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Influence des corr´elations sur la distribution des valeurs singuli`eres

II.4 R´egime de diffusion multiple

II.4.4 Influence des corr´elations sur la distribution des valeurs singuli`eres

Comme on l’a mis en ´evidence au§II.4.2, les corr´elations qui peuvent exister entre voies voi- sines (Fig.II.5) ont une influence importante sur la distribution des valeurs singuli`eres (Fig.II.4). Nous allons donc examiner maintenant les origines et cons´equences de ces corr´elations. Nous allons montrer que le spectre des valeurs singuli`eres peut ´egalement ˆetre pr´edit dans ce cas, en

nous fondant sur les travaux th´eoriques de Sengupta et Mitra [80]. Les r´esultats exp´erimentaux sont compar´es aux pr´edictions th´eoriques ainsi qu’aux r´esultats d’une simulation num´erique. Enfin, l’effet de la sym´etrie de ˜K est ´egalement abord´e. Elle constitue un autre ´ecart par rap- port `a l’hypoth`ese d’ind´ependance des coefficients de la matrice. Son effet sur la distribution des valeurs singuli`eres sera estim´e num´eriquement. On montrera ´egalement qu’il d´ecroˆıt avec la dimension N de la matrice K.

Origine des corr´elations entre voies voisines

Comme on peut le voir sur la figure II.5, la matrice ˜K(T, f ) pr´esente des corr´elations importantes entre voies adjacentes. Deux ph´enom`enes sont `a l’origine de ces corr´elations. Premi`erement, il existe un couplage m´ecanique partiel entre capteurs voisins. Deuxi`emement, l’onde enregistr´ee par le r´eseau provient de la radiation d’une source incoh´erente de largeur W (le halo diffusif dans le milieu diffusant) observ´ee `a une distance a. Le th´eor`eme de Van Cittert- Zernike [21, 49, 50] indique que la longueur de coh´erence typique de l’onde ´evolue en λa/W (autrement dit, l’onde provenant d’une source incoh´erente de taille W finie voit sa longueur de coh´erence augmenter au cours de sa propagation). Ces deux effets induisent une corr´elation courte port´ee des signaux mesur´es par le r´eseau. Dans notre configuration exp´erimentale, ces corr´elations r´esiduelles semblent ˆetre limit´ees aux voies voisines aussi bien `a l’´emission qu’`a la r´eception, comme en t´emoigne la figure II.5.

Pr´ediction th´eorique du spectre singulier en pr´esence de corr´elations

Sengupta et Mitra [80] ont ´etudi´e th´eoriquement l’influence des corr´elations sur la distribu- tion des valeurs singuli`eres dans le cas de matrices al´eatoires de grande dimension. Leur mod`ele suppose que Dk˜ij

E

= 0. Il suppose ´egalement que la corr´elation entre deux coefficients ˜kil et

˜ kjm s’´ecrit : D ˜ kil˜k∗jm E = N−1cijdlm (II.10)

o`u le symbole < . > repr´esente une moyenne d’ensemble. C et D sont des matrices de taille N × N. Nous les appellerons par la suite matrices de corr´elation. En partant de l’´equation II.10, Sengupta et Mitra pr´edisent la distribution des valeurs singuli`eres en s’appuyant sur une technique diagrammatique et la m´ethode du point-selle (ou point-col). Seule la connaissance des valeurs propres de C et D est n´ecessaire `a l’obtention de la distribution des valeurs singuli`eres. Appliquons maintenant l’approche de Sengupta et Mitra `a notre configuration exp´eri- mentale. Ici, les coefficients cij et dij sont ´egaux du fait de la r´eciprocit´e spatiale : C ≡ D.

On peut estimer cij par le coefficient de corr´elation Γi−j (Eq.II.4) :

ˆ

cij = Γi−j (II.11)

Les coefficients ˆcij forment une matrice ˆC qui constitue un estimateur de la matrice de corr´elation

C. ˆC est une matrice de Toeplitz : ses coefficients ne d´ependent que de i− j. L’application du mod`ele de Sengupta et Mitra `a notre configuration exp´erimentale repose sur deux hypoth`eses :

– La corr´elation entre deux signaux re¸cus (´emis) par le mˆeme ´el´ement l et ´emis (re¸cus) par deux ´el´ements i et j ne d´epend pas de l’´el´ement l mais seulement de la distance |i − j|. – La corr´elation entre deux signaux ´emis et re¸cus par deux paires d’´el´ements (i, l) et (j, m)

est donn´ee par le produit des corr´elations `a l’´emission (Γi−j) et `a la r´eception (Γl−m). La premi`ere hypoth`ese requiert que le milieu soit statistiquement invariant par translation. La seconde est v´erifi´ee dans notre cas.

Une fois le coefficient de corr´elation Γi−j mesur´e exp´erimentalement (voir Fig.II.5), la ma- trice de corr´elation C est estim´ee par ˆC (Eq.II.11). Les valeurs propres de ˆC sont calcul´ees num´eriquement et incorpor´ees dans le mod`ele de Sengupta et Mitra afin d’obtenir une estima- tion de la distribution des valeurs singuli`eres pour ˜K.

Comparaison entre les spectres singuliers num´eriques, th´eoriques et exp´erimentaux

Fig.II.10: Distributions des valeurs singuli`eres th´eorique [80], num´erique et exp´erimentale dans le cas de la matrice ˜K corr´el´ee

Sur la figure II.10, le r´esultat th´eorique obtenu par la m´ethode de Sengupta et Mitra est compar´e `a la distribution exp´erimentale des valeurs singuli`eres, mais ´egalement au r´esultat d’une simulation num´erique. Celle-ci consiste `a g´en´erer num´eriquement une matrice P dont les ´el´ements sont des variables al´eatoires complexes `a sym´etrie circulaire et `a moyenne nulle. A partir de cette matrice al´eatoire, une matrice Q al´eatoire corr´el´ee est construite ainsi :

Q = ˆC12P ˆC 1

2 (II.12)

On peut montrer que la matrice Q pr´esente alors les mˆemes corr´elations `a l’´emission et `a la r´eception que la matrice K mesur´ee exp´erimentalement. Un histogramme des valeurs singuli`eres est obtenu en r´ealisant la SVD de Q, en renormalisant ses valeurs singuli`eres selon Eq.II.2 et en moyennant le r´esultat sur 2000 r´ealisations. L’accord entre les distributions th´eorique et num´erique est parfait, ce qui illustre la validit´e de la technique propos´ee par Segupta et Mitra

[80]. La prise en compte des corr´elations am´eliore significativement l’accord entre th´eorie et exp´erience. Un r´esultat particuli`erement int´eressant apport´e par la th´eorie est que la distribu- tion des valeurs singuli`eres est toujours `a support born´e, mˆeme en pr´esence de corr´elations. Par cons´equent, la mod´elisation th´eorique des corr´elations permet d’´etablir une valeur maximale ˜

λmax (ici λmax ≃ 2.5) qui ne serait jamais d´epass´ee par la premi`ere valeur singuli`ere ˜λ1. Notons

toutefois qu’il subsiste toujours aux bornes du support une petite diff´erence r´esiduelle entre les r´esultats exp´erimentaux et th´eoriques (Fig.II.6).

Effet de la sym´etrie de K

A cause de la r´eciprocit´e spatiale, la matrice K est sym´etrique. Cette propri´et´e conduit de nouveau `a une d´eviation par rapport `a l’hypoth`ese d’ind´ependance des coefficients qui est g´en´eralement faite dans le cadre de la RMT. Nous consid´erons ici le cas de la matrice tronqu´ee

˜

Kt. Cela permet d’´etudier l’effet de la sym´etrie ind´ependamment des corr´elations entre voies

voisines trait´ees ci-dessus. Une simulation num´erique est r´ealis´ee. Elle consiste `a g´en´erer une matrice sym´etrique P de dimension N

2 × N

2 dont les ´el´ements sont des variables al´eatoires

complexes gaussiennes `a sym´etrie circulaire et de moyenne nulle. Un histogramme des valeurs singuli`eres est obtenu en r´ealisant la SVD de Q, en renormalisant ses valeurs singuli`eres (Eq.II.2) et en moyennant le r´esultat sur 2000 r´ealisations. La distribution des valeurs singuli`eres obtenue num´eriquement ne suit pas exactement la loi du quart de cercle (voir Fig.II.11).

Fig.II.11: Distribution des valeurs singuli`eres obtenue num´eriquement dans le cas d’une matrice al´eatoire sym´etrique compar´ee `a la loi du quart de cercle (Eq.II.4)

Plus pr´ecis´ement, l’´ecart apparaˆıt principalement aux limites du support th´eorique de ρ(λ), c’est-`a-dire au voisinage de λ = 0 et λ = 2. La raison de cet ´ecart est d´etaill´ee en Annexe II.A.3. La sym´etrie de K implique en effet des corr´elations r´esiduelles entre les ´el´ements dia- gonaux de la matrice d’autocorr´elation KK†, corr´elations qui n’existent pas quand la matrice

al´eatoire n’est pas sym´etrique. Ces corr´elation r´esiduelles sont de l’ordre de 1

configuration exp´erimentale (N/2 = 32), elle sont assez faibles mais suffisantes pour induire une l´eg`ere d´eviation par rapport `a la loi du quart de cercle, notamment au voisinage de λ = 0.

II.4.5

Conclusion

En l’absence de corr´elations spatiales entre les coefficients kij, la distribution exp´erimentale

des valeurs singuli`eres est proche de la loi du quart de cercle. N´eanmoins, des d´eviations par rapport aux hypoth`eses classiques faites dans le cadre de la RMT ont ´et´e mises en ´evidence. Tout d’abord, les ´el´ements de K ne sont pas identiquement distribu´es. Cela est dˆu `a une r´epartition inhomog`ene de l’intensit´e moyenne r´etrodiffus´ee. Cette inhomog´en´eit´e provient du ph´enom`ene de r´etrodiffusion coh´erente ainsi que de la d´ecroissance du halo diffusif avec la distance s´eparant la source et le r´ecepteur. Ces effets peuvent ˆetre compens´es artificiellement et nous avons montr´e qu’ils ne pouvaient pas expliquer, dans notre configuration exp´erimentale, la l´eg`ere d´eviation par rapport `a la loi du quart de cercle observ´ee exp´erimentalement. Un autre ´ecart par rapport aux hypoth`eses g´en´erales de la RMT a ´et´e mis en ´evidence num´eriquement : la sym´etrie de la matrice K induit des corr´elations r´esiduelles entre les coefficients kij. Elle explique en grande

partie la d´ecroissance de la densit´e de probabilit´e des valeurs singuli`eres observ´ee autour de λ = 0. En revanche, ces diff´erents effets ne peuvent pas expliquer compl`etement la l´eg`ere d´eviation du spectre singulier exp´erimental par rapport `a la loi du quart de cercle autour de λ = 2.

En pr´esence de corr´elations entre les coefficients de la matrice K, nous sommes capables de pr´edire une nouvelle loi th´eorique pour la distribution des valeurs singuli`eres, grˆace au mod`ele propos´e par Sengupta et Mitra [80]. En conclusion, en r´egime de diffusion multiple, la matrice de r´eponse ˜K renormalis´ee tombe dans le cadre g´en´eral de la RMT et une pr´ediction th´eorique de la distribution de ses valeurs singuli`eres peut ˆetre r´ealis´ee. Comme nous allons le voir au §II.5, ce n’est plus vrai lorsque la diffusion simple pr´edomine.

Des hypoth`eses peuvent ˆetre avanc´ees pour expliquer la diff´erence r´esiduelle que nous avons observ´ee entre exp´erience et th´eorie. Cela peut provenir d’effets interf´erentiels, comme la diffu- sion r´ecurrente [8, 86]. Un chemin r´ecurrent est un chemin de diffusion multiple pour lequel le premier et le dernier diffuseur rencontr´es sont identiques. Ces chemins pr´esentent le mˆeme com- portement statistique que les signaux simplement diffus´es (i.e coh´erence d´eterministe le long des antidiagonales), mais leur contribution par rapport aux autres chemins de diffusion multiple est n´egligeable [8]. Par contre, du fait de l’ouverture finie de la barrette, la cellule de r´esolution de taille WR ≃ N pλa dans le milieu al´eatoire n’est pas infiniment petite : deux ondes issues de

deux diffuseurs situ´es dans la mˆeme cellule de r´esolution apparaissent fortement corr´el´ees au niveau du r´eseau. Ainsi les chemins dont les premier et dernier ´ev`enements de diffusion ont lieu dans la mˆeme cellule de r´esolution vont ´egalement donner lieu `a une corr´elation longue port´ee le long des antidiagonales de la matrice K. On peut qualifier ces chemins de pseudo- r´ecurrents. Leur contribution est loin d’ˆetre n´egligeable aux temps courts. Ils conduiraient donc `a un spectre singulier diff´erent des pr´edictions th´eoriques : la distribution des valeurs singuli`eres est interm´ediaire entre celle obtenue en r´egime de diffusion simple et la loi du quart de cercle.

L’autre hypoth`ese est l’existence de points ou chemins brillants : pour une r´ealisation donn´ee du d´esordre, des r´egions peuvent ˆetre fortement concentr´ees en diffuseurs. Cela conduit `a des zones o`u l’´energie accumul´ee est tr`es importante du fait d’une r´esonance collective des diffu- seurs. Ce ph´enom`ene expliquerait pourquoi la premi`ere valeur singuli`ere peut d´epasser la valeur limite th´eorique λmax = 2 mˆeme aux temps longs. Quelques ´etudes th´eoriques [87, 88] existent

sur la statistique des points brillants dans les figures de speckle ; elles pourraient fournir `a l’ave- nir une base th´eorique pour l’´etude de ces ph´enom`enes. Dans tous les cas, le d´esaccord entre th´eorie et exp´erience est minime et d´elicat `a quantifier avec pr´ecision. Il est donc difficile `a ce stade d’aller au-del`a de sp´eculations pour expliquer l’origine du tr`es l´eger ´ecart entre le spectre singulier exp´erimental et les pr´edictions de la RMT.