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Tableau 17 : JANIN / VERGERS

Voyons maintenant la description de cette ville au sein même d'un monologue, celui d'Amine JAAFARI,

AMINE

Toi aussi, tu as changé Janin. Je me souviens de tes rues qu'on dévalait, princes aux pieds nus criant de peur et d'excitation... La plupart d'entre nous sont morts, d'autres ont déserté. Comme moi. Ton odeur de pain d’épice, je l'aurais reconnue entre mille... Aujourd’hui il n'y a plus qu’une odeur de soufre au milieu des maisons défigurées. (On frappe à la porte Un homme en faction se présente à Amine le visage tavelé les yeux chauffés à blanc.) (P. 32)

Nous constatons via ce passage que la description, qui aurait dû figurer dans le paratexte en est absente, a pris place, en revanche, dans le texte dialogué, et ce phénomène d'insuffisance descriptive dans l'œuvre dramatique se rencontre assez fréquemment au XIXe siècle, surtout chez Alexandre DUMAS.

Le second élément apparaissant dans le texte de BERTHIER, est la didascalie ; « émises pas le scripteur, ne fournissent au metteur en scène et eux comédiens qui les transmettent au public sous la forme de signifiants non verbaux : jeux de scène, expressions, tons, éléments du décor. » 255 Ces indications de mise en scène proposées par le dramaturge s'alternent dans le texte entre l’externe et l'interne (dans un autre type de caractère, différent visuellement de l'autre partie du texte, en italique par exemple) reprennent aussi des éléments de description de la disposition géométrique du décor, de l'éclairage, du bruitage et des costumes.

Prenons l'extrait suivant de la deuxième partie de la pièce, où se manifestent les didascalies externes, puis internes dites par les personnages dans des répliques :

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DEUXIÈME PARTIE : BETHLEEM Tableau 12 : CHEZ LEILA

Une radio crachote un prêche du cheikh Marwan, ponctué par des cris extatiques et des ovations de la foule : « Y a-t-il splendeur aussi grande que le visage du Seigneur, mes frères ? (Clameurs de la foule.) Qu’allons-nous laisser derrière nous ? Tous les jours, nous sommes traînés dans la boue et devant les tribunaux ; des tanks roulent sur nos pieds, défoncent nos maisons, tirent sur nos gamins. Le monde entier assiste à notre malheur… »

Amine interrompt la fin du prêche en frappant à la porte. Leila éteint la radio, ouvre. Elle le dévisage.

AMINE

Bonjour Leila... (Un temps.) Tu ne me reconnais pas.

LEILA

(Bouleversée.) Amine… Entre. (P. 21)

Les indications descriptives données par le dramaturge dans cet extrait, résolument laconiques, offrent au metteur en scène le soin d'harmoniser le jeu entre les diverses indications sur l'environnement scénique, l'identité de celui qui parle et les répliques. Ainsi inclut-il des attitudes psychologiques qui se traduisent par la détérioration significative de la situation entre acteurs - le docteur et sa sœur Leila. Le manque informatif dans une œuvre dramatique, évoqué ci-dessus, ne constitue nullement une défaillance ni au niveau textuel, ni niveau de sa mise en scène. Autrement, comment Franck BERTHIER, ou encore le comédien Bruno PUTZULU peut-il faire sortir une indication telle, extraite du roman même : « […] elle [Sihem] portait en elle une blessure si vilaine et atroce qu'elle avait honte de me la révéler. » (P. 221) ?

De ce fait, la transécriture de L'attentat en pièce de théâtre offre à l'adaptateur/réalisateur, lors de sa mise en représentation, une certaine liberté d'interprétation, comme le souligne Anne UBERSFELD « ce travail de détermination irait contre les possibilités de la scène : il faut que la représentation puisse avoir lieu n'importe où et que n'importe qui puisse jouer le personnage. »256 Cette marge de liberté laisse le champ libre à toutes les interprétations possibles, selon les codes éthique et socioculturel en usage, et assure une certaine indépendance quant à l'expression des différents courants de pensée psychologique, philosophiques et politiques. La place de la description dans ce texte dramatique, très minimaliste et moins précise que le roman, ne manque pas donc d'ouvrir de nouvelles perspectives

256 UBERSFELD Anne, « Le texte dramatique », in COUTY Daniel & REY Alain, Le

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sur les structures du périmètre scénique et sur les autres adaptations théâtrales qui s'en suivent (en Algérie, Italie, Benin, Rwanda, Congo, etc.)

III.4 La description dans le roman graphique

Afin d'analyser la description dans l'album de DAUVILLER présenté ci-dessus, nous nous appuierons sur une approche sémiotique, axée sur la corrélation de tous ces éléments qui tendent à remplir la fonction descriptive, à travers le raccord texte- image établis en fonction de l'échelle des plans convenus, comme dans une séquence filmique (plans larges, moyens, ou rapprochés). En se livrant à la problématique centrale, celle de la description dans cette œuvre, l'extrait suivant illustre de façon détaillée en une seule séquence, qui présente un ordre à effet d'entonnoir de la description du lieu, des personnages, et des objets, en allant de l'amont et du général, vers l'aval et le plus rapproché. Il projette cependant la gradation mécanique des plans en parallèle avec celles des couleurs, sur un axe strictement horizontal :

La planche ci-dessus représente une exception dans cet album, parce qu'elle réduit le récit pour accélérer le rythme des scènes descriptives, en ayant recours au plan d'ensemble par lequel il peint le décor des différents lieux d'action.

Ainsi, la description panoramique des paysages se présente-t-elle à travers tout l'album dans des cases horizontales. Et c'est à partir de cette dernière planche, point nodale de l'intrigue, que l'accroissement successif des couleurs, particulièrement chaudes et sombres, passe d'un ton à un autre avec un affaiblissement graduel de la

La gradation mécanique