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2.4 Frittage en environnement non graphitique

Chapitre II - Vers l’élaboration de composites vitrocéramiques tellurites

II- 2.4 Frittage en environnement non graphitique

Cette étude s’inscrit dans une collaboration entre le laboratoire IRCER et le centre de recherche CREOL (Center for Research and Education in Optics and Lasers) situé à Orlando aux Etats-Unis, au sein duquel deux étudiantes ingénieures (Léna Roumiguier et Justine Benghozi-Bouvrande) de l’Université de Limoges ont effectué leur stage de fin d’études. Le but est ici de comparer la densification du verre de composition 70TeO2-20WO3 -10La2O3 dans un environnement graphitique (SPS-IRCER) avec le pressage à chaud (HP : Hot Pressing) dans un environnement non graphitique. L’ensemble des essais HP ont été conduits à partir de poudre grossière identique à celle utilisée au SPS. En effet, la poudre de verre grossière utilisée pour les essais de pressage à chaud (HP) a été préparée au préalable au laboratoire IRCER.

II-2.4.1 Technique de pressage à chaud

La presse à chaud utilisée dans cette étude comprend une matrice en acier et un dispositif de chauffage résistif placé dans une enceinte étanche couplé à une presse hydraulique (Figure II-29) [45]. Un thermocouple, inséré dans la paroi de la matrice, mesure la température pendant le processus de frittage et un capteur électrique (LVDT, pour Linéaire Variable Différentiel Transformer) enregistre le déplacement du piston.

Figure II - 29 : a) La chambre de pressage montée sur un châssis de pressage hydraulique. b) Vue schématique de l’intérieur de la chambre avec 1/ thermocouple, 2/ isolation en laine de verre, 3/ appareil de chauffage, 4/ matrice, 5/ pince, 6/ joint, 7/ vanne de vide et 8/ alimentation électrique [45]. Le temps de palier et la nature de l'atmosphère peuvent être choisis (par exemple, air, vide, argon, azote) et les conditions de frittage accessibles à cet équipement sont :

- Température < 800°C - Pression < 100 MPa

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II-2.4.2 Elaboration de verres 70TeO2-20WO3-10La2O3 par pressage à chaud

L’ensemble des essais HP a été réalisé sous flux continu d’argon en utilisant une pression de 50 MPa. La poudre de verre grossière (environ 3g) est chargée dans une matrice en acier inoxydable (19 mm de diamètre intérieur et 50 mm de hauteur) entre deux pistons en acier mobiles. La pression est appliquée lorsque la température de palier est atteinte, et elle est maintenue pendant tout le processus. Les vitesses de chauffage et de refroidissement ont été respectivement de 500°C/h et 200°C/h, ce qui équivaut à une durée de 1h et 2h30 en considérant une température de 450°C.

Afin de faciliter le démoulage des échantillons, un revêtement de nitrure de bore a été appliqué, avant chaque essai, à l'intérieur de la matrice et est ensuite soumis à un traitement thermique à 500°C pendant 2 heures pour éliminer les liants organiques avant de remplir la matrice de poudre de verre. L’utilisation du papyex est exclue pour prévenir la contamination par le carbone. Même en présence de nitrure de bore, un recuit mécanique de la matrice est nécessaire pour pouvoir retirer l’échantillon sans le casser. Le recuit mécanique post-frittage est effectué à 400°C pendant 24h dans un four tubulaire aves des vitesses de chauffage et de refroidissement de 100°C/h.

La photographie (Figure II-30-a) d’un échantillon obtenu au HP (450°C – 12 minutes ; 50 MPa) montre que celui-ci est transparent, mais il présente des inclusions noires dispersées dans le volume de l’échantillon. Ces inclusions peuvent provenir de particules de nitrure de bore qui se détachent du revêtement de la matrice pendant le chargement et le compactage initial de la poudre.

Figure II - 30 : a) Photographie (quadrillage : 1 mm²) et b) Diagramme de diffraction de l’échantillon obtenu au HP à 450°C pendant 12 minutes sous 50 MPa.

Une analyse par diffraction des rayons X (Figure II-30-b) réalisée sur l’échantillon fritté a permis de vérifier qu'aucune cristallisation ne s'était produite. Afin de déterminer la nature des taches noires, des mesures par spectroscopie Raman (Figure II-31) ont été effectuées sur le verre élaboré au HP et comparées avec les spectres Raman enregistrés sur du papyex® et du nitrure de bore. Le laser de longueur d’onde 514,8 nm est focalisé dans l’échantillon avec un objectif x10. La durée d’acquisition des spectres est de 20 secondes et la gamme spectrale est comprise entre 1300 et 1700 cm-1.

Figure II - 31 : Spectres Raman enregistrés sur le verre obtenu par HP, le nitrure de bore et le papyex®.

Le spectre Raman collecté au niveau d’une tache noire (courbe noire sur la Figure II-31) présente une bande fine vers 1362 cm-1 ainsi qu’une bande large vers 1550-1660 cm-1. La bande fine peut être associée à la bande du nitrure de bore vers 1364 cm-1. La bande large correspond aux bandes G et D’ du carbone situées à 1580 cm-1 et 1618 cm-1 (Figure II-31-b). La légère pollution au carbone est surprenante puisqu’à l’inverse du SPS les éléments du HP ne sont pas en graphite. Cette pollution carbone pourrait peut-être provenir du CO2 absorbé par la poudre de verre avant l’essai HP et/ou du carbone de la matrice acier, mais ces hypothèses restent à confirmer. La pollution au nitrure de bore est nettement visible et plus prévisible puisqu’un revêtement au nitrure de bore est utilisé.

Les verres élaborés par HP ont une densité (5,92) proche de celle des verres SPS (5,94). La transmission optique (Figure II-32) du verre élaboré par HP a été comparée à celle du verre SPS obtenu à partir de poudre grossière. Le niveau de transmission du verre HP, dans la gamme 600-2800 nm, est inférieur à celui du verre référence avec un écart d’environ 12%. Cet écart peut s’expliquer par la présence des inclusions de nitrure de bore (principalement), voire de carbone, qui sont beaucoup plus grandes (agglomération) que la longueur d’onde incidente, ce qui réduit la transmission sur toute la plage de longueur d’onde. La pollution carbone est globalement plus diffuse (chimiquement) au sein du verre SPS par rapport au verre HP, ce qui pourrait expliquer que le seuil de transmission (lié à la largeur de la bande interdite) soit plus abrupt dans le cas du verre HP. La bande d’absorption vers 3200 nm liée aux groupements OH est présente dans tous les échantillons (SPS et HP).

Figure II - 32 : Comparaison des courbes de transmission optique du verre HP, du verre SPS et du verre référence.

89 Le pressage à chaud, dans un environnement non graphitique, semble donc rencontrer également des problèmes de contamination, comme dans le cas de la densification par SPS. Par ailleurs, des problèmes de reproductibilité ont été rencontrés. Une autre voie de densification par simili pressage isostatique à chaud (HIP : Hot Isostatic Pressing) est donc en cours d’étude au CREOL. Afin de résoudre les problèmes de pollution, un enrobage de l’échantillon avec de la poudre de chlorure de potassium (KCl) a été utilisé (Figure II-33 a et b). La poudre de KCl se transforme en céramique transparente au cours du pressage et peut être facilement enlevée après frittage, par simple dissolution dans l’eau. Une diminution de la quantité d’inclusions est nettement observée comme le montre la photographie d’un essai test en Figure II-33-c. Malheureusement, les quelques essais réalisés par « pseudo HIP » ont tous conduit à des échantillons brisés, pour lesquels il était délicat de mesurer la transmission optique.

Figure II - 33 : a) et b) Photographies de l’enrobage avec la poudre de KCl et c) Photographie d’un échantillon obtenu par « pseudo HIP ».

En bilan, après plusieurs essais HP, les meilleurs paramètres sont : 450°C sous 50 MPa en moins de 12 minutes. En outre, le frittage SPS semble conduire à des échantillons présentant de meilleures « performances optiques » que les échantillons obtenus par frittage HP.

Les premiers résultats de frittage par HIP sont encourageants mais demande une étude plus approfondie.