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LA FINITUDE HUMAINE

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§ 1. La solitude et la mort

Helli Alexiou pense que bien que nous nous obstinions à vouloir être accompagnés dans la vie et la mort, dans le fond nous sommes toujours seuls :

« En ce qui concerne la solitude, tout au long de notre vie nous n’avons que des colocataires...

Cette constatation nous montre que nous ne pouvons fuir la solitude en inventant des subterfuges, car c’est un sentiment propre à l’être humain, qui fait partie intégrante de lui-même. Nous sommes nés seuls et nous mourons seuls. En craignant la solitude et en essayant d’y échapper nous arrivons uniquement à perturber notre tranquillité sans obtenir un résultat positif. En revanche, si nous acceptons notre condition d’être seuls, nous nous libérons de cette crainte et nous pouvons enfin ressentir une paix intérieure qui nous rapproche du bonheur. La façon dont Alexiou traite ici la solitude, aussi puissante qu’elle apparaisse, occulte la souffrance dans la solitude, il est vrai que dans d’autres textes, elle discerne la solitude des enfants pauvres ou encore la nécessité que l’enfant apprenne seul pour acquérir son autonomie. En revanche, ici, c’est le lien entre la solitude et la mort d’un proche, par exemple, qu’elle met en évidence.

Qu’en est-il dès lors de la mort ? Il y a des philosophes qui croient que le moment de la naissance détermine automatiquement le compte à rebours dans l’inexorable machine du temps. Pour eux, la vie est considérée comme une marche renversée vers la mort ou encore, comme un vain intermède entre deux morts, comme le soutenait Arthur Schopenhauer.

Ibid. , p. 63 .

Helli Alexiou était partisane de la tendance qui prend les choses avec un côté optimiste en dépit des moments difficiles qu’elle avait vécu. Comme nous l’avons déjà signalé, elle accordait une très grande importance à la mort, sans doute parce qu’elle avait toujours été très présente dans sa vie. Ceci s’explique tout d’abord, par le contexte historique dans lequel elle avait grandi. Dès son plus jeune âge, elle fut constamment confrontée à la mort, à travers les vêtements de deuil que portaient les femmes de son entourage, car la plupart d’entre elles avaient perdu au moins un membre de leur famille. Les tragiques épisodes des luttes entre Crétois et Turcs, nous les avons lus dans son roman Affluents^ où l’auteur décrit notamment le « grand massacre » de 1898, au cours duquel sa famille avait perdu le frère de sa mère, le très cher oncle Kostis. À ce sujet, elle écrivait que :

« Ceci fut un autre grand deuil pour la famille, à travers lequel j’ai passé mes années d’enfance, avec l’infernale image des habits noirs, que j’ai vue pendant de nombreuses années faire partie de l’environnement du monde des femmes de la famille...

Ensuite, sa mère décède en laissant un grand vide dans la famille, surtout pour Helli qui était encore enfant. À cet égard, à l’occasion d’une interview qu’elle avait accordée à Dimitris Gionis, elle avait confessé que lorsqu’elle était jeune la mort la tracassait davantage, à tel point qu’à l’âge de quatorze ans et jusqu’à ses dix-sept ans, elle fut atteinte de neurasthénie.

« Pendant ma jeunesse ça me tracassait (la mort) plus que maintenant (...) La période la plus terrible que j’ai passée fut de 14 à 17 ans, pendant cet âge de transition. Car ayant été élevée dans un environnement provincial de pudeur, d’innocence, où l’amour était un péché, où le contact

masculin était un péché, je vivais dans un état tel d’isolement, voire

Helli ALEXIOU, De très près, op.cit., p.l24.

« Auto niorue oÀÀo laey^o névGoç xr^ç OLKOYéveiaç péaa aïo onoLO népaaa xa pixpà pou La, pe xr|v apàaxaxTp eiKÔva xcav paûpuv poûxMv, nou eni xpo’L^ La épXena va napLpàXÀouv ôAo xo YwaLK2LO KÔapo xou ooyloû... »

même avec la pensée, que mon corps a fini par en pâtir (...) je vivais dans un état neurasthénique, dans un état de mort; (...)’^° »

Enfin, pendant toute la période qui s’étend de la Première Guerre mondiale jusqu’en 1945, date à laquelle elle s’enfuit à Paris, elle aura côtoyé la mort de très près, non seulement en perdant des êtres qui lui étaient chers, mais en craignant aussi de perdre sa propre vie. La guerre et la guerre civile furent des événements qui l’ont profondément marquée, comme le révèle avec force sa nouvelle, Upooox^ auvâvOpanoL ! {Attention les hommes qui apparaît à Bucarest en 1962, puis à Athènes en 1978.

Dans cette nouvelle la mort dessine l’horizon de la vie. Ces textes utilisent une prolifération d’événements violents des années de la Résistance contre les Allemands, pleins de souffrances et de morts. Si, par exemple, l’exécution de Koula Aggeli ou Xanthoula, sobriquet du fait qu’elle était blonde, marque l’héroïsme face aux bourreaux’^’, et la terreur du conquérant qui aboutit au cynisme qu’on trouve dans Mpv pe ÇexâocTe, {Ne m'oubliezpa^), où une mère subit la torture morale parce qu’elle protège ses enfants’^2, d’autres nouvelles abordent de près et avec beaucoup de finesse des questions concernant l’enseignement pendant la guerre. Ta napaaripa tou Apppjpoû {Les décorations de Dimitn) mettent en scène un garçon d’un an à peine jusqu’à ses quatre ans à travers des épisodes de la guerre. Pris dans les bras de sa sœur, Argyro, qui devait, avant d’aller à l’école, passer chez le boulanger, il tombe et se blesse au moment où les sirènes hurlent annonçant le début de la guerre, le 28 octobre 1940. La contextualisation de l’épisode dans l’horizon

Helli Alexiou. «100 ans depuis sa naissance», op.cit. p.79.

« Sia vLàxa'viou anaaxoAoûàe (o Gofvaxoç) nepiaaoiepo anô Tüpcx (...) Tr|v nio cppLKiri nepioôo iqv enépaaa anô la 14 péxpL Ta 17 pou, a'auifi Tp peiapaTiKn rjXiKLa. Aiôtl ôvxaç peyof^cûpévr) péaa axo nepipoAXov xo 2napxLaKÔ xpç aepvôxrixaç, xr|ç

ayvôxnxaç, ônou o épcùxaç qxav ap6pxr)pa, ônou r| ovxpiKri enacpf| nxov apàpxrma, Çoûaa ae pta Kaxaaxaari xéxoLaç ànopôvoariç, aKÔpa Kai pe xr)V OKÉi|jr|, nou xriv nXripoae xo o6pa pou (...)

Çoûoa ae pia veupaaGev iKp Kaxâaxaar], ae pia Kaxàaxaap Govâxou (...)»

Helli MjEXIOU, Ilpoaoxh auvâvdpcùno i !, {Attention hommes !),

Kastaniotis, Athènes, 1978, pp.33-43.

d’une famille très pauvre protégée par un vieux voisin, se fonde sur cette remarque de ce dernier que Dimitri est le premier blessé de la guerre. Bien plus, l’extension de l’espace restreint d’un voisinage à travers le temps mène l’enfant à travers la guerre comme s’il en était le témoin et le spectateur, mais toujours accompagné de la faim qui tourmentait ses proches. On le voit se construire tout au long des épisodes qui marquent ponctuellement des événements majeurs de son enfance’^^

Dans ce contexte, la mort côtoie tous les événements de la vie. Ainsi, l’éducation pendant la guerre est portée en son point culminant avec E^eiâoe Lç oza yW'^oiaLa zo KoAoKaLpi zou 1944 {Examens dans les gymnases Eété 1944)^^^^, où, face aux événements, se révèle l’indulgence des professeurs. À travers l’angoisse de la dispersion des êtres humains, se dessine l’impossibilité de promouvoir un enseignement continu et cohérent. L’absence due aux événements imprévus, le manque d’étude, le désintérêt, autant de facteurs qui devaient influencer les résultats des examens. À l’indulgence des enseignants pour les plus faibles, s’ajoutait une tactique du voile dans les notes, en attendant que le moment propice puisse les aider à passer les examens. Mais il y avait aussi ceux qui ont été exécutés par les Allemands, comme Daniilidis et Floriadis; pour eux, les professeurs ont préféré laisser la feuille vide, car le jour où la libération adviendra, on devra indiquer tous les détails dans les livres officiels. Cet épisode résume avec son extrémité, la question de la mort qui côtoie l’enseignant et qui pousse jusqu’au désespoir. Mais, nous l’avons dit, Alexiou pointait toujours des traits qui ouvraient le chemin de l’espoir. Non, il est vrai, sans quelque ambiguïté comme dans la nouvelle, Mia pépa 6a

yup LO£ L ( Un jour H reviendray^^.

Il s’agit de la mise en scène du comportement triste d’un professeur face à des élèves sans pitié qui ne peuvent soupçonner le drame qu’il vit. L’opposition entre, d’une part, le fleurissement de la jeunesse dans la joie et le rire et, d’autre part, le malheur de l’enseignant plongé dans la tristesse est médiatisée

Ibid. pp. 47-53.

Ibid. pp. 67-71.

par l’idée que son cours correspond à un moment de loisir. C’est que le malheur ne semble pas être fait pour le métier de professeur, dit Alexiou. Pourtant, dans son agenda le professeur compose des poèmes comme celui faisant état de son fils, Takis. Or, il avait deux fils. Rétros et Takis. Pétros est l’enfant que les Allemands avaient exécuté, mais que ses parents voulaient imaginer encore vivant. En revanche, l’enfant pour qui ils pleuraient, c’était Takis qui n’a cessé de souffrir pour approcher son frère qui était en prison, en allant à pied dans les intempéries et le froid. Il cherchait son frère en prison, qui pourtant ne vivait plus, jusqu’au jour où il fut renversé par une voiture allemande et fut transféré mort à l’hôpital. Les parents ne pleuraient donc que l’enfant dont ils avaient vécu la souffrance, car l’autre, absent, leur laissait l’illusion qu’il se trouvait en Allemagne et qu’il reviendrait un jour. Le texte est remarquable et fait voir la souffrance de l’enseignant qui, tout en s’occupant des enfants des autres, n’échappe pas à son propre destin, aux souffrances qui le touchent et que la guerre accentue. Mais en même temps, les enfants, qui ignorent cette souffrance, la médiatisent autrement, dans

la dérision.

Ces références suffisent, nous semble-t-il, à discerner cette présence de la mort dans la vie de l’enseignant. Mais pour bien discerner l’évolution de Vhabitus îoç\a\ qu’elle circonscrit, une analyse de quelques nouvelles de l’époque où Alexiou se trouve en exil dans les pays de l’Est est éclairante. §

§ 2. Rapport avec la littérature de l’exil

La mise en scène de controverses entre des jeunes enfants à propos de leur père, mort lors de la guerre civile, révèle, en plus de la problématique de l’absence, celle de la formation idéologique enracinée dans la souffrance produite par des événements dont l’enfant n’est ni responsable, ni capable de comprendre.

Dans KaXqvûxTa Mâva! {Bonne nuit maman!), nouvelle reprise dans Attention les hommes !, deux enfants sont placés face à face dans une école maternelle, l’un, Triantaphyllos, sage, l’autre, Yannakis, remuant.

Leur dialogue, où Ils s’interpellent en s’adressant par le qualificatif « camarade » donne le ton, dans le contexte de l’exil en Roumanie où les mères travaillent dans les usines, et les enfants sont, dès lors, pris en charge par des puéricultrices roumaines. Bien plus, dans ce contexte de l’exil s’ajoute le contact avec les enfants d’autres exilés (vietnamiens, africains...) qui ont le privilège de la présence de leurs pères :

« Aucun homme ne se présente à l’école maternelle pour demander des renseignements ou du moins s’intéresser à Yannakis et Triantaphyllos. Souvent surgissent des problèmes qui requièrent la présence d’adultes pour discuter avec la direction (...) Les deux enfants grecs sont les seuls qui n’ont aucune assistance masculine.

Fatalement la question est soulevée par l’un des deux enfants (Yannakis) auprès de sa mère, en dévoilant que son copain fit allusion que leurs pères né pouvaient se réveiller, parce que les Américains leurs avaient tiré une balle dans le cœur. Dialogue ambigu, où la mère n’ose pas engager une explication et soulage l’enfant en lui disant qu’un jour ils iront en Grèce et rencontreront le père dans la montagne. Soulagement qui aboutit à un échànge simple : « bonne nuit! » Jusqu’à quel point cette exclamation tire l’enfant de sa solitude? La réponse n’est certes pas claire, mais elle laisse percevoir qu’à travers l’attente d’une rencontre avec le père, la souffrance de la solitude et de l’attente ne peut que s’accroître’^^. L’esprit est manifestement plus serein dans ce texte que dans ceux qui rappellent la violence de la guerre. Même lorsqu’il est question plus directement de la mort, comme dans la nouvelle Les petits spectateurs d'Arthur'^^ où trois orphelins s’imaginent, à la suite d’un film sur Arthur, des

Ihid., p.ll4.

« Kofveiç ocvTpaç 5ev epcpotv i noié axo Nqn lavays to va

ÇniriaeL, p KOfnuç va evSiacpepGeL riorvvàKO ri xov

Tp LovxàtpuAAo. Suxvà napoua làÇovxa i Çrixripaia, nou npéne l va

nàe L évaç peYâXoç va auvevvoriBeî ps xr| 51 eûGuvari (...) Ta 5uo

eXAr|vônouAa eivai xa pôva, nou 5ev é\o\Jv ovxpiKri aupnapàaxaori.»

Pour le rapport entre attente et souffrance, voir L.

COULOUBARITSIS, La proximité et la question de la souffrance

humaine, op.cit., pp. 417-424.

scènes comparables de violence à propos de l’exécution de leur père lors de la guerre civile, le propos révèle un autre contexte de vie, où l’on s’était habitué à un état de fait. Les trois orphelins (Kostis, Yannakis et Pavlos) se disputent sur l’héroïsme de leur père, chacun accentuant la violence de la mort de son père pour renchérir sur sa valeur. Bien entendu, Alexiou pousse vers une solution rationnelle : le fait que tous les trois pères donnèrent leur vie pour une cause juste, les met à égalité, car il n’y a rien de plus que donner sa vie. La fiction crée ici un effet qui perpétue la mémoire et conserve ses effets idéologiques. Mais, en fin de compte, Alexiou apparaît comme une militante, sereine certes, mais engagée, qui fait passer un habitus à travers un message. C’est peut-être là un élément qui révèle un type de roman ou de conte engagés, en utilisant la souffrance des enfants, des victimes d’un conflit. Quelques remarques encore peuvent éclairer davantage sa démarche. En effet, pour elle :

« C’est une question de mœurs et d’éducation depuis la plus jeune enfance’29. La question de l’usure et de la mort, comme une loi qui domine dans la nature, l’on doit y faire face dans chaque enseignement avec sérénité et naturel. La mort doit prendre le sens de la naissance. Chaque naissance est suivie de la mort. Et si une vie laisse à jamais des traces de création c’est une vie gagnée.

Voir à ce propos Aristote, Ethique à Nicomaque, 1103 b 25:

« Aev éxe I- PLKpf) ormaaia lo va cjuvriOi^eL kovelç anô iriv nto VUKpn TOU rjÀLKLa va evepYCL KaTct lov éva fj tov otXÀo Tpôno,

aXXÔL éxE i noXû laey^Xri aripaata, r\, KaXÛTEpa, e56 (iptaKeTai ôXr| r| aripaaEa »

« Ce n'est pas sans importance que l'enfant s'habitue dès son jeune âge à agir d'une façon ou d'une autre ; c'est même très important, mieux, c'est presque le tout»

Helli ALEXIOU, De très près, op.cit., p.236.

« Eivai ^qTripa eOiapoû xai aYtùyfiç anô tg piKpii gXiKLa. To 0épa irjç (p0opàç xai tou OavàTou, oav vôpoç nou ôeanôÇEL aTq cpuori, va ovT ipcTCDn L ÇeTaL oe Kà0E ÔLÔaoKaXia pE yaXf|vr| xai

cpuoLKÔTriTa. O 0âvaToç va naipvet Tg anpwLa Tqç YÉvvrjariç. Kà0E YÉvvriori aKoXou0ELTai anô to 0ôfvaTO. Kl ofv pia Çcûf| acpf|OE l lxvt] navTOT Lva 5r|pioupYLKà, Eivai Çü)f| KEpôLapévr). »

Cette présence continue de la mort a conduit Alexiou à apprendre à vivre avec elle et à ne plus la craindre. Remarquons qu’un autre élément qui l’a vraisemblablement aidée à accepter la mort, fut l’exemple de sa sœur Galatée qui, depuis les premières années de sa relation avec Nikos Kazantzakis, avait commencé à avoir peur de la mort ; cette phobie ne l’a jamais quittée et l’a accompagnée jusqu’à la fin de ses jours.’^’

Plus tard, à l’époque où elle écrit Bonheur tout puissant, Helli s’est tournée en arrière dans sa mémoire, et s’est aperçue qu’elle avait perdu pratiquement tous ses anciens compagnons. Elle s’est trouvée une fojs encore en présence de la mort, sachant cette fois-ci, que la sienne était inévitablement proche. Consciente que la mort est la seule certitude que tout être humain a dans sa vie, ne serait-ce que parce qu’elle est inéluctable et qu’elle attend chacun de nous à n’importe quel tournant, Alexiou a appris à ne plus s’en soucier, découvrant une forme d’ataraxie face au mystère que la mort recèle.

Il est certain que la mort a toujours tenu dans les pensées, dans les pratiques et dans la vie de tous les jours une place essentielle. Dans la Grèce antique, l’éthique épicurienne proposait une absence de crainte de la mort, proche de celle que, nous venons de le voir, est soutenue par Helli Alexiou. Epicure expliquait comment l’homme peut atteindre le bonheur^ en faisant la promotion de l’ataraxie (la tranquillité de l’âme). Or, la crainte de la mort est bien un obstacle majeur à cette ataraxie. Nous délivrer'^^ de cette crainte est dès lors une condition nécessaire pour acquérir la sagesse et le bonheur.

Helli ALEXIOU, Libation, op.cit., pp. 131-132.

Epicure disait : «Prends l'habitude de penser que la mort n'est rien pour nous. (...) Par conséquent, la connaissance de cette vérité que la mort n'est rien pour nous, nous rend capables de jouir de cette vie mortelle,non pas en y ajoutant la perspective d'une durée infinie,mais en nous enlevant le désir d'immortalité. (...) On prononce donc de vaines paroles quand on soutient que la mort est à craindre non parce qu'elle sera douloureuse étant réalisée, mais parce qu'il est

douloureux de l'attendre. (...) Le sage, au contraire, ne fait pas fi de la vie et il n'a pas peur non plus de ne plus

vivre : car la vie ne lui est pas à charge, et il n'estime pas

non plus qu'il y ait le moindre mal à ne plus vivre.» Lettre à

Ménécée, dans Lettres, Coll. Les intégrales de philo. Nathan,

Face à la question de la mort, le problème est de savoir comment chacun utilise sa vie. Pour Helli Alexiou, seulement l’homme-créateur peut gagner le pari de la vie et profiter des, joies terrestres. Si l’enseignement se voyait attribuer une mission générale, alors celle-ci consisterait à chercher à inculquer des idéaux aux esprits jeunes et de les guider vers une affirmation absolue de la vie. Dans ce contexte, quel est le rôle de l’enseignant? L’enseignant, animé par l’amour pédagogique doit découvrir la beauté, il ne doit pas uniquement déposer ses rêves sur l’esprit de l’enfant, mais il doit également les féconder.

Nous avons dit un peu plus haut que Alexiou pensait que « la mort doit prendre le sens de la naissance et chaque naissance est suivie de la mort ». Dans cette phrase nous pouvons entrevoir des idées d’une philosophie grecque plus ancienne que celle d’Epicure, c’est-à-dire la philosophie d’Héraclite, qui inspirera après des siècles le marxisme.

Nikos Gatsos, dans son poème /4/770/gü/, résume d’une façon remarquable l’essence de la philosophie d’Héraclite en deux vers :

« Jetez les morts dit Héraclite (...)

Et il vit dans la boue deux petits cyclamens qui s’embrassaient. »'^^

L’ « obscur» philosophe d’Ionie semble percevoir la vie comme, un phénomène de contrastes dialectiques. Le flux réversible entre l’existence et |a non existence, entre là vie et la mort, constitue une loi fondamentale de notre

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