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Partie 3 : Tahiti et la vallée de la Punaru'u

4.7. Hydrométrie

La mesure du débit des cours d’eau est un élément essentiel, un paramètre clé, du bilan hydrologique d’un bassin versant. C’est une donnée plus facilement accessible et plus précise que d’autres éléments du bilan tels que l’évaporation ou l’infiltration. En outre, dans les étroites vallées de Tahiti une grande partie de l’eau précipitée ruisselle le long des versants escarpés pour rejoindre le cours d’eau principal. Les chroniques de débit en aval du cours d’eau principal permettent alors d’apprécier quantitativement des écoulements de surface dans un bassin versant.

A partir du début des années ‘70, la Polynésie française a mandaté l’ORSTOM pour installer des stations hydrométriques et étudier les débits des principales rivières de Tahiti. Actuellement, le réseau hydrographique est géré par le GEGDP. Les données récoltées depuis une trentaine d’années ont permis d’acquérir une bonne connaissance de l’hydrométrie sur l’île de Tahiti (e.g., Danloux et al., 1983 ; Ferry, 1988 ; Wotling, 2000).

Les stations de mesure sont équipées d’une sonde limnimétrique qui mesure en continu les hauteurs d’eau. Des jaugeages (mesure du débit) ponctuels complètent le protocole. La relation entre hauteur d’eau et débit ponctuel se définit en établissant une courbe de tarage (cf. Section 3.3.2). La limite de validité de cette relation est directement liée au débit ponctuel maximum qui peut être mesuré. Les crues, souvent violentes, peuvent interdire toute tentative de mesure mettant en danger les équipes en charge de la prise de mesures. Dans quelques vallées, l’ORSTOM installa des « téléphériques » équipés d’un saumon hydrométrique pour éviter la présence humaine dans le cours d’eau et obtenir une gamme de débit élargie. Néanmoins, en étudiant les annuaires hydrologiques édités par l’ORSTOM depuis 1970, il apparaît que les débits ponctuels qui ont pu être mesurés restent très largement inférieurs aux extrapolations proposées en période de crues. Il est alors nécessaire de conserver un regard critique au sujet des débits maximums qui sont présentés dans les différentes publications ou rapports sur l’hydrologie de Tahiti.

L’hydrométrie de l’île de Tahiti se caractérise par des cours d’eau de type torrentiel. La dynamique de l’écoulement dépend de nombreux facteurs dont les plus significatifs sont la taille du bassin versant alimentant le cours d’eau principal et son orientation qui le soumet à une pluviométrie plus ou moins importante (cf. Section 4.6.1). La caractérisation des relations entre pluie et débit a fait l’objet de plusieurs études dans différentes vallées de Tahiti (e.g., Wotling 2000 ; Vai-Natura, 2011 ; Vai-Natura, 2013a). Sur une échelle annuelle, l’évolution des débits est directement liée à la saisonnalité humide puis sèche qui définit le climat de la Polynésie.

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Afin de comparer l’hydrométrie des différentes rivières, le débit brut [L3T-1] est rapporté à la superficie du bassin versant [L2] pour obtenir le débit spécifique [L3T-1L-2] exprimé généralement en litres par seconde par kilomètre carré.

Le Tableau 4 présente quelques données significatives permettant d’apprécier l’hydrologie des principaux cours d’eau de Tahiti. Les rivières orientées vers l’Est, au vent, présentent des débits moyens spécifiques annuels compris entre 150 et 200 l/s/km2. Pour les rivières orientées à l’Ouest, sous le vent, les valeurs tournent plutôt autour de 60 à 100 l/s/km2.

Rivière et Station Débit moyen Débits d’étiage

S u p er fi ci e B V (k m 2 ) m3/s l/s/km2 m3/s l/s/km2

Versants orientés à l’Est

Papeiha (côte 10) 30.6 6.31 206 1.11 36.3

Vaitaara (côte 10) 33.4 5.46 231 1.5 63

Papenoo (côte 45) 79.7 11.7 147 1.91 24

Versants orientés à l’Ouest

Fautaua (côte 92) 19.9 1.34 67 0.4 20.1

Punaru’u (côte 50) 43.2 2.48 63 0.47 11.9

Vaitiu, Orofero (côte 60) 18.4 0.81 44 0.21 11.5

Taharuu (côte 100) 26.3 3.02 115 0.85 32.4

Tableau 4 : Statistique des débits moyens journaliers pour les principales vallées de Tahiti.

(tiré de Lafforgue, 1990 et Lafforgue, 1993)

Les bassins versants de l’île de Tahiti sont finalement de taille relativement modeste, les réserves d’eau qu’ils peuvent constituer en l’absence de précipitations ne permettent pas d’alimenter les rivières de façon soutenue. En période sèche, les cours d’eau retrouvent assez rapidement leur débit d’étiage qui est trois à six fois plus faible que le débit moyen.

Les données des débits de crues relevées dans la littérature ne sont pas présentées ici. En effet, il existe un doute sur l’évaluation des valeurs fournies. Les incohérences qui peuvent apparaître sont certainement dues aux problèmes d’extrapolation des courbes de tarage utilisées pour décrire la relation entre la hauteur d’eau mesurée et le débit estimé. Par exemple, pour la rivière de la Punaru’u, dans l’Atlas de la Polynésie (Lafforgue, 1993) le débit de crue maximum est évalué à 383 m3/s le 10 mars 1981 (lors du cyclone Tahmar) et dans l’Encyclopédie de la Polynésie (Lafforgue, 1990) le débit de la rivière le même jour est

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calculé à 460 m3/s. En outre, les Annales Hydrologiques de l’île de Tahiti de 1971 à 1986 (Lafforgue, 1987) fournissent pour chacune des années un débit maximum instantané toujours supérieur à 110 m3/s. Pourtant, il est précisé que le débit maximum jaugé ne dépasse pas 20 m3/s. Dans le cadre du travail universitaire présenté dans ce document, les données de la même station de mesure ont été étudiées entre 2000 et 2013, la courbe de tarage a été réévaluée. Le débit maximum instantané pendant ces treize années ne s’élève qu’à 39.17 m3/s (cf. Section 5.2.1). Au regard de ces différentes observations, il apparaît une certaine divergence dans l’estimation des débits de crue pour la rivière de la Punaru’u, alors que les valeurs pour les débits moyens et les débits d’étiages sont du même ordre de grandeur, quel que soit la source. Cette gamme de débit fait partie du domaine de validité des jaugeages ponctuels. Ainsi, les évaluations quantitatives des débits de crues sont difficiles à justifier et à présenter.

Il est néanmoins certain que les cours d’eau des principales vallées de Tahiti réagissent à d’intenses épisodes pluvieux par de très rapides montées de crue. Les volumes d’eau charriés sont alors spectaculaires. Rapportées à la superficie réduite des bassins versants, les rivières affichent des débits spécifiques maximums qui se rapprochent certainement des valeurs immenses qui peuvent être mesurées à Hawaii, au Mexique ou à Cuba (Lafforgue, 1990).

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