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C - Une gouvernance nationale trop faible pour rendre des arbitrages

1 -Un pilotage interministériel jusqu’à présent timide

Les évaluations successives des différents PNNS ont souligné le défaut de coordination interministérielle dû à l’absence de pouvoir de décision du comité de pilotage79.

Depuis le décret pris en 2012, le comité de pilotage est présidé par le directeur général de la santé, assisté des présidents du PNNS et du plan obésité80. Il est chargé de coordonner et de faciliter la mise en œuvre des actions et de proposer des évolutions d’orientation. D’après les comptes rendus du comité de pilotage sur la période 2012-201781, ce dernier est avant tout un lieu d’échange d’informations et non de prise de décision. Le comité a disparu avec l’adoption du décret portant suppression des commissions administratives à caractère consultatif en novembre 201582. Il a cependant continué à se réunir jusqu’en mars 2017.

Ce n’est que par le décret du 18 juin 2014 portant création du comité interministériel pour la santé (CIS) qu’un cadre juridique de coordination des politiques publiques liées à la santé, a été adopté. Présidé par le Premier ministre, regroupant l’ensemble des ministres, le CIS a pour mission de promouvoir la santé dans l’ensemble des politiques publiques et, notamment en matière de prévention, de renforcer la cohérence d’ensemble ainsi que l’efficacité du pilotage.

Il doit surtout, si nécessaire, permettre de disposer d’un arbitrage du Premier ministre. Le CIS n’a cependant été réuni pour la première fois sur les sujets liés à la nutrition qu’en mars 2018, dans le cadre de la mise en place de la stratégie nationale de santé 2018-2022 et des mesures

78 Cour des comptes, Rapport public thématique : L’école et le sport. Une ambition à concrétiser, La Documentation française, septembre 2019. Disponible sur https://www.ccomptes.fr/fr/publications/.

79 IGAS – CGAAER, Évaluation du programme national nutrition santé PNNS 2 2006-2010, avril 2010.

80 Décret n° 2012-531 du 19 avril 2012. Le comité de pilotage comprend les représentants de 15 administrations centrales, de la CNAMTS, de la HAS, de l’ANSES et de huit autres agences ou instituts, soit 29 membres.

81 Examen des comptes rendus des comités de suivi et de pilotage 2012-2017.

82 Décret n°2015-1469 du 13 novembre 2015.

qu’elle affichait dans le domaine de la prévention avec principalement la mise en œuvre du Nutri-score, les mesures portant sur l’activité physique et la promotion d’une alimentation saine en milieu scolaire.

Récemment, le 25 mars 2019, le CIS a donné une nouvelle impulsion aux politiques de lutte contre l’obésité une priorité. Il a annoncé le plan conjoint « nutrition alimentation » réunissant le PNNS 4 et le programme national pour l’alimentation 383. Cette nouvelle organisation devrait permettre de rendre les arbitrages requis principalement sur deux points. Il s’agit tout d’abord de l’élaboration de la nouvelle « Charte d’engagement visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision » qui régit la publicité télévisuelle, notamment vis-à-vis des enfants : elle est actuellement au point mort du fait des divergences d’appréciation entre le CSA et le ministère de la santé. En second lieu, une décision est également nécessaire sur le choix des outils visant à améliorer la composition nutritionnelle des aliments. Les chartes d’engagement volontaire et les accords collectifs ont mobilisé un certain nombre d'entreprises du secteur agroalimentaire mais leur efficacité est limitée et il conviendrait de passer à des mesures plus contraignantes.

2 - Un dispositif de suivi incomplet

a)Des outils de suivi de la mise en œuvre des PNNS limités

Le PNNS 3, qui comprenait 45 actions et 143 sous actions, souvent de nature très différente (entre modules de formation, élaboration de messages éducatifs, promotion de chartes nutritionnelles, développement de l’activité physique…) et non priorisées.

Son suivi a été assuré par le biais des informations fournies par les opérateurs présents lors des réunions des comités de pilotage et de suivi, ainsi que par un tableau renseigné par la DGS jusqu’en février 2016, évaluant l’état d’avancement de chacune des 45 actions. La DGS a, par ailleurs, produit un bilan, essentiellement narratif, du PNNS 2012-2013 et, en 2016, un bilan final par institution pilote. Ces états descriptifs ne s’accompagnent d’aucun indicateur d’impact sur les bénéficiaires des programmes ni d’indicateur de moyens présentant les montants financiers et les ressources humaines mobilisées. Il n’existe pas de document de synthèse sur le degré d’atteinte des objectifs du PNNS ni de chaque action.

L’évaluation prévue à la fin du plan a été réalisée par l’IGAS, qui a remis son rapport en 201684. L’IGAS prend acte du fait que ce plan, comme les précédents, a favorisé une prise de conscience des problèmes de surpoids et d’obésité, mais elle estime qu’il se caractérise par une ambition trop vaste, un trop grand nombre d’objectifs et des actions insuffisamment priorisées.

Ensuite, l’IGAS déplore qu’au nom de la prise en compte des parties prenantes, les préoccupations des agents économiques aient pu peser sur les messages de santé publique ou empêcher le recours à des outils réglementaires.

83 CIS du 25 mars 2019, dossier de presse.

84 IGAS, Évaluation du PNNS 2011-2015 et du Plan obésité 2010-2013, juillet 2016.

Du point de vue épidémiologique, l’enquête Esteban a permis néanmoins de mesurer l’impact du programme sur la prévalence du surpoids et de l’obésité, grâce à la mesure de l’évolution de la prévalence survenue entre 2005-2006 (enquête ENNS à la fin du PNNS 1) et la fin du PNNS 3 (2015).

b)Des financements issus de différents ministères et non consolidés

Dans le champ dépendant du ministère de la santé, on dispose de données financières sur le PNNS 2 et sur le PNNS 3 2011-2015 et sa prolongation en 2016 et 2017 (tableau n° 4). Le total des engagements est en augmentation entre les deux plans : le programme 204 (prévention, sécurité sanitaire et offre de soins) représente, sur les cinq années, en cumulé, 70 M€, contre 108,7 M€ pour le PNNS 3, sur les sept années en cumulé, soit une moyenne de 14 M€ par an pour le PNNS 2 et 15,5 M€ par an pour le PNNS 3.

La répartition des crédits se modifie dans le temps entre les deux PNNS : les crédits attribués aux services déconcentrés augmentent au cours des années tandis que ceux attribués à l’INPES diminuent, comme l’illustrent les tableaux suivants.

Tableau n° 4 :PNNS 2 (2006-2010)

Programme 204 2006 2007 2008 2009 2010

Administration

Centrale 0,74 0,99 1,29 1,62 1,124

Services

déconcentrés 2,45 2,5 2,8 3,8 3,8

INPES* 5,9 10,4 10,9 10,9 10,9

Total 9,09 13,8 14,99 16,32 15,82

Source : DGS, crédits engagés. Retraitement par la Cour ; * Institut national de prévention et d’éducation à la santé (intégré à Santé publique France depuis 2016).

Tableau n° 5 :les crédits du PNNS 3 (2011-2015 et prolongation 2016 2017)

Programmes 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017

Administration

Centrale 0,62 1,1 1,03 0,71 0,63 1,04 0,51

Services

déconcentrés 6,96 8,58 9,89 6,3 8,2 10 15,6

INPES 8,34 9,64 6,2 6,3 3,63 1,7

(ANSP) 1,7

(ANSP)

Total 15,92 19,32 17,12 13,31 12,46 12,74 17,81

Source : DGS, crédits engagés. Retraitement par la Cour

Les crédits délégués directement par l’administration centrale financent essentiellement l’observatoire de la qualité de l’alimentation (OQALI) à hauteur de 300 000 € par an, des enquêtes (cofinancement INCA, enquêtes menées dans les DOM) et des actions d’animation (villes PNNS) et de formation.

Les crédits attribués à l’INPES ont diminué progressivement, passant de 8 M€ en 2011, à 6 M€ en 2013 et 2014, 3,6 M€ en 2015, et à 1,7M€ à partir de 2016.

Les actions régionales sont financées par le fonds d’intervention régional (FIR)85 à partir de 2012, celui-ci intégrant également les crédits du plan obésité 2011-2013, à l’exception de la mission d’intérêt général (MIG) destinée aux transports bariatriques. Au sein du FIR, la nutrition représente actuellement 5,9 % de la composante « Actions en matière d’éducation à la santé et de prévention des maladies, des comportements à risque ainsi que des risques environnementaux »86. Les crédits déconcentrés sont en augmentation depuis 2014, passant de 6,3 M€ à 15,6 M€ en 201787 (dont 12,3 M€ « promotion de la nutrition » et 3,3 M€ de lutte contre l’obésité, au sein desquels 1 M€ est attribué aux centres spécialisés obésité).

Ces crédits ne rendent cependant pas compte de l’ensemble des actions menées : dans plusieurs ARS, la porte d’entrée des actions dans le domaine de la nutrition peut être le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou, pour l’activité physique, des actions cancer, jeunes, personnes en situation précaire dans le cadre des programmes régionaux pour l’accès à la prévention et aux soins (PRAPS). De plus, ces chiffres n’intègrent pas les cofinancements, soit d’autres services déconcentrés, soit des collectivités locales, notamment, pour ces dernières, ceux mobilisés dans le cadre des contrats locaux de santé (CLS).

Les actions de prévention menées par la CNAM

Parmi d’autres acteurs du champ de la santé, la CNAM alloue des crédits du fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS) aux caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) pour des actions de prévention. Les CPAM procèdent par appels à projets, ce qui explique qu’il y ait d’importantes variations d’une caisse à l’autre en fonction de la présence et du dynamisme des opérateurs.

Entre 2012 et 2017, les montants restent très limités et sont en moyenne de l’ordre de 700 000 € annuels, la région Occitanie étant particulièrement engagée, avec près de la moitié de ces crédits. Ces actions n’ont pour le moment pas été évaluées. La CNAM a précisé, dans sa réponse à la Cour, qu’une évaluation était prévue pour les actions financées en 2016, 2017 et 2018, par le moyen d’une enquête de terrain auprès des porteurs de projets destinés aux enfants.

S’agissant des autres ministères (sports, agriculture et éducation nationale), seules des informations très générales ont pu être collectées dans le cadre de l’enquête. Elles fournissent des ordres de grandeur et ne correspondent généralement pas à des actions exclusivement destinées à la prévention de l’obésité, d’autres thématiques étant souvent associées aux actions menées en matière de sport, d’alimentation ou d’éducation à la santé.

Le ministère des sports a consacré, en 2018, au titre de la part territoriale du Centre national pour le développement du sport (CNDS), 14 M€ au déploiement des programmes régionaux sport santé bien-être » (PRSSBE).

85 Le fonds d’intervention régional (FIR) a été créé le 1er mars 2012, en application de l’article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS)pour 2012, avec pour ambition de regrouper au sein d’une même enveloppe, globale et fongible asymétriquement, des crédits à la main des ARS auparavant dispersés.

86 DREES, « La prévention institutionnelle », in Les dépenses de santé en 2017, 2018.

87 Fonds d’intervention régional, rapport d’activité 2017. Le montant total du FIR pour 2017 est de 3,370 Md€.

Le programme national pour l’alimentation du ministère de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt a bénéficié de 4,5 à 5 M€ par an au niveau national et de 2 M€ pour des actions déconcentrées. Du côté de l’éducation nationale, depuis 2017, le programme

« Un fruit pour la récré » étendu aux produits laitiers bénéficie de financements européens à hauteur de 35 M€ chaque année.

Enfin, une enveloppe budgétaire de 12 M€ par an est prévue de la part de l’État pour le dispositif des petits déjeuners récemment mis en place dans le cadre du plan pauvreté (dont 9 M€ pour 2019).

Un plan décliné tardivement et insuffisamment dans les outre-mer

Les DOM présentent des caractéristiques particulières : des taux de précarité importants, une situation épidémiologique marquée par des prévalences élevées, ainsi qu’un taux de pathologies liées à l’obésité (diabète en particulier) plus important qu’en métropole, notamment parmi les classes d’âge les plus jeunes. Par ailleurs, les produits de consommation sont pour partie différents de ceux de la métropole et en troisième lieu, les habitudes alimentaires sont caractérisées par une forte consommation de produits sucrés. Dans son rapport sur la santé outre-mer, la Cour appelait de ses vœux la mise en place d’une politique de santé dédiée88. Peu de temps après, la nécessité d’une attention spécifique à l’outre-mer pour l’ensemble des politiques de santé a été inscrite dans la loi.

Dans le cadre du PNNS 3 et du PO des mesures spécifiques à l’outre-mer ont été adoptées en 2012. Parmi ces mesures, l’amélioration de l’offre alimentaire devait donner lieu à des actions visant à ce que, pour une gamme comparable de produits, la teneur moyenne en sucre soit identique dans les territoires des départements d’Outre-mer et en métropole. Cette mesure devait être suivie par la conduite d’enquêtes de terrain, l’analyse de l’offre en produits transformés et la promotion de la signature des chartes d’engagement de progrès nutritionnel (PNNS) et des accords collectifs (PNA).

Pour mettre en place le PNNS et le plan obésité/PO outre-mer, les ARS ultramarines ont été destinataires début 2012 d’une instruction de la DGS. Il leur était recommandé de mettre en place une coordination intersectorielle avec les autres plans nationaux déclinés outre-mer (programme national pour l’alimentation – PNA notamment), et, pour les Antilles, avec les mesures du plan chlordécone.

Il a été également demandé aux ARS d’entreprendre une démarche de sensibilisation aux principes du PNNS vis-à-vis des chaines de télévision et de radio ultramarines, cette démarche incitative ayant eu peu d’impact à ce jour89.

Les autres mesures communes visaient à favoriser la participation des collectivités locales et la coordination des acteurs sous l’égide d’un plan régional alimentation nutrition santé (PRANS). Elles comportaient également des actions de dépistage et prise en charge de l'obésité et des maladies associés (diabète, hypertension), avec une attention particulière pour les femmes enceintes (prise de poids pendant la grossesse). Enfin, un volet prévoyait l’élaboration d’outils de communication adaptés au contexte local (culture, pratiques alimentaires).

88 La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République, 2014. Disponible sur https://www.ccomptes.fr/fr/publications.

89 Note d’information du 18 mars 2014 DGS/EA3/n°34 concernant la mise en œuvre de l’actions 12-3 du PNNS 3 relative au renforcement des messages de santé publique et à la réduction des effets de la pression publicitaire par la sensibilisation des producteurs de programmes télédiffusés à la relation nutrition et santé par les ARS dans les territoires d’outre-mer.

Les mesures spécifiques comportaient notamment :

-pour la Guadeloupe et la Martinique, l’amélioration de l'offre alimentaire, en lien avec le plan national Chlordecone (prévention et gestion des risques auprès des populations habitant dans les zones contaminées) ;

-pour la Guyane, des actions sur l’offre alimentaire et l'éducation nutritionnelle en milieu scolaire, et la mise en place d’une étude pour permettre l’enregistrement de l’IMC à partir des certificats des visites obligatoires ;

-pour Mayotte des mesures visant à agir sur l’offre nutritionnelle, à renforcer la surveillance de l’état nutritionnel de la population, et à mettre en place un dépistage par mesure de l’IMC ;

-pour La Réunion, des actions de promotion de la pratique de l’activité physique, notamment en milieu scolaire, et de renforcement de la surveillance de l’état nutritionnel de la population.

Plus récemment, le volet santé outre-mer de la stratégie nationale de santé 2018-2022 a réaffirmé la priorité donnée à la lutte contre les maladies chroniques, notamment le diabète, très lié à l’obésité. Le PNNS 4 comporte un volet spécifique à l’outre-mer qui se situe dans la continuité des précédentes mesures.

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