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HUMANISME ET IDEOLOGIE

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La combativité d’Helli Alexiou aux côtés du parti communiste, ainsi que sa manière de concevoir la société ont conduit beaucoup de monde, surtout des gens de la droite, à considérer qu’elle était un écrivain engagé. À cette accusation, qu’elle trouvait d’ailleurs déplacée, elle s’était empressée de répondre en ces termes :

« J’ai entendu qu’on m’accusait d’être engagée. Qu’à travers mes écrits je me mets au service de mes idées sociales et de mon idéologie. Ils se trompent. Je suis incapable d’écrire une seule ligne si elle ne vient pas du fond de moi-même. Je reconnais que je suis engagée même avec fanatisme, dans ma conscience. de là que je puise mon inspiration. Mes textes, qu’ils soient longs ou courts, toutes mes nombreuses nouvelles furent inspirées par une forte inquiétude de ma conscience. Je ne donne pas une leçon à moi-même en dictant ce que je dois écrire. Les visions de la vie suscitent en moi des émotions. Il est probable que si je ne voyais pas la vie à travers ma conception du monde, je ne m’émouvrais pas, et donc je n’écrirais pas.

Babis D. KLARAS, SrpaT€U]dévq ar q ouv e 15qaf] rqç. MiKpô

AcpLcpaipa, (Engagée dans sa conscience. Dans Petit hommage),

qp.cit., P,15 0.

« T^ouaa va pou KdiapapTUpoûv nmç elpai aipaieuviévri. ricoç unripsTQ p.e la Pov iiç Lôéeç pou tlç kolvcùvikéç kol ipv KoapoBecùpLa pou. AaGeûouv. Aev pnopa va ouïe YP°fppf|, ov 5ev nriYÔfÇe i-i-d ariô péaa pou. Aéxopai naç.eLpaL, gzpocTeupévq

Kai pdAiaxa pe cpovai Lopô, oÀXd ozq cnrveiôqaq pou. Anô Ke l

dviXa. Ta KeLpevd pou, peY«^o£ etie piKpà, ôXa pou la

noXuàpiGpa 5 ir|Yf|M®'’^“ ÉvTOvr) ouve Lôrioiaxfi pou (xyavioi. Aev kovcû pàGripa aïov Eauxô pou xi Ga yP^£^ l . Ta

opdpaxa xr|Ç .^afjç pou npoKaXoûv auYKLvf|a£ lç. Taaç ov 5ev épXena xp ^ap pE xa pdxla xpç KoapoGEapiaç pou, va pp ouykivlôpouv, onôxE Kai 5ev Ga ÉYpacpa. »

Ces propos furent exprimés par Helli Alexiou au cours d'une interview qu'elle avait accordée à Iphigénie CHRISOCHOOÜ, le 18 mai 1971.

En fait, l’accuser d’être engagée, c’était bien mal connaître l’auteur et la personne. Certes, elle appartenait à un parti, surtout à un parti maudit à l’époque par une majorité de Grecs. Mais ses sentiments n’étaient et ne pouvaient en aucun cas être dictés par une simple appartenance au parti, car elle était avant tout un écrivain qui s’inspirait principalement, comme nous l’avons déjà mentionné, par des événements qu’elle avait vécus et dont elle a été profondément touchée. Si l’on ne peut nier que son œuvre est marquée par des options politiques et une forte tendance à caractère social, où elle met l’accent sur la misère et les conditions de vie difficiles, sur toute forme d’injustice qu’elle condamne fermement, sa vision des choses est pourtant déterminée par cette réalité et nullement par une idéologie quelconque. À ce titre, la dimension réaliste de ses œuvres littéraires est renforcée par le pragmatisme qui supplante, non pas ses idées progressistes, mais une présence Idéologique qui occulterait la réalité et imposerait des règles de vie.

C’est en ce sens qu’elle fait découvrir au lecteur les dures réalités de la vie qui frappent des couches sociales mal loties et, par ce biais, elle met eh cause le système social en vigueur. Si bien qu’à travers ses écrits l’ont ne lit pas une militante soucieuse de défendre et de promouvoir l’Idéologie communiste, mais une femme qui rencontre sur son chemin le communisme parce qu’il est plus soucieux à exprimer la souffrance humaine. Il y a lieu de noter que Helli Àlexiou détestait se faire l’apôtre de ses idées de gauche dans ce qu’elle écrivait, elle cherchait simplement à raconter üné histoire vécue qui l’avait particulièrement émue et laissait au lecteur le soin de tirer lui-même ses propres conclusions, sans imposer les siennes. Elle respecte ainsi le libre arbitre du lecteur en cherchant avant tout à développer son sens critique et son jugement. Elle préfère le guider discrètement à cette fin et elle choisit de le faire en usant d’une observation psychologique très réaliste et de la force subtile de son récit.

C’est ici qu’Helli Alexiou l’écrivain rejoint l’institutrice, dans la mesure où elle fait appel, comme nous l’avons dit, dans ses œuvres littéraires aux mêmes méthodes qu’elle utilise dans l’enseignement. À travers ses écrits nous découvrons très vite un grand défenseur de la dialectique et de l’objectivité.

deux points très importants dont nous parlerons dans la troisième partie de notre thèse, consacrée à l’aspect pédagogique de son travall.

Bref, même si Alexiou accorde une place privilégiée au communisme dans sa vie, elle met toujours l’art et l’humanisme au-dessus des étendards du parti. Elle voit le monde dans ses dimensions réelles et y fait face en s’appuyant sur ses propres expériences, ainsi que sur sa sensibilité humaniste, soucieuse surtout de la dignité humaine. En fait, à travers une idéologie qui l’inspire sans la soumettre à ses règles et ses croyances, elle ne cesse jamais de penser à l’homme et cherche toujours à lui rendre justice en lui accordant la place qu’il mérite vraiment. En somme, s’il y a une dimension d’engagement dans son déùvre, c’est celle qui la lie à sa conscience. C’est pourquoi elle est également sensible à des thématiques comme le patriotisme et la violence.

Dans ses écrits nous retrouvons à maintes reprises, plus ou moins intensément, ces questions associées à ses croyances idéologiques. Mais nous considérons que parmi ses ouvrages, quatre d’entre eux présentent vraiment des caractéristiques pouvant être considérées comme "idéologiques" : il s’agit de ses romans napanÔTajjoL {Affluent^, Me tt] Aûpa (Avec la lyre), Aeonô^ouoa {Bonheur tout puissant^ et Kai oûrco Kade^fjç {Ainsi de suite). Dans ces ouvrages, l’auteur place ses personnages dans un contexte politique et historique qui est réel. Défenseurs des idéaux humanistes et socialistes, ces personnages interviennent dans le récit en tant que porte-paroles qui cherchent à promouvoir des principes plus justes et plus humains dans l’espoir d’arriver un jour à construire une société meilleure. Nous constatons qu’à travers ces nombreux messages. Ils expriment un optimisme qui leur est Inné, à l’instar de celui de l’auteur, l’optimisme de voir les choses changer. Pourtant, il convient de se prononcer ici sur un cas un peu différent, qui concerne la pièce de théâtre Ainsi brûla la forêt {'Etol kcctike ro ôâooç)^ où domine au contraire le pessimisme de l’échec des communistes à conquérir le pouvoir en 1944 au moment de la libération.

Helli ALEXIOU, 'Etgl KÔiqKE to ôâcjoç - Môvo anô Ayànq (Ainsi

brûla la forêt - Seulement par amour), Kastaniotis, Athènes,

1986.

L’écrivain utilise l’allégorie de la "forêt" qui concerne la masse athénienne qui descendit dans les rues lors de l’annonce de la libération, mais qui finalement a échoué. Par la bouche d’une femme de gauche, Daskalaki, Helli Alexiou s’exclame à la fin de la pièce : «C’est ainsi que brûle le peuple pur et beau de la forêt»®^. En observât la description des événements historiques par des moments narratifs propices, on constate que c’est là une perspective constante, chez elle, qu’il convient sans cesse de rappeler. Cela ressort clairement des quatre romans cités. Nous nous contenterons id de relever quelques uns des axes d’analyse d’Alexiou, en nous basant sur l’un ou l’autre de ces romans. En cet endroit nous portons l’attention surtout sur les trois premiers, pour analyser Ainsi de suite, plus loin, dans le contexte des différentes figures de l’humanisme, et notamment celle qui met en évidence l’idée que le progrès de l’espèce humaine requiert de nombreux sacrifices successifs (cf. ci-dessous pp. 187 et suivantes).

§ 1. Affluents ou l’accès à une littérature engagée

Tout d’abord, nous avons vu, en présentant le caractère autobiographique de son œuvre, que Helli Alexiou puisa son inspiration dans son enfance et dans l’histoire de la Crète. Son roman Affluents, qui fut publié en 1956, reflète cette période. Les événements historiques qu’elle y relate, l’ont forternent marquée, car ils se sont déroulés lorsqu’elle était une jeune adolescente. Ils nous permettent également de comprendre, en partie, d’où est née sa yojonté de se battre sans cesse pour défendre ses Idéaux.

Le sujet principal du livre est la lutte pour la défense de ses convictions, de sa patrie, de sa famille. Alexiou nous montre comment des personnages qui sont tous des combattants font face à une situation, en dépeignant la psychologie et la personnalité de chacun d’entre eux. Cet ouvrage est empreint d’une dimension idéologique qui fait voir que l’homme doit se battre pour la liberté et la justice. À cet égard l’auteur précise dans une interview que :

Ibid. , P. 43 .

« Dans Affluents se reflète le combat d’une petite fraction de personnes asservies, - d’abord par les Turcs et ensuite par les hitlériens -, pour secouer le joug. Le fleuve du soulèvement s’élargit dans le parcours de nombreux «affluents» et il s’ en gonfle jusqu’à la victoire et la libération. Ce livre, qui est également une chronique, est le fruit d’un patriotisme fervent visant à la libération... »®^

L’histoire de ce roman débute avec la dernière révolution crétoise de 1896-1897 et enchaîne par la suite avec les premières années d’autonomie que connurent les habitants de l’île. À travers la chronique d’une famille, l’auteur nous fait part des événements les plus importants qui ont eu lieu dans l’île à la fin du XIX® siècle et au début du xx®. Elle reproduit l’ambiance de l’époque et décrit avec un grand sens du réalisme la société bourgeoise de Mégalo Kastro qui se caractérise, d’une part, par un conformisme et un esprit étroit, et, d’autre part, par un patriotisme fervent. Dans ce roman, Alexiou n’a pas cherché à mettre l’accent sur la fidélité historique telle qu’elle est relatée par un livre d’histoire, mais plutôt sur l’action, comme elle le précise dans la note insérée au début de cet ouvrage. Elle y dit que :

« Le roman Affluents n’est pas un livre d’histoire. Les événements historiques auxquels nous faisons référence dans ce livre, sont soumis aux exigences de l’action des héros (...) Toutefois, ceci n’empêche pas que beaucoup d’épisodes soient vrais et qu’un grand nombre de héros soient réels, »®^

Andréas KA.RANTONIs. Proses..., op.cit., p.l59.

« Stouç "napo£nôia]iouç" KO£0pecpi lÇexcKL o oyIùvolc; piKpou ipripcïtoç QKXaPûjpévcov - npaia axouç ToûpKouç k«l ae auvexeia aiouç

XLiXepLKOûç - yia anoi ivaÇri tou ^uyou. To noTàpi lou Çeor|KCû]ioû To nXaTaivouv axri 5La5poiif| xou nXfiSoç "napanôxapoL"KO£L xo

cpouaKQvouv cùç xr| vtKr| k« l xr|v aneXeuGépoari. To ^l^XIo auxô, nou ELvai ko(l \pov\.Y.à, xo y^wriae xo naxpLuxLKÔ

aneXcuGEpuTLKÔ pévoç... »

Helli ALEXIOU, IlapanÔTapoL, {Affluents) , Kastaniotis,

Athènes, 1978, p.4.

« To pu0LOxôpripa "iTaparrôro'poi" 5ev eivai Pl(ÎXlo laxopLKÔ. Ta LoxopLKà YEyovÔTOC, nou avacpépouvxal axo Pl(5Xlo, unoxàooovxai oxiç anaLxpaeLÇ xr|Ç 5pàor|Ç xov r)p6a)v(...) Qaxôoo auxô 5ev epnoôI^EL noXXa enetaôôLa vôfvaL oXr|0Lvà Kai noXXoC ripuEç vàvai

Aidée par des souvenirs encore très vivaces de cette époque, eile décrit certains détails sur la vie de tous les Jours de différents personnages. Ces détails sont utiles pour mieux comprendre ce qui s’est passé à ce moment-là, et surtout pour saisir les sentiments qu’ont éprouvé les gens qui vécurent ces événements. Paradoxalement, c’est la configuration des Intrigues qui conduit à la réalité préfigurée. Ce qui montre la complexité des rapports, dans les romans, entre préfiguration et configuration, et qui corrige le schéma de P. Ricœur qui sous- détermine la préfiguration.

Le récit commence par une description très violente de la nature de l’île, avec ses vents particulièrement puissants, une mer déchaînée et une terre marquée par un relief fortement accidenté :

« Un monde bouleversé, fou. Sur elle les vents se battent et s’avoisinent. Une fois c’est le vent du nord qui passe et une fois c’est le vent du sud ; une fols c’est l’un qui veut se défouler, une fois c’est l’autre.

Sa mer ? Des lions déchaînés et des fauves qui deviennent orageux... (...) Les terres ? Elles aussi complètement folles... »“

A cette violence de la nature répond aussitôt |a violence de la guerre. La révolution éclate avec une grande violence comme s’il s’agissait d’un phénomène naturel qui ne peut être contrôlé, même par ceux qui l’ont provoqué :

« Quelque chose de très mauvais se passe dans la rue du port ! Les hommes s’égorgent comme les poules. Les maisons, les magasins, à droite et à gauche brûlent jusqu’à la mer ! Sortez dans la cour pour écouter le bruit des braises, comme si on y rôtissait des moutons ! Voyez ! Voyez ! Des fumées jusqu’au ciel. Toutes les maisons se vident... Jésus aide-nous... Mets ta main...

Ibid, pp.5 et 7.

« AvaaTctTCùpÉvoç KÔapoç, ipeÀôç. Ol aépnôeç, otnàvcù triÇ

HaXaipouv Kai auvopiÇovxaL. Kai noie nepvà tou Boppà k«l note nspvâ tou Nôtou. Kca noie o évaç 0ÉAs l va pyofAe l to ocxt l tou KttL note O àÀAoç.

H ©ôfAaaaa triç; Auaaaapéva Aiovxàpia ki oviapiaopéva 0Epià(...) Ta x<*>V*c<Ta; Kl autà ©eôtpeAà. . . »

L’auteur pense que la personnalité combative et passionnée des Crétois provient de la force de la nature qui a fini par déteindre sur eux. Elle dit qu’ils sont comme des animaux qui ressemblent à la terre quL leur a donné naissance®®. Les hommes se distinguent par leur force de caractère, ainsi que par leur combativité, et cherchent avec véhémence à atteindre leur objectif principal qui, à cette époque, repose sur une lutte incessante pour obtenir la liberté et réajiser l’union à la Grèce :

« Les gens de cet endroit pensent que la vie signifie, d’abord et avant tout de poursuivre avec passion ton objectif. »®^

Un objectif que leurs parents et grands-parents ont essayé d’atteindre, sans y être jamais arrivés. Maintenant les choses ont changé, et c’est au tour de cette nouvelle génération de prendre les choses en main et de lutter pour défendre les mêmes Idéaux. Dans le contexte du récit, c’est le personnage de Stylianos, un exemple type du Crétois, qui se prépare pour se battre contre les Turcs, et ce en dépit du fait qu’il a une femme et des enfants®®. Il sait que sa vie n’a pas de sens s’il n’agit pas pour le bien de sa patrie et des siens.

« MeyocKo ko(kô yLV2TaL axo 5pôvio lou XipcxvLOÛ! Ol avBpdbnoL

acpcf^ouvioa c?o£v tlç kôteç. Ta aniTia, la pova^ià, ôeÇâ-^Eppà coç in-QàXaaoa KaLYÇWtoa ! ByeLieaTriv auÀf) v'aKoûaeTe tlç

KanviXeç, aav va ilxrivouviaL apviâ! Aeiie! Aelie! Kanvoûç coç xov oupovô! Ta anixia ôXa aôetâ^ouv.,.. Xpiaxé Bori0a.. . BaXe xo Xép L aou...»

Ibid., p. 7 . '

« (...) ônaç. xa ^©a, nou poiâ^ouv pe xr| yrjç nou xa yévvnae,

Kai 5ev pnopieiç va xa Qov etpacxe Kai peiç,

SxeXiavÉ. Apa yupia© ki aveôLàa© xn dôcXaooa, noûvai

cpoupxouv Laopévri oXoxpov iKf|Ç, âpa axpacp© Kai 5© xa ^ouvà paç noûvai aa va naipvouv x°X^o ^ai v'ave(5oKaxepa'ivouv, âpa xripâÇ© xa aûvvEcpa, nou oi aéprjôeç 5ev x'atprivouv a'ovanapô, âpa Gupr)©© xa Kaxapapéva Kouviapaxa xr]Ç ypç paç, Xé© va! 'Exoi eipaaxe Kai

peiç, Kai 5ev pnopoûpe va KaxaXaylâaoupe. »

Ibid. p.6.

« Ol ov0p©no l anô xoûxov xov xôno 0apoûve n©ç Ç©f| 0a nei, npüxo Kai KÛpio va ÇexpéxEiç pe nâ0oç xo oKonô aou. »

Nous constaterons que cette idée de sacrifice pour défendre

les idéaux nous la retrouvons également dans Bonheur tout

« J’aime mes enfants comme peu de gens. Je respecte ma femme. Mais la douleur secrète envers le Turc ne se combat pas. N’importe quel Crétois que tu prennes et à qui tu demandes, il a des comptes à rendre aux Turcs, que ceux-ci soient anciens ou récents, qu’ils soient petits ou grands. Toi, ManolakI, tu as un grand compte à rendre, mol j’en ai un très petit, mais c’est pareil. »®’

Comme on le voit, derrière le patriotisme et la violence qui dominent dans ce texte, autour de la réminiscence d’une vie vécue en Crète, se profile la souffrance ressentie face au sacrifice inévitable d’un engagement. La souffrance de

esclavage •> politique côtoie ici la souffrance de la haine à l’égard de l’occupant. « Douleur secrète... qui ne se combat pas.» Ces souffrances sont manifestement tellement fortes qu’elles n’éclipsent même pas la souffrance de quitter les siens, ses enfants qu’on peut aimer « comme peu de gens. » Ainsi les thèmes abordés par Alexiou, même dans des textes qui exaltent le patriotisme et qui pourraient être interprétés comme nationalistes, préservent une dimension humaine qui pourrait être également rapportée à l’ennemi. N’oublions pas que l’auteur vit encore dans un contexte où la lutte de libération de la Crète et son union à la Grèce supplante toute autre réflexion. Pourtant une lecture plus attentive de l’intrigue révèle une dimension plus puissante de son analyse qu’il convient de cerner de plus près.

En effet, les dialogues sont révélateurs non seulement de la façon de penser des Crétois et de l’honneur qu’ils ressentent à vouloir défendre leur patrie contre le joug ottoman. Helli Alexiou réussit à faire passer ce message avec réalisme, en l’accompagnant d’une description fine des conséquences de cette situation. Une des grandes originalités de ce livre, c’est que l’auteur, contrairement à d’autres écrivains comme Kazantzakis ou Prévélakis, configure

Ibid. , p. 9.

« Ayané la naiSiâ pou ôao Xlyol. Sépopai in y^vaiKa pou. Ma to

oapàKi TOU Toûpxou 5ev HaXaipeiai. OnoLO KprjT iKÔ va niâaeLÇ KaL va TOVE ÇepcûTfi^e Lç, ôXoi éxouve kl anô éva Xovocpiaopo pe Tov ToûpKO. ©éXei naXiô 0éXei KaivoupyLO. ©éXei piKpô GéXei peyàXo. Eau MovcoXàKi, éxeiç peyàXo Xoyapiaapô, eym napapiKpô, pa T O 15 L O KCÜV EL. »

la dernière révolution crétoise à travers la vie des personnes civiles et non des soldats qui vont se battre au front. Elle montre comment les femmes et les enfants doivent s’exiler à Athènes, et décrit avec force , les : sentiments de désarroi et de déracinement que ressentent ces gens qui se trouvent loin de leur patrie et de leurs familles et qui, de plus, vivent dans des conditions particulièrement défavorables et précaires : l’étroitesse d’un petit appartement de réfugiés, la faim, la chaleur et le manque d’eau®^^ Elle insiste également sur la peur de ces pauvres gens de ne jamais revoir les leurs, de ne plus pouvoir retourner chez eux et la crainte de ces femmes qui se retrouvent seules sans la protection d’un homme®^. Bref, ce qu’elle parvient à relever avec un réalisme aigu, c’est la précarité et l’incertitude de ceux qui subissent la guerre.

A leur retour en Crète, les réfugiés apprennent tous les événements qui se sont déroulés pendant leur absence. Cet épisode est décrit par l’auteur avec un style très concis et réaliste. Les choses et les gens reprennent peu à peu leurs places. Mais il y a aussi ceux pour qui la révolution a complètement détruit leur vie, comme c’est le cas de Thékla®^, cette femme qui a perdu son fiancé pendant les conflits et qui n’arrive plus à donner un sens à sa vie. En outre, les relations entre les Turcs et les Crétois ont beaucoup changé : les premiers partent s’installer dans des quartiers qui leur sont propres et dans lesquels ils se

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