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L’argument religieux dans les écrits de Champlain

La composante religieuse

I.2 Catholicisme et empire : la justification religieuse de l’Empire espagnoll’Empire espagnol

I.2.3 L’argument religieux dans les écrits de Champlain

Les œuvres de Champlain sont représentatives de la manière dont la France se sert de la religion pour bâtir son empire. En effet, Champlain est le premier auteur à écrire une relation sur la Nouvelle-France dans laquelle il décrit, outre la faune et la flore du nouveau continent, ses rencontres avec les peuples au-tochtones et son avis sur la politique menée par la France sur ces nouvelles terres. De nombreux historiens125 s’appuient sur cet auteur pour leurs tra-vaux sur la Nouvelle-France et ce sont ses écrits qui dévoilent l’essentiel des connaissances que nous possédons sur les premières années de la présence française en Amérique du Nord.

125 Bonnichon, Philippe,Des cannibales aux castors : les découvertes françaises de l’Amérique (1503-1788) ;Cazaux, Yves,L’Acadie : histoire des Acadiens du XVIIesiècle à nos jours ; Delâge, Denys,Le pays renversé : Amérindiens et Européens en Amérique du nord-est, 1600-1664 ;Eccles, W.J.,The French in North America, 1500-1783 ;Hardy, Georges, Histoire de la colonisation française ;Havard, Gilles ; Vidal, Cécile, Histoire de l’Amérique française ; Jae-nen, Cornelius, J., « French Expansion in North America » ;Jennings, Francis, The Invasion of America : Indians, Colonialism and the Cant of Conquest ;Landry, Nicolas ; Lang, Nicole, His-toire de l’Acadie ;Marchand, Philip, Ghost Empire : How the French Almost Conquered North America ;Mathieu, Jacques, La Nouvelle-France : les Français en Amérique du Nord : XVIe -XVIIIesiècle,Meyer, Jean (éd.),Histoire de la France coloniale, t. 1, La Conquête,Pluchon, Pierre, Histoire de la colonisation française, t. 1, Le premier empire colonial : des origines à la Restauration ;Quinn, David B., European Approches to North America, 1450-1640.

En effet, l’importance de l’argument religieux, dans les écrits de Champlain, à l’image de la politique française à l’égard du rôle de la religion catholique dans l’Empire français, connaît une évolution temporelle. En 1603, lors de la publication de sonDes Sauvages126, Champlain n’aborde le problème de la religion des autochtones et de leur éventuelle conversion que de manière ac-cessoire. Bien que l’ouvrage soit une étude des peuples amérindiens d’Amé-rique du Nord et de leurs mœurs, la seule référence à la religion concerne leur absence, selon Champlain, de religion, permettant ainsi de les conver-tir plus facilement. L’idée de conversion n’a ici pas de but religieux en soi, mais davantage une raison pratique. Champlain mentionne la possibilité de conversion comme une manière d’amener les peuples autochtones à adopter le même mode de vie que celui des Français. Ici, la religion englobe à la fois une idée de citoyenneté (ainsi que nous le verrons ci-dessous), de façon de vivre et de foi :

« Je luy demandais de quelle ceremonie ils usoient à prier leur Dieu.

Il ne dict, qu’ils n’usoient point autrement de ceremonies, sinon qu’un chascun prioit en son cœur comme il voulloit. Voilà pourquoy je croy qu’il n’y a aucune loy parmy eux, ne sçavent que c’est d’adorer & prier Dieu, & vivent la plus part comme bestes brutes, & croy que prompte-ment ils seroient reduicts bons chrestiens, si l’on habitoit leur terre ; ce qu’ils desireroient la plus part. »127

Dans son deuxième ouvrage,Les Voyages du Sieur de Champlain Xaintongeois […], publié en 1613128, la religion est déjà davantage présente, prenant une place importante en introduction, dans l’épître adressée à la régente. Il y est fait mention de sa volonté avérée de convertir les Amérindiens, volonté tota-lement absente de ses premiers écrits :

«[…] qui m’a fait naviguer & costoyer une partie des terres de l’Amerique

& principalement de la Nouvelle France, où j’ay tousjours en desir d’y

126 Champlain, Samuel de,Œuvres de Champlain,Des Sauvages, t. II.

127 Ibid., pp. 17-18.

128 Ibid.,Les Voyages du Sieur de Champlain Xaintongeois, Capitaine ordinaire pour le Roy en la marine, t. III.

faire fleurir le Lys avec l’unique Religion Catholique, Apostolique & Ro-maine. »129

L’ouvrage étant publié trois ans après l’assassinat d’Henri IV, la politique de la France commence déjà à changer et à se tourner davantage vers le ca-tholicisme. Nous estimons que la présence d’un argument religieux dans les écrits de Champlain est liée au changement opéré au sein du gouvernement et à la volonté plus marquée de reconquête catholique qui anime le royaume.

Le changement opéré par rapport aux propos religieux est également à mettre en relation, selon nous, avec le statut de Champlain. En effet, celui-ci est, jusqu’en 1612, employé par les marchands qui détiennent le monopole du commerce sur la Nouvelle-France et, dès 1613, rattaché au gouvernement au nom duquel il agit dans la nouvelle colonie en tant que lieutenant du vice-roi130. Ses intérêts doivent donc épouser ceux de ses employeurs, la religion étant, comme nous l’avons vu, un élément essentiel de la volonté royale d’un empire français131.

Ainsi, tout au long de l’ouvrage, la mention de la conversion des peuples au-tochtones à la foi chrétienne est présente. Lorsque Champlain décrit la ma-nière dont la colonisation de la Nouvelle-France doit se faire, la conversion est désormais mentionnée :

« Il y a des vaisseaux qui ne pourroyent passer sur la riviere qu’à la mercy du canon d’icelle [l’île] Qui est le lieu que nous jugeâmes le meilleur : tant pour la situation, bon pays, que pour la communication que nous pretendions avec les sauvages de ces costes & du dedans des terres, estans au millieu d’eux : Lesquels avec le temps on esperoit pacifier, &

amortir les guerres qu’ils ont les uns contre les autres, pour en tirer à l’advenir du service : & les reduire à la foy Chrestienne. »132

Cependant, la conversion à la religion chrétienne ne figure qu’en dernière posi-tion du programme d’alliance de Champlain. La paix et l’alliance sont

considé-129 Ibid., p. V.

130 Trudel, Marcel, «Champlain, Samuel de», in: Brown, George W.; Hayne, David M.; Halpenny, Francess G. [et al.] (éd.),Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1.

131 Trigger, Bruce G.,Les Indiens, la fourrure et les Blancs, p. 277

132 Champlain, Samuel de,Œuvres de Champlain, Les Voyages […], t. III, p. 23.

rées comme bien plus importantes. Les Amérindiens intéressent Champlain non pour être convertis, mais dans le but de servir aux Français au travers d’une alliance stratégique. La conversion en fait partie, mais elle reste se-condaire.

Ce désintérêt pour la conversion de la part de Champlain se retrouve égale-ment quelques pages plus loin lorsque l’auteur décrit sa rencontre avec une tribu amérindienne. Il y décrit les pourparlers de paix, la volonté de créer une alliance entre les deux peuples (Français et Amérindiens) ainsi que l’idée de sédentariser ces peuples. À aucun moment, la religion catholique n’est men-tionnée dans cette alliance133.

D’autres mentions de la religion reviennent plusieurs fois dans cet ouvrage, mais, pour chacune d’entre elles, il s’agit de l’argument déjà présent dansDes sauvagesselon lequel les Amérindiens n’ont pas de culte public et n’obéissent donc à aucune loi134.

L’ouvrage se termine tout de même sur une mention de la conversion des populations autochtones. Mais celle-ci, à nouveau, intervient à la fin d’un pa-ragraphe invitant la monarchie française à agir pour sa colonie et à y investir davantage de fonds. La priorité est ici encore donnée au commerce et aux al-liances, au détriment de la religion. Celle-ci n’apparaît que lorsque les intérêts du roi sont en jeu. Champlain mentionne l’argument religieux reconnaissant ainsi l’exigence de la monarchie au sujet de son empire, mais n’y accorde que peu d’intérêt :

«[…] sinon depuis quatre ans que nous y avons fait nostre habitation de Quebec, où après l’avoir faite edifier, je me mis au hazard de passer ledit saut pour assister les sauvages en leurs guerres, y envoyer des hommes pour cognoistre les peuples, leurs façons de vivres & que c’est que leurs terres. Nous y estans si bien employez, n’est-il pas raison que nous jouissions du fruit de nos labeurs, sa Majesté n’ayant donné au-cun moyen pour assister les entrepreneurs de ces dessins jusques à present ? J’espere, que Dieu luy fera la grace un jour de faire tant pour

133 Ibid., p. 36.

134 Ibid., voir par exemple p. 69 et p. 163.

le service de Dieu, de sa grandeur & bien de ses subjets, que d’amener plusieurs pauvres peuples à la cognoissance de nostre foy, pour jouir un jour du Royaume celeste. »135

Le troisième ouvrage de Champlain, publié en 1619 et relatant ses voyages de 1615 à 1618 en Nouvelle-France136comporte, lui, une nouvelle approche du problème religieux. Champlain acquiert cette fois une véritable vision de l’évangélisation. Contrairement à ses deux textes précédents où la religion n’était mentionnée que de manière accessoire, l’auteur a désormais un avis sur le sujet et propose une politique particulière en matière de conversion :

« C’est une occasion pour accroistre en nous le desir qu’avons dés long-temps d’envoyer des peuplades & colonnies par delà, pour leur ensei-gner avec la cognoissance de Dieu, la gloire & les triomphes de V. M.

de faire en sorte qu’avec la langue Françoise ils consoivent aussi un cœur, & courage françois, lequel ne respirera rien tant après la crainte de Dieu, que le desir qu’ils auront de vous servir […] »137.

Cet avis concernant l’apprentissage de la langue française par les Amérin-diens est une idée relativement isolée. En effet, la plupart des missionnaires, dont les Jésuites représentent le courant le plus important138, insistent sur l’obligation, pour les religieux au contact avec les peuples à convertir, d’ap-prendre les langues amérindiennes. Il s’agit ici d’une vision plus proche de celle des Récollets, premiers missionnaires présents au Canada, avant l’arrivée des Jésuites et auxquels Champlain semble particulièrement favo-rable139.

L’adhésion de Champlain à la politique des missionnaires récollets est égale-ment visible plus loin, lorsque l’auteur insiste sur la nécessité de mêler Fran-çais et Amérindiens :

135 Ibid., p. 269.

136 Ibid.,Voyages et descouvertures faites en la Nouvelle France, depuis l’année 1615, jusques à la fin de l’année 1618. Par le Sieur de Champlain, Capitaine ordinaire pour le Roy en la Mer du Ponant, Où sont descrits les mœurs, coutumes, habits, façon de gerroyer, chasses, dances, festins & enterrements de divers peuples Sauvages[…],t. IV.

137 Ibid., épître au Roy, p. IV.

138 Relations des Jésuites contenant ce qui s’est passé de plus remarquable dans les missions des pères de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle-France, 1611-1672 ; etLettres édi-fiantes et curieuses, écrites des missions étrangères.

139 Campeau, Lucien, « Les Jésuites ont-ils retouché les Écrits de Champlain ? », p. 341.

«[…] mais d’estre possedez du Diable, & tourmentez comme d’autres Sauvages plus eslongnez qu’eux, c’est ce qui se voit fort rarement, qui donne plus d’occasion, & subject de croire leur reduction en la cognois-sance de Dieu plus facille, si leur pays estoit habitué de personnes qui prissent la peine, & le soing, de leur enseigner, & ce n’est pas assez d’y envoyer des Religieux, s’il n’y a des gens pour les maintenir, & as-sister : car encores que ces peuples ayent le desir aujourd’huy de co-gnoistre que c’est que de Dieu, le lendemain ceste volonté leur chan-gera, quand il conviendra oster, & suprimer, leur salles coustumes, la dissolution de leurs mœurs, & leurs libertez incivilles : De façon qu’il faut des peuples, & des familles, pour les tenir en debvoir, & avec dou-ceur les contraindre à faire mieux, & par bons exemples les esmouvoir à correction de vie. »140

À travers ces lignes, nous pouvons voir que Champlain argumente en fa-veur de la conversion par l’exemple. Cette méthode nécessite la présence de prêtres et de missionnaires parmi les Amérindiens, mais également d’un nombre suffisant de colons français qui, par leur mode de vie, leur recours à la culture de la terre et leur religion, amènent les Amérindiens à se convertir au catholicisme afin de venir compléter la société française de Nouvelle-France.

S’il s’agit là de la même vision que celle des Récollets, elle a, pour l’explo-rateur, un but particulier. En effet, en prônant la conversion par l’exemple, Champlain argumente en faveur de l’envoi de nouveaux colons dans sa colo-nie. Pour pouvoir influencer les Amérindiens et les mener à adopter le même mode de vie que les Français, ceux-ci doivent être assez nombreux. Il s’agit donc d’un appel aux dirigeants à fournir davantage de moyens pour le peu-plement du Canada.

Champlain effectue un pas supplémentaire dans ce troisième ouvrage concernant l’argument religieux. Il rend les dirigeants français directement responsables de l’absence de conversions d’Amérindiens pendant les pre-mières années de colonisation. Cette carence doit, selon lui, être mise en parallèle avec le peu de moyens de financement accordés à cette entreprise.

Il exhorte donc les autorités à augmenter leurs efforts en vue de la

conver-140 Champlain, Samuel de,Œuvres de Champlain, t. IV, p. 87.

sion des peuples autochtones, afin qu’ils servent également à ses projets de colonisation de la Nouvelle-France :

« C’est un grand dommage de laisser perdre tant d’hommes & les voir perir à nos portes, sans leur donner secours, qui ne peut estre sans l’as-sistance des Roys, Princes, & Ecclesiastiques, qui seuls ont le pouvoir de ce faire : Car aussi en doibvent-ils seuls emporter l’honneur d’un si grand œuvre, à sçavoir de planter la foy Chrestienne en un pays inco-gnu, & barbare, aux autres nations, estant bien informé de ces peuples, comme nous sommes, qu’ils ne respirent, & ne desirent autre chose que d’estre pleinement instruits de ce qu’il leur faut suivre & éviter, c’est donc à ceux qui ont le pouvoir d’y travailler, & y contribuër de leur abon-dance, car un jour ils respondront devant Dieu de la perte de tant d’ames qu’ils laissent perir par leur negligence & avarice, car ils ne sont pas peu, mais en tres-grand nombre : or ce sera quand il plaira à Dieu de leur en faire la grace, pour moy j’en desire plustost l’effect aujourd’hui que demain, pour le zelle que j’ay à l’advancement de la gloire de Dieu, à l’honneur de mon Roy, au bien, & reputation de ma patrie. »141

Le dernier ouvrage de Champlain142, publié en 1632, reprend les anciens voyages publiés en 1619 et ajoute ceux qui ont été effectués à partir de 1620 par l’auteur. Le texte des voyages datant d’avant 1619 a cependant subi un léger remaniement. En effet, la mention des Récollets, qui, en 1632, après la prise de Québec par les Anglais, ont été supplantés par les Jésuites, a été enlevée. Laverdière, historien du XIXesiècle, accuse les Jésuites d’avoir re-manié le texte de Champlain dans le but de servir leurs propres intérêts143. Lucien Campeau, historien et jésuite, ne partage pas l’analyse de Laverdière.

Pour lui, les écrits de Champlain ont bien été remaniés, l’édition de 1632 com-prenant plusieurs différences d’avec l’édition de 1619, mais ces modifications ne sont pas le fait des Jésuites. Certains passages, qui ne concernent pas les Récollets ni la religion ont également été supprimés. Pour Lucien Campeau, les remaniements de 1632 sont le fait de Champlain lui-même et non d’un

obs-141 Ibid., pp. 88-89.

142 Ibid.,Les voyages de la nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Cham-plain Xainctongeois, capitaine pour le Roy en la Marine du Ponant & toutes les Descouvertes qu’il a faites en ce païs depuis l’an 1603 jusques en l’an 1629, t. V.

143 Laverdière,Œuvres de Champlain, t. V, p. VI.

cur complot des Jésuites144. Il est difficile, aujourd’hui, de trancher en faveur de l’un ou l’autre de ces commentateurs de Samuel Champlain. Si, à l’instar de Guy Laflèche145, nous estimons que Lucien Campeau n’est pas entière-ment objectif dans son analyse en raison de son appartenance à l’ordre des Jésuites et sa volonté de défendre leurs travaux, Laverdière n’avance pas non plus de preuves convaincantes, « le caractère franc et loyal de Champlain »146 n’étant, selon nous, pas un argument suffisant permettant d’affirmer que ces modifications ne sont pas de son fait.

Outre cette différence d’avec l’ouvrage précédent, Champlain utilise, dans ses voyages de 1632, la religion comme un appât en faveur de la colonisation de la Nouvelle-France. L’argument religieux est cette fois présent tout au long du texte, dans le but d’interpeller les puissants du royaume pour qu’ils financent l’évangélisation des Amérindiens, s’intéressent à cette colonie d’Amérique du Nord et y investissent davantage d’argent ainsi que nous pouvons le constater dans cet extrait :

« Mais il y a esperance que les Religieux qu’on y a menez, & qui com-mencent à s’y establir, y faisant des Seminaires, pourront en peu d’an-nées y faire de beaux progrez pour la conversion de ces peuples. C’est le principal soin de sa Majesté, laquelle levant les yeux au ciel, plus-tost que les porter à la terre, maintiendra, s’il luy plaist, ces entrepre-neurs, qui s’obligent d’y faire passer des Ecclesiastiques, pour travailler à ceste saincte moisson, & qui se proposent d’y establir une Colonie, comme estant le seul & unique moyen d’y faire recognoistre le nom du vray Dieu, & d’y establir la Religion Chrestienne, obligeant les Fran-çois qui y passeront, de travailler au labourage de la terre, avant toutes choses, afin qu’ils ayent sur les lieux le fondement de la nourriture, sans estre obligez de le faire apporter de France : & cela estant, le pays four-nira avec abondance, tout ce que la vie peut souhaiter, soit pour la ne-cessité, ou pour le plaisir, ainsi qu’il sera dit cy-aprés. »147

144 Campeau, Lucien, « Les Jésuites ont-ils retouché les Écrits de Champlain ? », pp. 340-361.

145 Laflèche, Guy, « Les relations des Jésuites de la Nouvelle-France, Un document anthropo-logique majeur de l’américanité française du XVIIesiècle », p. 84.

146 Laverdière,Œuvres de Champlain, t. V, p. VIII.

147 Champlain, Samuel de,Œuvres de Champlain, t. V, première partie, p. 4.

Champlain utilise aussi l’argument religieux pour faire changer le mode de colonisation qui se pratique en Nouvelle-France. Le royaume n’est, selon lui, intéressé qu’aux profits à court terme et n’a pas de volonté réelle de fonder une colonie de peuplement. Des moyens sont donc accordés aux marchands qui se contentent de faire des profits rapides, sans s’installer sur place et sans contribuer à l’émergence de la colonie. Champlain tente ainsi de modi-fier cette donnée en insistant sur la nécessité de la conversion des peuples autochtones qui ne peut se faire qu’à travers une volonté clairement définie de la monarchie :

« Et si tout cela ne nous peut esmouvoir à rechercher les biens du ciel aussi passionnément du moins que ceux de la terre, d’autant que la convoitise des hommes pour les biens du monde est telle, que la plus-part ne se soucient de la conversion des infideles, pourveu que la for-tune corresponde à leurs desirs, & que tout leur vienne à souhait. Aus-si est-ce ceste convoitise qui a ruiné, & ruine entierement le progrez

& l’advancement de ceste saincte entreprise, qui ne s’est encores bien avancée, & est en danger de succomber, si sa Majesté n’y apporte un ordre tres-sainct, charitable, & juste, comme elle est, & qu’elle mesme ne prenne plaisir d’entendre ce qui se peut faire pour l’accroissement de la gloire de Dieu, & le bien de son Estat, repoussant l’envie qui se met

& l’advancement de ceste saincte entreprise, qui ne s’est encores bien avancée, & est en danger de succomber, si sa Majesté n’y apporte un ordre tres-sainct, charitable, & juste, comme elle est, & qu’elle mesme ne prenne plaisir d’entendre ce qui se peut faire pour l’accroissement de la gloire de Dieu, & le bien de son Estat, repoussant l’envie qui se met