• Aucun résultat trouvé

Jurisprudence d’application

1. Conseil d’État

Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, du 5 janvier 2005, n° 232888, Commune de Versailles

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 avril et 24 août 2001, présentés pour la Commune De Versailles (78011), représentée par son maire en exercice ; la Commune De Versailles demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports en tant qu'il confie aux maires la tâche de recueillir les demandes de passeport, de les transmettre aux préfets ou aux sous-préfets et de remettre aux demandeurs les passeports qui leur sont adressés par ces derniers ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

(…)

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales dispose qu'Aucune dépense à la charge de l'État ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 7 du décret du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports : Les demandes sont déposées auprès des maires ou, en cas d'impossibilité ou si l'urgence le justifie, auprès des préfets ou des sous-préfets ayant reçu délégation à cet effet. Les demandes déposées auprès des maires sont transmises, selon les cas, aux préfets ou aux sous-préfets, qui établissent les passeports et les adressent aux maires pour remise aux intéressés (…) ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret : Le passeport est remis au demandeur au lieu du dépôt de la demande (…) ;

Considérant que ces dispositions, qui confient aux maires agissant en qualité d'agents de l'Etat la tâche de recueillir les demandes de passeport, de les transmettre aux préfets ou aux sous-préfets et de remettre aux demandeurs les passeports qui leur sont adressés par ces derniers, ont pour effet d'imposer indirectement aux communes les dépenses, à la charge de l'État, relatives à l'exercice de ces attributions ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales que le législateur était seul compétent pour édicter de telles dispositions ; que le décret de la Convention nationale du 7 décembre 1792, pour l'application duquel a été pris le décret attaqué, ne peut être regardé comme autorisant le pouvoir réglementaire à prendre une telle mesure par dérogation à cet article ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commune De Versailles, dont la requête doit être interprétée comme demandant l'annulation du premier alinéa de l'article 7 du décret du 26 février 2001 en tant qu'il confie aux maires la tâche de recueillir les demandes de passeport, de les transmettre aux préfets ou aux sous-préfets et de remettre aux demandeurs les passeports qui leur sont adressés par ces derniers, est fondée à demander cette annulation ;

Sur les conclusions de la COMMUNE DE VERSAILLES tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE VERSAILLES et non compris dans les dépens ;

D E C I D E : ---

Article 1er : Le premier alinéa de l'article 7 du décret susvisé du 26 février 2001 est annulé en tant qu'il confie aux maires la tâche de recueillir les demandes de passeport, de les transmettre aux préfets ou aux sous-préfets et de remettre aux demandeurs les passeports qui leur sont adressés par ces derniers.

(…)

Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 6 avril 2007, n° 299825, commune de Poitiers (…)

I. - Aux termes de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales : Aucune dépense à la charge de l'Etat ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi. Par une décision n° 232888 du 5 janvier 2005, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé le 1er alinéa de l'article 7 du décret du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports, en tant qu'il confiait aux maires, agissant en qualité d'agents de l'Etat, la tâche de recueillir les demandes de passeport, de les transmettre aux préfets ou aux sous-préfets et de remettre aux demandeurs les passeports qui leur étaient adressés par ces derniers. Cette annulation a été prononcée au motif que ces dispositions avaient pour effet d'imposer indirectement aux communes les dépenses, à la charge de l'Etat, relatives à l'exercice de ces attributions et qu'en application de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, le législateur était seul compétent pour les édicter. L'illégalité commise par le pouvoir réglementaire à avoir adopté une mesure que le législateur était seul compétent pour édicter est de nature à engager la responsabilité de l'Etat, quelle que soit la probabilité que le législateur aurait luimême adopté cette mesure si elle lui avait été soumise ; toutefois, il appartient à la victime d'établir la réalité de son préjudice et le lien direct de causalité qui le relie à l'illégalité commise. L'illégalité des dispositions du 1er alinéa de l'article 7 du décret du 26 février 2001 est, par suite, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat à la condition que les communes établissent que l'application de ces dispositions est directement à l'origine d'un préjudice, matérialisé par le supplément net des coûts qu'elles ont supportés.

II. L'article 4 du décret du 25 novembre 1999, modifiant le décret du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité, a eu pour objet de transférer, sauf à Paris, aux maires des communes dotées de commissariats de police, agissant en tant qu'agents de l'Etat, la charge de recueillir et de transmettre les demandes de cartes nationales d'identité, antérieurement dévolue aux commissariats de police. Ces dispositions ont pour effet d'imposer indirectement aux communes les dépenses, à la charge de l'Etat, relatives à l'exercice de ces attributions. Le pouvoir réglementaire n'était par suite, eu égard aux termes de l'article L.

1611-1 du code général des collectivités territoriales, pas compétent pour édicter ces dispositions qui sont pour ce motif entachées d'illégalité. Cette illégalité est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat dans les conditions ci-dessus rappelées. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Poitiers, à la COMMUNE DE POITIERS et au ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 14 septembre 2007, 299720, Commune de Villeurbanne

Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a mis à sa charge, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le paiement d'une provision de 908 036,50 euros à valoir sur les préjudices résultant pour la commune de Villeurbanne de l'illégalité de l'article 4 du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 et de l'article 7 du décret n° 2001-185 du 26 février 2001 qui ont transféré aux maires de certaines communes, agissant en tant qu'agents déconcentrés de l'Etat, la charge de recueillir, de transmettre aux autorités compétentes et de délivrer aux pétitionnaires les demandes de passeports et de cartes nationales d'identité ;

Considérant que l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Aucune dépense à la charge de l'Etat ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi » ; Considérant que les dispositions de l'article 4 du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 et de l'article 7 du décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ont eu pour effet d'imposer indirectement aux communes des dépenses, antérieurement à la charge de l'Etat ; qu'ainsi que l'a jugé, s'agissant de l'article 7 du décret du 26 février 2001, le Conseil d'Etat statuant au contentieux par une décision n° 232888 du 5 janvier 2005, le pouvoir réglementaire n'était pas, eu égard aux termes de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales, compétent pour édicter ces dispositions ; que, par suite, l'Etat a commis des illégalités de nature à engager sa responsabilité, quelle que soit par ailleurs la probabilité que le législateur aurait luimême adopté cette mesure si elle lui avait été soumise ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Lyon que la commune de Villeurbanne a dû affecter certains de ses agents attachés préalablement à d'autres missions à l'exécution des tâches mises à sa charge par les décrets litigieux, sans qu'il ne soit établi que les coûts induits par la gestion des documents d'identité aient été compensés soit par la suppression de la fiche d'état civil opérée par le décret n° 20001277 du 26 décembre 2000 soit par le versement par l'Etat de compléments de dotations, notamment de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation de solidarité urbaine ; qu'ainsi, le préjudice dont se prévaut la commune de Villeurbanne, constitué des frais de fonctionnement supplémentaires, notamment le coût des frais de personnel, exposés pendant la période de mise en oeuvre des dispositions litigieuses résulte de manière directe et certaine de l'illégalité des décrets litigieux ; que par suite la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ni de qualification juridique en jugeant que l'obligation pour l'Etat de réparer les frais de fonctionnement supplémentaires supportés par la commune de Villeurbanne du fait de l'illégalité de l'article 4 du décret du 25 novembre 1999 et de l'article 7 du décret du 26 février 2001 n'était pas sérieusement contestable ;

Considérant que c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la cour administrative d'appel de Lyon, d'une part a retenu les évaluations proposées par la commune tant du nombre moyen d'agents en équivalent « temps plein » affectés chaque année à la gestion des demandes de documents d'identité et de voyage que du temps réservé au traitement de chacune de ces demandes et, d'autre part a fixé à 611 812,53 euros la somme exposée par la commune de Villeurbanne pour les frais de personnel afférents au traitement des 62 661 demandes de cartes nationales d'identité formulées du 1er janvier 2000 au 31 octobre 2005, et à 282 331,18 euros celle relative aux 30 133 demandes de passeport introduites du 1er mars 2001 jusqu'au 31 octobre 2005, données dont le ministre ne contestait pas l'exactitude ;

Considérant enfin que le ministre n'est pas recevable à invoquer pour la première fois en cassation le moyen tiré de ce que la prescription quadriennale serait encourue pour les frais engagés par la commune au cours de l'année 2000 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt contesté du 28 novembre 2006 de la cour administrative d'appel de Lyon ; que si ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence, il y a lieu en revanche de faire application de ce même article en mettant à la charge du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES le versement à la commune de Villeurbanne de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est rejeté.

Article 2 : Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES versera à la commune de Villeurbanne la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Villeurbanne et au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES.

II. Droits et libertés garantis par le Conseil constitutionnel

A. Normes de référence

1. Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

Article 16

Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

2. Constitution de 1958

Article 34 (…)

La loi détermine les principes fondamentaux : - de l'organisation générale de la défense nationale ;

- de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources (…)

Article 37

Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.

Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'État. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.

Article 72

Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d'une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.

Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences.

Dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou d'un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l'a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences.

Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.

Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois.

Article 72-2

Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.

Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine.

Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en oeuvre.

Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi.

La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.

Documents relatifs