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1. CADRE THÉORIQUE

1.2. L’ APPROCHE COGNITIVE DE LA LECTURE

Comme nous l’avons vu précédemment, la lecture est basée sur des processus perceptifs et cognitifs. De ce fait, il est possible de définir la lecture comme le produit du processus de décodage (ou de reconnaissance des mots) et de compréhension du langage (Gough & Tunmer, 1986). Ces auteurs ont proposé une équation qui permet d’illustrer l’interaction de ces deux processus : 𝐿 = 𝑅 𝑥 𝐶. Dans cette équation, L représente la performance globale de lecture, R la reconnaissance des mots et C réfère à la capacité linguistique de comprendre et donc de

donner du sens. De ce fait, la lecture implique l’acquisition de connaissances qui sont spécifiques à la lecture (pour l’identification des mots écrits) et d’autres qui lui sont non spécifiques (comme la compréhension). Il s’agit notamment de l’accès à la signification de phrases et de textes ou certaines connaissances générales sur le monde. Ainsi, lorsqu’il est question de la lecture, il s’agit bien à la fois de prendre en compte les compétences de reconnaissance des mots mais également les processus de compréhension car ces deux composantes sont toutes deux nécessaires, mais pas suffisantes individuellement. En effet, le décodage sans la compréhension ne permet pas la lecture, tout comme la compréhension orale avec des processus de décodage insuffisamment élaborés ne mène pas non plus à la lecture.

1.2.1. L’identification des mots écrits

D’après Coltheart (1978), l’identification des mots écrits chez le lecteur expert peut se faire via deux processus parallèles, mais hautement indépendants. Ce principe est décrit par son modèle, dit « à double voie ». La première voie, appelée voie d’adressage (ou voie lexicale), permet un accès direct à la représentation orthographique du mot stockée dans le lexique mental. Ce lexique orthographique se construit tout au long de l’apprentissage de la lecture et bien au-delà et il permet l’accès à la connaissance globale du mot. Cette voie permet donc de lire des mots réguliers et irréguliers, pour autant que ceux-ci soient connus et donc stockés par le lecteur dans son lexique. La deuxième voie est appelée voie d’assemblage (ou voie non lexicale) et permet, contrairement à l’autre voie, de lire des mots rares, inconnus (c.-à-d. non stockés) ou des pseudo-mots. Cette voie traite séquentiellement chaque élément du mot et convertit les graphèmes en phonèmes à l’aide de règles de conversion (on parle de conversion grapho-phonémique). Finalement, le lecteur expert utilise plus rarement cette voie d’assemblage car elle est plus lente et coûteuse sur le plan cognitif. Ainsi, la voie d’adressage est souvent privilégiée car elle est plus rapide et efficace.

Cependant, les apprentis lecteurs ne peuvent pas utiliser la voie d’adressage dès le départ puisqu’ils n’ont pas encore construit leur lexique orthographique. Certains auteurs proposent donc une acquisition de la lecture qui a lieu en suivant des stades de développement. Frith (1986) propose ainsi trois stades d’acquisition de la lecture, en commençant par le stade logographique. À ce moment-là, l’apprenti lecteur ne sait pas encore lire, mais peut reconnaitre certains mots grâce à certains indices visuels. Il reconnait globalement un mot (voire une forme) mais on ne parle pas encore de lecture. Puis, vient le stade alphabétique où l’enfant peut, à l’aide de ses connaissances de l’alphabet, commencer à décoder des mots en s’aidant de la phonologie.

Il met en place des règles de conversion grapho-phonémique qui lui permettent de déchiffrer la plupart des mots (réguliers et pseudo-mots), mais cela ne lui permet pas de lire les mots irréguliers qui ne respectent pas ces règles. Cela nous amène au dernier stade de son modèle, le stade orthographique. À ce moment, l’enfant n’a plus recours à la phonologie (conversion grapho-phonémique) pour lire les mots puisqu’il reconnait les mots comme une entité à part entière qu’il récupère dans son lexique. Ainsi, nous pouvons dire que le stade alphabétique correspond à la voie d’assemblage et que le stade orthographique correspond à la voie d’adressage du modèle de Coltheart (1978).

Plus tard, Share (1995) propose un autre modèle d’acquisition du lexique orthographique chez l’enfant. Cette acquisition ne se ferait non pas en stades, mais grâce à l’expérience de lecture de l’enfant. Pour tenter d’expliquer comment les enfants développent ce lexique et acquièrent ainsi l’orthographe spécifique des mots, Share (1995) propose l’hypothèse d’auto-apprentissage. Selon cette hypothèse, c’est le décodage des mots (par la voie d’assemblage) qui va permettre à l’enfant de petit à petit construire son lexique. En effet, lorsqu’il va décoder un mot correctement, l’enfant va progressivement construire la représentation orthographique de celui-ci et le mémoriser.

Pour conclure, nous pouvons voir que, quelle que soit l’approche adoptée, l’enfant semble commencer à lire et à développer son lexique orthographique grâce à la voie d’assemblage. La voie d’adressage prendrait ainsi petit à petit le pas sur la voie phonologique.

Une étude menée par Sprenger-Charolles, Siegel, Béchennec & Serniclaes (2003) a d’ailleurs permis de mettre en évidence ce développement avec une utilisation d’abord privilégiée de la voie d’assemblage (phonologique), suivie d’un passage progressif à la voie d’adressage. Ainsi, la voie d’assemblage ou phonologique semble être une étape cruciale dans l’acquisition de la lecture.

1.2.2. La compréhension en lecture

Gough et Tunmer (1986) spécifient bien que lorsqu’ils parlent de compréhension, ils ne font pas référence à la compréhension en lecture, mais bien à ce qu’ils appellent la compréhension linguistique. Il s’agit selon eux « du processus par lequel des informations lexicales (c.-à-d., des mots), des phrases et des discours sont interprétés » [traduction libre]

(1986, p. 7). De ce fait, cette composante de la lecture fait appel à des connaissances qui sont non spécifiques au langage écrit, telles que des connaissances sémantiques, syntaxiques, discursives et pragmatiques qui sont déjà mises en place antérieurement dans le langage oral.

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