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Pour les immigrés

CHAPITRE III - DEUX SCENARII ALTERNATIFS A L’HORIZON

2. Pour les immigrés

Il s’agit de mener de front une stratégie européenne et une stratégie nationale, pour lutter contre toutes les discriminations :

2.1. La stratégie européenne pour l’emploi

La Commission, dans sa Communication sur la stratégie pour l’emploi94, considère qu’il faut davantage tenir compte de l’immigration. A ces fins, devraient être incluses des propositions qui permettraient :

• l’accès des immigrés aux services de formation et d’emploi,

• la réduction des différences en terme d’emploi entre les non communautaires et les communautaires d’ici à l’an 2010,

• la réduction du taux de chômage des travailleurs immigrés,

• la lutte contre l’économie informelle et le travail non déclaré,

• l’évaluation des besoins du marché du travail dans l’UE et la contribution de l’immigration pour couvrir les besoins en main-d’œuvre,

93 « L’emploi, l’emploi, l’emploi - Créer plus d’emplois en Europe », rapport de la task-force pour l’emploi, présidée par Wim Kok, novembre 2003.

94 « L’avenir de la stratégie européenne pour l’emploi », COM (2003) 6.

• le développement du réseau EURES pour faciliter l’admission des immigrants pour raisons professionnelles et pour favoriser la mobilité professionnelle entre les Etats,

• l’échange d’expériences et de bonnes pratiques dans le cadre du programme de mesures incitatives pour l’emploi,

• l’élimination des discriminations au travail.

Si ces propositions entraient en application, elles favoriseraient l’intégration dans le marché du travail. A leur propos, le Comité économique et social européen95 déclare :

1. « L’accès au marché du travail dans des conditions d’égalité de traitement est fondamental pour parvenir à l’intégration sociale des migrants et des réfugiés, non seulement pour des raisons d’indépendance économique mais également pour améliorer la dignité des personnes et leur participation sociale. Il faut éliminer les obstacles structurels et institutionnels qui empêchent le libre accès au marché du travail.

2. Dans l’Union européenne, le taux moyen de chômage96 est plus élevé chez les immigrés que chez les citoyens communautaires. Le chômage continue de toucher gravement les deuxième et troisième générations d’immigrés. En outre, les immigrés sont affectés par d’autres problèmes spécifiques dans une plus large mesure que la moyenne de la population, parmi lesquels il y a lieu de relever le manque de reconnaissance des diplômes universitaires et des qualifications professionnelles ainsi que les délais d’attente pour l’octroi des permis de travail.

3. L’objectif de lutte contre la discrimination est complémentaire à la stratégie de Lisbonne : tirer parti au maximum des apports des migrants, ce pourquoi ils doivent pouvoir utiliser l’expérience et les qualifications obtenues précédemment.

4. Une qualification appropriée est une condition préalable à l’intégration dans le marché du travail. Afin de faciliter l’accès des immigrés à ce marché et de réduire le taux de chômage, il faut que les autorités de la société d’accueil leur offrent une formation adaptée à l’environnement de travail. Les services publics de l’emploi informeront ces personnes des possibilités d’emploi existantes et des formations requises. »

95 Comité Economique et Social européen – Avis sur la communication de la Commission sur l’immigration, l’intégration et l’emploi – SOC/138 – Bruxelles, 10 décembre 2003.

96 La Communication de la Commission citée plus haut estime que ce taux est de 16% chez lez immigrés contre 7% chez les communautaires.

2.2. Une stratégie pour la France

L’objectif visé est bien de tendre vers le plein emploi de la population active : si des conditions doivent être mises en œuvre à cette fin pour les hommes et les femmes, issus de l’immigration présente et à venir, c’est bien entendu en complémentarité des politiques susceptibles de contribuer à relever le taux d’emploi de l’ensemble des personnes en âge de travailler et dont certaines, d’ailleurs, s’appliqueront aux immigrés : organisation de reconversion, possibilités de secondes carrière pour les seniors, formation professionnelle des jeunes, accès à l’emploi des personnes handicapées, plus grande accessibilité à l’emploi des femmes… Ceci ne doit bien entendu pas être considéré en concurrence ou en substitution des politiques familiales.

En ce sens, les propositions de notre Conseil97 demeurent d’actualité, confortées par les orientations de la Communication de la Commission et l’avis du Comité économique et social européen. Nous rappelons que notre Conseil a ainsi recommandé « que soit reconnues les qualifications conformes aux normes et équivalences admises et mises en place des politiques actives pour combattre les situations de maintien prolongé dans des emplois non qualifiés de personnes préparées pour d’autres emplois plus qualifiés, débouchant sur la déqualification, la précarité et la moindre rémunération. Il recommande également que soit facilité l’accès à la formation professionnelle continue, à l’acquisition de nouvelles qualifications et à la validation des acquis professionnels pour toutes personnes, immigrées ou non , candidates à exercer une activité durable ou permanente dans notre pays. »

Nous avons tenu à souligner que « seul l’exercice dans la légalité d’une activité professionnelle garantit à l’immigré une grande partie des droits sociaux. De plus, certains de ces droits s’inscrivent dans la durée, par exemple le droit à une retraite à taux plein, qui nécessite une durée minimale de cotisation et un âge minimum. La première de ces conditions handicape les immigrés entrés en France après un certain âge. Dans ce domaine, il importe que soit assurée la continuité des droits dans le temps et dans l’espace, dans le cadre d’accords bilatéraux. De même, l’indemnisation du chômage est à durée limitée et suppose aussi des antécédents sur le marché du travail. Cette difficulté concerne aussi les jeunes adultes. »

2.3. Combattre les discriminations

L’un des témoignages les plus flagrants du déni à l’intégration est apporté par de récents travaux sur les discriminations à l’embauche. Ces travaux confirment les données de l’étude présentée au Conseil économique et social par Mouna Viprey98 et le diagnostic sur « l’insertion professionnelle des jeunes

97 In «Les défis de l’immigration future » – Conseil économique et social. Paris 2003.

98 Mouna Viprey, « L’insertion des jeunes d’origine étrangère » – Etude du Conseil économique et social, Paris, J.O., juillet 2002

diplômés » établi par l’AFIJ99 avec le soutien du FAS en décembre 1999, qui témoignait de la déqualification, de la précarité, de la moindre rémunération des jeunes issus de l’immigration, y compris ceux qui sont de nationalité française…

Ainsi une enquête très récente100 met en évidence que la discrimination à l’embauche est anormalement sélective :

- 2% des candidats à l’embauche présentant un handicap obtiennent des réponses à leur lettre de candidature à un emploi ;

- 5% des immigrés ;

- 8% des plus de cinquante ans.

Dans le même temps, les candidats qui ne sont ni handicapés, ni immigrés, ni moins jeunes obtiennent 32% de réponses.

Un document du CEREQ101 démontre que les jeunes issus de l’immigration sont proportionnellement moins nombreux à poursuivre leurs études après le baccalauréat, en particulier lorsqu’ils sont issus de l’immigration nord-africaine, qu’ils ont plus de difficultés à entrer dans la vie active, qu’ils connaissent « la galère » de la précarité, de l’intérim, du travail saisonnier. Trop souvent perdurent des pratiques discriminantes d’embauche de la part de certaines entreprises.

Ces exemples attestent la nécessité d’une autre image publique de l’immigration, ainsi que l’a préconisé notre Conseil. Il faut que soit élargi et médiatisé le nécessaire débat public en France et sans doute dans l’ensemble de l’Union européenne sur les questions, les défis et les réponses en vue de réussir l’intégration.

Cette éducation collective du plus large public permettra de dépasser les incompréhensions et de transformer le regard collectif sur l’immigration, sur la chance qu’elle représente pour notre pays, son économie et son développement social, à la condition qu’elle bénéficie des politiques d’accompagnement que notre Conseil préconise.