAGES.

Pour les réseaux nationaux, le développement de l’épargne ne sera pas homogène. Ils rencontreront les mêmes difficultés ou les mêmes facilités en fonction des zones d’implantation des caisses, que les dispositifs évoqués précédemment.

• la stratification de l’épargne

La répartition de l’encours d’épargne, entre les membres des SFD, n’est pas homogène.

Les dépôts restent fortement concentrés. Les deux exemples suivants illustrent cette situation.

L’analyse des épargnants du Crédit Rural de Guinée, en 1992, mettait en évidence que 58% des dépôts étaient détenus par 7% des épargnants ou que 86% des dépôts appartenaient à 21% des déposants. Le même travail au niveau de la FECECAM, en 1992, mettait en lumière une situation identique où 5% des épargnants totalisaient 70% des encours.

Même si ces exemples sont assez anciens car il n’existe pas d’analyse récente sur cette question, ils sont, sans doute, encore représentatifs de la stratification de l’épargne. Cette situation peut s’avérer critique pour les réseaux car des variations des montants d’épargne peuvent être uniquement liées à la décision d’un nombre restreint d’épargnants de retirer leurs dépôts. Un réseau sera protégé contre ces variations du solde de l’épargne, si ses dépôts sont détenus par un nombre important de déposants.

Ceux qui tiennent à la politique de crédit.

La politique de crédit est un facteur pouvant influer directement sur la collecte de l’épargne.

En effet, on peut supposer que si l’octroi de crédit est limité, c’est-à-dire que des sociétaires estiment n’avoir aucune chance d’obtenir un crédit dans un délai acceptable, ils ne seront pas encouragés à épargner.

Le suivi du nombre de comptes inactifs, dans un réseau, peut être un révélateur de cette situation ainsi que le nombre d’emprunteurs par rapport au nombre de sociétaires.

Ceux qui tiennent à la forme du dispositif.

Les systèmes avec épargne préalable ont un potentiel de collecte d’épargne bien supérieur à ceux qui commencent par le crédit. Néanmoins, il apparaît que ces derniers travaillent avec les bénéficiaires pour développer l’épargne. Les ressources en lignes de crédit sont souvent payantes (MISELI et CANEF) ou limitées (SYNORSEC), alors que les besoins de crédit sont très importants. On peut dire que maintenant les préoccupations relatives à l’épargne sont le fait de la grande majorité des systèmes.

Ceux qui tiennent à la création d’un climat de confiance

La décision d’épargner est le résultat de l’analyse de plusieurs facteurs (accès au crédit, proximité,...). La confiance est un élément clé qui peut avoir un rôle important sur l’évolution de l’épargne. Il s’agit :

• du degré de proximité du système (village ou chef lieu de commune) ;

• de l’ancienneté de la présence du dispositif ;

• du fait que l’adhésion de notables peut entraîner une partie des habitants ;

• de l’existence ou non d’incidents (détournements, retards,...) ;

• de l’origine des agents de crédit (originaire ou étranger à la zone) ;

• des difficultés relationnelles entre les habitants de la zone d’intervention d’une caisse.

Une personne ne deviendra pas membre d’une caisse si elle sait que celle-ci est gérée par des élus dans lesquels elle ne se reconnaît pas pour des raisons comme l’appartenance politique, des rivalités familiales, un manque de confiance,... ;

• de la qualité de l’accueil ;

• de la présence dans la caisse d’un coffre fort et du type de construction.

On peut citer, à titre d’exemple, le choix de certaines personnes de déposer leur argent chez un garde-monnaie auquel elles font confiance, même si celui-ci ne leur verse pas d’intérêt, plutôt que de déposer son épargne sur un compte rapportant des intérêts, dans une banque d’Etat ou commerciale ou dans un SFD dont les pratiques ne leur semblent pas claires et peu convaincantes.

Ceux qui tiennent à la qualité des services financiers

La qualité des services financiers est aussi un déterminant de l’épargne. Il s’agit :

• du nombre de jours d’ouverture et des horaires ;

• de la confidentialité ;

• de la disponibilité en termes de liquidité (pouvoir à tout moment retirer son épargne) ;

• du temps d’attente.

Ceux qui tiennent à l’environnement

Des facteurs externes pourront aussi influer sensiblement sur la constitution de l’épargne.

Il s’agit :

• de la présence ou non d’un système bancaire ouvert et implanté en zone rurale (BNDA au Mali et CNCA au Burkina Faso) ;

• de la possibilité d’utiliser le réseau de la Caisse Nationale d’Epargne ;

• de la concurrence entre les systèmes dans une zone, notamment dans les capitales (Bamako, Cotonou,...) ;

• de phénomènes économiques exceptionnels (dévaluation) ou réguliers (inflation).

Ceux qui tiennent à l’accès à un refinancement

L’accès à des refinancements externes peut avoir une incidence négative. En effet, comme, il a été indiqué précédemment, la motivation principale pour épargner est l’accès au crédit. Si les membres d’un système peuvent obtenir un prêt grâce à des lignes de crédit, ils auront moins d’intérêt à épargner.

Le cas des CLCAM du Mono peut illustrer cette situation. Ces caisses ont bénéficié de ligne de crédit de la BAD pour financer le crédit moyen terme et on observe depuis que le dépôt moyen dans les caisses de cette zone est inférieur à celui des autres CLCAM des autres régions du sud du Bénin.26

26 F Doligez, 1999.

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