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III - Des coûts socio-économiques encore mal connus

Le surpoids et l’obésité sont à l’origine de coûts importants pour le système de santé.

L’évaluation précise de ce montant est cependant difficile du fait de l’absence, en France, d’étude médico-économique récente sur ce thème et du manque de données produites sur ce sujet par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). En effet, l’obésité n’étant pas reconnue comme une affection de longue durée (ALD), l’assurance maladie ne dispose d’aucune donnée permettant d’identifier ces patients en médecine de ville. En milieu hospitalier, pour la chirurgie bariatrique, l’estimation des dépenses hospitalières est incomplète puisqu’une partie des dépenses dans le secteur privé – honoraires, dépassements – ne sont pas identifiées dans le programme de médicalisation des systèmes d'information médicalisé (PMSI). Par ailleurs, pour les séjours en médecine, cette estimation se réduit aux séjours pour lesquels on dispose d’un diagnostic principal ou associé d’obésité, mais elle ne prend pas en compte toutes les hospitalisations pour des pathologies induites par l’obésité54.

51 La nutrition santé à La Réunion. Tableau de bord, observatoire régional de la santé Océan indien, 2018.

52 La nutrition santé à Mayotte. Tableau de bord, Observatoire régional de la santé Océan indien, mars 2019.

53 Enquête « Ununo wa maore » : menée par Santé Publique France, elle s’apparente à un Baromètre santé.

54 Cf. annexe n° 4.

L’unique référence disponible est une étude réalisée par la direction générale du Trésor en 2016, à partir de données de l’année 2012. Elle faisait état d’un coût social de la surcharge pondérale avoisinant 20 Md€, soit 1 % du produit intérieur brut (PIB). L’actualisation de ces données pour l’année 2014 porte ce coût à 21,9 Md€55. Reposant pour l’essentiel sur un modèle de calcul des surcoûts générés par les patients obèses datant de 2002, ses conclusions doivent toutefois être prises avec prudence. Elles donnent cependant un ordre de grandeur de l’importance du coût de l’épidémie.

Parmi des pays comparables à la France, on relève qu’au Royaume Uni les coûts de l’obésité, pour le National Health Service (NHS), sont estimés à 6,1 milliards de livres (coûts directs en soins en 2014 et 2015) et à 27 milliards au total si on y ajoute les coûts indirects56. Ces résultats sont cohérents avec ceux de l’étude française.

Une estimation a néanmoins été réalisée en 2016 par la direction générale du Trésor, qui a chiffré le « coût social » de l’obésité en France pour l’année 2012 à 20,4 Md€ 57. Cette étude identifie différents postes :

- des coûts directs pour la collectivité, principalement liés aux surcoûts pour l’assurance maladie des soins liés aux patients en surpoids et obèses (par rapport à la population de poids normal) : ces surcoûts correspondent essentiellement aux dépenses supplémentaires pour l’assurance maladie, en soins de ville et en soins hospitaliers ;

- des coûts indirects, dits « externes » induits par l’obésité mais qui ne se retrouvent pas directement dans les comptes publics, principalement des pertes de production estimées (absentéisme, moindre insertion sur le marché du travail) ;

- des économies pour les finances publiques sur les pensions, du fait de la moindre espérance de vie des personnes obèses ;

- des recettes provenant des taxes sur les produits sucrés, venant en déduction des coûts.

L’essentiel des coûts directs est lié aux dépenses de soins en ville et à l’hôpital. Les coûts liés aux pensions d’invalidité sont également significatifs, le coût des indemnités journalières étant plus limité. Parmi les coûts externes, les plus importants sont liés à la perte de productivité du fait de l’absentéisme et de l’exclusion du marché du travail des femmes obèses58.

Une actualisation de l’étude du Trésor a été réalisée par la Cour à l’occasion de cette enquête. Elle est fondée sur des données plus récentes (l’étude santé et protection sociale – ESPS – 2014 contre 2012 pour l’étude de la DG Trésor), mais prenant en compte les mêmes variables : elle conduit à des résultats proches mais supérieurs à ceux de 2012, avec un coût social de 21,9 Md€59. Cette estimation reste à prendre avec précaution, notamment en raison de la méthode d’estimation du surcoût des dépenses pour les soins hospitaliers. En effet, celui-ci se fonde sur une clé de répartition entre dépenses hospitalières et dépenses de ville pour un

55 Annexe n° 4.

56 Public Health England, NHS. Health matters, obesity and the food environment, 31 mars 2017.

57 DG Trésor (2016), « Obésité : quelles conséquences pour l'économie et comment les limiter ? », Lettre Trésor-éco n° 179.

58 Selon l’étude Enquête Santé et Itinéraire Professionnel de la DREES et de la DARES (2006 et 2010), le taux d’emploi des femmes obèses est inférieur de 10 %.

59 Cf. annexe n° 4.

individu obèse ou en surpoids par rapport à un individu de poids normal qui est ancienne. Elle a été déterminée par l’institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) en 2007, sur la base de données de 2002. Les estimations mentionnées dans les paragraphes précédents reposent sur l’hypothèse que cette répartition est demeurée constante.

Or, plusieurs facteurs sont susceptibles de générer des coûts bien plus importants, notamment les changements majeurs intervenus dans la tarification hospitalière et l’évolution des modes de traitement. Il serait donc nécessaire de pouvoir mesurer avec davantage de précision le coût social de l’obésité : il est à l’évidence important pour la collectivité, son évaluation méritant d’être affinée.

Quoi qu’il en soit de ces questions de méthode, l’ordre de grandeur des coûts mis en jeu est important : même si l’on s’en tient à l’estimation de 21,9 Md€, celle-ci représente 1 % de PIB et constitue de surcroît un coût socio-économique partiellement évitable.

Parmi des pays comparables à la France, on relève qu’au Royaume Uni les coûts de l’obésité, pour le National Health Service (NHS), sont estimés à 6,1 Md£ (coûts directs en soins en 2014 et 2015) et à 27 Md£ au total si on y ajoute les coûts indirects60. Cette estimation, supérieure à celles faite en France au regard de la population, s’appuie sur une méthodologie dite des fractions attribuables pour calculer les coûts directs pour le National Health Service des principaux facteurs de risque (tabac, alcool, obésité)61. Elle pourrait être suivie en France pour mieux estimer les coûts de l’obésité dans le contexte national.

___________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATION ___________________

L’outil épidémiologique actuel est insuffisant, en périodicité, en cohérence et en déclinaison territoriale, pour suivre de façon rapprochée l’évolution des prévalences. Si, compte tenu de leur lourdeur et de leur coût, une périodicité plus rapprochée des grandes enquêtes nationales parait difficile, il n’en est pas moins nécessaire que la France se dote d’un recueil des données plus performant, au moins pour les enfants.

Par ailleurs, si la situation de la France est plutôt favorable par rapport à d’autres pays et stable par rapport à il y a dix ans, elle recouvre des disparités qui s’accroissent et qui sont mal prises en compte par les politiques actuelles. Pour y remédier, il est utile de mieux connaitre ces disparités afin d’adapter les interventions qui ciblent des groupes particulièrement à risque.

En conséquence, la Cour formule la recommandation suivante :

1. réaliser, dans le cadre de l’enquête nationale sur la nutrition prévue à l’issue du PNNS 4, des analyses régionales ; prévoir, également dans le cadre du PNNS 4, des enquêtes spécifiques aux DOM. Définir une périodicité plus rapprochée des études nationales et régionales ainsi que des études menées en milieu scolaire (DGS, SPF, DREES, DGESCO).

60 Public Health England, NHS, Health matters, obesity and the food environment, 31 mars 2017.

61 Cette méthode consister à identifier la part de pathologies pour lesquelles l’obésité est un facteur de risque (diabète, maladies cardiovasculaires…) qui sont dues à l’obésité et à en évaluer le coût des soins pour le système de santé. En 2015, sur cette base, le coût de l’obésité pour le NHS était de 6,1 Md£, soit 6,8 Md€.

Chapitre II

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