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Incivilités, violences et racisme dans le sport

Dans le document SOCIALE SERVICE DE LA VIE SPORT AU LE (Page 158-163)

CHAPITRE II - LE RÔLE NOUVEAU DU MOUVEMENT ASSOCIATIF

1. Incivilités, violences et racisme dans le sport

Le sport est menacé de régression s’il ne se protège pas des excès nourris en son sein en plus des agressions de la société. La question n’est pas neuve mais elle se pose aujourd’hui avec acuité. Le développement des incivilités, des violences et du racisme interpelle la société et le mouvement sportif.

En premier lieu donc il faut rappeler que le sport participe toujours à canaliser les violences quand il est appelé en renfort de la citoyenneté. En second lieu cette sollicitation ne saurait signifier qu’il peut jouer seul ce rôle. Si notre société reste attachée à une conception de la civilisation qui se caractérise par un État démocratique grâce à des régulations complexes entre individus, c’est en se fondant sur des principes républicains. Les institutions démocratiques, et particulièrement les organismes sportifs - associations et fédérations -,

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représentent probablement des moyens idéaux pour résoudre ou amoindrir les tensions entre société civile et État et entre individus eux-mêmes.

La création de la Fédération française des sociétés de boxe, en 1903, montre comment une certaine « brutalisation » des masses devenait légitime sur le ring en acceptant une violence « contrôlée » qui n’existait pas auparavant. Le sport tient alors du conte : on y réalise virtuellement ou physiquement ce qui n’est pas possible dans la société et tout se passe bien tant... qu’on reste à l’intérieur de cette catharsis. Ces régulations considérées par tous comme des avancées rendent en même temps le fonctionnement de l’État plus fragile du fait de leur caractère instable... En effet la France, à la différence de certains de ses voisins (Grande-Bretagne et Allemagne notamment) a choisi depuis la fin du XIXè le contrôle plutôt que l’interdiction face aux dérives et violences dans le sport. Mais l’actualité législative récente, en faisant des arbitres de football des citoyens investis d’une mission de service public, a nettement infléchi sa position traditionnelle, en plein accord avec le mouvement sportif. Ainsi disputer une partie de football en distribuant des coups de pied dans les genoux n’était pas considéré comme violent avant 1871, guère fair-play au début du XXè siècle, avant que ce geste ne devienne maintenant non seulement antisportif mais pouvant relever d’une sanction pénale.

1.1. L’urgence face à la recrudescence

La multiplication des incivilités et des violences nous montre que le sport n’échappe pas aux maux qui affectent la société dans son ensemble. Si le sport canalise la violence il peut également la favoriser en utilisant les énergies dans le stade et hors du stade. Aujourd’hui il est trop souvent devenu le support à l’expression de comportements agressifs et de débordements dangereux pour ne pas faire l’objet de mesures législatives. Même si le football est le premier sport populaire qui accapare tous les regards, il n’est qu’un arbre ne faisant pas la forêt à lui tout seul. Bien d’autres disciplines sont également confrontées aux incivilités et aux dérives. Par les violences faites aux sportifs, entre sportifs, ou commises lors de manifestations sportives, le sport devient un lieu à haut risque.

Racisme et affrontements sectaires se nouent dans des écarts pathologiques qui font du sport un espace de non droit où l’illicite prend le pas sur la règle.

Alors que la règle jouée devait introduire un conflit déjoué, et ainsi pacifié (tel est le sens même de la trêve olympique) le sport connaît aujourd’hui dérèglements, ruptures et confrontations. Plusieurs enjeux peuvent rendre compte de cette dégradation :

- les enjeux économiques ;

- les enjeux sociaux et communautaires ;

- la place de plus en plus festive accordée au sport aujourd’hui.

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Depuis les années 1980 le sport est inséré dans une économie et il a développé la sienne. Ses métiers dans le professionnalisme sont devenus hautement spéculatifs, les joueurs sont des produits voire même des « actifs » dans les bilans. Les excès en appellent d’autres et justifient les dérèglements qui participent à la déstabilisation et au discrédit des valeurs de respect, de tolérance et de solidarité. Mais il n’y a pas que le joueur impliqué. Le supporter s’insère dans cette hystérie collective où, sous couvert de « sport », les règles d’équilibre sont transgressées. Le supporter rejoint dans la violence le modèle du joueur richissime et omnipotent à qui rien ne peut être refusé, à lui-même comme à sa communauté. L’effritement des solidarités, des identités locales et des corps intermédiaires, la montée de la précarité, la discrimination à l’égard de populations paupérisées constituent un ensemble qui peut être source d’inquiétude, de désespérance voire de révolte. La famille elle-même, dont le club est une expression et parfois un substitut, est malmenée. Le mode d’appartenance, l’affinité avec un club prend des formes exclusives qui conteste le sport et de ses règles : c’est désormais la tribune où se forme au vu et au su de tous, TV comprise, le cercle des ultras qui s’exprime dans ses rituels avec ses chansons, ses slogans, ses cris, ses habillements, ses insultes vis-à-vis de la loi (arbitre) et des joueurs de couleur. Et l’alcool nourrit les fantasmes. Une scène s’installe dans le stade qui se regarde et déplace le centre d’intérêt sur ses violences. Le racisme ajoute au délire collectif la menace de l’affrontement physique hors du stade et sans limites. L’abolition, même provisoire, du contrôle social favorise les phénomènes de meute hors des processus de séparation et de régulation qui ordonnent le fait social. La surexposition médiatique du sport en fait une réalité à part, virtuelle, dénuée des attributs sociaux, anarchique, brute, quasi païenne où l’imaginaire opère sans risque de sanctions. De la culture au culte, le sport se délite. Au cinéma, « Rollerball » avait préfiguré le phénomène que la réalité a dépassé. Par ailleurs dans l’aire de jeu lui-même les règles sont contestées, les tricheries font partie du jeu et cela interpelle les autorités du sport.

Face à cette situation il faut répondre de manière globale et adaptée en impliquant tous les acteurs du sport, sur la base d’un partenariat le plus large possible. Ce défi doit être décliné à tous les niveaux de pratique et pour tous.

Tous les acteurs de la société sont concernés par cette tâche ambitieuse, dont l’objectif est de faire reculer les incivilités et la violence dans le sport.

Néanmoins, une prise de conscience s’est déjà opérée et de nombreux porteurs de projets ont apporté leur contribution à la lutte engagée par les instances du sport.

1.2. De la prévention à la sanction

Au plan national des actions sont conduites par un grand nombre d’associations comme la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) et par celles du mouvement sportif, à commencer par la Fédération française de football (FFF). Des conventions d’objectifs sont signées avec le Ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative (MJSVA) avec des crédits spécifiques concernant des actions de sensibilisation et de formation à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans le football.

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L’ensemble des moyens mobilisés au titre de la lutte contre les incivilités et la violence dans le sport s’est établi à plus de 2,1 millions d’euros, en 2004. Des conventions d’objectifs avec des associations partenaires représentent un montant de crédits en augmentation de 50 % entre 2004 et 2005. 85 % des crédits ont permis d’apporter un soutien à des actions locales mises en œuvre par les clubs sportifs. La mise en place d’un observatoire des faits de violence dans le football est à l’étude, cette organisation devant permettre de mieux recenser les incidents mais aussi de soutenir et valoriser les actions de prévention.

La contribution de la Direction générale de la police nationale (DGPN) a mis en évidence différents aspects de la violence dans le football. L’analyse des statistiques indique une légère augmentation des exactions en 2006 (+ 4%) et ce phénomène est constant depuis 2004 : 204 incidents en 2005 et 212 en 2006. Les actes de violence physique marquent un léger recul de 8 %. Mais les incidents sont plus nombreux lors des matchs en Ligue 1 (69 %) qu’en Ligue 2. Le recensement des incidents (voir annexe n° 9 : La violence dans le sport - l’exemple du football professionnel) fait apparaître que ce sont toujours les supporters des mêmes clubs qui sont le plus souvent à l’origine de ces violences : PSG (Paris), l’OM (Marseille), l’OGC Nice. Des évolutions notoires ont été observées avec l’utilisation massive de fumigènes et autres moyens pyrotechniques ou explosifs. Malgré les contrôles à l’entrée des stades des supporters parviennent à tromper la vigilance des stadiers. Le développement de batailles rangées ou fights se produisent dans et hors des stades en utilisant les SMS et Internet pour fixer les rendez-vous.

Les clubs s’impliquent fortement dans cette lutte contre toutes les formes de violence et de racisme. Le concours de professionnels par le biais de sociologues et de psychologues, en lien très souvent avec des universités et des grandes écoles, apportent aux responsables bénévoles une expertise précieuse. La démarche d’observation systématique au niveau des districts et ligues du football conduit à mobiliser et impliquer les acteurs du terrain de façon souvent exemplaire. Le développement des Contrats locaux de sécurité (CLS) portant sur le sport, réunissant tous les acteurs de terrain, identifiant les objectifs de sécurité et les moyens d’y parvenir, en répartissant les missions de chacun, en est une bonne illustration.

Les assises nationales de l’éducation par le football en 2006 s’inscrivent dans cette orientation avec le concours des collectivités territoriales (communes, départements, régions). L’hebdomadaire national Foot citoyens mène une action en profondeur sur tout le pays auprès des clubs (petits, moyens et grands) avec la FFF. Cette action est remarquable à plus d’un titre tant pour lutter contre les violences que contre le racisme ou l’homophobie en valorisant le rôle des éducateurs, des entraîneurs, des dirigeants et des jeunes eux-mêmes.

Enfin un plan de sécurité football avec la nomination d’un coordonnateur national (un commissaire divisionnaire auprès du directeur central de la sécurité publique) a été décidé.

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Sur le plan des sanctions, il faut rappeler que la loi s’applique dans tous les lieux publics, stades, gymnases, courts de tennis, piscine, etc. compris. Elle s’applique pour les comportements qui créent un dommage à autrui, dans son intégrité physique ou dans les biens privés mais également pour les biens publics. Cela paraît évident mais un joueur agressant un adversaire pensera davantage à un carton rouge qu’à sa responsabilité pénale... Une loi a été votée pour punir plus durement certains comportements réalisés dans l’enceinte sportive désignés dès lors comme infractions. Des instructions ponctuelles et précises de politique pénale pourraient être données, privilégiant pour les auteurs de violences la voie du déferrement et des réquisitions de peine d’emprisonnement ferme assorties d’interdictions de stade.

La violence peut conduire à une contravention ou être qualifiée de délit ou de crime. Les sanctions sont aggravées pour des faits de violence, en tenant compte des dommages corporels subis par la victime.

À titre d’exemple des jugements ont été prononcés dans des affaires de violence dans le sport : un joueur de rugby a été condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve, plus des dommages et intérêts à la victime, pour avoir donné un coup de poing à son adversaire ; un joueur de football a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et une mise à l’épreuve avec des dommages et intérêts pour avoir donné un coup de tête à un adversaire ; et trois supporters ont été condamnés à six mois d’emprisonnement et à cinq ans d’interdiction des stades pour avoir frappé un supporter adverse. Un club a été rendu responsable civilement pour un envahissement de terrain des spectateurs au cours duquel un joueur mineur avait été frappé. Le juge a estimé que l’organisateur n’avait pas rempli son obligation de moyens pour assurer la protection des joueurs alors que le comportement des spectateurs n’était pas imprévisible.

Sans traiter ici cette question complexe, la conception même des équipements doit tenir compte de cette montée de violence. La loi française du 13 juillet 1992 relative aux équipements sportifs était encore en préparation lorsque s’est écroulée une tribune provisoire le 5 mai 1992 au stade de Furiani.

Ce drame mettait en cause la sécurité des équipements en eux-mêmes. La catastrophe du stade du Heysel, survenue le 29 mai 1985 à Bruxelles, a posé dramatiquement la question des risques engendrés par les débordements de toute nature. La sécurité pour la sécurité (grilles) n’est pas une solution, la convivialité de l’équipement est un atout plus performant et la nécessaire rénovation des stades de France doit en tenir compte.

L’intégration par les institutions sportives de ces impératifs est une urgence qui devrait appeler des mesures spécifiques et des évolutions dans l’organisation des compétitions. En rappelant toutefois que l’éducation et la formation jouent un rôle essentiel, il faut constater que sensibiliser ne suffit pas à prévenir, les règles du jeu doivent intégrer plus directement les obligations déontologiques sur le comportement avant, pendant et après le match. Le mouvement sportif doit également jouer pleinement son rôle disciplinaire. Le rôle des médias devrait être réexaminé à l’aune des influences nuisibles sur la jeunesse de certaines images et commentaires donnant lieu à l’antenne ou dans les colonnes à des propos attisant

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la violence ou le racisme, exacerbant les chauvinismes, pardonnant à l’arbitre une décision en faveur de son favori mais l’insultant dans le cas contraire... De plus leur position de financeur du sport ne devrait pas les tenir à l’écart des règles de déontologie dont se sont saisis nombre de sponsors représentant des entreprises privées et publiques qui ont le souci de leur image citoyenne.

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