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III. Troubles praxiques oraux

3. Cas particulier : les fentes oro-faciales

3.4. Fentes oro-faciales et troubles oraux

Chez l’enfant une division palatine entraîne une incompétence vélaire. Celle-ci n’est pas liée directement à la fente, mais aux modifications anatomiques des muscles du voile, et surtout à la désintégration des groupes péristaphylins internes et pharyngo-staphylins. Les anomalies suivantes sont constatées :

- Des insertions vélaires du péristaphylin interne et du pharyngo-staphylin qui sont aberrantes ; au lieu de s’insérer sur la partie médiane pour constituer une sangle avec le groupe controlatéral, ces muscles vont diriger leurs fibres de manière aberrante rendant sa contraction peu efficace voire inefficace.

- Le péristaphylin externe est peu développé et donc moins efficace. - Le cavum est plus large que la moyenne.

Ces particularités anatomiques ont des conséquences sur :

- La contraction vélaire : ces anomalies d’insertion vont annuler l’effet de sangle dont la contraction aboutit normalement à un recul et une ascension du voile. Il y a alors un recul insuffisant, un manque d’ascension, et même un effet d’élargissement de la fente.

- La fonction tubaire : les muscles qui permettent l’ouverture et la fermeture de la trompe d’Eustache sont les mêmes que ceux qui gèrent la fonction vélaire. C’est pourquoi les enfants ayant une insuffisance vélaire ont souvent un dysfonctionnement tubaire. L’enfant pourra présenter des otites séro-muqueuses et des atteintes de transmission de l’oreille moyenne.

Outre ces conséquences, nous pouvons avoir, dus à l’insuffisance vélaire, des mécanismes de forçage.

Il est possible d’observer des coups de glotte ou un souffle rauque. Le coup de glotte est un brusque accolement suivi d’une brusque détente des cordes vocales, qui produit un bruit qu’on entend à l’échappée de l’air. Il touche essentiellement les occlusives /p/, /t/, /k/, qu’il remplace par une occlusive glottale. Le souffle rauque consiste en un rétrécissement de la glotte sur les constrictives ; cela donne un son fricatif associé à une vibration des aryténoïdes.

Peuvent également être présentes des syncinésies faciales. Il s’agit également d’un mécanisme de forçage : l’enfant, n’arrivant pas à fermer sa zone vélo-pharyngée, contracte soit les muscles peauciers, soit la musculature péri-narinaire (froncement des sourcils, plissement du front...).

3.4.2. Troubles de l’articulation et de la parole

Dans l’ensemble, l’articulation et la parole de l’enfant porteur de fente est peu distincte, que ce soit par inertie, par insuffisance vélaire, par manque de pression intra- buccale. Il s’agit généralement d’une articulation amoindrie et nasonnée.

Les troubles d’articulation et de parole chez les enfants porteurs de fentes peuvent être liés à différents dysfonctionnements :

L’hypotonicité

Souvent, ce sont des enfants qui ont peu investi la zone oro-faciale et donc les organes phonateurs. Nous retrouvons souvent une inertie des organes participant à l’articulation. Chez eux, tous les types d’erreurs articulatoires peuvent être présents.

En ce qui concerne l’hypotonicité labiale (due généralement à la lèvre cicatricielle), les mouvements des lèvres peuvent être plus flous, ce qui donne une articulation imprécise, ou encore une délabialisation : ces enfants ouvrent peu les lèvres, et font sortir l’air par le nez, ce qui augmente la résonnance nasale.

A l’inverse, il peut y avoir un mauvais contact labial, avec pour conséquence des consonnes bilabiales qui deviennent labio-dentales, ou spirantes.

La mauvaise fermeture labiale favorise également les coups de glotte.

Enfin, le manque de tonicité de la lèvre peut entraîner des difficultés pour les phonèmes arrondis comme /u/ et /y/ ou /H/ et /j/.

En ce qui concerne l’hypotonicité linguale, les conséquences en seront des antériorisations, des postériorisations, ou des élisions de phonèmes. La langue n’ayant pas investi la zone buccale, elle pourra par exemple ne pas monter au palais, zone sensible pour ces enfants. Les phonèmes seront alors déformés par substitution du point d’articulation.

L’articulé dentaire

Si l’enfant présente un décalage incisif lié à une prognathie ou à une endognathie mandibulaire ou s’il y a agénésie de certaines dents, l’articulation des consonnes sera altérée, notamment celle des apico-dentales (/t/, /d/, /n/, /s/, /z/), qui seront émises en position interdentale.

Une mauvaise implantation dentaire entraîne un placement de la langue sur des points d’articulation erronés, et les consonnes antérieures peuvent être altérées, avec une position de langue anormalement postérieure.

Les appareils d’orthodontie, ou les plaques palatines d’expansion peuvent également gêner l’articulation.

Les troubles de l’articulé dentaire pourront donc entraîner un sigmatisme interdental, addental, latéral, ou occlusif.

Les troubles auditifs

Les enfants porteurs de fentes ayant souvent une audition touchée suite à une mauvaise perméabilité tubaire ou à des infections ORL fréquentes, nous retrouvons des assourdissements de phonèmes, voire des changements de points d’articulation.

3.4.3. Troubles de l’alimentation

Le palais dur a un rôle dans la gustation : la langue écrase les aliments contre le palais, mettant les récepteurs gustatifs au contact des aliments. Le voile, lui, joue un rôle dans la déglutition : à la fin du temps oral, il se relève et se contracte pour éviter le reflux des particules alimentaires vers les fosses nasales.

Les enfants porteurs de fente pourront, en raison de leurs anomalies organiques, avoir une alimentation perturbée. Nous retrouvons souvent chez les bébés des tétées longues et difficiles ; en effet, la dépression intra-buccale étant impossible, la succion est problématique. De même, le manque de remontée du voile entraîne un reflux nasal fréquent. L’association d’un reflux gastro-oesophagien est quasi-constante, avec des vomissements faciles aux changements de position.

Nous pourrons aussi retrouver un trouble en ce qui concerne la sensorialité. Les mouvements de la langue étant très limités, et cette dernière explorant peu la cavité buccale et n’effectuant que de rares mouvements d’élévation, les récepteurs gustatifs ne sont pas suffisamment stimulés, le goût est peu développé, et les fonctions de mastication et de déglutition se mettent en place plus difficilement.

Nous observons fréquemment des anomalies dentaires chez les enfants porteurs de fentes. Si l’occlusion est mauvaise, notamment au niveau prémolaire, la mastication va être perturbée, ainsi que l’auto-nettoyage dentaire durant la mastication.

3.4.4. La voix

La voix peut être altérée de différentes manières : Rhinolalie fermée

Le passage de l’air par le nez est impossible. La résonance nasale est diminuée, les phonèmes nasaux sont alors oralisés.

Rhinolalie ouverte

A l’inverse, l’air s’écoule trop abondamment par le nez. Divers troubles vocaux se retrouvent dans la rhinolalie ouverte :

- Le nasonnement : le timbre est nasonné ; sont surtout touchés le /i/, le /y/ et le /u/, ainsi que les voyelles au contact d’une constrictive ou d’une consonne sonore. - Le nasillement : il s’agit d’un déplacement de la voix vers les aigus. Le patient

essaye de réduire la fuite d’air par le nez par des contractions du pharynx, diminuant le volume de la cavité oro-pharyngée.

- Le ronflement nasal : c’est un bruit affectant les consonnes orales. Au moment de la fermeture des occlusives ou des constrictives, il se produit un petit ébranlement de la muqueuse dans la zone où devrait être la séparation des deux cavités.

- La déperdition nasale : il s’agit d’une fuite nasale lors de la phonation, elle s’entend plutôt sur les consonnes sourdes.

- La raucité vocale : l’enfant force pour fermer son voile, ce qui entraîne une raucité.

- L’intensité est souvent touchée, soit parce que l’enfant force et parle trop fort, soit parce qu’il a une voix faible et étouffée. Souvent, la coordination pneumo- phonique est mauvaise.

Rhinolalie mixte

C’est la combinaison d’une obstruction nasale et d’une incapacité de fermeture vélo-pharyngée. Par conséquent, les nasales sont de mauvaise qualité et les phonèmes oraux sont nasalisés.

3.4.5. La classification de la phonation

Chez les porteurs de fentes, il est possible de déterminer le type de phonation : il s’agit d’une classification proposée par Suzanne Borel-Maisonny, qui prend en compte le larynx, le souffle, la bouche, la résonance.

- Phonation 0 : pas de mots signifiants

- Phonation I : bonne intelligibilité, pas de nasonnement ou de déperdition nasale ; le voile ferme sur les végétations. Si des troubles de l’articulation s’y ajoutent, nous notons Ph I + Art ; si l’enfant présente une béance dentaire ou une dysmorphose, nous notons Ph I + Art + Stom.

- Phonation II : la déperdition nasale est permanente. Nous parlons de Ph II B si le timbre est légèrement nasonné mais que l’enfant reste intelligible. Si la déperdition nasale est massive, que l’intelligibilité est perturbée, et que peuvent être présents un souffle nasal ou un ronflement nasal, nous parlons de Ph II M. - Phonation III : il y a présence de coups de glotte et de souffle rauque, la parole

est inintelligible, elle est postériorisée et l’enfant n’utilise pas ses lèvres.

Phonations mixtes

Elles se retrouvent chez les enfants qui sont capables d’avoir une bonne phonation (en répétition par exemple) mais qui n’arrivent pas à s’appliquer en parole spontanée.

- Ph I/II : présence occasionnelle de déperdition nasale sur les phonèmes les plus fragiles (généralement les consonnes occlusives sourdes et les voyelles orales /i/ et /è/.

- Ph II/I : déperdition nasale mais avec une bonne possibilité de fermeture sur certains mots.

- Ph II/III : déperdition nasale constante avec présence de quelques mécanismes de compensation.