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Inventer les marchés du logiciel libre

2.2 Produire et valoriser des logiciels libres

2.2.3 Inventer les marchés du logiciel libre

Avant d’étudier en quoi les logiciels libres permettent d’inventer ou, au moins, de faire évoluer des marchés en informatique, il est bon de rappeler que de nombreux contributeurs, comme IBM, SUN ou Netscape, font des offres à base de logiciels libres et contribuent à leur production pour des raisons stratégiques qui n’ont pas obligatoirement ou directement à voir avec le caractère libre des logiciels qu’ils soutiennent (même si l’on retrouve l’un des arguments de la publication sous licence libre, la création de standards ouverts, de

«normes»). En même temps, ces stratégies facilitent, permettent parfois la diffusion de ce modèle, comme l’illustre l’histoire du PC.

Les stratégies opportunistes des producteurs traditionnels, l’exemple des constructeurs informatiques.

Dréan [1996] (p. 230) note que les deux moteurs concurrentiels du secteur des progiciels sont «la rivalité entre le leader de chaque sous-secteur et ses challengers» et «l’élargissement continu du champ d’application de l’informatique, qui fait apparaître de nouveaux domaines [...] où tout nouvel entrant peut espérer avoir sa chance de devenir leader à condition d’être le premier à y entrer».

Alors, lorsqu’on veut imposer un logiciel, un langage comme un standard, il peut être bon de s’intéresser aux logiciels qui l’utilisent ou qui coopèrent avec lui. Le meilleur exemple de ce type de comportement est sans

22Concernant ce dernier point, il existe cependant une obligation propre aux organismes publics, qui est celle de l’utilisation de contrats en langue française, rendant le choix de la GPL problématique. Constatant, avec Mélanie Clément-Fontaine, que «la loi est beaucoup plus exigeante pour les personnes morales de droit public ou chargées d’un service public» et qu’il existe une réelle difficulté dans «la transcription de la GPL en langue et en droit français qui pose de véritables problèmes et notamment de vocabulaire», les participants ont insisté sur l’importance des efforts consacrés à cette traduction ou, pour le moins de la possibilité de disposer d’un modèle de licence commun à tous les organismes publics. Ce modèle permettrait de développer ces politiques de valorisation sur des bases juridiques solides et de créer une masse critique de production assurant sa reconnaissance par le milieu industriel et par les développeurs.

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2. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE DE L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE ÉCONOMIE DU LOGICIEL.

doute le travail que SUN fournit pour développer le logiciel libre Apache. Cette entreprise s’occupe de toute la partie qui concerne l’adaptation de Java à Apache. En rendant compatible le langage qu’elle a développé avec le standard du marché, elle peut espérer vendre les outils de développement Java qu’elle produit (ainsi que son expertise dans le domaine). Les producteurs sont prêts à subventionner une plate-forme pour favoriser des logiciels fonctionnant grâce à elles.

On peut estimer qu’il s’agit là de subventions croisées, où l’on subventionne un outil standard ouvert et com-plémentaire à son offre logiciel, comportement classique en informatique : Genthon [2000] souligne que, pour favoriser son standard (ou son produit), il faut, entre autre, «établir des alliances avec des co-producteurs» et

«sponsoriser les premiers utilisateurs et les premiers produits complémentaires». Plus généralement, les chal-lengers peuvent alors vouloir subventionner un standard concurrent au standard dominant. Le soutient que les constructeurs de machine apportent à Linux n’est sans doute pas étranger au succès de Microsoft et à sa position dominante dans le marché des PC. Surtout, ces entreprises qui dépendent d’un standard pour réaliser leur activité (comme SUN avec Apache ou les fabricants de PC et de logiciels avec le système d’exploitation) ont intérêt à ce que ce standard soit le plus ouvert possible, pour ne pas dépendre de la stratégie de l’entreprise qui le fournit, pour pouvoir diriger ses évolutions ou au moins s’assurer que les évolutions ne se font pas à son détriment. Ce type de processus de standardisation est un exemple typique de la situation où chaque acteur veut pousser sa solution, mais valorise plus l’existence d’un standard que le succès de sa proposition. Déve-loppons ce point, qui est très important pour la diffusion du Libre : les fabricants traditionnels reproduisent aujourd’hui les comportements qu’ils ont déjà eus dans le passé face aux innovations comme Unix ou les micro-ordinateurs : voyant qu’il existe une demande, ils cherchent à intégrer la nouvelle offre libre dans leur portefeuille d’offre, comme ils l’ont fait avec les innovations précédentes (Unix, micro-ordinateurs, etc.) C’est d’autant plus logique qu’ils ne maîtrisent pas un standard dominant et que, dans ce cas, ils ont tout intérêt à favoriser le développement d’un concurrent à ce standard dominant. Ce faisant, ils légitiment l’offre libre en la mettant au même niveau que les autres offres de système d’exploitation et facilitent sa diffusion. Cette attitude est illustrée dans notre rapport par l’interview du responsable d’IBM pour Linux en Europe francophone.

L’impact premier sera sans doute pour le marché des machines sous Unix, le deuxième marché en valeur après celui des micro-ordinateurs, mais aussi un marché morcelé, plus proche dans son organisation de l’in-formatique traditionnelle que de l’industrie des PC. Par conséquent, comme le montre Genthon [1995], cette organisation industrielle est moins efficace en ce qui concerne la production de matériel que celle du PC, à tel point que les performances matérielles sont aujourd’hui devenues aujourd’hui comparables. Les fabricants de machines Unix sont aujourd’hui en concurrence avec les fabricants de stations de travail à architecture

«Intel» qui utilisent principalement Windows 2000 comme système d’exploitation (au moins sur les marchés des petits serveurs). L’arrivée des logiciels libres sur ce marché a un double impact : d’un côté, elle crée une offre d’un Unix standard, indépendant des plates-formes et elle renforce l’attractivité des systèmes Unix (qui sont le support privilégié des logiciels d’utilisation libres, même s’ils fonctionnent aussi pour la plupart sous Windows) ; d’un autre côté, elle accentue la pression concurrentielle sur les fabricants de machines sous Unix, en conduisant à l’uniformisation de l’offre dans le système d’exploitation,et parce que GNU/Linux permet de proposer un Unix fonctionnant sur les PC. Finalement, cette diffusion ne fait que renforcer, au niveau du maté-riel, un processus déjà en cours : celui de la diffusion de la structure ouverte de l’industrie du PC à l’ensemble de l’industrie (c’est ce que Horn [2000b] a appelé «la fusion tendancielle des réseaux»23.

Autre type de producteur traditionnel qui voit son métier évoluer, sans pour autant qu’il soit vraiment remis en cause, celui des fabricants et éditeurs de composants, outils logiciels comme les logiciels de base de données ou les compilateurs.

23Voir aussi l’article de Maris Coris et Jullien [1999].

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Les fabricants-éditeurs de logiciel techniques.

Dans le secteur des logiciels techniques, lorsqu’il existe un logiciel libre, il est, le plus souvent, contrôlé par une entreprise. Elle peut être à l’origine du logiciel (comme Digital Creation avec Zope ou Matra Datavision avec Open Cascade) ou avoir été crée par des personnes intégrées dans le noyau des développeurs (comme ACT avec Ada 95, Scriptics avec TCL, Cygnus avec GCC, etc.) Ces entreprises contrôlent et garantissent l’évolution du logiciel et vendent du service d’assistance à l’utilisation de leur(s) outil(s). Pour ces entreprises, la marque est liée à la marque du logiciel. Elles cherchent souvent à être reconnues comme l’entreprise d’un logiciel.

L’importance de la stratégie «libre» s’explique : ces logiciels techniques sont les logiciels à la base de toute infrastructure informatique. Ce sont donc des logiciels qui doivent être parfaitement connus de leurs utilisa-teurs, pour pouvoir les configurer, garantir la sécurité des installations informatiques et adapter les services demandés aux besoins de ces utilisateurs ou des organisations qui les emploient. Les exigences de qualité, d’assurance-qualité, de respect des standards prennent tout leur sens. Leurs utilisateurs valorisent particulière-ment l’ouverture du code-source et leur non-appropriabilité, d’autant plus qu’ils sont aussi les mieux informés de l’existence des logiciels libres, les plus à même de les évaluer et de les adapter à leurs besoins.

C’est aussi dans ces domaines que l’utilisation de logiciels libres est la plus ancienne, notamment grâce à Internet, que les innovations venant du monde de la recherche et des utilisateurs sont les plus nombreuses, innovations favorables à la diffusion du modèle Libre. Finalement, c’est souvent pour ces logiciels que les producteurs ont le plus intérêt à choisir une stratégie libre : les marchés sont des marchés de service (ce sont des outils qu’il faut adapter aux besoins spécifiques des organisations), les utilisateurs sont capables d’évaluer la qualité technique des développements proposés par les producteurs et de proposer leurs propres contribu-tions. C’est surtout vrai lorsqu’il existe une offre propriétaire, dominante, la diffusion en Libre permettant plus facilement aux utilisateurs d’essayer cette alternative.

Mais le métier reste assez proche de celui des constructeurs d’outils-logiciels propriétaires, comme Oracle ou Ilog : toutes ces entreprises vendent du support, le plus souvent au forfait, ou de l’adaptation de compo-sants aux utilisateurs finaux ou à d’autres producteurs de technologies d’utilisation. Plus qu’une révolution, l’évolution vers le Libre ne fait qu’accompagner l’évolution vers la production de composants, qui augmente le besoin de certificat de qualité et surtout la garantie d’interfaces normalisées, bref de services de «mise à disposition de capacités techniques entretenues», pour reprendre la classification de Gadray [1998].

Pratiquement, ces «producteurs de composants» doivent relever un défi commercial défi souligné par Pierre Bruno, le directeur général d’Open Cascade24 : il s’agit de définir des offres de service qui permettent de transformer une partie importante des utilisateurs de ces logiciels en clients. La spécificité de ces entreprises, par rapport aux constructeurs, aux éditeurs de logiciel ou aux entreprises de service que nous abordons dans les paragraphes suivants, étant qu’elles supportent la très grande partie des coûts de maintenance et surtout de développement des logiciels libres sur lesquels ils basent leur offre. Il s’agit alors de transformer un inconvé-nient (des investissements importants) en avantage commercial, soit en proposant des versions «officielles», certifiées25, soit en instaurant des stratégies de doubles licences, c’est-à-dire en vendant la version la plus récente sous une licence propriétaire et en libérant l’ancienne afin de faire connaître le produit.

Reste qu’une entreprise comme ACT Europe, qui contrôle le compilateur Ada 95 GNAT et dont Aymeric Poulain-Maubant propose une monographie, est rentable parce qu’elle réussit à vendre la certification de son logiciel et surtout de l’assistance au développement, mais aussi parce qu’elle n’a pas eu à supporter les coûts initiaux de développement de son logiciel. à la décharge de cette entreprise (ou plutôt de son modèle économique), il faut aussi noter que ce client a financé ce développement (et la protection par la GPL) car il estimait que c’était le meilleur système pour lui garantir un produit de qualité et une indépendance vis-à-vis de son producteur. D’autre part, il est courant que le développement de logiciels propriétaires soit initié par

24François Horn présente cette entreprise dans son exposé.

25Ce qui veut dire souvent des garanties sur la stabilité, sur les délais de réponse lorsqu’un problème survient, etc.

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2. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE DE L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE ÉCONOMIE DU LOGICIEL.

des recherches publiques26. Il n’est alors pas surprenant que les stratégies qui supposent de faire supporter par le service l’ensemble des coûts de développement, plus coûteuses, illustrées par le cas d’Open Cascade (développé par François Horn), ont un retour sur investissement plus incertain, car plus long (mais c’est alors aussi le cas avec un système de licence). Mais même dans ce cas le plus défavorable, nous devons reconnaître que ce modèle économique nous semble plus cohérent et plus solide que celui des éditeurs, et notamment des éditeurs de distributions de Linux, dont l’avantage concurrentiel et la part de valeur ajoutée contrôlée semblent menacés, aussi bien par les constructeurs informatiques que par les entreprises de service.

Les «éditeurs de distributions».

Ces entreprises, Mandrakesoft, SuSE ou RedHat, se différencient des précédentes par le fait de se spécia-liser dans l’assemblage de multiples logiciels, autour d’un système d’exploitation, se plaçant ainsi entre les constructeurs de machines et les constructeurs de logiciels fonctionnels. éléments sans doute fondamentaux de la diffusion de GNU/Linux et donc du phénomène libre, les producteurs de distribution semblent aussi toujours à la recherche d’un modèle pérenne.

L’exemple de Mandrakesoft en France, détaillé par Aymeric Poulain-Maubant, qui fait écho à ceux de RedHat aux états-Unis ou de Suse en Allemagne, montre qu’il n’est pas rentable, aujourd’hui, de produire et de distri-buer, par les canaux habituels (librairies, revendeurs informatique), des distributions standards de GNU/Linux.

La limite de ce positionnement réside dans le fait que, comme ces distributeurs s’appuient sur des produits libres, leurs produits peuvent être concurrencés, distribués par d’autres producteurs. Ils ne constituent pas une source de revenu mais simplement un produit d’appel pour les services de maintenance. Car, comme c’est le cas pour les éditeurs traditionnels comme Microsoft, la construction d’une marque de distribution, signal de la qualité des produits, est importante : c’est elle qui va leur permettre d’atteindre une partie leur public, celui des utilisateurs naïfs ou au moins non-experts, qui ne disposent, pour évaluer la qualité des offres, que de ce signal en plus de l’information que donne le prix. à partir du moment où elles auront conquis un public important, elles espèrent pouvoir développer des ressources en lui proposant des services à valeur ajoutée, augmentant ainsi leur «ARPU27». à cause des effets de standardisation, ces offres seront vraisemblablement limitées à quelques distributions principales, même s’il est envisageable qu’elles soient déclinées localement par plusieurs éditeurs/distributeurs.

Deux stratégies économiques émergent : soit elles spécialisent leurs distributions (RedHat et dans une moindre mesure Mandrakesoft), soit elles développent des offres de services standards, plus orientées vers le grand public (idée de clubs d’utilisateurs chez Mandrakesoft, où, contre une adhésion annuelle, sont acces-sibles différents services en ligne et certains logiciels). Il s’agit, dans le second cas, de standardiser, d’indus-trialiser le métier de constructeur d’architecture, qui comprend une forte dimension d’assurance, de garantie d’après-vente, en proposant des assemblages standards de logiciel et des services standards d’assistance.

L’orientation vers les services à façon a comme conséquence de placer des éditeurs en concurrence avec les entreprises de services, que nous abordons ci-après, en s’inspirant fortement du modèle des fabricants de composant, supposant implicitement qu’il y a un avantage concurrentiel, en terme de compétences maîtrisées, à développer une distribution. Et il n’est pas sûr que le fait de proposer, comme base de son service, une suite de logiciels que l’on contrôle, soit dans ce cas, un avantage. En effet, les clients peuvent craindre d’être dépendant de l’éditeur de la distribution pour les développements futurs, car il existe un risque que, pour augmenter leurs marges, ces producteurs proposent des améliorations non parfaitement compatibles, afin de différencier leur offre, mais aussi de rendre plus captifs leurs clients. Cependant, l’ouverture des logiciels devrait permettre de garantir une compatibilité suffisante entre les versions, faisant ressembler la concurrence à une concurrence entre producteurs de biens compatibles, donc permettant la survie de plusieurs offres (surtout

26Pour l’exemple, Internet, ou, plus récemment, Unix BSD, repris par Apple avec MacOS X et par Microsoft pour construire certains éléments des Windows.

27«Average Revenu Per User», terme utilisé principalement dans les télécommunications, qui permet d’évaluer la rentabilité d’une entreprise en se basant sur les revenus moyens générés par un utilisateur.

2.2. PRODUIRE ET VALORISER DES LOGICIELS LIBRES. 23

que les principaux «éditeurs» s’impliquent dans des instances de normalisation, comme le «Free Standard Group»28). Celle vers les clubs d’utilisateurs n’a pas, pour l’instant, permis à Mandrakesoft de dégager des profits, même si la jeunesse de l’initiative (moins de six mois) n’autorise certainement pas de conclure sur sa pertinence. Finalement, les rapprochements de SuSE et d’IBM, ou de Mandrakesoft et de Sun (via la diffusion de Star Office), montrent que les constructeurs informatiques commencent à investir ce domaine, qu’ils connaissent déjà étant distributeurs de versions d’Unix, afin de développer la composante service de leurs revenus. Cela risque de réduire d’autant l’espace disponible pour un éditeur indépendant.

Considérant la tradition européenne du service, considérant aussi les caractéristiques du Libre, il n’est pas étonnant de constater que la majorité des entreprises dont comme stratégie de se concentrer sur des services basés sur les logiciels libres29. Proposent-elles un nouveau modèle, quelle est leur spécificité vis-à-vis des entreprises de service classiques, les SSII ?

Les sociétés de service en logiciels libres.

Ces «SSLL30» se positionnent sur des marchés d’expertise où il s’agit de développer, à la place du client, des solutions individualisées et de maintenir ces solutions. On est proche de ce que Gadray [1998] appelle la

«mise à disposition de capacités humaines», en ce sens que ce qui fait la particularité de ces entreprises est qu’elles regroupent en leur sein une équipe de spécialistes de différents logiciels. Leur renommée se construit parmi les utilisateurs développeurs, designers ou sophistiqués, en même temps que leur expertise par des contributions diverses à de nombreux logiciels. Les logiciels libres sont utilisés parce qu’ils permettent de créer une solution plus souple, indépendante des éditeurs et des constructeurs et une relation de service plus équilibrée, à plus long terme31.

Elles doivent intégrer deux impératifs, contradictoires : il faut être capable de comprendre des besoins qui s’expriment en terme de métier, ce qui signifie pouvoir s’appuyer sur des bibliothèques de fonctionnalités, donc de logiciels, tout en ayant une expertise sur certains logiciels, seule capable de créer une valeur ajoutée à l’utilisation de logiciels libres.

Résoudre ce dilemme peut se faire de trois manières : soit les entreprises du Libre se concentrent, afin de conjuguer expertise et pluralité sous une même structure, soit elles réussissent à constituer des regroupements de spécialistes de technologies-logiciels, soit elles deviennent des sous-traitants des SSII classiques.

Cette dernière éventualité est évidemment la moins favorable pour les sociétés de services autour des lo-giciels libres : elles risquent d’être intégrées verticalement, ou au moins d’être en situation de dépendance vis-à-vis de ces dernières, dans un schéma qui ne serait pas sans rappeler celui de la construction, avec des

«Bouygues» du service informatique faisant travailler une myriade de petites entreprises plus ou moins spé-cialisées.

Mais si les deux premières alternatives offrent plus de perspectives, elles ne sont pas non plus sans poser de problème.

Dans le premier cas, il y a un risque de perdre ce qui est apparu comme une des spécificités des SSLL, la gestion des ressources humaines : les employés de ces sociétés bénéficient d’une grande autonomie dans leur travail, il est considéré comme normal qu’ils aient du temps pour contribuer à des projets libres et le recrutement par cooptation, lorsqu’il s’agit de personnes avec qui on a l’habitude de travailler sur ces mêmes

28http://www.freestandards.org/news.php?id=35

29La présentation de Marie Coris s’intéresse à ces entreprises.

30Ce terme SSLL, s’il a connu un certain succès (lors de la première réunion, il était revendiqué par ces entreprises comme signe distinctif), semble, au dire des participants, avoir perdu de sa clarté, sans doute parce qu’il est devenu une marque déposée par l’une d’entre elles. Nous le conservons cependant, car il est aujourd’hui couramment utilisé, notamment dans la presse informatique, pour désigner ces entreprises.

31Un des points qui ressort du traitement des données de notre enquête (analyse de donnée) est qu’une des caractéristiques des SSLL est qu’elles privilégient la distribution GNU/Linux Debian pour construire leurs offres de service. C’est la seule distribution majeure qui n’est pas contrôlée par une entreprise

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2. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE DE L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE ÉCONOMIE DU LOGICIEL.

projets libres, est très courant32. La concentration des entreprises, augmentant leur taille, risque de rendre plus difficile cette gestion «familiale», où la collaboration se fait de façon largement informelle et où les frontières entre travail et activité personnelle ne sont pas toujours clairement établies. Enfin, ces entreprises risquent de se heurter aux «éditeurs» de distributions, voir même aux constructeurs de machines, dont le métier semble justement s’orienter vers l’assemblage de logiciels dans une distribution déclinée suivant les besoins des clients.

Dans le deuxième, se posent évidemment les problèmes de la coordination entre spécialistes de logiciels, de la localisation des compétences de traduction de besoins fonctionnels en terme de solution logiciel et de la gestion de la construction des ces solutions. Enfin, la spécialisation autour d’un logiciel n’est efficace si cela crée une valeur ajoutée, si l’on est capable de la vendre. L’exemple des «producteurs de composants», tels Open Cascade ou ACT montre que ce modèle n’est pas non plus stabilisé.