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Avant de présenter la structure matricielle, il importe de spécifier la gestion de projet (GP) considérant que dans ce cas-ci, sa présence exerce une influence sur la structure organisationnelle.

Au fil des années, différentes perspectives de gestion de projet sont développées. En effet, selon la définition attribuée à la notion de projet, la manière

de le gérer doit être préférablement cohérente. À cet égard, diverses visions sont proposées; c’est toutefois celle retenue dans le cadre de cette recherche qui est davantage explicitée.

Tout d’abord, depuis les années 50 aux États-Unis, les écoles classiques de la gestion de projet proposent une vision mécaniste de celle-ci. À cet égard, le Project Management Institute conçoit un manuel centré sur un processus unique de réalisation d’un projet axé sur les outils techniques (Morris, 2013). Cette vision de la gestion d’un projet est la division séquencée de tâches à réaliser selon un cheminement linéaire. L’outil le plus utilisé est le Project Management Book of

Knowledge (PMBOK) qui propose un guide de procédures incluant de multiples processus et orientations d’exécution. Le PMBOK (2017) propose comme définition du projet : « Un projet est une initiative temporaire entreprise dans le but de créer

un produit, un service ou un résultat unique » (p. 4). Cette perspective indique que

le succès du projet est évalué selon les composantes du triangle d’or soit le respect des coûts, des délais et de la portée du contenu/qualité. Au cours des années 1980, l’International Project Management Association (IPMA) est fondée dans le but de formaliser d’autres connaissances en GP. Cette association européenne propose une certification et des référentiels pour soutenir le développement des compétences individuelles de nature contextuelle, technique et comportementale des directeurs, des responsables et des collaborateurs de projet. Des guides leur sont notamment destinés pour favoriser le développement de comportements relationnels et personnels et constituent des outils qui dénotent une vision technique et humaine de

la gestion de projet. Bref, les écoles classiques de la GP sont orientées vers la technicité de la discipline, la planification et le contrôle des livrables dans un environnement de travail relativement stable.

Au fil du temps, des écoles critiques de la gestion de projet font leur apparition pour proposer une vision sociale d’un projet où le contenu et le contexte social sont liés (Huemann, 2015). Plus précisément, un projet est intégré dans un environnement composé d’individus. Par conséquent, il peut être perçu comme une construction sociale qui met en relation de multiples acteurs internes et externes. Ceux-ci peuvent être l’équipe, le manager, le propriétaire ou l’initiateur du projet. Les acteurs externes peuvent être les consommateurs du produit ou du service, les compétiteurs et les fournisseurs. Toutefois, considérant que la dimension sociale explorée dans la présente recherche est limitée aux employés qui occupent une double fonction, ce sont les acteurs internes qui retiennent particulièrement l’attention. Le système social de l’environnement interne prédispose les individus dans un espace de discussion qui est présent tout au long du projet. Cette perspective fait ressortir sa caractéristique fondatrice qui est la dimension collective, laquelle est l’articulation nécessaire entre les compétences techniques et comportementales de tous les membres de l’équipe de projet vers un objectif commun (Picq, 2008). Pour réaliser cette dimension collective qui peut être l’interdépendance entre les membres d’une équipe de projet, Turner et al. (2010) avancent que le projet est un système social qui regroupe une multitude de compétences et de comportements. Même si cette perspective est davantage développée pour les organisations basées sur les projets, elle est intéressante

considérant les préoccupations liées au contexte organisationnel et aux compétences des membres des équipes.

Au tournant des années 2000 (2006), une troisième perspective émerge incluant une vision plurielle de la gestion de projet. Provenant du « Rethinking project management », la gestion de projet présente certaines particularités; des auteurs, tels Svejvig et Andersen (2015), mentionnent qu’elle est : source d’apprentissage, multidisciplinaire, complexe, incertaine et sociale (traduction libre). Dans cette optique, la gestion de projet est davantage perçue comme un processus itératif d’actions et d’apprentissages dans un contexte précis. Son succès est donc défini par les notions d’efficacité, d’efficience, d’innovation et de création de valeur. Dans le cadre de cette recherche, considérant que l’objectif est de comprendre la manière dont les organisations publiques et les équipes de projet peuvent contribuer à l’amélioration des compétences de leurs membres dans une perspective d’une proposition d’un cadre systémique, cette définition est retenue. Qui plus est, le terme « source d’apprentissage » fait référence à la pratique réflexive comme pratique RH reconnue en matière d’amélioration des compétences des chefs de projet, selon Crawford et al. (2006). En plus, cette définition de la gestion de projet rejoint celle du projet perçu comme un système social selon Huemann (2015).

Par ailleurs, en contexte public, la gestion de projet peut se distinguer à quelques égards de celle des organisations privées. En effet, en contexte public, un projet peut découler d’une planification stratégique ou émerger de manière

impromptue pour donner suite à des décisions prises par d’autres paliers de gouvernement ou pour satisfaire des besoins identifiés par des personnes élues, des citoyens regroupés, des entreprises privées, des organismes locaux ou internationaux et même des organisations publiques de contrôle institutionnel (Coussi et Méric, 2017). Ces demandes impromptues peuvent émaner de groupes de personnes qui ne présentent pas nécessairement une vision définie de leurs besoins. Des groupes de citoyens peuvent soulever des problématiques vécues sans avoir nécessairement une idée claire de la solution (projet) ou une vision d’ensemble de la situation et des impacts pour le gouvernement. Pour ce qui est des personnes élues, elles représentent des citoyens, de ce fait, elles transmettent leurs demandes (projet) au palier de gouvernement qu’elles représentent. Dans ce cas, les personnes élues et les citoyens peuvent avoir des attentes et des intérêts similaires et d’autres différents. Les attentes et les intérêts similaires peuvent être la résolution de la situation problématique, mais ceux divergents peuvent être liés aux coûts, aux délais. En ce qui a trait aux autres paliers de gouvernement, ils imposent également des exigences inscrites dans des lois, dans des règlements et des procédures. Ces cadres législatifs doivent être idéalement maîtrisés par les membres des équipes projet et mis en cohérence avec les lois, les règlements et les procédures de leur propre organisation publique qui peut représenter un autre palier de gouvernement. À titre d’exemple, une organisation municipale peut mener un projet qui implique des éléments de juridiction provinciale tels que le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, ou la gestion des espèces menacées. L’organisation municipale doit respecter son cadre législatif et se plier aux procédures imposées par ces diverses instances. Par ailleurs, une

particularité propre à la gestion des projets publics est le respect des cycles budgétaires prescrits par les autres paliers de gouvernement, car ceux-ci permettent rarement de reporter des sommes d’argent aux années subséquentes. Peu importent les embûches vécues lors des projets, les sommes prévues doivent être dépensées selon un échéancier fixe (Coussi et Méric, 2017). Enfin, considérant que des acteurs mobilisés dans certains projets peuvent être des groupes de personnes avec des attentes et des intérêts parfois divergents et que les dépenses doivent respecter des échéances fixes, des difficultés peuvent surgir chez les membres des équipes projet à l’égard des coûts et de la satisfaction des différents acteurs impliqués (Besner et Hobbs, 2012).

En résumé, selon la perspective du « Rethinking project management », la GP peut être source d’apprentissage dans un contexte social et multidisciplinaire où plusieurs éléments peuvent être incertains et complexes. Les écoles critiques de gestion de projet suggèrent également des éléments liés à l’interdépendance des membres des équipes projet et à leurs compétences.