3. Stratégies des acteurs
3.8. Les infomédiaires du voyage
3.8.2. Les infomédiaires et la mobilité
Principaux enjeux liés à l’évolution du secteur
Pour les géants du net, l’enjeu principal d’une utilisation de leurs services par des voyageurs et des professionnels du tourisme est précisément l’accès en situation de mobilité. Par conséquent, Google, Facebook, Mappy, et dans une moindre mesure Yahoo, cherchent à décliner leurs services sur smartphones et tablettes afin de proposer aux utilisateurs une expérience optimisée.
Google et le tourisme
Alors que les autres moteurs de recherche concurrents de Google (Yahoo !, Bing) ont une stratégie e-tourisme centrée sur une seule et unique plate-forme agrégeant de nombreuses fonctionnalités, Google Travel développe des outils spécifiques pour chaque besoin du cycle du voyageur - Rêver, Rechercher, Réserver, Vivre une expérience et Partager, créant ainsi un réseau de services interfacés proposés dans une quinzaine de sites et d’applications :
- Google Places indexe non pas des pages web mais des lieux réels, auxquels seront progressivement associées l’ensemble des informations relatives à ces lieux : catégories d’établissement, horaires d’ouverture des boutiques, menus des restaurants… , ainsi que les opinions laissées par les voyageurs sur Google Places, mais aussi Tripadvisor, Qype, Hotels.com…
- Google Flight : suite au rachat d’ITA Software, Google a mis en place une plate-forme de recherche de vols simple avec une présentation graphique liée à Google Maps. Ce service n’est pour l’instant disponible que sur les États-Unis et, étonnamment pas en version mobile. Mais il laisse présager des développements sur d’autres pays et d’autres types de prestations, voire l’ajout d’une brique de réservation ;
- Google Hotel Finder : un comparateur d’hôtels connecté aux sites de réservation en ligne ;
- Google City Pages, un guide de visites qui référence hébergements, restaurants et lieux de visite avec avis d’utilisateurs. Cette offre ne couvre actuellement que 6 villes aux États-Unis ;
- Google Art Project, une présentation de 11 grands musées avec des vues panoramiques des œuvres et des salles et la possibilité de zoomer avec un grand niveau de détail ;
- Etc.
Recensement des sites et applications mobiles
Un recensement à grande échelle des sites et applications mobiles lancés par les infomédiaires serait délicat à effectuer car le champ des acteurs est très ouvert, couvrant aussi bien des offreurs d’envergure internationale que des éditeurs locaux. On peut relever que :
- la plupart des guides touristiques (Routard, Gallimard, Hachette, Petit futé, Lonely Planet, Michelin…) ont une présence par des sites ou applications mobiles, qui ne couvrent cependant pas l’ensemble de leur collection ;
- les comparateurs et sites d’avis spécialisés sur le tourisme sont en revanche peu présents sur ces médias, si l’on excepte les majors tels que TripAdvisor, Holidaycheck, Easyvoyage ou Jetcost ;
- les spécialistes de la recherche locale, de même que les sites de réseaux sociaux sont très présents sur le mobile.
Concernant les caractéristiques des sites et applications :
- en dehors des éditeurs de guides, toutes les applications mobiles sont gratuites.
Il s’agit au minimum pour les éditeurs de guides de voyages d’applications
« vitrines », aiguillant vers un service payant ;
- les applications payantes sont précisément l’apanage des éditeurs de guides de voyages ;
- les éditeurs d’applications sont tous présents sur l’iPhone, et le déploiement sur les autres plates-formes dépend des moyens disponibles ;
- le développement de sites Internet mobiles optimisés est systématique chez les spécialistes du tourisme, alors qu’il est occasionnel pour les géants du net.
Tableau 17 : Présence Internet mobile des infomédiaires
Acteurs
Applications gratuites
Applications payantes
Plate-forme mobile prioritaire
Site Internet mobile
Éditeurs de guides
Applications vitrines,
services à faible valeur ajoutée
Déclinaison d'applications par destination ou par fonction (guides de
conversation) Apple Store Non Acteurs de la
recommandation
locale Systématique Non
Non,
recherche de l'ubiquité
Oui, quitte à proposer les fonctionnalités basiques
Spécialistes du
tourisme Systématique
Non, des versions pros peuvent éventuellement être payantes
Non,
recherche de
l'ubiquité Systématique
Géants du net Systématique
Non, à l'exception d'une application GPS de Mappy
Non,
recherche de
l'ubiquité Variable
Source : IDATE
Les fonctionnalités clés et les contenus d’information
Il apparaît pertinent de distinguer ici la situation des éditeurs de guides de celle des autres infomédiaires.
Chez les éditeurs de guides
Une première analyse de l’offre de guides sur mobiles permet de rendre compte de leur logique de fonctionnement, qui se déploie à deux niveaux :
La transposition dans l’univers mobile des savoir-faire traditionnels En témoignent les fonctionnalités suivantes :
- informations pratiques (formalités administratives, décalage horaire, réseau électrique, système bancaire, communications, etc.) ;
- informations historiques et culturelles ;
- liste des incontournables touristiques et suggestions de visites ; - plans du territoire (à différentes échelles) ;
- plans des réseaux de transport en commun ;
- conseils d’hébergement (avec informations d’emplacement et de contact) ;
- conseils de restaurants, bars, pubs, discothèques (avec informations d’emplacement et de contact).
Les éditeurs pure players, et à leur suite les éditeurs issus du monde de l’édition papier, ont enrichi les produits basiques pour ne pas proposer aux touristes un simple PDF « copié collé » de la version imprimée. A minima, les éditeurs conçoivent désormais des guides structurés dans une optique de lecture numérique sur un terminal mobile. Le premier niveau consiste alors à enrichir les guides en apportant une couche multimédia au contenu texte issu du guide imprimé.
Des fonctionnalités tirant parti du contexte de mobilité
D’autre part, les éditeurs tentent de réinventer leur offre pour tirer profit des fonctionnalités propres au mobile et ainsi créer de la valeur, justifiant ainsi une contribution directe du touriste.
Certaines applications des Guides Michelin, (Guides Verts et Guides Verts Week-End) illustrent la réorganisation des guides pour une lecture sur mobile :
- des liens internes ; une zone « flashée » est cliquable et amène directement à la page pertinente ou encore une fonctionnalité « retour sommaire » est insérée sur chaque page du guide ;
- des liens externes permettant de se rendre sur un site Internet tiers ; une fenêtre s’ouvre qui charge le navigateur web sans sortir de l’application ;
- la lecture de vidéos hébergées aussi bien sur une plate-forme telle que YouTube, Dailymotion, Kewego, Brightcove ou sur un serveur dédié ;
- la lecture de sons comme des MP3 embarqués dans l’application ou via un lien externe ;
- un éditeur de diaporama mis en ligne par le prestataire technique permettant à l’éditeur de générer des défilés d’images ;
- une fonctionnalité déclenchant l’appel téléphonique (sans besoin de numéroter) d’un site touristique, hôtel, restaurant ou magasin signalé dans le guide.
D’autres éditeurs mettent en avant les fonctionnalités d’orientation (localisation, déplacement) tout en soulignant le fait que l’utilisateur n’a pas besoin d’être connecté à Internet au moment de l’usage, les cartes étant téléchargées avec l’application au moment de l’achat.
Les principales fonctionnalités d’orientation sont les suivantes :
- « Vous êtes ici ». La position de l’utilisateur de l’application s’affiche sur une carte stockée localement ;
- l’affichage d’une liste de points d’intérêt à proximité. Certaines applications comme celles de Tripwolf, mtrip ou encore des applications du catalogue Guide du Routard proposent la réalité augmentée pour l’affichage des résultats (pas de connexion Internet requise) ;
- l’indication de l’itinéraire à suivre pour se rendre d’un point A à un point B.
L’utilisation des fonctions d’orientation lors du séjour n’entraîne donc pas de frais de roaming sauf si l’utilisateur se connecte sciemment pour télécharger une mise à jour de l’application (pour les guides ayant recours aux contenus UGC – User Generated Content) ou pour poster lui-même des contenus (notes, critiques, photos). Au moment du téléchargement de l’application, Tripwolf laisse par exemple trois choix à l’acheteur : télécharger uniquement le texte, télécharger le texte et les cartes ou encore télécharger le texte, les cartes et les photos.
Enfin, les pure players peuvent ajouter à leurs contenus propres ceux générés par les utilisateurs, c’est le parti pris par Tripwolf. Le pure player permet aux acheteurs de donner une note aux points d’intérêt touristique ainsi qu’aux commerces et d’écrire des commentaires. Un utilisateur peut d’ailleurs ajouter au guide un endroit non encore répertorié. En outre, Tripwolf encourage ses clients à documenter leur séjour en prenant des photos qu’ils pourront ensuite éventuellement partager avec la communauté s’ils créent un compte Tripwolf sur le site Internet de l’éditeur.
Figure 29 : Communication du Guide du Routard sur l’utilisation hors ligne de la géolocalisation
-
Source : Guideduroutard.com
Chez les autres infomédiaires
À la différence des éditeurs de guides, les infomédiaires ne partent pas de la case papier pour atteindre le mobile, mais du web fixe. C’est donc par comparaison avec cet univers qu’il convient d’évaluer les fonctionnalités offertes sur le mobile :
Tableau 18 : Spécificités des fonctionnalités proposées sur le mobile par les infomédiaires Spécificité du mobile
Comparaison Pas de spécificité
Recherche locale Affichage en fonction de la proximité Orientation Itinéraire depuis la position de l’utilisateur
Fonctions sociales Signalisation de sa présence sur un lieu (check in) Localisation de ses amis
Personnalisation Prise en compte des paramètres enregistrés sur le mobile
In fine, les fonctionnalités proposées sur le mobile sont très proches de celles proposées sur le web fixe, la différence majeure tenant à la géolocalisation.
Du point de vue des professionnels du tourisme, nombre d’infomédiaires offrent des outils de marketing direct pour contacter directement les utilisateurs de mobiles. Le référencement sponsorisé ou encore la mise en avant d’offres promotionnelles par des commerces à proximité de l’utilisateur (Toptable, Google Latitude, Foursquare) constituent les principaux leviers marketing pour les professionnels.
Enfin, Facebook, qui compte plus de 500 millions de membres, représente une interface stratégique entre un public de touristes potentiels, les infomédiaires et les professionnels du secteur. Les interactions entre ces différents types d’acteurs s’y réalisent notamment par le biais d’innombrables applications.
Tableau 19 : Exemples d’applications Facebook sur le tourisme
Application Editeur Description
Cities I've
visited TripAdvisor
Carte interactive affichant les villes visitées par un utilisateur, finalité de partage d'expériences avec les autres contacts
TripWow TripAdvisor
Outil de création de diaporamas avec des effets multimédias
Bing Travel
Wish List Microsoft
Liste d'endroits à visiter, ouverte aux recommandations d'amis et en lien avec le comparateur Bing Travel Bonvoy Bonvoy Inc Aide à la planification de voyages de groupe TripIT TripIT
Partage des plans de voyages avec son réseau de contacts, suggestions et rencontre de gens sur place
Gtrot
Get Out Of Cambridge Inc
Repérer « qui est allé où » dans son réseau de
contacts, trouver les bons plans touristiques du moment et identifier les amis à proximité
Holiday Match
Maker Halifax
Utilise les informations du profil pour proposer des séjours censés correspondre aux goûts de l'utilisateur
Source : IDATE