• Aucun résultat trouvé

Influence des caractéristiques de la ration sur la synthèse dans le rumen

CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTÉRATURE

1.4 Synthèse de vitamines B dans le rumen de la vache laitière

1.4.1 Influence des caractéristiques de la ration sur la synthèse dans le rumen

Celle-ci influence la synthèse de vitamines B dans le rumen et de nombreux facteurs nutritionnels ont été évalués au cours des dernières décennies chez plusieurs espèces de ruminants comme la chèvre, le mouton ou le bovin de boucherie. Schwab et al. (2006) ont établi la teneur en vitamines B de différents ingrédients fréquemment utilisés dans l’industrie bovine (Tableau 1.1).

Tableau 1.1 : Teneur en vitamines B d’ingrédients utilisés dans les rations des vaches laitières1 Vitamines B

(mg/kg de MS) Ensilage de maïs graminées Foin de Luzerne Foin de moulu Maïs moulue Orge de soja Coque betterave Pulpe de Tourteau de soja

Thiamine 0,57 0,89 1,90 2,70 3,90 1,80 0,62 7,10 Riboflavine 3,5 9,9 17,5 1,2 1,1 2,4 2,0 4,3 Acide nicotinique 22,5 11,8 26,4 7,0 18,9 34,2 59,8 16,0 Nicotinamide 1,5 0,3 7,6 - 18,0 194,7 1,1 26,1 Pyridoxamine 0,24 0,25 0,82 1,60 0,73 0,27 - 2,00 Pyridoxal 0,44 0,15 0,61 1,80 0,28 0,48 5,80 0,84 Pyridoxine 1,90 1,80 4,50 0,21 0,69 1,20 0,61 1,10 Biotine 7,3 7,6 7,4 6,4 6,2 7,2 5,7 6,9

1 Adapté de Schwab et al. (2006)

Il en ressort que les teneurs varient entre les divers aliments, alors que la niacine a la particularité d’être en concentration beaucoup plus élevée dans la pulpe de betterave ainsi que dans la coque et le tourteau de soja. La vitamine B12 n’a pas été évaluée, car comme mentionné précédemment, elle est exclusivement synthétisée par les bactéries. En comparaison, le Tableau 1.2 présente les vitamines B contenues dans quelques-unes des matières premières destinées aux animaux d’élevage.

Tableau 1.2 : Teneur en vitamines B de matières premières destinées aux animaux d'élevage1 Vitamines B

(mg/kg de MS) graminées Foin de Foin de luzerne Maïs grain Orge grain betterave Pulpe de Tourteau de soja

Thiamine 5,0 3,0 4,0 4,0 0,3 6,0 Riboflavine 10,0 12,0 1,4 1,5 0,8 3,0 Niacine 77 41 21 53 18 39 Vitamine B6 - 285 5 4 2 6 Biotine 0,22 0,41 0,06 0,14 - 0,27 Acide folique - 1,50 0,25 0,35 - 0,59

1 Adapté de Sauvant et al. (2002)

Ce tableau présente des concentrations de niacine plus élevées dans tous les aliments comparativement à l’étude de Schwab et al. (2006), bien que l’acide nicotinique et la nicotinamide n’aient pas

15 Santschi et al. (2005a) ont conclu que le flux duodénal de la majorité des vitamines B est plus élevé que le niveau de vitamines ingéré par l’animal, ce qui suggère une synthèse apparente dans le rumen.

Tableau 1.3 : Synthèse apparente de vitamines B dans le rumen de la vache laitière 1

Vitamines B

Synthèse nette dans le rumen Flux total 2,3

(mg/jour) Synthèse dans le rumen, % du flux total mg/kg d’ingestion de MS mg/jour 2 Thiamine 2 51 96 53 Riboflavine 12 274 397 69 Niacine totale 63 1425 2470 58 Vitamine B6 1 21 139 15 Biotine - - 157 - Folates 1 19 30 63 Vitamine B12 4 88 88 100

1 Adapté de Weiss et Ferreira (2006), à partir des données de Santschi et al. (2005a) et Schwab et al. (2006) 2 Basée sur une consommation de matière sèche de 22,7 kg/jour

3 Flux mesuré au duodénum, soit la somme de la consommation de vitamines et de la synthèse nette

Les teneurs en thiamine, riboflavine, niacine et vitamine B6 ont été déterminées par HPLC, la biotine par ÉLISA, alors que les vitamines B9 et B12 par radio-essai. Le Tableau 1.3 montre une synthèse apparente dans le rumen chez la vache laitière de six des sept vitamines étudiées. Le flux duodénal total de la thiamine, la riboflavine, la niacine, les folates et la vitamine B12 provient à plus de 50% de cette synthèse, ce qui est considérable.

Des études ont montré que les suppléments alimentaires de vitamines B ne résistent pas au passage dans le rumen et sont détruits (Zinn et al., 1987; Majee et al., 2003; Santschi et al., 2005a). Étant plutôt inefficace, la supplémentation alimentaire simple entraîne des coûts inutiles aux producteurs. Afin d’atteindre l’intestin et d’être assimilées de façon optimale, les vitamines B doivent être administrées par injection ou être protégées de la dégradation dans le rumen. Leur protection peut se faire avec une matrice d’acides gras saturés, ce qui évite de nuire à l’équilibre ruminal (Sacadura et al., 2008). Sacadura et al. (2008) ont montré qu’un supplément de vitamines B protégées de la dégradation dans le rumen permettait d’augmenter la production de lait ainsi que le rendement en protéines et en gras du lait chez des vaches en début de lactation. Utilisant la même procédure de matrice de graisse que Sacadura et al. (2008), Juchem et al. (2012) ont donné une supplémentation d’un mélange de vitamines B protégées de la dégradation dans le rumen à des vaches multipares hautes productrices en début de lactation. Cette équipe de recherche a conclu que cette récente technique de supplémentation affecte positivement les performances reproductives tout en réduisant le taux de réforme des vaches hautes productrices en début de lactation. Néanmoins, il est

important de miser sur le meilleur apport en vitamines B possible dans la ration, mais surtout sur des facteurs qui favorisent leur synthèse dans le rumen.

La majorité des études ne mesurent que les concentrations des vitamines B dans différentes fractions du contenu ruminal. Par contre, les concentrations de ces vitamines dans le contenu ruminal ne permettent pas de quantifier la synthèse microbienne totale ou les quantités de vitamines atteignant les sites intestinaux où ces vitamines sont absorbées, puisque ces valeurs ne tiennent pas compte du taux de remplissage du rumen ou du taux de passage des digestas. La concentration ruminale en vitamines B est énormément influencée par les taux de remplissage et de passage, qui eux sont grandement influencés par de nombreux facteurs présentés ci-dessous. C’est donc dire que la quantité de vitamines B disponible pour la vache laitière est aussi variable selon l’ingestion, la dégradation ou la synthèse de ces vitamines.

Premièrement, l’effet du rapport fourrage:concentré dans la ration a été évalué chez le bouvillon par Hunt et al. (1941). Les résultats présentés par cette équipe relatent une plus grande concentration de riboflavine dans le rumen lorsque les animaux sont nourris avec un mélange de maïs, de foin de luzerne et d’un supplément protéique qu’avec une ration constituée exclusivement de foin. Hollis et al. (1954) ont conclu la même chose pour l’acide nicotinique, la riboflavine et l’acide pantothénique, soit que la synthèse est relativement faible lorsque le mouton est nourri avec du foin uniquement. Chez le bouvillon Angus, une diète comprenant exclusivement des concentrés en comparaison à une diète composée d’un mélange de maïs et de foin induit une plus forte concentration de thiamine, de niacine, d’acide pantothénique, de folates et de vitamine B12 dans le liquide ruminal (Hayes et al., 1966).

La Figure 1.8 montre les concentrations de thiamine et de riboflavine chez des veaux alimentés avec du foin de mil comme unique source de fourrage jumelé à un mélange de grains. L’analyse du liquide ruminal révéla que le rapport entre le fourrage et les concentrés influence les concentrations de ces vitamines B retrouvées dans le rumen. La thiamine a une concentration optimale à un rapport fourrage:concentré de 4:1, alors que la concentration de riboflavine plafonne à un rapport de 2:1 (Conrad et Hibbs, 1954).

17 Figure 1.8 : Influence du rapport fourrage : concentré sur les concentrations de thiamine et de riboflavine dans le rumen de veaux alimentés avec du foin de mil comme unique source de fourrage (*=P<0.01; Adaptée de Conrad et Hibbs, 1954).

Ensuite, la famille de fourrage qui compose ces rations affecte la digestibilité. Récemment, une étude de Kammes et Allen (2012a) a démontré par exemple que la luzerne augmente le pH ruminal, le taux de digestion et de passage des fibres NDF potentiellement digestibles, mais diminue le temps de rumination par unité de fibres NDF des fourrages consommée par rapport au dactyle. Voelker Linton et Allen (2008) avaient auparavant établi que l’ingestion de luzerne induit un temps de rétention ruminale plus court pour les fibres NDF dans le rumen, ce qui réduit les effets physiques de remplissage comparativement aux animaux nourris avec du dactyle. Cela a nécessairement un effet sur la population microbienne du rumen et donc l’apport final de vitamines B pour la vache risque d’être différent. Seck et al. (2010) ont évalué la synthèse apparente dans le rumen de la niacine et de la vitamine B6 chez des vaches laitières ayant consommé de la luzerne ou du dactyle. Il s’est avéré que la synthèse est plus importante lorsque du dactyle est ingéré comparativement à de la luzerne. Une seconde étude réalisée avec les mêmes animaux a permis d’établir que la synthèse apparente de riboflavine dans le rumen est également supérieure lorsque le dactyle remplace la luzerne dans la ration des vaches laitières (Castagnino et al., 2013).

Troisièmement, le niveau d’ingestion d’une ration est un autre facteur influençant la synthèse de vitamines B dans le rumen. En 1972, une équipe de recherche s’est attardée sur le sujet en évaluant le niveau de production de vitamine B12 chez le mouton en fonction du niveau d’ingestion alimentaire (Sutton et Elliot,

0 10 20 30 40 50 60 Foin 12:1 6:1 4:1 2:1 1:1 0,6:1 Grain C onc entrati on rumi nal e (µg / g de M S) Thiamine Riboflavine * * *

1972). Les animaux de cette étude ingéraient un niveau faible, moyen ou élevé de matière sèche digestible correspondant respectivement à une moyenne de 527, 698 et 884 g/jour. La production de vitamines B12 a été mesurée par microbiologie (Ochrosomonas) et par radio-essai. Les résultats obtenus avec Ochrosomonas indiquèrent que la production de vitamine B12 augmente à mesure que l’ingestion de matière sèche digestible augmente. Cependant, aucune variation n’a été observée lorsque cette production était évaluée avec le radio- essai. Ainsi, le rapport duodénal O/R (interprétant le rapport entre la vitamine B12 biologiquement active et la vitamine B12 totale) croît avec le niveau d’ingestion, ce qui indique une réduction relative de la synthèse des analogues de la vitamine B12.

Figure 1.9 : Influence du niveau de la prise alimentaire sur la synthèse ruminale de vitamines B (Adaptée de Zinn et al., 1987)

Une quinzaine d’années plus tard, Zinn et al. (1987) ont évalué dans quelle mesure la prise alimentaire influence la synthèse de thiamine, riboflavine, niacine, vitamine B6 et vitamine B12 dans le rumen

0 10 20 30 40 50 60 70 1,2 1,6 1,8 2,2 Sy nthès e vit ami nes (mg / j our)

Consommation, % de poids vif

Thiamine Riboflavine Niacine (1/10) Vitamine B6 Vitamine B12

19 Quatrièmement, le traitement des aliments et la taille des particules présentes dans les rations des animaux sont des éléments qui peuvent affecter notamment le temps de mastication et de rumination, ce qui a un effet ultime sur la digestion ruminale. Dans la première moitié du 20e siècle, Hunt et al. (1943) ont montré que le maïs moulu induit une plus grande concentration ruminale de riboflavine qu’une même quantité de maïs entier. Quelques années plus tard, ce résultat a été corroboré par une autre équipe de recherche qui utilisa 48 bouvillons Angus d’environ 340 kg pour mesurer la synthèse de thiamine, riboflavine, niacine, acide pantothénique, vitamine B6, biotine, acide folique et vitamine B12 dans le rumen (Tableau 1.4; Hayes et al., 1966). Six traitements ont été testés, soit 1) maïs en flocons, 2) maïs moulu, 3) maïs en flocons et foin long, 4) maïs moulu et foin long, 5) maïs en flocons et foin moulu et 6) maïs moulu et foin moulu.

Tableau 1.4 : Niveaux moyens1 de vitamines B dans le rumen de bouvillons alimentés avec six rations différentes2

Concentration en vitamine après 56 jours

Maïs Foin long Foin moulu

Vitamines B

Concentration initiale de vitamine3

En

flocons Moulu Maïs en flocons moulu Maïs Maïs en flocons moulu Maïs

Thiamine 2,0 5,5a 16,8b 1,2a 0,3a 0,8a 5,5a Riboflavine 56 40c 74b 29c 54b,c 106a 108a Niacine 146 649b 850a 222c,d 375c 141d 324c Acide pantothénique 71 242c 354b 65a 77a 115a 112a Biotine 4,0 4,8 3,7 2,9 3,3 3,2 3,1 Acide folique 7,6 18,6d 18,0b 8,0a 8,3a 9,1a 14,4c

Vitamine B12 3,0 6,4a,c 8,8a 4,6b,c,d 5,6a,c 2,2b,d 2,1b,d

1 Microgramme par 100 mL de liquide ruminal 2 Adapté de Hayes et al. (1966)

a,b,c,d En excluant les concentrations initiales, les moyennes dans la même ligne avec un exposant différent sont significativement différentes (P < 0,05)

3 Teneurs en vitamines dans le liquide ruminal durant la phase préliminaire (15 jours)

En résumé, le maïs moulu permet une meilleure production de vitamines que le maïs en flocons, à l’exception de la biotine. Par ailleurs, la concentration de riboflavine est plus grande avec une ration contenant du foin moulu plutôt que du foin long. Beaucoup plus récemment, un article évaluant la taille des particules de fourrage sur l’ingestion de matière sèche, la production de lait, la mastication et la fermentation ruminale a été publié par l’équipe de Kammes et Allen (2012b). Selon cette publication, la longueur des particules d’herbe a tendance à augmenter le temps de mastication et d’ingestion, ce qui tend à diminuer l’ingestion de matière sèche (qui peut être limitée par le remplissage du rumen). Cette modification de l’équilibre ruminal affecte inévitablement le métabolisme de fermentation. En effet, le pH du rumen des vaches laitières nourries avec du foin moulu est plus faible que celui des vaches nourries avec du foin haché (Beauchemin et al., 2003).

Le même constat a été fait par l’équipe de recherche de Cao et al. (2010) avec cette fois une ration composée d’ensilage de maïs. Il y a une augmentation linéaire du pH de 6,20 à 6,39 avec l’augmentation de la taille des particules d’ensilage. Ces deux études montrent également que le pH plus élevé observé lorsque les particules sont plus longues est probablement en lien avec un temps de mastication et de rumination plus grand. La concentration en acides gras volatils semble elle aussi affectée par la taille des particules. Il est possible de remarquer que dans une étude, cette concentration est inversement proportionnelle à la taille des particules (Kononoff et al., 2003) alors qu’à l’inverse, dans l’étude de Cao et al. (2010), les teneurs en acides gras volatils étaient positivement corrélées à la longueur des particules. Par ailleurs, la taille des particules a un effet quadratique sur le rapport acétate:propionate dans le rumen (Kononoff et al., 2003; Cao et al., 2010). Les exemples ci-dessus montrent que la fermentation ruminale est affectée par la taille des particules alimentaires laissant ainsi croire que la synthèse de vitamines B puisse l’être également.

Cinquièmement, l’ajout d’additifs dans les rations des ruminants peut modifier les conditions du rumen, comme le pH ou l’osmolarité, et par le fait même l’équilibre microbien. Le cobalt est un minéral qui est fréquemment ajouté à la ration des ruminants. Il s’agit d’un élément chimique qui fait partie intégrante de la molécule de la vitamine B12, et donc son apport est essentiel à la synthèse de cette vitamine par les bactéries du rumen. En effet, la présence de vitamine B12 est nettement plus importante chez des moutons recevant du cobalt per os que ceux ayant une diète carencée en cobalt (Dawbarn et al., 1957). Selon Stangl et al. (1999), une carence en cobalt (200 µg/kg vs. 83 µg/kg) induit chez des bovins de boucherie une diminution de l’ingestion volontaire de matière sèche de 18%, un gain de poids 31% plus faible ainsi qu’une réduction de la teneur en vitamine B12 dans le sérum et le foie, ce dernier étant davantage affecté. Cependant, selon quelques études, lorsque la concentration de cobalt administrée excède la quantité requise par les microorganismes afin de produire la molécule de vitamine B12 dite «active», la proportion de cet élément chimique qui est aussi utilisé pour former des analogues de la cobalamine changent. Les bactéries utilisent alors le cobalt pour produire plus de ces analogues non biologiquement actifs qu’en concentration normale (Ford et al., 1953; Dawbarn et al., 1957; Kawashima et al., 1997; Girard et al., 2009).

21 leur part examiné les effets du monensin en plus de la chlortétracycline. Le monensin n’a pas donné de résultats significatifs sur les quantités de vitamines B aux différents sites de synthèse ou d’absorption, mais a eu un effet négatif sur la digestibilité de la matière organique dans le rumen. La chlortétracycline a eu peu de conséquences sur les vitamines, néanmoins, à plus forte teneur, l’absorption apparente tout comme les quantités dans le contenu duodénal, iléal et fécal de la thiamine et de la niacine ont diminué.

1.4.2 Caractéristiques de la ration susceptibles d’affecter la synthèse apparente de

Documents relatifs