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Chapitre 1 : État de l’art

4- Les géopolymères

par un coulis à base de micro-gels, diminue après cette même injection [Gravelle 2011]. Leur durée de vie est aussi limitée. Ainsi, [Zaitoun et al 2009] décrivent des traitements au PAM sur puits, dont la durée de vie est comprise entre 2 et 4 ans.

Comme on l’a vu, les liants inorganiques alcalins (sans suspension de particules solides) sont aussi sensibles à l’eau : leur consolidation est fortement diminuée en présence d’eau [Lucas et al. 2011, Tognonvi et al. 2012a et 2012b].

Afin d’analyser l’efficacité des liants inorganiques alcalins avec suspension de particules solides, abordons au préalable la notion de géopolymère.

4- Les géopolymères

De manière générale, un ciment alcali-activé est majoritairement composé d’une solution liquide alcaline (par exemple de la soude ou du silicate de soude) et d’un solide pulvérulent chimiquement réactif, fait par exemple de laitiers de haut fourneaux ou d’argiles calcinées, qui sont des sources de silicates d’aluminium et/ou de calcium réactifs [Samson et al. 2012]. Comme pour les ciments Portland, des additifs (plastifiants, etc.) peuvent y être ajoutés, notamment pour les mettre en œuvre [Dupuy et al. 2019]. Les géopolymères sont des cas particuliers de ciments alcali-activés, voir Figure 40.

4.1- Définitions et compositions typiques

Bien qu’il n’ait pas été le premier à travailler sur le sujet, le terme géopolymère a été proposé par [Davidovits 1991]. Ce terme définit un groupe de matériaux inorganiques majoritairement amorphes, ayant un squelette alumino-silicaté, à base de SiO2 et Al2O3. Un terme alternatif est celui de « ciments polymères inorganiques » ou inorganic polymer

cements (IPC) [ Kamseu et al. 2012]. Les géopolymères font partie des matériaux alcali-activés

pauvres en calcium Ca [Gharzouni et al. 2018], comme on peut le voir sur la Figure 40. Ils sont souvent qualifiés de « ciments verts », d’une part du fait d’un faible rejet de CO2 dans l’atmosphère, lié à leur fabrication [Diffo et al. 2015], et d’autre part grâce à leur résistance à la compression, qui peut être similaire ou supérieure à celle de certains mortiers ou bétons au ciment Portland [Pouhet et al. 2015] (voir également Section 4.3).

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Figure 40 : Place des géopolymères dans les ciments alcali-activés [Duxson et al. 2007]

Les géopolymères sont le produit d’une réaction entre une source alumino-silicatée et une solution activatrice alcaline ou acide. Les matériaux utilisés comme source alumino-silicatée peuvent être des argiles activées (par calcination à plus de 500°C [Diffo et al. 2015], comme le métakaolin, issu de la kaolinite), des cendres volantes [Criado et al. 2010], de la fumée de silice ou un mélange de ces différentes sources [Krivenko et al. 2007]. La source alumino-silicatée est généralement sous forme d’une poudre solide, et c’est le seul composant qui apporte des aluminates au géopolymère. La source alumino-silicatée apporte aussi des silicates, mais la réaction entre aluminates et silicates, donnant le géopolymère, doit être activée chimiquement.

Les solutions d’activation sont :

- soit des acides, comme l’acide phosphorique (H3PO4) [Celerier et al. 2018] ou des mélanges d’acides.

- soit des solutions alcalines comme la soude (NaOH), l’hydroxyde de potassium (KOH) ou un silicate alcalin du type (n SiO2-m M2O) où M est un cation alcalin (généralement Na, K, voire Cs ou Li).

Dans ce qui suit, nous nous focaliserons uniquement sur les liants alcali-activés aux silicates alcalins, pour lesquels la littérature est abondante et qui présentent les meilleures performances. Leur comportement et leurs performances sont les mieux connus, et à même d’être appliqués industriellement pour la conception de coulis de traitement des venues de solides dans les roches réservoirs.

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NOTA : Géopolymères faits de SiO2-Al2O3-CaO-MgO-M2O

Figure 41 : Diagramme ternaire CaO-Al2O3-SiO2 des matériaux bruts formant un liant. [Lothenbach et al 2011]

Lorsque la source alumino-silicatée n’est pas uniquement du métakaolin, mais plutôt des cendres volantes (fly ash), des laitiers de haut fourneau (slag), ou de la fumée de silice (silica

fume), elle comporte généralement une quantité non négligeables d’autres oxydes, en

particulier du CaO et du MgO (Figure 41).

Au lieu de former un géopolymère à partir de l’arrangement ternaire des oxydes SiO2, Al2O3

et M2O, la présence de MgO et/ou CaO modifie significativement la structure du géopolymère, qui est alors plutôt qualifié de liant alcali-activé [Provis et al. 2014 ; Favier, 2014], Figure 42 et Figure 43.

Les ciments Portland (ciments les plus utilisés dans le monde) forment des silicates de calcium hydratés (C-S-H), ou plus exactement des silicates et aluminates de calcium hydratés (C-A-S-H), très peu cristallisés. De façon analogue, si la quantité de Ca présente est élevée (>10%), l’activation alcaline peut également former des C-A-S-H. Dans ce cas, il y a formation simultanée de Ca(OH)2, voire de Mg(OH)2 également selon la proportion de Mg présente [Myers et al. 2015]. Si le calcium est présent en faible quantité, par contre, c’est un système de M-A-S-H (silicates et aluminates de M hydratés) qui se forme, et que l’on détaille plus bas. Pour des proportions de Ca intermédiaires, la coexistence des C-A-S-H et des M-A-S-H est possible.

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Figure 42 : Analogie entre les produits formés lors de l’hydratation du ciment Portland (à gauche) ou lors de l’activation alcaline de métakaolin, laitier de haut fourneau ou cendres

volantes issu de [Favier, 2014]

Figure 43 : Mécanisme de formation et nature des produits issus de l’alcali-activation de sources alumino-silicatées, en fonction de leur taux de calcium [Provis et al, 2014]

Dans tout le reste du chapitre, sauf mention contraire, nous choisissons d’approfondir la structure et les propriétés des géopolymères ternaires (SiO2, Al2O3, M2O) à base de métakaolin, qui forment les M-A-S-H (ou N-A-S-H dans le cas du sodium).

Géopolymères ternaires (SiO2-Al2O3-Na2O)

De façon générale, la composition chimique d’un géopolymère peut s’écrire sous la forme :

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aAl2O3 - bSiO2 - cM2O - nH2O

avec a, b, c et n les quantités de mole respectivement d’aluminates, de silicates, d’activateur alcalin et d’eau et M le type d’activateur alcalin (généralement Na, K, Li ou Cs). Le sodium et le potassium sont les activateurs les plus couramment employés. Dans la littérature, les différentes formulations sont exprimées en utilisant des rapports molaires, qui sont soit (1) ceux des oxydes, par exemple SiO2/Al2O3 [Fletcher et al. 2005], soit (2) les éléments chimiques, par exemple Si/Al, voir Tableau 7. Dans le cas de l’aluminium et du silicium, il y a un facteur deux entre les rapports molaires de l’élément et ceux de l’oxyde. Par exemple, un Si/Al molaire égal à 1,8 correspond à un SiO2/Al2O3 molaire = 3,6.

Dans [Provis et al, 2014] notamment, le rapport molaire (SiO2/M2O) d’un silicate alcalin, où M est un métal alcalin, est exprimé comme un rapport d’oxydes et nommé le module du silicate. Avec pour objectif d’évaluer les propriétés des géopolymères vis-à-vis des contraintes des puits pétroliers, pour lesquels les ciments Portland sont habituellement utilisés, [Bourlon 2010] a proposé des bornes de composition pour les géopolymères à base de métakaolin et de solution activatrice à base de sodium (M=Na). Son étude s’est focalisée sur l’ouvrabilité, le temps de prise et le développement des propriétés mécaniques.

Les bornes de composition proposées sont :

- pour le module du silicate liquide, il est préférable d’utiliser 1 ≤ SiO2/Al2O3 ≤ 8 : au départ, le métakaolin a déjà un rapport SiO2/Al2O3 ≥1, et le géopolymère obtenu est généralement suffisamment dur si on respecte ces bornes (et donc un SiO2/Al2O3 ≤ 8).

- pour la proportion de sodium (essentiellement présent dans le silicate liquide également), 1 ≤ Na2O/Al2O3 ≤ 2. Ces bornes sont imposées par le fait que pour que le métakaolin soit correctement dissous, l’aluminium et le sodium doivent être dans des proportions stœchiométriques. A contrario, une trop grande quantité de sodium retarde la prise, et peut générer des efflorescences [Longhi et al 2019].

- pour la quantité d’eau (considérée en proportion de l’oxyde métallique), 15 ≤ n/c ≤ 30. En effet, la quantité d’eau doit être suffisamment importante pour que le coulis soit malléable (coulable), et pas trop élevée pour éviter la sédimentation lors de la prise et une porosité trop importante à l’état durci.

Si on prend a=1 (une mole d’Al2O3), une stoechiométrie typique des géopolymères, que l’on trouve dans la littérature [Cantarel 2016] est :

1 Al2O3 .3.6 SiO2. 1Na2O . 12H2O, soit 1 Al . 1,8 Si . 1 Na . 6H2O.

Le tableau 3 ci-dessous répertorie les gammes de stoechiométries typiques que l’on trouve dans la littérature. En particulier, dans [Krivenko et al. 2007], le mode de cure des matériaux impose des températures de 80 à 220°C (sous vapeur d’eau ou à sec), et peut comporter une cuisson jusqu’à 800°C. Ces géopolymères ont alors des performances mécaniques en compression uniaxiale jusqu’à près de 50MPa (s’ils sont faits à base de métakaolin) voire jusqu’à 80MPa (s’ils sont faits à base de cendres volantes).

Le choix de la stoechiométrie exacte dépend des matières premières alumino-silicatées à activer (granulométrie, finesse, composition chimique), des applications visées, et des performances recherchées.

50 Réf. Source d’activateur Source d’Al2O3 Nombre de moles Al2O3 Nombre de moles SiO2 Nombre de moles M2O Nombre de moles H2O [Duxson et al. 2005] Na MK 1 2,3-4,3 1 11 [Fletcher et al. 2005] Na MK 1 0,5-300 0,66-87 7,2-960 [Bourlon 2010] Na MK 1 2-4 1-1,5 15-25 [Steins 2014] Na,Cs, K MK 1 1,65-3,6 1 11,5 [Krivenko et al. 2007] Na MK + CV 1 2-8 1 7-20 [Lambertin et al. 2013] Na MK 1 3,6 1 11-13

Tableau 7 : Différentes formulations de géopolymères utilisées dans la littérature. MK = métakaolin, CV = cendres volantes.

Toutefois, l’existence d’une stoechiométrie pour les géopolymères ne signifie pas que leur arrangement atomique est régulier, sous forme de cristaux comme dans les métaux ou les céramiques cristallines : leur structure est généralement décrite comme amorphe aux rayons X [Bourlon 2010].

A l’état durci, les géopolymères sont organisés de manière analogue à des verres (céramiques amorphes), sous la forme d’un réseau très réticulé de tétraèdres d’aluminates et de silicates très réticulé, voir Figure 44. L’aluminium y est en coordinence tétraédrique, ce qui génère un déficit de charge dans la structure. Les cations métalliques M+ (c’est-à-dire Na+ dans la figure) servent à stabiliser le réseau en apportant un équilibre de charges électriques à l’ensemble. Quant à elles, les molécules d’eau sont situées dans les pores du géopolymère, elles ne participent pas à la structure réticulée (autrement que par des liaisons faibles).

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4.2- Mécanismes et cinétique de géopolymérisation

La réaction menant à la formation de géopolymère est appelée géopolymérisation. [Duxson et al. 2007] ont défini un modèle de géopolymérisation en 5 étapes, qui est schématisé à la Figure 45 et, dans le cas de l’activation de métakaolin par une solution de silicate alcalin, à la Figure 46.

Figure 45 : modèle de géopolymérisation issu de [Duxson et al. 2007]

Figure 46 : Mécanisme de formation des géopolymères au métakaolin, issu de [Favier 2014]

Tout d’abord, la source d’alumino-silicates est hydrolysée en surface par l’action des cations monovalents de la solution alcaline. Ce mécanisme contribue à sa dissolution, par rupture des liaisons (Si-O-Si) et (Si-O-Al), et à la formation de précurseurs réactifs Si(OH)4 et

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Al(OH)4- dans la solution [Bourlon 2010]. La dissolution se poursuit en parallèle de la gélation de l’aluminosilicate.

Pendant l’étape dite d’équilibre de spéciation (ou de restructuration), les espèces alumino-silicatées dissoutes sont mobiles et se conforment de manière thermodynamiquement stable : elles forment des monomères et des oligomères spécifiques à la source d’alumino-silicate, à l’activateur alcalin, à la température et à la pression [Swaddle et al. 1994].

La solution devient sursaturée en oligomère et un premier gel, riche en aluminium, se forme par la condensation des oligomères en un plus large réseau (Figure 47). Le gel se réorganise ensuite en un gel riche en Si (Figure 47 également) jusqu’à former un réseau tridimensionnel : c’est l’étape de polymérisation et consolidation.

Lors de la prise, l’eau sert de milieu réactionnel [Cantarel 2016]. Une étude récente en résonance paramagnétique électronique (RPE) a suivi le comportement de l’eau lors de la géopolymérisation [Steins et al. 2012] : elle montre que l’eau est consommée lors de l’hydrolyse et de la dissolution du métakaolin, avant d’être relarguée dans le réseau poreux du géopolymère lors de l’étape de poylcondensation.

Au final, le temps de géopolymérisation et la structure du réseau tridimensionnel dépendent de plusieurs facteurs comme le type d’activateur, le rapport Si/Al, la molarité de la solution alcaline ou la température de cure.

Figure 47 : Schéma de l'évolution de la formation du gel de géopolymère selon [Fernández-Jiménez et al. 2006]

4.2.1- Effet des rapports Si/Al, Si/Na et H

2

O/Na

2

O

Les oligomères qui sont à la base du réseau tridimensionnel de la structure du géopolymère sont des polysialates qui peuvent être de forme poly(sialate), poly(sialate-siloxo) ou poly(sialate-disiloxo) [Davidovits 1991]. Ils sont représentés à la Figure 48.

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Figure 48 : Oligomère à la base du réseau tridimensionnel de la structure du géopolymère. a) Poly(sialate) b) Poly(sialate-siloxo) c) Poly(sialate-disiloxo) [Bourlon 2010]

Toutefois, malgré la formation de ces oligomères, la structure du géopolymère reste amorphe à grande échelle. En pratique, on classe les géopolymères selon leur structure moléculaire locale, plus ou moins organisée dans l’espace, en particulier en utilisant le niveau de réticulation (ou de liaison) des tétraèdres de silicate (SiO4)4- : Q0 (tétraèdres isolés), Q1

(tétraèdres liés par paires, ou dimères), Q2 (tétraèdres liés à deux autres tétraèdres, ou trimères), Q3 (tétraèdres liés à trois aux tétraèdres) et Q4 (tétraèdres liés à quatre autres tétraèdres), qui peut être quantifié par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) du solide (isotope 29Si). Les tétraèdres, auquel un tétraèdre (SiO4)4- peut être lié, sont d’autres tétraèdres de silicates ou des tétraèdres d’aluminates (AlO4)5-, voir Figure 49.

Figure 49 : Structure moléculaires théoriques de solides poly(siloxonates) [Duxson et al. 2007; Davidovits 2011]

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[Bourlon 2010] a observé l’effet du rapport Si/Al et de la température de cure sur le taux de consommation du métakaolin pendant la gélification. Le taux de consommation est calculé par décomposition des spectres de RMN 27Al des géopolymères frais.

Figure 50 : Influence du rapport Si/Al sur l'évolution du taux de consommation du métakaolin en fonction du temps de réaction. Formulation Na/Al = 1, H2O/Na2O = 15 à T = 40 °C.

[Bourlon 2010]

La Figure 50 présente l’évolution du taux de consommation du métakaolin en fonction du temps de réaction selon le rapport Si/Al. Quel que soit la valeur du rapport Si/Al, il reste une partie du métakaolin non consommée, pouvant aller jusqu’à près de 70%. Plus le rapport Si/Al augmente, plus la quantité de métakaolin non dissoute est importante, passant de près de 20% pour Si/Al ≤ 2 à plus de 50% pour Si/Al > 2.

L’effet de la température de cure est présenté à la Figure 51. Il reste toujours une part non négligeable, supérieure à 10% (et pouvant aller jusqu’à 20%), de métakaolin non dissous quelle que soit la température comprise entre 40-60°C. La température n’influe pas ou peu le taux de dissolution maximal du métakaolin. Elle a par contre un effet significatif sur la cinétique de dissolution. En effet, plus la température augmente, plus la dissolution est rapide. Au-delà de 24h, l’augmentation de la température n’entraine pas d’augmentation significative de la dissolution.

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Figure 51 : Influence de la température sur l'évolution du taux de consommation du métakaolin en fonction du temps de réaction. Formulation Na/Al = 1, Si/Al = 2, H2O/Na2O =

15. [Bourlon 2010]

En analysant le taux de consommation du métakaolin après 28 jours en fonction du rapport Si/Al, de la température de cure et de la proportion d’eau dans la formulation, pour toutes les formulations étudiées (Figure 52), il apparait que le facteur le plus important est ce rapport Si/Al. La température et le rapport H2O/Na2O ont un effet moins significatif. On note également que dans aucune des formulations le taux de consommation du métakaolin n’atteint les 100%. Malgré tout, le taux maximal est de près de 95% (consommation quasi totale) pour la formulation à (Si/Al) = 2.0, Na/Al = 1, H2O/Na2O = 15 et une température de cure de 40°C.

Par ailleurs, pour formuler un géopolymère (aAl2O3 - bSiO2 - cM2O - nH2O), lorsqu’on veut augmenter le rapport Si/Al, c’est le rapport de composition de la solution de silicate SiO2/Na2O qui doit augmenter.

Ainsi, [Bourlon 2010] a étudié les solutions de silicate à rapport SiO2/Na2O variable. Il montre que plus ce rapport est important, moins les ions sodium sont mobiles en solution, et donc moins ils attaquent le métakaolin (pour contribuer à sa dissolution, voir p.61) : la géopolymérisation est ralentie.

Cette faible mobilité du sodium est aussi liée à l’augmentation de la viscosité des géopolymères frais : plus la pâte est visqueuse, moins les espèces chimiques en solution sont mobiles. La Figure 52 illustre la plus faible consommation de métakaolin quand le rapport Si/Al augmente, i.e. quand le rapport SiO2/Na2O augmente également.

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Figure 52 : Taux de consommation final du métakaolin après 28 jours en fonction du rapport Si/Al. [Bourlon 2010]

4.3. Effet du cation alcalin

La nature du cation utilisé dans la solution activatrice de silicate influence également la viscosité et le temps de prise du géopolymère.

Par exemple, [Steins 2014] a mesuré les paramètres visco-élastiques G’, G’’, tan δ = G’’/G’ et la viscosité µ au cours de la prise de pâtes de géopolymère. Les rapports molaires des différents coulis sont identiques (Si/Al = 1,80, H2O/M2O = 11,5 et M2O/Al2O3 = 1), et seul le cation alcalin est différent (M=Na, K et Cs).

La Figure 53 représente les courbes expérimentales des grandeurs G’, G’’ et tan δ en fonction du temps pour trois pâtes de géopolymères faites chacune avec un alcalin différent (Na, K et Cs). Quel que soit l’activateur alcalin, les courbes ont une allure similaire, où G’ est supérieur à G’’. On constate que les deux modules augmentent régulièrement avec le temps, signifiant qu’il y a une gélification progressive de la pâte. Vers la fin de l’expérience, il y a un pic de la courbe de tan δ en fonction du temps, qui est lié à l’augmentation plus rapide de G’’ par rapport à G’. C’est ce pic de tan δ qui est utilisé pour déterminer le temps de gel des géopolymères. C’est la période précédant l’étape de polymérisation.

Ainsi, les géopolymères à base de sodium présentent un temps de gel de l’ordre de 4 h, ceux à base de potassium de 5 h et ceux à base de césium de 19 h.

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Figure 53 : Evolution des paramètres viscoélastiques (G’, G’') des géopolymères (a) : au sodium G-Na, (b) au potassium G-K et (c) au césium G-Cs, et (d) comparaison des valeurs de tan δ pour les trois géopolymères (Si/Al =1,80, H2O/M2O=11,5 ;  = 2.10-4,  = 1 rad.s-1 et T

= 25°C).

Dans la même étude, la viscosité initiale des géopolymères à base de sodium est de 10 Pa.s, alors qu’elle est dix fois moins élevée, soit 1 Pa.s, pour les géopolymères à base de potassium et de césium. Cette plus grande viscosité de la pâte en présence d’ions sodium est liée à une plus grande réactivité initiale de ce cation en présence de métakaolin, qui est corroborée par les mesures des paramètres visco-élastiques G’, G’’, tan δ = G’’/G’.

Dans le contexte de la formulation de géopolymères très fluides (coulis), [Bourlon 2010] a étudié l’effet de la fraction volumique de métakaolin sur la rhéologie d’un géopolymère à l’état frais. Il a pris comme référence deux solutions activatrices avec un rapport SiO2/Na2O = 2 et un rapport H2O/Na2O = 15 ou 25. La composition chimique, la fraction volumique de métakaolin et les paramètres rhéologiques des solutions activatrices et des géopolymères étudiés sont résumés dans le Tableau 8.

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Tableau 8 : Formulation et paramètres rhéologiques des géopolymères étudiés dans [Bourlon 2010]

Le comportement rhéologique des solutions activatrices est équivalent à celui d’un fluide newtonien avec une viscosité de 34,8 et 5,28 mPa.s, respectivement pour la solution à H2O/Na2O = 15 et celle à H2O/Na2O = 25. Ainsi, avec un rapport H2O/Na2O de 25, la solution activatrice a une viscosité environ 5,3 fois plus élevée que celle de l’eau, et à H2O/Na2O=15, la viscosité est 34,8 fois celle de l’eau. Pour réaliser un coulis le plus fluide possible (fluidité proche de celle de l’eau, comme pour les polymères à base de PAM de [Gravelle 2011]), il vaut donc mieux privilégier des solutions activatrices à H2O/Na2O d’au moins 25.

Toujours dans [Bourlon 2010], les géopolymères faits à partir de la solution à H2O/Na2O = 25 (i.e. la plus grande proportion d’eau de l’étude), ont un comportement de type fluide de Herschel-Bulkley et rhéo-solidifiant (terme de puissance n > 1). La contrainte à l’écoulement est de l’ordre de 1 Pa et la viscosité varie de 6,29 mPa.s pour une fraction volumique de 13.7%, jusqu’à 169 mPa.s pour une fraction volumique de 20,9%. Cela signifie qu’on peut rajouter jusqu’à 13.7%vol de MK sans que l’ordre de grandeur de la viscosité ne change (elle passe de 5,28mPa.s sans métakaolin à 6,29 mPa.s avec 13.7%vol).

On note donc que pour une solution alcaline initiale suffisamment diluée (H2O/Na2O = 25) on peut mettre jusqu’à près de 14 % en volume de métakaolin sans augmentation significative de la viscosité.

4.3- Comportement des géopolymères à l’état durci

Dans cette partie, on s’intéresse principalement aux performances mécaniques, de résistance chimique et à la structure poreuse des géopolymères, comme première approche de leur durabilité : plus ils seront performants mécaniquement et plus leurs pores seront petits (donc moins leur réseau poreux sera sensible aux transferts de fluide à même de les endommager par lixiviation), plus les géopolymères pourront être considérés comme durables.

Les études sur les performances mécaniques (et de résistance chimique) et la structure poreuse concernent des pâtes ou des mortiers, mais à notre connaissance, pas les coulis (quantité d’eau trop importante pour permettre des performances mécaniques significatives). On supposera ici que les performances sur pâtes et mortiers sont indicatrices d’une bonne

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performance à l’état de coulis, et que le réseau poreux présente également des similitudes entre les pâtes, les mortiers et les coulis, au moins à la petite échelle (jusqu’au micron).

[Davidovits 1991]a comparé la résistance à la compression d’un béton à base de ciment géopolymérique et de bétons à base de ciment Portland en fonction du temps de prise. Il a mesuré une résistance à la compression pour le béton géopolymérique dès 1h contre 3h pour le béton à base de ciment Portland. Jusqu’à 12h après le malaxage, la résistance à la compression du géopolymère est supérieure de plus de 5 MPa à celle des bétons au ciment Portland (Figure 54).

Figure 54 : Comparaison de la résistance à la compression entre un béton à base de ciment géopolymérique et des bétons à base de ciment Portland en fonction du temps de prise