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2. Cadre théorique

2.3 Alliance thérapeutique

2.3.2 Orientation systémique : spécificités

2.3.2.3 Facteurs liés aux psychothérapeutes

Selon Salem (2012), il existe quatre postures thérapeutiques :

 La posture « compagnon » où le thérapeute est compréhensif, bienveillant et empathique (concerne surtout les psychothérapies de soutien ou des thérapies rogeriennes)

 La posture « guide » où le thérapeute montre la « voie à suivre » et où le modeling est le plus significatif

 La posture « enquêteur » où le thérapeute se présente en expert

 La posture « combattant » où le thérapeute confronte le patient au bénéfice secondaire de son problème et de sa souffrance, en attaquant son inertie, son manque d’estime de soi ou d’autrui par exemple, et se faisant lorsqu’une véritable alliance thérapeutique est établie entre eux, appelée « alliance conflictuelle »

Les qualités et attitudes du psychothérapeute peuvent se résumer comme suit, presque selon une charte, tirées du livre « Alliance thérapeutique et thérapies brèves » d’Isebaert et ses collègues en 2015 (Isebaert et al, 2015) :

Le thérapeute montre de l’intérêt, de la curiosité et de l’optimisme vis-à-vis des patients qui se sentent compris. Il accepte et écoute l’histoire des patients avec respect et sans préjugé. Il montre et ressent aussi de l’empathie. Il existe en effet une empathie émotionnelle et affective directe qui permet de ressentir « de l’intérieur » ce que ressent l’autre et de lui communiquer qu’on le ressent. Ceci passe, entre autres, via les neurones miroirs. Le thérapeute, par l’empathie émotionnelle et affective indirecte, essaye de communiquer dans sa parole et dans son attitude ce qu’il comprend des émotions du

patient par l’écoute et par l’observation. L’empathie cognitive consiste à montrer que l’on comprend la façon de penser de l’autre et à montrer que l’on la partage quand on peut, et que même si l’on ne la partage pas, on peut la respecter. L’empathie relationnelle regroupe les précédentes, se partage dans le système et peut-être un facteur de cohésion comme de dissension (Oughourlian, 2013). Le terme d’empathie utilisé en psychothérapie est souvent restreint à la résonance avec la souffrance du client ; dans ce sens, l’empathie est centrée sur le problème et la sympathie qui y correspond serait celle centrée sur les compétences.

L’empathie permet de s’observer soi-même pour mieux observer l’autre. Ce processus bien utile pour le psychothérapeute peut néanmoins aboutir à des erreurs d’estimation de la part de ce dernier qui doit conserver un esprit critique envers ses réactions empathiques, sinon il risque de développer des contre-attitudes.

Le thérapeute montre de la sympathie, entre autres, par le non-verbal. Toute sa sympathie converge aussi vers les compétences des patients. La sympathie se base sur quatre spectres : celui de l’amitié, l’attirance, l’amour et la tendresse. Encore une fois, il faut rester critique par rapport à ses quatre spectres puisque trop de sympathie pourrait amener le psychothérapeute à transgresser le cadre et à ne pas oser confronter son patient pour combattre les parties « d’identité malade » en lui. Néanmoins, comme le disait Whitaker, un des pères fondateurs de la thérapie familiale, si un psychothérapeute ne pouvait pas aimer un patient, il valait mieux le diriger vers quelqu’un d’autre (Isebaert et al, 2015). Le thérapeute est empreint de compassion, de soucis pour les patients et de réconfort. De même, il exprime reconnaissance et gratitude aux patients.

Le thérapeute est authentique tant dans ses motivations, que dans l’expression de ses émotions, que dans les commentaires positifs et les compliments qu’il fait et qu’il module via son empathie. Le thérapeute est « authentiquement enthousiaste ».

Salovey et Brackett ont défini le concept d’intelligence émotionnelle, popularisé par Goleman en 2004, que doivent posséder les psychothérapeutes dans un entretien. Ce concept comprend deux dimensions ; la dimension expérientielle qui correspond à la capacité à réagir avec émotion à la réalité et à l’intégrer et la dimension stratégique qui correspond à la capacité à gérer ses émotions et à les intégrer. Nous subodorons donc l’importance pour un psychothérapeute de manier avec adresse ces deux dimensions précitées (Brackett, Mayer & Warner, 2004 ; Salovey & Mayer, 1990 ; Salovey, Mayer, Goldman, Turvey & Palfai, 1995).

Une autre forme d’intelligence que doivent développer les psychothérapeutes dans une séance avec les patients est une intelligence souple permettant à ces derniers de se transformer en « explorateurs d’eux-mêmes », à l’image de ce que font les psychothérapeutes envers eux. C’est ce qu’on appelle la « mètis » (Isebaert et al, 2015).

En effet, par cette intelligence souple, cette « mètis », le psychothérapeute permet aux patients, par des questions adroites et par des suggestions indirectes, d’explorer leurs propres désirs, leurs propres forces, leurs propres ressources et compétences sans jamais leur dire ce qu’ils doivent faire. L’objectif, visé par avance, est de faire émerger, dans cette relation d’aide, le point où l’aide n’est plus nécessaire, où les patients sortent par eux-mêmes de l’emprise de leurs problèmes ou leurs symptômes (Detienne &

Vernant, 1978, cités par Isebaert et al, 2015).

Afin de montrer combien le thérapeute estime le patient, les commentaires authentiquement positifs ou les compliments authentiques sur les compétences diminuent les contre-attitudes. Les compliments favorisent la créativité et la motivation des patients. Ils sont aussi une transition des problèmes vers les solutions, en créant des contextes d’approbation et de respect mutuel. Entre autres, ils renforcent l’estime de soi du patient, permettent de négocier un mandat partagé, d’expliciter la philosophie de vie du patient ou de diminuer d’éventuels sentiments négatifs chez le psychothérapeute.

Notons aussi que les compliments indirects sont plus efficaces et efficients que les compliments directs. Par exemple, la question « comment avez-vous réalisé cela ? » est plus efficiente que l’affirmation suivante « c’est extraordinaire ce que vous avez réussi à réaliser ! ». En effet la réponse du patient est dans le premier cas un compliment qu’il s’adresse à lui-même dont l’effet positif est plus puissant qu’un compliment venant de l’extérieur. Il est important que ces compliments soient authentiques et sincères puisque ces qualificatifs sont la conséquence de l’empathie du thérapeute. Il est évident qu’il ne faut pas inonder la séance de compliments au risque de perdre sa crédibilité. L’humour peut être un outil très efficace pour formuler ce type de compliment indirect (Isebaert et al, 2015).

Quant à l’humour donc, le thérapeute l’utilise à bon escient. L’humour crée un lien humain entre patients et psychothérapeutes et semble permettre une ouverture. Il est un facteur favorisant l’alliance avec les adolescents et leur famille et nous y consacrerons donc un chapitre (voir chapitre 5.2.5)

Ceci nous mène à dire que l’importance dans cette relation qui se tisse entre le psychothérapeute et son patient est de l’ordre de l’accordage affectif (Stern & Fivaz-Depeursinge, 1997). Il s’agit d’une forme d’ajustement mutuel, tout en finesse, de sorte que chacun des partenaires sent ce que l’autre sent, et même sent que l’autre sent qu’il le sent. Oserions-nous parler ici d’ « accordage thérapeutique » ?

Nous voyons combien la relation ainsi créée entre le thérapeute et son patient est une relation intersubjective qui se tisse et se construit sur plusieurs niveaux.