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Histoire du mode de peuplement de la période préhispanique à 1950

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 52-55)

Dynamiques territoriales et organisations sociales  dans le Périsalar de l’Altiplano Sud

Encadré 1  : Paysages et végétation naturelle de l’Altiplano Sud

2.1.2.  Histoire du mode de peuplement de la période préhispanique à 1950

Photo 5 : Queñua et yareta sur les flancs du Thunupa 

Photo 6 : Lamas pâturant et s’abreuvant dans un bofedal 

Source : clichés A. Vassas Toral, 2007. 

2.1.2. Histoire du mode de peuplement de la période préhispanique à 1950 

Les conditions physiques extrêmement contraignantes de l’Altiplano Sud  n’ont pas empêché le  développement de sociétés sédentaires pratiquant une agriculture où l’adaptation des espèces 

et des populations à leur milieu ont toujours été de rigueur. J. Arellano et E. Berberián (1981)  ont trouvé des preuves archéologiques de peuplement dans cette région antérieures à 1800  avant J.C. Mais ce nʹest que plus tard quʹapparaissent des traces liées à lʹagriculture. On peut  encore aujourdʹhui observer les vestiges de ces anciennes agricultures de lʹAltiplano tels que des  terrasses pluviales (terrasses linéaires, cross‐channel, micro‐terrasses) et des enclos de culture,  ainsi que des constructions telles que des greniers et des silos, très probablement associés à la  culture de quinoa (Barfield, 1961 ; Nielsen, 1997, 1998). 

Les  habitants  de  l’Altiplano  Sud  ont  toujours  eu  comme  activité  principale  et  locale,  l’agriculture, combinant  cultures sèches et  élevage. Si l’élevage était pratiqué  partout, on  trouvait en revanche des zones sans culture. La majorité de la production agricole concernait la  quinoa et/ou la pomme de terre, leur densité variant en fonction des microclimats. Ces deux  composantes de base de l’alimentation locale se conservent aisément plusieurs années. Ainsi, la  pomme de terre est déshydratée (chuño) par lʹalternance entre le gel nocturne et lʹintense  rayonnement diurne, et la quinoa se conserve en grains. Ces deux types de produits sont  également pratiques à transporter.  

L’élevage de lamas (Lama glama, famille des camélidés) était pratiqué dans toute la zone. La  viande de lama est consommée fraîche ou bien salée, puis séchée au soleil pour être conservée  et/ou transportée (sous cette forme on la nomme charque). Certains microclimats permettent  également l’élevage d’alpacas (famille des camélidés) qui ont besoin de pâturages humides  (bofedales). Enfin, depuis la conquête espagnole, l’élevage concerne aussi les ovins.  

Toute production agricole est  par  définition irrégulière,  variant d’une  année à  l’autre en  fonction de divers facteurs (climat, maladies, prédateurs, etc.). Dans l’Altiplano Sud, les aléas  du climat : sécheresse, gel, grêle ou vent fort peuvent affecter les cultures tout au long de leur  cycle de  croissance  et peuvent  donc  réduire  à  néant  les  récoltes, d’où  l’intérêt pour  les  populations de mettre en œuvre des stratégies productives fondées sur la minimisation du  risque plutôt que sur la maximisation de la production. Historiquement, et comme dans toute  société paysanne, cette agriculture avait pour vocation première la reproduction sociale et la  couverture des besoins alimentaires de la famille en étant, soit directement consommée, soit  troquée contre dʹautres produits. 

L’accès indirect à des biens non produits dans les zones de puna par le biais des échanges a  constitué une des principales stratégies des populations andines pour diversifier leur régime  alimentaire. Les caravanes de lamas chargés de produits divers partaient de la communauté et  le voyage pour atteindre le lieu des échanges pouvait durer de 10 à 30 jours (Lecoq, 1987). Une  fois à destination, la caravane s’arrêtait quelques jours le temps d’échanger les produits de la  montagne contre ceux des vallées ou de la mer, puis elle repartait vers la communauté. 

L’absence dans les communautés pouvait ainsi durer jusqu’à quatre mois. Il s’agissait de  voyages vers les oasis et la côte de lʹactuel Chili, et vers les vallées inter‐andines boliviennes  (Cochabamba, Potosi, Sucre, Tupiza) (Nielsen, 2001). 

 Les produits emportés de l’Altiplano étaient en priorité le sel extrait des salars, les pommes de 

terre ou le chuño, la quinoa, la laine et le charque de lama, et parfois du lama frais (des animaux  de la caravane étaient tués sur place), ainsi que quantité d’autres produits (artisanat, pierres  précieuses, herbes médicinales, etc.). Contre ces produits, les caravaniers échangeaient des  fruits, du maïs, de la coca, du bois, des produits de la mer et, plus récemment des farines et du  sucre. Chaque communauté avait son parcours et ses destinations favorites, liant ainsi les  territoires du haut et du bas.   

Nous ne savons pas précisément quels types de liens existaient entre les différents étages, s’il  s’agissait  d’« archipels  verticaux »  décrits  par  J.  Murra  (1972)21  ou  bien  d’alliances  interethniques telles que celles étudiées par J‐L. Martínez (1992) pour les oasis du Chili ou  encore de « simples » relations de troc. Toujours est‐il qu’il y avait une importante « mobilité  giratoire »22  (Núñez  et  Dillehay,  1995)  entre  les  étages  écologiques.  Malgré  les  barrières  montagneuses et la rudesse du milieu, l’Altiplano n’était donc pas une région isolée et faisait  bien partie intégrante d’un réseau d’échanges à plus large échelle. 

Pendant  la  période incaïque,  à  partir de  1450  et  jusqu’en  1572, la  région  a  connue  des  déplacements  forcés  de  populations  (mitimaes  ou  mitmackunas)  vers  d’autres  zones  de  production agricole ou vers les zones minières, ou encore lors des conflits. Les fonctions de ce  type  de  colonisation  étaient  à  la  fois  productives  et  militaires.  L’Empire  du  Soleil,  le  Tiwantinsuyu,  était  un  régime  centralisé  ayant  implanté  des  centres  administratifs  sur  l’ensemble de l’empire. Dans la région, il sʹagissait de Sevaruyos (Cruz, 2010) et Tahua (P. Cruz  communication personnelle, 2011). 

Durant la période coloniale, à partir du XVIe siècle, les réorganisations ont été importantes mais,  contrairement au reste de la Bolivie, la région n’a pas été touchée par le modèle des haciendas,  cʹest‐à‐dire par les grandes propriétés foncières confisquées sur les terres des indigènes et  ensuite exploitées par un patron qui faisait travailler gratuitement la population autochtone. En  effet, la région des Lipez a acquis une certaine autonomie en payant un tribut directement à la  couronne (tribut payé en argent et en or) (Cruz et al., 2011 ; Martínez, 2011). L’agriculture  familiale  et  les  productions  locales  ont  ainsi  été  relativement  préservées.  En  revanche,  l’imposition des réductions (reducciones), cʹest‐à‐dire le regroupement de la population indigène  dans des bourgs, a marqué ces territoires. L’objectif du colonisateur était de pouvoir contrôler  les  populations  locales et d’affaiblir  leurs  structures sociales  traditionnelles basées  sur  la  communauté (Martinez, 2011). Malgré cela, l’organisation sociale locale ancienne a perduré en  grande partie et les terres sont restées communautaires. Un autre fait marquant de la période  coloniale  a  été  l’instauration du  travail forcé dans  les  mines (mitayos)  autour  desquelles  l’économie régionale avait été restructurée. Si la période coloniale est synonyme de chute  démographique considérable à l’échelle du pays (liée en particulier aux épidémies et aux décès  dans les mines) il y a eu, localement, une affluence massive d’émigrants de diverses régions des  Andes, pour l’exploitation des mines (Gil Montero et Nielsen, 2010). Finalement, A. Fioravanti  Molinié (1981 : 89) mentionne « trois facteurs qui ont contribué à lʹérosion progressive du modèle  dʹarchipel vertical tout au long de la période coloniale : la confiscation des terres des ethnies au profit des  maîtres et  des  haciendas  la constitution  de réductions  regroupant  des populations  auparavant  dispersées ; la pénétration progressive dʹun type dʹéconomie, relativement inconnu jusquʹalors, reposant  sur lʹéchange et le marché. ». 

Avec  l’indépendance  de  la  Bolivie  (1825),  la  base  des  activités  dans  la  région  restera  l’agriculture, le troc, le travail saisonnier dans les mines pour les hommes (Potosi, cordillère  orientale, Pulacayo) ainsi que certains travaux autour de la mine et, en particulier le transport  des  minerais  de  Potosi  jusqu’au  Chili.  L’Altiplano  Sud  était  sur  le  tracé  des  voies  d’acheminement de ces minerais et certains habitants se dédiaient à ce transport, employant        

21 J. Murra décrit le cas de populations de la période 1460‐1560, avant la colonisation espagnole. Il décrit une  organisation pour contrôler un maximum d’étages écologiques et donc de productions qui pouvaient aller de la puna  à 4000 mètres d’altitude à des zones littorales : « La population faisait un effort continu pour s’assurer l’accès aux « îles »,  en les colonisant de leurs propres personnes, malgré les distances qui les séparaient des noyaux principaux d’établissement et de  pouvoir » (1975 : 62). En ce qui concerne notre zone d’étude, il indique qu’ « il existerait des ethnies altiplaniques sans  contact avec le Titicaca ou la mer mais avec un accès aux Yungas vers le nord et l’est. Il s’agit de Pocona, Charcas, Soras,  Quillacas, Carangas, Chuis, Chichas » (1975 : 78). 

22 Va et vient entre deux localités ou régions économiquement complémentaires. 

pour cela un nombre très élevé de mulets. Avec la construction des lignes de chemin de fer  (1890),  cette  activité  a  progressivement  cessé.  Une  autre  ressource  économique  était  lʹexploitation de plantes (yareta et thola) utilisées comme combustibles dans les fonderies des  mines. Cette activité s’est arrêtée avec l’utilisation du charbon et du pétrole. 

Aux premières traditions de mobilité visant à compléter la diète alimentaire se sont peu à peu  substituées des mobilités de travail tournées vers l’obtention de revenus pour l’acquisition de  biens matériels  et alimentaires.  Cette nécessité de  mobilité  reflète  de nouvelles  exigences  imposées par la colonisation et de nouveaux besoins liés à la monétarisation de l’économie. 

Mais elle renvoie aussi à lʹinsuffisance des activités locales pour fournir des revenus décents. En  effet, l’agriculture locale est aléatoire et il n’existait pas à cette période de marché pour les  productions agricoles et d’élevage.    

2.2.  Les  dynamiques  de  peuplement  depuis  1950  l’Altiplano  Sud  en  déprise 

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