Malgré tous les éléments ilr- civilisation |)ropagés par les
Romains, le
Nord
de laGaule présente encoreau iv" siècle dp vastesrégionsincultes, couvertes d'eau, de marais et de bois.« C'estdit"saint Paulin, dans une lettre de 399,une terre
sau-» vage, oii des étrangers barbares etdes habitants pillards
fré-" quentaientlesdésertsdesforêts (.-tdes rivages égalementsans
') sûreté (1) »
.Malbrancq, de Moriiiis, eu dérivant au début de son livre l'ancien pays des Morins, s'e.xprime ainsi : « J'aborde une
>> province dépourvue devilles, et que rendentaffreuse de
très-» épaisses forêts, des marais innombrables, des sables, les
» souffles des autans, lesgelées et les pluies (2). »
(1) Ubi désertasilvai'Uin ac litlorum paritor intuta ailven;cbarl)ariau!
latroncs incolfo frcquentabant.
(2) Provinciam ingrodioroitpidis iiudam,sylvis densissimis, frcquen-lissimispaludibus, sabulo, vcntorum (lafibus, goh», imbribu? horridam.
—
97—
Dans
ces rudes et âpres contrées du Nord, les bois occupenl des espacesimmenses.Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : pr<'squ'aux portes d'Arras s'étend la vaste forêt de Moflaine; à quelque dislance delà,toutle paysboisédela Gohelle{Sylvinuspagiis) ;
non loindes bords dela Scarpe, le grand bois de Lalaing ; puis les forêts de Marchiennes, Wallers, Hasnon, Vicogne, Raimes, Sainl-Amand ; du côté du littoral, les forêts de Hesdin, Boulogne, Hardelot, Desvres; dansle bassin de l'Aa, la forêt de
Fauquemberg
et de Renti, la forêt deTournehem, le bois d'IIelfaut et de Bilques, la forêt de Clairmarais, le bois deWatten
; dans lebassin dela Lys, le Vaastloo {Vastus saltus), la forêt de Nieppe et plus bas vers la Deule, la forêt, de Phalempin (11.III.
DIVISIONS ADMINISTRATIVES.
—
TERRITOIRESDES
TROIS CITÉS D'ARRAS,TÉROUANNE
ETTOURNAY. — GRANDS
ET PETITS PAGI QU'ILSRENFERMENT.
Les régions du
Nord
dontnous venons deparlercontiennent aupoint de vue administratifles trois cités(.l'Arras, Térouanncet Tournay.
Leterritoire de la cité d'Arras renferme qualri; districts ou grands cantons qui sont: TArtois proprementdit {Adliuirtensis
(1) Voir dansles Mémoires de la Société il'AijriniUiiir, Scicncis cl
Arts de Douai, ann. 18V,)-1.S51, 2" sûrio, t. 1, p. 2i5. iiotro disstM-talion intitulée: • Notions topofjraphiqws surle Norddela l''rance. •
— 98 —
pagm), l'Arouaise {Atrewasia ou Arida gamantia), la Gohelle {Goariaou Sylvinus pagus), l'Escrebieu {Scirbiu) (1).
La
cité do Térouanne, {Morinorum civitas,)comprend
dans son lorritoire lepays de Térouanne, le Boulonnais, [Gensoriacun pagus), le pays de TOye, {Aucioisis pagus), lepays de l'Yser, {Isereticuspagus).La
cité des Ménapiens dontTournay
est lechef-lieu renferme de son cùté quatre pays ou districts, le Tournaisis [Toniaci'usis pagus), le Mempiscus pagus entre FYserd et la Lys, leMelantois [Medetenensis pagus) et le Courtraisis {Coiioriacciisis pagus) entre la Lys etl'Escaut.Chacun
de ces territoires se partage ainsi en grands districtsou pagi majores. Mais quelques-uns de ces vastes pays ont produit des cantons plus restreints. C'est ainsi que du pays de Térouanne s'est détaehé le Ternois {Tcrncnsis pagus) baigné parlaTernoiseavec Saint-Pol pourchef-lieu.
Sur d'autres points ont pris naissance le Flandrensis pagus ou paysde Flandre et le (]a)id(')}sispagus ou paysde Gand.
I
IV.
I
LA
FLANDRE
PRIMITIVE.—
SES LIMITES RESTREINTES.A
unedistance peu éloigée du rivagede lamer
s'était formé, au miliou des bois, deseaux et dessables, un modeste canton,le Flandrensispagns, habité par des Saxonsréfugiés qui étaient
(1) Eurc les AliVjbatos, les Nerviens et les Ménapiens,s'étendaitun grand espacevidedésigné sous le
nom
de PahitlaonPèvvle. Il fut jilus tard diviséen quatre parties qui furentVOsIrcvcnl, lepaysde la Lys, loCaremhaiil et lePcvcle proprementdit.
— 90 —
venus
y
chercherun
asile. Ce pays renfermé dans d'étroites limites avait pourprincipalesbourgades les lieux oùs'élevèrent ensuite Bruges,Oudembourg, Damme,
l'Écluse, Middlebourget
Ardembourg
(1).Une
chronique des Forestiers de Lillecontient surlaFlandre un curieuxpassage; l'auteurdonne sur Brugeset sesenvirons des détails qui nemanquent
point d'intérêt. «Du
temps de» Clotaire, fils
du
grand Clovis, quelquesvilles etforteresses)> étaient déjà construites et réglementéesen Flandre. Lesplus
') notables étaient Harlebecke,
Oudenbourg
etRodenbourg
» (plustardArdembourg).
Au
milieu de la route qui conduit» de l'unede ces deuxvilles àl'autre était
un
faible torrent, un» petit bras de
mer
qu'onnommait
Bruigstoc (dans la suite,» Bruges).
Du
côtédu Nord
se trouvaient cinq maisons etdu
» côté du" Midi six maisons, oîi logeaient les voyageurs qui
» allaientde
Rodenbourg
àOudenbourg
et vice versa.A
deux» lieues de Bruges s'élevait une colline sur lac[uelle était
» construite une habitation telle quelle. Avec le temps, on la
))
nomma
Laminisvliete et-ultérieurement l'Écluse.De
ce port» de Laminisvliete, àcause des périlsdela foret, se prolongeait
)) surle rivage de la
mer
une voiecommune
pour se rendre au» château de Sitiu qui estmaintenant Saint-Omcr (2). »
(1) Brugesformeunpointàpouprès central entreOudembourgarrond.
de Bruges,
Damme
à une lieue etdemie de Bruges,l'EcluseauNord-Est de Bruges,Middclbouig àune lieue un quartau Sud-Est de l'Ecluse,Ardembourgàquatre lieues au Nord-Estde Bruges.
(2) Nota quod tune temporis Clotarii, filii Clodovis régis, in l'Iandria ordinata etiam et aedificataaliqua oppidaet castrasalis adhucnotabilia, Arlebecca, liodenburg, quod Ardenbunj dicitur et Oudcnlnirg; et in
média via de Rndenhxu'd, et Oudenlurfj erat quidam torrens vilis,
quoddambrachiolum maris, ([UiBruùjslocdicebatur.Eximile a(iuiiunuri erant (juinquedomus,exparte veroaustraiisex,ubihominesIranseunles de liodenburg et Oudenhurg vel vice versa hospitabantur; nunc vero Brugisdicitur. Eratquidam coliisadduas leucas de Brugis, ubi crat
100
V.
LA
MARCHE
DF.FLANDRE
A LA FINDU
VIII» SIECLE.Charlemagne pressentant les irruptions des pirates dont cette partie du littoral pouvait être affligée
y
établitune marche oufrontière militaire. 11 enconfia le
commandement
à Inguelram,lils de Lyderic, forestier de Flandre, dont le château d'Harlebecke, dominant le cours de la Lys, pouvait plus facilement pourvoir à la sûreté de cette région.
La
Flandre qui ne désignaitjusque là que le simple canton dont nous venons deparler,donna
sonnom
àla marche tout entière qui devini le siège d'un marquis {marchionis) etcomposa
un marquisat, dontlacirconscription embrassaun
espace considérable.Au
point de vue stratégique, le comte de la marche ou marquis de Flandre eut surtout pour devoir de défendre d'un coté toute lapartie du littoral qui s'étenddepuis la rivegauchf de la Lys jusqu'à lamer
et de l'autre laLys elle-même dont le cours depuisWervick
{Yiroviacum) passe successivement par Menin, Courtrai [Cortoriacum], llarlebccke. Deynse et Troncliienn)'.hospilium lalo, qualo... Proccssu terapoiis vocalum estLaminisvliele, (juce nunc6'c/»5«dicitur; itemde porlu.laminisvliele, propter pericula foresta; eratviacomniunis super ripamnuiris pro eundoad castrumde Sithiu,quod nunc sancli Audomari dicitur. (YoïrCalalogits et chronica principiim Flandrix) dans le Recueil deschroniques de Flandre, publié parM. deSmet,t. I p. 25.
—
101VI.
LES
FORÊTS DE
FLANDRE.— CE QU'ON ENTEND
PAR FORÊT.LES FORESTIERS ORDINAIRES.
Les Franks, après la conquèti' de la Gaule, conlinuèrenl d'attacher une grande importance à la possessiondesboiset des eaux qui, outre les produits qu'ils en retiraient, leur offraient les plaisirs de lachasse et delapêche. Sous lesrois Gallo-Franks, ils constituèrent des espaces déterminés marqués pardes limites.
Dans
leur langue, lemot
germanique Vorstou Forstd'où est dérivé notremot
forêt n'estpoint un simplebois.C'estune circonscription dans laquelle se trouventdes parties boisées, des pièces oudes cours d'eauaffectées à la chasse ou àla pêche.
On
connaît désormais desforêtsd'eau oude pêche.Par extension, les forêts comprennent des bourgades, des villageset plustard des villesplus ou moins considérables. Le
mot
Forêt se présente doncsousune acception nouvelle.Un
litdans un acte de Childebert, in Praf/maticaChildeberti :"
Nous
avons fait aumême
lieu la tradition de toutes les» pêcheries qui existent ou qui peuvent être créées de chaque
» coté
du
fleuve ainsi que nous lespossédons et qui sont de" notre forêt (1). » Aussi voit-on dans la loisaliquc, titre3o, art. 1, que les délits
commis
dansles pêcheries sontmissurlamême
ligneque les délitsdans les chasses réservées(2).(1) lias omnes piscationos quiesiint et lieri pussuiilin ulruqui' paiU' lluminis sicut nos leiiomus etnoslra forestis est,tradidimus ad ipsuni locum. (Voir encore uu Tillkt, livre1,auchajjilrodcUi seconde branche de Bourgogneet Bouciif.l, Trésordudroit français, t.II, p. 72.)
(2)
Quam
legem lamde venationibusquam
etdepiscalionibusconvenit observari'./
—
102—
A
la tête de chaque forêt ainsi définie et limitée se trouve nécessairement un administrateur chargé de saconservation etde sagarde et qu'on appelle Forestier [Forestarim).
Un
de ses premiers devoirsestde préveniret de réprimerlesbraconnages, de veiller à la sûreté des habitants, d'atteindre et de châtier les malfaiteurs.Diefenbach dans son supplément au{Glossairede Ducange, au
mot
Forestarius, indiquecomme
correspondant à cenom
ceux de Lucariufi et Viriilus (Verdier).Dans
lemême
supi^ié-ment, à l'articleEcononius, \). 19i, il donne aumot
Econotnuslesensde Directeur oude Dispensateur,jEt"y//o/»?/.s',Dispensator(1).
Investi de ces attributions, le Forestier avait un office
analogue à celui de Grafion ou deJude.vfiscalis.
VII.
LES
GRANDS-FORESTIERS. — LEUR
ASSIMILIATIONAU COMTE DE MARCHE OU
MARQUIS.Ainsi qu'où l'a vu plus haut § VI, le caractère principal de la forêtest de constituer un espace limité renfermant dt.'seaux
et des bois avec les habitations qui s'y trouvent. La Flandi-e primitive n'est en réalité cju'une forêt. Plus lanl,
même
lorsqu'elle aété agrandieettransformée en Marche ou frontière maritime,
comme
elle est en majeure partie couverte d'eau(1) Voirausurplus leGloss. deLindrcbroij, aUisuitedu Codex le(/ittn
ontiquarum, p. 1403; le Gloss. de Du Cangc aux motsForesta el Furestarhis; les notes de SiniioïKl sur les Copilulaires de Cluirles-le Chauve,p. 107.
- 103 —
et de bois, on la qualifie encorede Forêt, et le chef qui la
gouverne est désigné sous le litre de Grand-Forestier. Ce personnage dontla dignitécorrespond à celle de l'ancien Cornes limitaneus ou Cornes tractus maritimi, exerce alors les pouvoirs de comte de frontière ou marquis {marcJiio) dont il porte aussi le titre.
A
raison do l'étendue et de l'importance de son territoire et des populations qui lui obéissent, le forestier supérieur n'est plus seulement un grand-maître des eaux et forêts, c'estun
gouverneur proprement diten possession d'une triple autorité militaire, judiciaire et politique.Comme
chef militaire il est le gardien de laMarche de Flandre, ilen est lecommandant
suprême, veille à sa défense et la garnit de forteresses ; au point de vue judiciaire ily
fait régnerl'ordre,la sûreté et la paix publique ; toutes les juridictions lui sont soumises ;
comme
chefpolitique ilen est le premier adminis-trateur ;ily
fonde desbourgades etdesvillages,y
développe laculture, ala policeet la régie de tous les bois etde toutes les
eaux que renferme savaste circonscription.
On
a maintes-fois émis des doutes surlanomenclature et sur l'existence des Grands-Forestiers de Flandre, depuis Fan 79:2 jusqu'en 862 (1).On
doit toutefois regardercomme
offrantun degré suffisant de certitude les renseignementsque fournissent d'anciennes chroniques dans lesquelles sont mentionnés, dès l'an 79:2, Lyderic institué par Charlemagne et après lui ses successeurs.Parmi ces docunicnts on |)fiit indiqiu'i-: un manuscrit (hi xiu»siècle, provenantde l'abbaye de Saint-Bertiu {i) ; le Liher floridus, manuscrit antérieur à 1h20, rédigé par nn «•liiuinmi'
(1) Voir notanimont par Dedast,une Nuliirsurrcrislinn'cliintà-i<)\n' des Fnreslicrsde Flandreetsurlepremiercomie lltiuduin.
(2) Il estaujourd'huià la BibUothèqucdeBoulognesous\o n"58.
— lOi —
de Sainl-Umer Lambert fils (rOniilf, oL apparlenanl jadis à l'abbayede Saint-Bavon(1).
Un
autre chroniqueur, Jean de Thielrode, quiécrivait en l'an1298 ,contient dans son chapitre
XIX
de Coinitibus FlandrLrun
important passage qui conlirmc et complète les indications précédentes. Aprèb avoir signalé lonr-à-iour Lyderic et ses successeurs, il ajoute : «Au
temps de Bauduin, la Flandre n devientuncomté(c'est-à-dire un comtéprovincial), et Bauduin» en est le premier comte. Ses prédécesseurs furent les
)) forestiers deFlandre sous le roi de France,
comme
nous ley> lisons dans leschroniques dos Franks(2).