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1.3 L’accélérateur et la légitimation de la nouvelle entreprise

1.3.2 L’évolution des modèles d’incubation suivant leurs rôles

Plusieurs chercheurs ont mis en évidence l’évolution du rôle des incubateurs au fil de l’émergence de nouveaux besoins chez les entrepreneurs. Bruneel et al. (2012) affirment que les propositions de valeur des premiers incubateurs sont structurées autour des infrastructures mises à la disposition des entrepreneurs. Ces incubateurs offrent principalement des bureaux partagés, des salles de réunion, des services de réception et des infrastructures de télécommunication. Ces services sont offerts sous forme de forfaits à des prix moins élevés que ce que les entrepreneurs paieraient ailleurs pour accéder à de telles infrastructures (Bruneel et al., 2012). L’incubateur aide ainsi les entrepreneurs à réduire

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leurs frais généraux et à baisser les coûts d’un éventuel échec (Hackett et Dills, 2004). Au fil des années, les incubateurs ont compris que les besoins des entrepreneurs en démarrage allaient au-delà des simples services logistiques et ont par conséquent développé des services à valeur ajoutée (Bruneel et al, 2012) pour aider les entrepreneurs à surmonter les principaux obstacles au lancement d’une nouvelle entreprise (Hackett et Dills, 2004). Ces obstacles sont, entre autres, le manque de ressources, les inquiétudes liées au développement d’un produit ou d’une technologie innovante, les incertitudes quant au comportement du marché, le manque de connaissance ou de compétence en gestion chez certains entrepreneurs (Hackett et Dills, 2004; Soetanto et Jack, 2016,) et les défis liés à l’obtention des financements de démarrage. Ces nouveaux besoins ont poussé les incubateurs à élargir leurs objectifs. Ils veulent désormais, non seulement aider les entrepreneurs en démarrage à réduire leurs frais généraux et à baisser les coûts d’un éventuel échec, mais ils veulent aussi augmenter leur taux de succès (Soetanto et Jack, 2016) en leur fournissant, en plus des infrastructures, des services de conseils en stratégie, de diagnostic des besoins de la nouvelle entreprise, d’intelligence économique et des réseaux de contacts (Hackett et Dilts 2004, 2007). Les incubateurs facilitent désormais l’accès des entrepreneurs aux ressources externes (Bruneel et al., 2012; Hackett et Dilts, 2004, 2007).

Des auteurs ont regroupé les incubateurs par catégories en fonction de leurs rôles auprès des entrepreneurs. Je présente les catégories identifiées par Grimaldi et Grandi (2005) et ceux de Bruneel et al. (2012).

À la suite d’une étude de cas portant sur 8 incubateurs italiens, Grimaldi et Grandi (2005) ont identifié deux modèles d’incubation suivant leur niveau d’intervention auprès des entrepreneurs. Le premier modèle est celui des incubateurs publics. Ces incubateurs mettent les services logistiques au cœur de leur proposition de valeur. Leur rôle consiste principalement à fournir des infrastructures aux entrepreneurs. Le second modèle est celui des incubateurs privés. À la différence des premiers, ces incubateurs donnent la primauté à la médiation. Ils sont actifs dans la création de liens entre leurs entrepreneurs et d’autres acteurs pour faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances, favoriser l’apprentissage,

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accélérer la mise en marché des nouvelles technologies ou pour accéder à d’autres formes de ressources (Grimaldi et Grandi, 2005).

À partir d’études de cas portant sur plusieurs pays, Bruneel et al. (2012) ont identifié trois générations d’incubateurs. Selon ces auteurs, les services logistiques sous forme d’espaces de travail et les ressources partagées sont au cœur de la proposition de valeur des incubateurs de la première génération. Leurs objectifs dominants sont d’aider les entrepreneurs à bénéficier des économies d’échelle et de baisser les coûts d’un éventuel échec. La médiation entre les entrepreneurs et les détenteurs de ressources externes est rarement évoquée dans la proposition de valeur de ces incubateurs. Ceux de la seconde génération se focalisent principalement sur les services de soutien tels que le coaching et les formations en plus d’offrir des infrastructures. Ils veulent accélérer la courbe d’apprentissage des entrepreneurs, rehausser leurs compétences entrepreneuriales afin de favoriser leur succès (Bruneel et al., 2012). Ils favorisent la création de relations entre pairs pour stimuler l’apprentissage, et créent des relations entre les entrepreneurs et le monde externe, mais cette fonction de médiation reste secondaire comparativement au service de soutien. Les incubateurs de la troisième génération, selon Bruneel et al., 2012, mettent la médiation au cœur de leur proposition de valeur. Ils aident les entrepreneurs à accéder aux ressources externes, à acquérir des connaissances et la légitimité (Bruneel et al., 2012). Dans ce modèle, je constate que le cœur de la proposition de valeur des incubateurs a migré des services logistiques, vers le soutien, puis la médiation. Ainsi, la médiation entre les entrepreneurs et les acteurs externes, reléguée au second rang dans l’offre des incubateurs de la première génération, est devenue centrale dans les modèles émergents d’incubation (de la troisième génération). Je synthétise leur découverte dans le tableau 8.

L’importance de la médiation dans le rôle des incubateurs a été soulignée par plusieurs autres auteurs. Pour eux, la capacité des incubateurs à créer des relations entre les entreprises de leurs portefeuilles et les acteurs externes détenteurs de ressources est une de leurs fonctions essentielles (Cohen, 2013b; Schwartz et Hornych, 2010). Peter et al. (2004) stipulent que les réseaux sociaux ont un rôle déterminant dans l’émergence d’une nouvelle organisation, alors que la plupart des entrepreneurs en démarrage ont de faibles connexions sociales. Pour eux, les incubateurs peuvent aider les entrepreneurs à combler cette faiblesse

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en leur facilitant l’accès à d’autres acteurs. Ils estiment que le succès d’un incubateur est lié à la manière dont il joue son rôle de médiation (Peters et al., 2004). Ce rôle s’est renforcé avec l’émergence des accélérateurs (Cohen, 2013b). Je présente dans la section suivante l’émergence de l’accélérateur qui est le type d’accompagnateur que je retiens pour le volet empirique de cette recherche.

Tableau 8 : Évolution de l’offre des incubateurs

1e génération 2e génération 3e génération

Cœur de la proposition de valeur • Espace de travail • Ressources partagées • Coaching • Formation • Accès aux technologies, services professionnels, réseaux d’investisseurs Rationnel

théorique • Économie d’échelle

• Accélérer la courbe d’apprentissage • Accéder aux ressources externes, • Acquérir des connaissances et la légitimité Rôle

dominant • Logistique • Soutien • Médiation

Source : L’auteur à partir des travaux de Bruneel et al, 2012