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Funktion: Autorin des Sachbuches Datum: 3. Juli 2019

Ort: Genf, per Skype (Seite 1)

Comment en es-tu arrivée à rédiger ce livre ?

— Ça faisait un petit bout de temps que le CETIM avait pensé à écrire un livre sur la

Déclaration. Et quand les négociations sont entrées dans la dernière année, le CETIM m’avait sous la main et on m’a demandé de rédiger ce livre.

Quelles sont les objectifs du livre ?

— Ce qui est un peu compliqué avec ce livre, c’est qu’il y a énormément d’objectifs différents et multiples. Ça n’était pas facile pour moi au début. Surtout faire la part des choses concernant les différents objectifs donnés par les différents membres du CETIM. Pas tout le monde avait la même vision du livre. Ça naviguait entre l’idée de seulement expliquer la Déclaration pour la vulgariser et la démocratiser et l’idée de mettre en avant tout

l’historique de la Déclaration et la collaboration du CETIM avec La Vía Campesina.

Quel public était ciblé par ce livre ? Quel type de personne avais-tu en tête pendant la rédaction ? Et quelles étaient les consignes du CETIM pour l’écriture ?

— Concernant le public, le but était vraiment que ce soit axé très grand public et que ça soit lisible par les paysans tout simplement et par toutes les autres personnes intéressées (étudiants en droit, responsables associatifs, bénévoles, consommateurs intéressés, syndicats, etc.). Bref, un public très, très large. Comme public cible j’avais souvent en tête des amis à moi, et je me suis demandé s’ils comprenaient ou pas, si le texte leur parlait ou pas. Donc au niveau écriture, il fallait vraiment faire quelque chose qui n’est pas technique du tout. Il ne fallait pas que ça soit un commentaire juridique. Pour moi c’était un exercice assez difficile comme j’avais jusqu’à ce moment-là surtout écrit mon mémoire en droit. Au niveau style, il y avait beaucoup de corrections, car on m’avait sorti de ma zone de confort qu’est l’écriture assez technique du droit. Là, il fallait écrire quelque chose qui s’adresse au grand public. Il y avait Melik Özden, le directeur du CETIM, qui m’avait beaucoup aidé pour le contenu et puis Florian Rochat du comité du CETIM qui avait fait tout le travail d’édition, de style, la forme, etc. Et puis il y avait aussi Marie-France Martinez, la responsable de la communication du CETIM, qui avait insisté sur le fait que ce livre doit être facile à lire et qu’il ne fallait pas faire des phrases compliquées sans utiliser des termes trop philosophiques et politiques. La contrainte était d’être simple avec une écriture très lisible, basique et facile d’accès. Donc il y avait énormément de relecture et donc aussi de réécriture derrière moi.

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— Honnêtement je n’avais aucune stratégie établie et consciente, à part d’employer des phrases courtes. Donc la consigne était, pour être simple et efficace, de couper les phrases. Sinon, j’ai beaucoup écrit à l’instinct. Quand j’ai commencé à écrire, les

négociations sur la Déclaration n’étaient pas finies, donc j’ai commencé avec la première partie, disons en janvier-février 2018. J’ai commencé avec l’introduction pour poser un peu le style. Mais cette introduction n’a pas été retenue finalement. Ensuite, j’ai écrit d’une façon quasi chronologique la première partie. Une autre consigne, voire une stratégie, c’était quand même d’utiliser des termes qui sont utilisés dans ce milieu-là, donc dans le monde onusien, mais de les expliquer ensuite. Un des buts du livre était aussi de montrer que le monde onusien, particulièrement le Conseil des Droits de l’Homme, est un endroit dont les populations et les individus peuvent se saisir et que ça n’a pas la vocation de n’être qu’un lieu d’expert. Donc l’intention était aussi de déconstruire ce monde onusien.

La première partie est à la fois très chronologique et en même temps il fallait dans la chronologie mettre en avant les stratégies utilisées pour que les lecteurs puissent s’inspirer pour se dire que c’est possible de mettre ces droits en place, en application. Cette partie était plus un travail journalistique.

La deuxième partie avec son contenu et son analyse juridique était plus facile à écrire pour moi. Autant, j’ai lutté pour la première partie, la deuxième allait beaucoup mieux. Pour moi c’était plus un exercice d’explication, un domaine sur lequel j’ai travaillé depuis longtemps. Il fallait donc simplifier et vulgariser, c’est-à-dire mettre des mots simples sur les concepts juridiques. Une chose que j’avais déjà faite plusieurs fois à l’oral. Donc j’ai veillé à mettre des mots simples sur ces concepts. Une fois les dernières négociations passées, c’était en avril 2018, j’ai commencé à écrire la deuxième partie en m’appuyant sur le texte et en espérant qu’il n’allait pas changer trop par la suite. Le travail de vulgarisation, je l’ai fait plutôt à l’instinct. Par contre, il y avait déjà des organisations comme le FIAN qui avait déjà vulgarisé la Déclaration à travers des fiches explicatives sur les droits et moi je me suis inspirée de ces écrits et appuyée sur ceux-ci. En plus, il y avait déjà une analyse juridique qui était faite. La Vía Campesina avait également sorti en 2017 un manuel populaire sur la Déclaration dont je me suis imprégnée d’une certaine façon. C’est un tout autre langage, très oral, mais donc pas vraiment ce qu’on a recherché pour le livre. Dans cette deuxième partie, il fallait trouver le style ONG d’une certaine façon. C’est un style bien particulier que je ne maîtrise pas encore. Mais c’est cet entre-deux : à la fois on s’adressait à un public large composé par des personnes de plein d’horizons différents et en même temps il ne fallait pas écrire un traité ou un récit juridique.

Avais-tu une structure en tête concernant la rédaction des différents articles et leur vulgarisation ?

— Je savais comment j’ai envie de construire ma pensée, comment la dérouler, dans ce sens oui. Mais tu n’as vraiment pas de chance, car quand je relis des passages, je butte souvent à des endroits et je me dis que j’ai mal écrit. Bon, ce n’est pas mon fort en tout cas.

Y avait-il une ligne directrice concernant la terminologie ou le vocabulaire à employer dans la deuxième partie (par exemple : éviter trop de mots étrangers ou juridiques, utiliser des synonymes, etc.) ?

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— Il n’y avait pas de consignes extrêmement spécifiques. C’était juste : « Tu n’écris pas un mémoire, tu n’écris ni pour des professeurs de droit ni pour des juristes. » Après j’avais une certaine latitude, le CETIM n’était pas derrière moi quand j’écrivais. Et donc j’ai pu vraiment décider quel terme juridique j’avais envie d’employer et d’expliquer.

La partie sur la portée, je voulais vraiment la faire, car ça me semblait important. C’est une critique et des questions (comme par exemple, « Qu’est-ce que c’est une convention, une déclaration », etc.) qui reviennent constamment. Le directeur du CETIM m’a appelé à faire vraiment attention à la présentation de la portée de la déclaration, car il ne fallait pas que le lecteur pense qu’une Déclaration soit plus faible qu’une Convention. Il fallait décrire la réalité juridique de la différence entre une Déclaration et une Convention, mais sans pour autant que ça porte préjudice à cette Déclaration et à la motivation des gens pour s’en saisir.

Il ne fallait pas qu’à la fin de la lecture de la partie sur la Déclaration les gens se disent : « Ce n’est qu’une Déclaration, ça ne sert à rien et une Convention, c’est la seule chose qui

marche. » On m’a fait réécrire une phrase en disant « Attention, la technique et le juridique c’est bien, mais ça reste au service de l’intention générale du livre qui est que les gens se saisissent de la Déclaration et aient envie de la défendre et de l’utiliser », etc. Donc le but c’était de présenter le contenu technique pour qu’il soit, un, compréhensible et, deux, qu’il inspire d’une certaine façon et qu’il donne envie aux lecteurs d’en faire quelque chose, de s’en emparer, de faire « leur » Déclaration. D’ailleurs, je critique très peu la Déclaration, pourtant il y a des choses qui ne vont pas, des passages de certaines articles qui ne sont pas parfaits, etc. C’était un peu passé sous silence, on va dire.

Pourquoi avez-vous choisi souvent la perspective de la première personne singulier (on) ou pluriel (nous) ? Quelle est votre intention derrière ce choix ?

— Pour la deuxième partie, j’ai plus pris ma place d’auteure, de l’analyste juridique, tandis que dans la première partie, j’ai été beaucoup plus en retrait. J’étais consciente de tout ça, mais je n’ai pas posé d’abord une stratégie, j’ai fait plus à l’instinct, je n’avais pas de

stratégie concrète. Je suis rentrée dans la deuxième partie à travers l’article de l’accès à la terre en disant « On peut reprendre les mots du Manuel populaire... ». C’était plus ou moins conscient de ma part, de me dire : « Je prends la place d’une personne qui va vous expliquer quelque chose. » Dans cette partie, j’avais plus de marge de manœuvre d’une certaine façon. J’avais le contenu brut de la Déclaration et c’était à moi de faire en sorte qu’elle devienne compréhensible. Même si je me suis appuyée sur des analyses déjà existantes, le texte comme il se présente dans la deuxième partie, c’est ma propre analyse, même si j’ai été relue plusieurs fois. Dans la première partie par contre, le but était vraiment de rendre compte de l’histoire, des faits, des stratégies, etc., donc de la pure description d’une certaine façon.

Par rapport aux choix des verbes : devoir, falloir, pouvoir, ce sont trois différents niveaux d’exigence, ensuite « La déclaration permet, encourage, insiste, prévoit, etc. »

Que peux-tu dire sur ces choix de termes?

— Il y a des phrases très militantes dans la deuxième partie (par exemple sur la page 107 :

‘Les États peuvent et doivent intervenir pour que la redistribution soit juste’), car finalement

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on prenait la Déclaration au pied de la lettre, les États devraient intervenir. Mais ce passage-là (sur l’accès à la terre) est assez militant. C’est le point extrêmement critique, qui est la réforme agraire, c’est le nerf de la guerre de toute la Déclaration. En plus, il y a des passages quasiment performatifs comme par exemple : « Mais là où le droit entretient les

déséquilibres, il doit être modifié ». Le droit, c’est très étrange, c’est quelque chose d’écrit et qui va avoir des résultats dans la réalité. Et donc ce passage, cette écriture, c’est à la fois décrire ce qu’il y a dans la Déclaration, mais aussi donner l’impression au lecteur que c’est absolument obligatoire, pour qu’il le considère comme obligatoire et qu’il agisse en fonction de ça. De ce point de vue il y a clairement un côté appellatif au lecteur. Moi je lui propose une interprétation et cette interprétation est de dire que la Déclaration est obligatoire et qu’il faut s’en saisir. Je dis clairement que ces droits doivent avoir un effet dans la réalité.

C’est ce côté performatif du droit, de dire quelque chose qui va avoir un effet dans la réalité.

Et le but, c’est de faire ressortir ça pour le lecteur, pour que lui ait cette impression d’avoir ce pouvoir du droit. Tout c’était très inconscient de ma part. C’est une analyse juridique, mais aussi une analyse militante. Il ne faut pas se voiler la face par rapport à ça.

Quelles lignes directrices avais-tu sur la structure du texte ? Quels éléments as-tu employés (exemples : par exemple, introduction) ?

— Avant de commencer à écrire, je faisais vraiment un travail d’analyse de chaque article pour savoir quels sont les points à faire ressortir. Car quand tu lis un article, le but est de faire ressortir la lecture conjointe de plusieurs paragraphes, un fil rouge, et de ne pas décrire paragraphe par paragraphe. Donc je n’ai pas toujours suivi l’ordre des articles. Il fallait trouver les lignes de fond, synthétiser les fondements. Par exemple pour la terre, c’est d’abord l’accès et puis la sécurisation qui comptent.

Y avait-il d’autres critères ou aspects que tu as pris en considération pendant la rédaction ?

— Si la déclaration n’est pas appliquée, le texte ne sert à rien. C’est pour ça de mon point de vue que le livre a une certaine ambiguïté. Le livre n’est pas neutre du tout. Il est publié par une organisation qui a pris part dans la négociation et qui a soutenu le projet de La Vía Campesina. Après, en ce qui concerne l’analyse juridique : je ne pense pas qu’il existe des juristes neutres, mais j’ai essayé de maintenir mon analyse juridique aussi neutre que possible. Et même si cette analyse juridique est mise au service d’une cause et écrite pour susciter l’engagement, etc., elle ne reste pas moins correcte. La consigne était de faire une analyse juridique qui soit dans le vrai et qui soit sincère et de la mettre au service de notre but de la deuxième partie du livre, qui est de susciter de l’engagement pour cette

déclaration. Pour la première partie le but était de faire un récit du processus et également de susciter de l’engagement.

Anhang VI: Interview Florian Rochat