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A. AU-DELÀ DES LOURDEURS RÉGLEMENTAIRES, UN CLIMAT DE DÉFIANCE

2. La France à la traîne de l’Europe ?

Les choix d’organisation différents d’un État membre à l’autre conduisent à observer des variations, parfois importantes, dans les délais de commercialisation de certains médicaments innovants après l’obtention de l’AMM. Vos rapporteurs ont constaté que notre pays souffre à certains égards de cette comparaison.

L’analyse des données disponibles sur les délais de commercialisation des médicaments, entre celles fournies par les acteurs institutionnels et celles émanant des laboratoires est toutefois complexe car elles ne sont pas établies sur la base des mêmes périmètres. Cela plaiderait pour l’élaboration et le suivi dans le temps d’un indicateur commun à l’ensemble des acteurs, établi selon une méthodologie transparente et distinguant éventuellement selon les catégories de médicaments (par exemple en fonction de leur ASMR ou le bénéfice préalable d’une ATU).

On constate dans tous les cas que le délai de 180 jours fixé au niveau européen par la directive « transparence »1 pour les procédures d’inscription sur la liste des médicaments pris en charge par les systèmes d’assurance maladie n’est pas respecté.

• Au niveau institutionnel, ce délai, il faut le regretter, ne fait pas l’objet d’un suivi particulier par le ministère en charge de la santé.

La HAS et le CEPS communiquent des données qui ne permettent pas d’avoir une vision complète et consolidée de l’ensemble du processus.

- D’après la HAS, le temps d’examen des dossiers par la commission de transparence s’établit en moyenne à 105 jours en 2016 et 88 jours en 2017 pour l’évaluation des médicaments en première inscription, soit dans un délai désormais conforme au maximum réglementaire pour la part qui incombe à la phase d’évaluation. Il faut saluer les efforts déployés par la commission de transparence pour réduire ce temps d’évaluation.

- Le rapport d’activité 2016 du CEPS retrace quant à lui le temps moyen de traitement des demandes de première inscription au remboursement des médicaments en ville2, qui s’établit à 166 jours en 20163, dont 284 jours pour les seuls médicaments non génériques ; il oscille, pour ces médicaments, entre 275 jours pour les dossiers ayant abouti à un accord (41 jours de plus qu’en 2015) et 326 jours pour ceux n’ayant pas abouti à un accord (par abandon, retrait ou rejet).

1 Directive 89/105/CEE ou Directive Transparence, qui harmonise les délais réglementaires d’accès au marché en Europe. Ce délai s’applique entre la demande d’inscription sur les listes des spécialités prises en charge et les décisions de prise en charge ou de prix.

2 Ce délai est apprécié du dépôt du dossier par les industriels (parallèlement au dépôt de ce dossier à la commission de transparence) à sa conclusion (par la clôture du dossier ou la parution du prix au Journal Officiel), incluant donc une phase d’évaluation par la HAS dont l’évaluation est toutefois déconnectée des données de la HAS et bien inférieure (soit 80 jours pour les médicaments non génériques et 29 jours en moyenne).

3 Sur un échantillon de 935 demandes de première inscription auxquelles le CEPS a répondu en 2016, dont 65 % relatives à des médicaments génériques.

Pour les dossiers d’inscription de médicaments à l’hôpital, la seule procédure d’examen par le CEPS, après leur évaluation et le cas échéant leur inscription sur la liste en sus pour lesquelles vos rapporteurs n’ont pas eu communication de données spécifiques, est en moyenne de 100 jours en 20161 (contre 97 jours en 2015), dont 114 jours pour ceux de la liste en sus des prestations d’hospitalisation et 55 jours pour les médicaments rétrocédables.

• Les seules données permettant d’établir une comparaison avec la situation dans les autres pays européens émanent de la fédération européenne des laboratoires pharmaceutiques (EFPIA)2.

Si certains peuvent en critiquer les biais, force est de constater que ces données sont plus lisibles et davantage appropriées par les acteurs.

Ces données ne correspondent pas, pour la France, aux chiffres des acteurs institutionnels, car elles ne portent ni sur le même périmètre de médicaments ni sur la même période de référence (sont concernés des médicaments ayant obtenu une AMM sur une période considérée, et non les dossiers traités dans l’année par la HAS et le CEPS). Elles ne sont pas superposables avec le délai de 180 jours, en partant notamment de l’octroi de l’AMM et non du dépôt du dossier par l’industriel à la HAS et au CEPS, ce qui peut inclure des délais imputables à l’entreprise.

Ces données apportent néanmoins un éclairage intéressant même si elles appellent quelques nuances : d’une part, elles ne prennent pas en compte les produits ayant fait l’objet en France d’une procédure d’ATU, ce qui contribue à « dégrader » le classement relatif de notre pays ; d’autre part, elles n’éclairent pas pleinement sur l’équité d’accès aux médicaments dans les différents pays, notamment en termes de modalités de prise en charge financière.

D’après cet indicateur3, la France se positionne relativement loin derrière des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore l’Italie, avec un délai médian entre l’AMM et la commercialisation de nouveaux médicaments de 405 jours en France pour ceux ayant obtenu une première AMM entre 2013 et 2015.

1 Sur 64 dossiers de médicaments à l’hôpital traités par le CEPS en 2016, dont 39 concernaient des médicaments rétrocédables et 25 des médicaments facturés en sus des prestations d’hospitalisation.

2 European Federation of Pharmaceutical Industries Associations (EFPIA).

3 L’EFPIA a mis en place le « Patients W.A.I.T. indicator », montrant le taux de disponibilité des nouveaux médicaments pour les patients à travers l’Europe ainsi que le délai moyen ou médian entre l’AMM et l’accès au patient.

Ce délai médian pour l’accès au marché français est en augmentation puisqu’il était de 363 jours sur la période 2011-2014 et s’établirait à 460 jours sur la période 2014-2016 (d’après des données provisoires).

Le délai moyen passe dans le même temps de 408 jours (sur la base de 139 médicaments ayant obtenu une AMM sur la période 2011-2014) à 530 jours (sur la base de 36 médicaments ayant obtenu une AMM sur la période 2014-2016).

Selon ce même indicateur, le taux de disponibilité des nouveaux médicaments ayant reçu une AMM entre 2011 et 2014 est de 56,6 % en France quand il dépasse les 80 % en Allemagne, en Suisse ou encore en Suède.

• La procédure n’est guère plus rapide pour les médicaments ayant fait au préalable l’objet d’une ATU : une récente étude du Leem ciblée sur 36 produits montre des délais moyens entre l’AMM et la publication du prix au Journal officiel de 389 jours en moyenne, et de 361 jours à partir du dépôt du dossier par l’industriel, soit bien au-delà des 180 jours réglementaires.

Délais moyens et médians de la procédure d’évaluation et de fixation du prix de médicaments ayant fait l’objet d’une ATU

Source : Leem